Penser les addictionsune

L’addiction n’est-elle qu’une mauvaise habitude ?

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Benjamin Descotes-Genon – ENS Paris – La République des Savoirs.

 

Il semble compréhensible de refuser à l’addiction le statut de simple habitude, afin d’éviter la responsabilisation sociale des individus souffrant d’addiction, voire leur stigmatisation au prisme d’une évaluation socialement normative du phénomène. Cependant, distinguer ainsi l’addiction de l’habitude pourrait la réduire à nouveau aux seules normes médicales, plutôt déterministes. Par une analyse conceptuelle de l’habitude, nous suggérerons que l’addiction peut être conçue comme un cas particulier d’habituation, dans un modèle général de l’adaptation. Nous montrerons en outre que l’addiction est mieux comprise comme une habitude non intégrée à la subjectivité. Elle reste problématique pour le libre arbitre en raison de la circularité de la croyance et de la pratique, ainsi que toute habitude existentielle.

Asbtract : Is addiction a simple « bad habit » ? It appears reasonable to deny addiction the status of simple habit, in order to avoid the social stigma of addicts and the implicit evaluation of the phenomenon in terms of social norms. However, such a distinction might reduce it to other, rather deterministic medical norms. Through a conceptual analysis of habit, we will suggest that addiction might be conceived as particular case of habituation in an broad model of adaptation. We will further show that addiction is better understood as a failed integration of habit to subjectivity. It challenges the free will of the agent, due to the circularity of belief and practice, in the same way any existential habit does.

Introduction

 

« L’addiction n’est-elle qu’une ‘mauvaise habitude’ ?» : on voit bien que la question est pour ainsi dire « piégée », tant elle implique, dans sa formulation comme dans ses réponses, des prises de position scientifiques, mais aussi morales et politiques, avec de lourdes conséquences sur le traitement des personnes qui souffrent d’addiction. En effet, dire que l’addiction n’est qu’une « mauvaise » habitude, c’est estimer que la personne dépendante dispose de son libre-arbitre, et serait capable d’abandonner sa drogue ou son comportement compulsif, si elle le voulait vraiment. Même si l’habitude tend à transformer des actions volontaires en automatismes, chacun semble pourtant capable de changer l’une de ses habitudes, par un effort suffisant. Dans ce schéma de pensée, les personnes souffrant d’addiction sont alors considérées comme responsables de leurs actes, et à ce titre, comme moralement corrompues, jusqu’à souhaiter parfois, du moins inconsciemment, conserver leur addiction. Car dire d’une habitude qu’elle est « mauvaise », non pas au sens de « nocive mais de « moralement répréhensible, revient à considérer l’addiction comme l’expression d’un tempérament éthique caractérisé par des valeurs qui ne correspondent pas à celles de la société, et par une indulgence trop grande envers soi-même.

La difficulté de répondre à une telle question est redoublée quand on considère en premier lieu que l’addiction est un concept d’usage récent. Issu d’une réunification des différents comportements de dépendance, au nom d’un « air de famille » (au sens wittgensteinien) qui va au-delà de la toxicomanie, il met davantage l’accent sur la fonction de la conduite. Le rapprochement entre les dépendances aux substances psychoactives et diverses formes de comportements (jeu pathologique, achats compulsifs, boulimie) se justifie par des traits communs : tolérance, syndrome de sevrage, impulsion irrépressible à reproduire la conduite, et même focalisation de l’existence autour de la dépendance. Mais dans la mesure où la recherche s’appuie sur le cas pathologique et « dramatique » de la toxicomanie pour penser ces addictions comportementales ou « nouvelles addictions », la tentation est grande de souligner au contraire leur différence ; on ne saurait identifier, par exemple la dépendance physique à la cocaïne et un « usage problématique» d’Internet. Le risque de cette extension est de transformer en maladie quantité de simples habitudes et, à rebours, de faire perdre la spécificité nosographique de conduites clairement pathologiques.

En second lieu, la notion d’habitude elle-même ne présente pas une conception unitaire : elle peut renvoyer à une coutume sociale et répandue, à une pratique individuelle, à une certaine disposition de la personnalité, à une croyance structurante, ou à des pensées automatiques. Dès lors, au lieu de chercher une réponse définitive, nous essaierons de montrer que la question est mal posée, et que l’enjeu est moins la réponse que l’identification des impensés qu’elle traduit, ainsi que la réflexion sur les concepts qu’elle implique.

Source : freeimages.com

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La réponse faisait autrefois moins problème : les toxicomanies avant le 20e siècle étaient comprises comme de « mauvaises habitudes », tel l’alcoolisme, qui n’était que la conséquence dernière de la dégradation morale de l’individu. Ce n’est que tardivement que la pharmacodépendance a été identifiée comme une maladie, notamment à partir des travaux de Jellinek qui ont servi de fondement aux taxinomies cliniques et psychiatriques[1]. Ce « modèle de la maladie » soutient que :

« L’alcoolisme et la dépendance aux drogues ne sont pas des problèmes de volonté ni même le résultat d’une habitude profondément enracinée de consommation récurrente et excessive (…) la dépendance aux drogues et à l’alcool est une maladie physique.[2] »

Ce refus de considérer les addictions aux substances comme de simples habitudes est revendiqué pour éviter la stigmatisation des personnes toxicomanes et l’évaluation morale sous-jacente au rapprochement. Il s’agit de lutter contre la normativité sociale à l’égard des dépendances (c’est-à-dire d’éviter d’évaluer le phénomène à l’aune des normes imposées par le groupe social), et de rappeler la perte de liberté de l’individu qui en souffre : parler d’une « habitude », c’est juger en fonction des