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Logique profanatoire : Bruges-la-Morte de Rodenbach

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Luc Fotsing Fondjo Western Washington University

Résumé : Cette analyse du roman Bruges-la-Morte de Rodenbach navigue autour de deux pôles principaux : le sacré et le profane. Elle se propose moins de donner une réponse que de s’interroger sur l’irruption transgressive du profane dans la sphère du religieux. Nous étudions les rapports que l’homo religiosus, Hugues Viane, le personnage principal du roman, entretient avec le monde qu’il habite, or ce monde est structuré, défini en espace, en temps, en rituels et en dévotion. Nous procédons ensuite à une herméneutique de la profanation. La démonstration aboutit à la conclusion selon laquelle la misogynie est le paramètre central qui sous-tend le geste profanatoire de la religion du personnage décadent dans Bruges-la-Morte. Finalement, il en résulte que la « femme » devient un concept, un signe, une figure métonymique potentiellement moderne. Mots clés : profanation, sacré, misogynie, décadence, «fin de siècle»

 

Paru aux éditions Flammarion en 1892, Bruges-la-Morte de Rodenbach s’inscrit manifestement dans l’articulation d’un itinéraire inauguré par Huysmans avec À rebours. Huysmans en effet, dès 1884, prétend prendre des distances vis-à-vis du naturalisme. Cet itinéraire s’insère dans la catégorie des préoccupations esthétiques d’une génération d’écrivains « fin de siècle » qui vont assumer l’appellation subversive de « décadents ». Ce concept renvoie aux sentiments d’inquiétude, d’angoisse, de pessimisme teinte de résignation, lesquels seront mis en scène dans les textes littéraires. Bruges-la-Morte raconte l’ « histoire d’un veuf, retiré à Bruges dans le souvenir douloureux de sa défunte épouse, qui un soir rencontre une danseuse au physique semblable à celui de la morte[1] ». Le retrait à Bruges illustre une volonté de  détachement, une séparation, une rupture philosophique d’avec un monde pour un nouveau monde ; il s’agit d’une exclusion réactionnaire pour une réclusion radicale dans un environnement sacré, dont les marqueurs religieux sont censés être sinon exclusifs, du moins dominants. Mais l’enchevêtrement du statut d’amant et de l’idéal de célibat – qui est la religion du personnage décadent – devient troublant. C’est autour de ces deux pôles – du sacré et du profane – que va naviguer notre analyse qui se propose moins de donner une réponse que de s’interroger sur une incohérence : l’irruption transgressive du profane dans la sphère du religieux. Nous étudierons les rapports que cet homo religiosus qu’est Hugues Viane entretient avec le monde qu’il habite, ce qui nous permettra de mettre en évidence la poétique du sacré en suivant les manifestations de ce dernier dans la vie du personnage décadent. Il s’agira ensuite d’une herméneutique de la profanation dans le roman de Rodenbach. Plus clairement, il sera question de tester la validité de la misogynie comme le paramètre central qui sous-tend le geste profanatoire de la religion du personnage décadent dans Bruges-la-Morte.

Le roman de Rodenbach s’ouvre sur la nouvelle de la fixation du veuf célibataire, Hugues Viane, dans une nouvelle ville – Bruges – depuis cinq ans : « Voilà cinq ans qu’il vivait ainsi, depuis qu’il était venu se fixer à Bruges, au lendemain de la mort de sa femme[2] ». On voit tout le « poids géographique[3] » que revêt Bruges : cet espace apparaît de prime abord comme un lieu-refuge. En outre, l’isolement à Bruges pourrait se comprendre comme une tentative de résolution, au niveau de la conscience d’Hugues, de la crise existentielle qui s’est imposée à lui avec le décès de son épouse. On penserait à un isolement thérapeutique, mais de type particulier puisqu’il est auto-prescrit.  Mircea Eliade affirme que le sacré est « un élément de la conscience. Il se présente à chaque crise, à chaque évolution de la vie humaine, dès que l’homme veut dépasser sa situation vers un état qui revêt à ses yeux plus de valeur[4] ». Le sacré pourrait donc surgir à tout moment et en tout lieu. Il est potentiellement sporadique, circonstanciel ou contextuel. Sa particularité chez Hugues repose sur le fait que ce dernier en a fait un modèle de vie. L’affliction et la gestion de cette dernière, chez le personnage décadent, constituent le noyau de la philosophie qui fonde et justifie ainsi le sacré. La sacralité de la nouvelle existence d’Hugues à Bruges se réfère à un ensemble de rituels, de codes, de symboles, qui constituent finalement la religion de ce personnage décadent. Il ne s’agit pourtant pas, pour demeurer dans la logique du décadent, d’une religion à la base de laquelle il y aurait un dieu, car la religion « n’implique pas nécessairement une croyance en Dieu, en des dieux ou en des esprits, mais se réfère à l’expérience du sacré[5] ».

Par conséquent, tel que cela est mis en scène dans le roman de Rodenbach, la mise au ban volontaire et la capacité à se maintenir dans sa propre privation constituent, à juste titre, l’une des structures de l’imaginaire du sacré. L’isolement d’Hugues Viane[6] est exacerbé non seulement par son célibat – reconnu comme « la religion du décadent » – ou son exil brugeois, mais aussi par l’asocialité de ce personnage atypique qui rejette la société bourgeoise fondée sur le travail et la famille : Hugues n’a pas de profession et aucun discours narratif ne fait référence à ses liens filiaux : « Inoccupé, solitaire, il passait toute la journée dans sa chambre […]. Et il se répétait à lui-même : « Veuf ! Être veuf ! Je suis le veuf ! »[7] ». Permettons-nous de faire deux constatations ici : La première c’est qu’à travers son exclusion volontaire de la communauté, Hugues établit vis-à-vis d’elle une « relation d’exception ». Giorgio Agamben, qui élabore une synonymie entre la relation d’exception et la relation de ban, conçoit la première comme étant « quelque chose qui est incluse seulement à travers une exclusion »[8]. En effet, le sujet qui s’exclut de la communauté n’est pas pour autant absolument sans rapport avec elle. Le rapport avec la communauté est maintenu, mais seulement sous la forme de « suspension[9] », c’est-à-dire sous la forme de ban. Dans un tel contexte, l’existence est circonscrite à une sorte de « zone grise[10] » sociale, autrement dit à un seuil mobile où le social bascule dans l’asocial.

Deuxième constatation : la mise au ban volontaire d’Hugues vis-à-vis de la communauté constitue par ailleurs le fondement de la souveraineté. Se mettre au ban c’est se positionner en dehors d’une loi considérée comme impropre, impure ; c’est s’insérer du même coup à un environnement – imaginaire? – dont on établit les codes selon la conception souveraine que l’on se donne de l’idée de pureté ou de sacré. Agamben souligne ce lien logique entre l’exception et le pouvoir lorsqu’il affirme que « l’exception est la structure de la souveraineté[11] ».

Chez Hugues, dont l’imaginaire est celui de la « fin du siècle », la primauté est accordée à la vision apocalyptique de la vie. Il se contente de vivre la sacralité du présent qu’il s’est créé, sacralité remplie de symboles cultuels. J-P. Bertrand, J. Dubois et J. Pâque déclarent que les personnages décadents sont « tout entiers à leur position, tantôt statiques et tantôt immobiles, ils ne déplacent ni les mots ni les choses qui les entourent et qui ont été disposés à leur insu[12]. ». L’étroitesse de l’espace mythique de Bruges est propice au miroitement des symboles. C’est un espace qui se présente comme un étau qui part de la ville, passe par la maison d’Hugues au quai des Rosaires pour se resserrer sur la chambre, et plus spécifiquement sur le coffret de verre qui contient la chevelure-fétiche – hiérophanie[13] par excellence – de la morte :

Il y avait, dans ces deux pièces, trop de trésors, trop de souvenirs d’Elle et de l’autrefois pour laisser la servante y circuler seule. Il désirait pouvoir la surveiller, suivre ses gestes, contrôler sa prudence, épier son respect. Il voulait manier lui-même, quand il les fallait déranger pour l’enlever des poussières, tel bibelot précieux, tels objets de la morte, un coussin, un écran qu’elle avait fait elle-même. Il semblait que ses doigts fussent surtout dans ce mobilier intact et toujours pareil, sophas, divans, fauteuils où elle s’était assise, et qui conservaient pour ainsi dire la forme de son corps. Les rideaux gardaient les plis éternisés qu’elle leur avait donnés. Et dans les miroirs, il semblait qu’avec la prudence il fallut en frôler d’éponges et de linges la surface claire pour ne pas effacer son visage dormant au fond. Mais ce que Hugues voulait aussi surveiller et de tout heurt, ce sont les portraits de la morte, des portraits à ses différents âges, éparpillés un peu partout, sur la cheminée, les guéridons, les murs ; et puis surtout – un accident à cela lui aurait brisé toute l’âme – le trésor conservé de cette chevelure intégrale qu’il n’avait point voulu enfermer dans quelque tiroir de commode ou quelque coffret obscur – ç’aurait été comme mettre la chevelure dans un tombeau ! – aimant mieux, puisqu’elle était toujours vivante, elle, et d’un or sans âge, la laisser étalée et visible comme la portion d’immortalité de son amour ![14]

source : Flickr - creative commons : ·júbilo·haku·

source : Flickr – creative commons : ·júbilo·haku·

Le décor planté ici est celui d’un lieu d’une haute sacralité, d’un sanctuaire, d’un lieu de culte, autrement dit d’un territoire inviolable, improfanable. La hiérophanie de l’espace du personnage décadent de Bruges-la-Morte n’est pas naturelle comme le buisson ardent de Moïse[15], mais provoquée, souverainement constituée, car on sait que la conjointe d’Hugues n’avait pas vécu à Bruges avec lui, mais c’est après le décès de cette dernière qu’il avait décidé de son exil brugeois. Stanislas Deprez affirme que « même lorsqu’on provoque le signe on a recours à un messager, un intermédiaire non humain, donc à un élément déjà intégré au Cosmos et de ce fait porteur de révélation[16] ». L’intermédiaire non humain de la religion d’Hugues ne se réduit pas à un seul élément, mais à un ensemble de symboles, de trésors, de souvenirs qui sont un lien entre la morte et le présent ; mieux, des objets-eucharistiques, fondamentaux, qui perpétuent et immortalisent la morte, aussi contradictoire que cela puisse paraître. Ce sont : bibelot précieux, coussin, écran, sophas, divans, fauteuils, rideaux, miroirs, portraits, qui sont disposés dans une zone périphérique du fantasme du décadent, le centre étant réservé à un symbole d’inégale importance, extatique, pilier même de la religion d’Hugues : la chevelure de la morte. C’est le point focal qui fonde la religion de Viane, le centre par lequel a lieu la communication avec « le transcendant ». La chevelure est totalement assimilable à la morte selon une relation d’identité absolue : « [C]ette chevelure qui était encore Elle ». C’est la raison pour laquelle ce symbole religieux est entretenu avec soin ; il est le sujet d’une dévotion quotidienne : « Et, pour l’abriter des contaminations, de l’air humide qui l’aurait pu déteindre ou en oxyder le métal, il avait eu cette idée, naïve si elle n’eût pas été attendrissante, de la mettre sous verre, écrin transparent, boîte de cristal où reposait la tresse nue qu’il allait chaque jour honorer.[17] ». Le « chaos » du monde sécularisé et hétérogène avec lequel Hugues a rompu tout lien est remplacé, dans sa maison au quai des Rosaires, par un monde homogène doté de repères, exempte de toute dégradation, ordonné[18], bref, aussi sacré que la ville qui l’abrite.

En effet, Rodenbach met en scène une Bruges religieuse, surtout catholique, une ville à « mœurs sévères », où « des innombrables couvents, émane un mépris des roses secrètes de la chair, une glorification contagieuse de la chasteté »[19]. C’est le royaume du béguinage. Bruges c’est finalement une ville mythique, extraordinaire, étrangement morte, de laquelle la mer s’est retirée, caractérisée par ses canaux solitaires, ses eaux dormantes, ses monuments de saints, éléments du décor qui ont ceci de commun qu’ils sont placides, statiques, dénués de toute vie, d’où l’équation mystérieuse qui s’établit naturellement entre Bruges et la morte, pour le grand enthousiasme d’Hugues : « À l’épouse morte devait correspondre une ville morte[20] », comme une sacralité qui vient en rejoindre une autre pour une communion parfaite. Une fois l’espace valorisé, le personnage décadent va remplir le temps par le rituel, par une religiosité.

Le temps sacré tel qu’il apparaît dans Bruges-la-Morte est cyclique, et son caractère cyclique exprime le désir du personnage décadent de retourner au passé, de revivre le passé. Or le rituel lui permet d’atteindre cet objectif. L’isotopie de ce temps rituel dont la caractéristique est la répétition, la redondance, est inscrite dans le roman de Rodenbach : « [M]ais il aimait cheminer aux approches du soir […].[21] » ; « […] il se décida à son ordinaire promenade du crépuscule, bien qu’il ne cessât pas de pluviner, bruines fréquentes des fins d’automne […][22] » ; « Hugues recommençait chaque soir le même itinéraire […][23]. ». A l’opposé du temps profane, ce temps sacré est par sa nature même réversible, dans le sens qu’il est véritablement un temps mythique primordial rendu à nouveau présent. Le temps sacré est repérable et récupérable par exemple lors des pèlerinages[24] quotidiens d’Hugues, véritable chemin de croix[25] dont les stations sont respectées fidèlement, du moins avant que n’intervienne l’acte profanatoire. La fonction du rituel de promenade d’Hugues est moins de commémorer que de perpétuer, mieux, de recommencer un passé mythique en recherchant « des analogies à son deuil[26] », d’où le choix du soir, c’est-à-dire d’un temps crépusculaire[27] restituant le mieux le sentiment de deuil, de même que l’amour pour les canaux solitaires qui produisent un effet similaire.

Chez le décadent qui vit ainsi sans cesse plongé dans le passé, « la soif du sacré et la nostalgie de l’Être » ne coïncident pas, comme chez l’homo religiosus de Mircea Eliade, avec la vision optimiste de l’avenir ou de l’existence. Il n’est nullement question d’une expérience rituelle qui traduit la certitude ou le désir de pouvoir « recommencer périodiquement la vie avec le maximum de “chance”[28] ». Chez Hugues Viane, aucun horizon n’est encore possible. L’avenir n’a plus de sens, il n’existe plus. La vie n’a aucun but, aucune finalité. La nostalgie du passé traduit également le sentiment du vide du présent, d’un présent dépouillé de sa substance, d’un présent en décomposition. Il y a donc un refus du monde réel et un exil dans le rêve et dans l’imaginaire apocalyptique non seulement « fin de siècle », mais surtout « fin du monde ». La religion du décadent est le seul facteur capable de lui procurer une satisfaction. Mais celle-ci n’est-elle pas caractérisée uniquement par la précarité et l’éphémère, en ce sens qu’il y a irruption du profane dans le sacré ? Dans quel contexte pourrait-on inscrire la profanation qui rompt l’homogénéité de la religion du personnage décadent de Bruges-la-Morte ? Il nous semble nécessaire d’observer la figure féminine dans ses rapports avec Hugues Viane pour comprendre la représentation de l’être féminin dans l’imaginaire du décadent. En même temps, on verra davantage le lien entre le sacré et la souveraineté, en tant qu’il est le paramètre du déploiement d’un pouvoir hégémonique : l’expérience du sacré semble conférer le droit de tuer, lequel le personnage principal exerce sur la femme. Pour cause, cette dernière serait un facteur de souillure ou de sacrilège. La femme incarnerait la signification de la profanation sous une forme particulièrement radicale.

Bruges-la-Morte est un roman avec une grande économie de personnage, mais une supériorité numérique des personnages féminins sur le seul personnage masculin, surtout lorsqu’on prête attention aux rapports entre Hugues et les femmes qui l’entourent, du point de vue de sa loyauté à sa religion. On se rend très vite compte que ces rapports sont entachés de contamination, de dégradation, de corruption des unes sur l’autre. Ainsi, l’action initiée par Barbe – la femme de ménage – se déploie et s’accomplit pleinement avec Jane Scott – l’amante.

En effet, Hugues voit le dépoussiérage de ses salons par Barde, en son absence, comme l’acte inaugural de la profanation de sa religion, un sacrilège, une violation des recommandations, qui pour la première fois suscite le « mécontentement » d’Hugues envers sa servante, non sans changer la perception qu’il a de cette dernière dont il considère à l’occasion la « tyrannie innocente, [l]es manies de vieille fille et de dévote, [l]a volonté d’agir à sa guise, comme aujourd’hui encore où, à cause d’une fête anodine le lendemain, elle avait bouleversé les salons à son insu et en dépit de ses ordres formels[29]. ». Il s’agit en quelque sorte d’une réponse par la violence langagière à l’acte profanatoire de Barde. Le contact avec l’espace et les objets sacrés de la religion de Viane par Barde risque en effet de leur faire perdre leurs particularités, mais surtout de déstabiliser l’imaginaire de l’homo religiosus. Heureusement, la présence de ce dernier au lieu où a lieu la violation permet de remettre de l’ordre dans l’espace et les objets sacrés, autrement dit d’opérer une restauration rapide : « Hugues attendit pour sortir qu’elle eut rangé les meubles, s’assura que tout ce qui lui était cher fut intact et remis en place. Puis tranquillisé, les persiennes et les portes closes, il se décida à son ordinaire promenade du crépuscule […][30] ».

Même si le culte de Viane est restauré, l’acte transgressif de Barbe met en évidence la menace permanente dont l’univers d’Hugues est l’objet, son caractère instable, précaire ; la fragilité de cet univers religieux du personnage décadent, surtout au contact de la femme, c’est-à-dire de ce personnage féminin à qui semble être attribuée la responsabilité du malheur de l’homme, du moins si l’on s’en tient à la façon dont l’irruption de Jane dans la vie du décadent est présentée, ainsi que les implications de cette irruption.

L’intrusion de la femme dans la vie du veuf solitaire semble valider ces propos de Pierre Jourde : « En fait, la solitude, l’abstinence, relançant le désir, l’absence de partenaires semble paradoxalement aiguiser le sexe, le restituer à la réalité nue de la solitude[31] ». Toutefois, l’attirance qu’exerce Jane sur Hugues est présentée dès leur première rencontre comme une séduction moins dans le sens appréciatif de plaire, de conquérir l’admiration, que dans le sens péjoratif de détournement. Ainsi, la corruption, l’égarement, l’enchantement, l’envoûtement, l’ensorcellement, constitue l’isotopie qui convient à désigner la nature de la pression que Jane Scott exerce sur Hugues. Si Jane est présentée comme un « puits », c’est-à-dire un gouffre pour Hugues, c’est qu’elle est justement considérée comme l’envoûteuse, l’ensorceleuse. Quoi d’étonnant alors si à la regarder simplement, Hugues se met à « chavirer une minute[32] » ; comment expliquer autrement qu’après cinq années d’un rituel qui consiste à suivre fidèlement un itinéraire à une heure précise, Hugues l’infléchit subitement : « [I]l rétrograda, abandonna le quai qu’il descendait et se mit soudain à la suivre […]. Hugues semblait de plus en plus étrange et hagard[33]. ».

Devant la figure spectrale que revêt la femme aux yeux du personnage décadent et de la philosophie « fin de siècle » en général, le héros de Bruges-la Morte perd toutes ses facultés, son humanité : « Hugues ne s’arrêta pas … Il était devenu une volonté inerte, un satellite entraîné[34] ». Il faut voir l’apparition d’Hugues au théâtre, sous ce qui se présente comme l’influence de Jane, comme une étape supérieure de la dégradation de la religion du personnage décadent par le féminin, lequel exerce sur Hugues une puissance presque hypnotique, car cette victime de la femme ne prend conscience de sa présence au théâtre qu’après coup : « Il commença à regretter son action irréfléchie. D’autant plus qu’on avait remarqué sa présence et qu’on s’en étonna […][35]. ». Le théâtre en effet constitue un lieu mondain d’inégale vulgarité dans cette ville brugeoise, c’est-à-dire un espace profane. Celui qui était jusqu’alors séparé du monde sécularisé est rendu, par le pouvoir envoûtant de la femme – pourrait-on dire – à la sphère du profane, à l’espace commun. Cet acte de reconversion ou de rétrogradation est perçu par les Brugeois – la présence d’Hugues au théâtre, par son caractère inhabituel, n’a pas laissé ces derniers indifférents – comme « presque la fin d’une légende[36] » : celle du veuf inconsolable. Cette violation préfigure la décadence des piliers de la religion d’Hugues dont la visibilité était jusque-là publique. L’effondrement de ces piliers publiquement visibles va en outre apparaître comme l’un des revers de l’acte sexuel entre Jane et Hugues.

Comment comprendre que le veuf dont le statut inconsolable est devenu sacré, en vient au sacrilège que représente l’acte sexuel avec une autre femme? La tonalité dans laquelle les faits sont présentés dans le roman de Rodenbach prend Hugues Viane pour la victime de la femme, car

[E]n regardant Jane, Hugues songeait à la morte, aux baisers, aux enlacements de naguère. Il croirait posséder l’autre, en possédant celle-ci […]. Et il ne tromperait même pas l’Épouse, puisque c’est elle encore qu’il aimerait dans cette effigie qu’il baiserait sur cette bouche telle que la sienne […]. Sa passion ne lui apparut pas un sacrilège mais bonne, tant il dédoubla ces deux femmes en un seul être […][37].

L’impression, mieux, le fantasme de l’identification entre Jane et la morte, n’obéit qu’à une logique d’aveuglement dont Hugues est l’objet, du fait de la force ensorcelante de Jane. Après la possession physique de Jane, Hugues, ayant alors confronté la réalité du corps de Jane, la voit désormais comme un être simplement charnel. Pris dans une telle logique, la religion d’Hugues est désormais pratiquée presque à rebours : La tristesse et la solitude  jadis aimées deviennent banalisées : « Comme sa vie avait changé ! Il n’était plus triste. Il n’avait plus cette impression de solitude dans un vide immense[38]. ». L’itinéraire rituel est désormais subverti (« la dernière station [du] culte » de Viane se fera dorénavant chez Jane[39]) alors que le temps rituel est aboli : « Il venait aussi la voir à d’autres heures, en plein jour, le matin ou dans l’après-midi[40] ». En outre, si la « ville veuve » de Bruges semble « surgir de son tombeau[41] », si elle semble renaître aux yeux d’Hugues, c’est justement parce que ce dernier a profané cette ville de dévotion et de chasteté par son acte d’impiété. Bref, il y a chez Hugues une chute du religieux, pas une disparition, car ses réflexions en expriment encore les structures symboliques.

La prise de conscience de la part du personnage décadent de l’influence dont il serait l’objet de la part de forces implacables illustre le fait que ces dernières n’ont pas encore réussi à le débarrasser de l’homo religiosus : « Est-ce qu’il n’y avait pas quelque fondement à ces appréhensions de pouvoirs occultes et d’envoûtement ?[42] ». L’allusion ici est faite, une fois de plus, à la femme, et Hugues se trouve désormais face à une alternative : soit aller vers une existence radicalement désacralisée, soit se tourner à nouveau vers le sacré. Cette dernière option semble la meilleure, « mais comment remédier à la déchéance vis-à-vis de lui-même, à son deuil tombé dans le ridicule, à cette chose sacrée, qu’étaient son culte et son sincère désespoir, devenu la risée publique ?[43] ». Seul un paramètre sacrificiel, une effusion de sang, apparaît comme la voie vers la restauration de la religion bafouée. Hugues en est d’ailleurs conscient : « Et n’était-ce pas comme la suite d’un pacte qui avait besoin de sang et l’acheminerait à quelque drame ?[44] ». On voit dès lors les signes prémonitoires du meurtre qui sera perpétré au moment où le mécanisme profanatoire manœuvré par la femme est à son apogée.

Il faut en effet voir la présence de Jane Scott dans la maison d’Hugues au quai des Rosaires comme déjà une combinaison dangereuse entre le sacré et le profane ou le vulgaire, comme une souillure d’un environnement sacré. Par ailleurs, peu importe que les objets sacrés pour une religion soient totalement profanes pour telle autre. Jane à qui Hugues n’a jamais expliqué le fonctionnement de sa religion est tenue pour responsable de ses actions profanatoires. D’ailleurs, n’ayant aucune élévation d’esprit, n’étant caractérisée que par la vulgarité et la bêtise, elle n’avait pas pu apprécier les robes chargées de sacralité et de poésie à lui offertes par Hugues. Comment pourrait-elle agir autrement en cette autre circonstance ? De ses « doigts profanes[45] » elle touche aux objets sacrés, effleurant ainsi la « sainteté de la morte », alors Hugues et les « man[ie] qu’en tremblant ». Pendant ce temps, elle ose rire, plaisanter. Mais le moment paroxysmique de la profanation arrive lorsque Jane ose toucher à la fameuse chevelure. Dès ce moment alors,

Hugues était devenu  livide. C’était la profanation. Il eut l’impression d’un sacrilège… Depuis des années, il n’osait toucher à cette chose qui était morte, puisqu’elle était d’un mort. Et tout ce culte de relique, avec tant de larmes granulant le cristal chaque jour, pour qu’elle servît enfin de jouet à une femme qui la bafoue… Ah ! depuis longtemps elle le faisait assez et trop souffrir.[46]

Il est frappant de noter la pertinence de la trajectoire qui part de l’individualisation de la femme (Jane) par Hugues à sa généralisation ou sa typification dans la citation suscitée : « une femme ». Jane n’a plus d’individualité : elle est dissoute dans un ensemble qui est frappé d’un déterminisme commun, c’est-à-dire une espèce, une catégorie constituée de femmes dont le trait commun est de perdre l’homme, de détruire le sacré. Ce sont, comme dit Charles Baudelaire – le poète décadent[47] –, des « êtres de rechute pour l’Homme, – ces éveilleuses de mauvais désirs, ces initiatrices de joies réprouvées [qui] peuvent glisser, inaperçues […]. Malheur à qui s’habitue au bercement de ces endormeuses de remords ! […][48] ». Bruges-la-Morte, on le voie, s’insère donc dans le fantasme de la misogynie fin de siècle. La mort de Jane obéit à la logique d’un crime rituel décriminalisé, indispensable pour la restauration de la religion et de la quiétude du souverain décadent chez qui l’état d’âme du sacré coïncide avec le droit de tuer. C’est pour cette raison que Hugues n’a aucun regret après le crime qu’il commet, sa paix est restaurée : « Hugues, l’âme rétrogradée, ne se rappela plus que des choses très lointaines, les commencements de son veuvage, où il se croyait reporté… Très tranquille, il avait été s’asseoir dans un fauteuil. ».

En définitive, le sujet décadent de Bruges-la-Morte de Rodenbach est frappé d’un double statut paradoxal : réfugié dans la sacralité d’une vie de « tour d’ivoirisme[49] », autrement dit de renfermement, de réclusion en marge de la société vulgaire et sécularisée, il se nourrit pourtant de vulgarités. Il s’agit du refus d’une mode qui revient en quelque sorte à la mode. La sacré et le profane, le pur et l’impur cohabitent et s’entremêlent dans son univers. Mais s’il y a intrusion du profane, c’est bien à cause de la femme. C’est cette dernière qui est à l’origine du mélange, de la mixité, mais surtout de la contamination, de la corruption, de la dégradation. C’est que la femme, typifiée, est l’enchanteresse, l’envoûteuse, l’ensorceleuse ; c’est celle dont il est dit dans La curée  qu’elle est un « monstre à tête de femme[50] », celle par qui la perte de l’homme arrive. Bref, la misogynie apparaît comme le paramètre qui sous-tend l’acte profanatoire dans la religion du personnage décadent du roman de Rodenbach. La femme apparaît comme la signification anthropologique du pouvoir absolu du « religieux » de la fin du siècle (le XIXe), sous une forme assez radicale. Dans l’imaginaire « fin de siècle », elle est l’holocauste. Or en mettant ce postulat en perspective, « la femme » devient un concept, un signe, mieux, une figure métonymique potentiellement moderne pouvant se substituer au Juif, au Noir, au Blanc, au chrétien, au musulman, à l’immigré ou à tout ce/ceux qui, à un moment ou à un autre, pourai(en)t constituer une entorse ou une rupture dans l’homogénéité de l’univers sacré construit par le « religieux » moderne. C’est d’ailleurs au niveau de cette religion que se situe une autre ambivalence: le décadent, qui a déclaré la mort de Dieu, adopte des conduites religieuses ou parareligieuses et dès lors resurgit la question nietzschéenne du comment sortir non religieusement de la religion, autrement dit, du comment se passer de la sacralité[51]. Bref, l’écriture romanesque de Bruges-la-Morte se déploie à travers le multiple et le contradictoire. Nous affirmerons avec Pierre Jourde, comme pour le cas d’À rebours, que le terme « décadent » y « paraît devoir désigner moins un contenu précis que l’impossibilité de se trouver, l’incapacité de se reconnaître dans une quelconque définition[52]. ». On pourrait en dire autant du terme « sacré ».

Référence :

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Marilène Raiola, Paris, Seuil, 1997 (Titre original : Homo Sacer. I : Il potere sovano e la nuda vita, Torino, Giulio Einaudi editore, 1995).

— Ce qui reste d’Auschwitz: L’archive et le  témoin, Homo Sacer III, traduit de l’italien par Pierre Alferi, Paris, Payot & Rivages, 1999.

Jean-Yves Frétigné et François Jankowiak, La décadence dans la culture et la pensée politiques,

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— A vau-l’eau, Paris, Mille et une Nuits, 2000.

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Alliance Biblique Universelle.

Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965.

— La nostalgie des origines, Paris, Gallimard, 1971.

Rodenbach, Bruges-la-Morte, Paris, Flammarion, 1998.

Stanislas Deprez, Mircea Eliade: la philosophie du sacré, Paris, L’Harmattan, 1999.

Sophie Spandonis, «  Du politique dans la poétique, Le discours idéologique de quelques

écrivains de la décadence en France à la fin du XIXe siècle », in La décadence dans la culture et la pensée politiques, Espagne, France et Italie (XVIIIe-XXe siècle), Études réunies par Jean-Yves Frétigné et François Jankowiak, École française de Rome 2008, pp. 205-219.

Sylvie Taussig, « Où est la morte Bruges ? Sur le roman de Georges Rodenbach », Les

Dossiers du Grihl [En ligne], 2014-01 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 24 mars 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/6000 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.6000

 


[1] D. Grojnowski et J-P. Bertrand¸ « Présentation », Bruges-la-Morte, Paris, Flammarion, 1998, p. 35.

[2] Bruges-la-Morte, p. 52.

[3] Sylvie Taussig, « Où est la morte Bruges ? Sur le roman de Georges Rodenbach », Les Dossiers du Grihl [En ligne], 2014-01 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 24 mars 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/6000 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.6000

[4] Mircea Eliade, La philosophie du sacré, Paris, l’Harmattan, 1999, p. 89-90.

[5] Mircea Eliade, La nostalgie des origines, p. 9.

[6] On pense également à la solitude de des Esseintes dans À rebours de Huysmans, celui qui est reconnu comme étant le principal représentant de l’esthétique « fin de siècle ».

[7] Bruges-la-Morte, p. 52.

[8] Giorgio Agamben, Homo Sacer: Le pouvoir souverain et la vie nue. Traduit de l’italien par Marilène Raiola, Paris : Seuil, 1997 (Titre original : Homo Sacer. I : Il potere sovano e la nuda vita. Torino : Giulio Einaudi editore, 1995), p. 19.

[9] Agamben, Ibidem, p. 25.

[10] Agamben partage l’avi de Levi pour qui la «zone grise» désigne une zone dans laquelle se déroule la « longue chaîne qui lie la victime aux bourreaux », l’opprimé y devient oppresseur, le bourreau y apparaît à son tour comme une victime. Alchimie incessante et grise, où le bien, le mal, et avec eux tous les métaux de l’éthique  traditionnelle atteignent leur point de fusion : Ce qui reste d’Auschwitz: L’archive et le  témoin, Homo Sacer III, traduit de l’italien par Pierre Alferi, Paris : Payot & Rivages, 1999, p. 23. Ce sont les caractères paradoxal et antinomique de cette zone sociale fantasmée que nous mettons en évidence ici.

[11] Agamben, Homo Sacer, Op. Cit., p. 36.

[12] J-P. Bertrand, J. Dubois, J. Pâque, Le roman célibataire. D’À rebours à Paludes, Paris, 1996, chapitre 6, cités par Sophie Spandonis, «  Du politique dans la poétique, Le discours idéologique de quelques écrivains de la décadence en France à la fin du XIXe siècle », pp. 205-219, in La décadence dans la culture et la pensée politiques, Espagne, France et Italie (XVIIIe-XXe siècle), Études réunies par Jean-Yves Frétigné et François Jankowiak, École française de Rome, 2008, p. 208.

[13] Objet immédiat qui s’est transmué en réalité surnaturelle : Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965, p. 15, 16.

[14] Bruges-la-Morte, pp. 57, 58, 61.

[15] Bible: Exode chapitre 4, versets 2 à 4.

[16] Stanislas Deprez, Mircea Eliade: la philosophie du sacré, op. cit., p. 101.

[17] Bruges-la-Morte, p. 61-62.

[18] De manière similaire, des Esseintes dans son isolement dans sa maison de Fontenay se fabrique un monde artificiel dans lequel il se sent « parfaitement heureux »: Huysmans, À rebours, op. cit., p. 82.

[19] Bruges-la-Morte, p. 117.

[20] Bruges-la-Morte, p. 66.

[21] Ibidem, p. 54.

[22] Ibidem, p. 63.

[23] Ibidem, p. 65.

[24] Ibidem, p. 205.

[25] Ibidem, p. 138. La même expérience du temps est vécue chez M. Folantin, le personnage décadent de À vau-l’eau de Huysman, p. 383.

[26] Bruges-la-Morte, p. 54.

[27] Ibidem, p. 122.

[28] Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965, p. 82.

[29] Bruges-la-Morte, p. 63.

[30] Idem

[31] Pierre Jourde, Huysmans – À rebours : l’identité impossible, Genève, Slatkine, 1991, p. 65.

[32] Bruges-la-Morte, p. 77.

[33] Idem

[34] Bruges-la-Morte, p. 89.

[35] Ibidem, p. 93.

[36] Bruges-la-Morte, p. 93.

[37]Ibidem, p. 107.

[38] Ibidem, p. 137.

[39] Ibidem, p. 142.

[40] Bruges-la-Morte, p. 181.

[41] Ibidem., p. 125.

[42] Ibidem., p. 190.

[43] Ibidem., p. 225.

[44] Ibidem., p. 190.

[45] Bruges-la-Morte, p. 266.

[46] Ibidem., pp. 267-268.

[47] Nietzche, Le gai du savoir, Paris, Flammarion, 1997, p. 16.

[48] Baudelaire, Charles, Journaux intimes, in Œuvres complètes, t. I, Bibliothèque de la Pléiade, 1975, cité par Chantal Collion Diérickx, La femme, la parole et la mort dans Axel et l’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam, Paris, Champion, 2001, p. 201.

[49] L’expression vient de Jules Huret dans une enquête intitulée « Littérateurs et la politique » (1893), cité par Sophie Spandonis, «  Du politique dans la poétique, Le discours idéologique de quelques écrivains de la décadence en France à la fin du XIXe siècle », pp. 205-219, in La décadence dans la culture et la pensée politiques, Espagne, France et Italie (XVIIIe-XXe siècle), op. cit., p. 207.

[50] Émile Zola, La curée, Paris, Gallimard, 1981, p. 216.

[51] Nietzsche dans un extrait de Gai Savoir, 1884, affirme : « Quelle eau pourrait nous laver ? Quelles expiations, quel jeu sacré serons-nous forcés d’inventer ? », p. 125.

[52] Pierre Jourde, Huysmans – À rebours : l’identité impossible, Genève, Slatkine, 1991, p. 101.

1 Comment

  1. Voir mon étude sur le site bruges-la-morte.net intitulée « Le secret de Bruges-la-Morte. La Sophia supérieure (la Morte) et la Sophia déchue (Jane Scott) me semblent le thème central de ce roman initiatique.
    La misogynie de Rodenbach est d’ailleurs ambivalente, pour preuve cet extrait de sa conférence sur Schopenhauer : « Les nations les meilleures furent celles qui les honorèrent et les favorisèrent le plus. Tacite le constatait déjà à propos des Germains. Au contraire, le décroissement du respect et de la liberté des femmes a toujours été un signe des décadences de l’ordre social. Schopenhauer, un des premiers, a semé ainsi la désaffection et l’irrespect de la femme dans toute la jeunesse et la littérature contemporaines. »

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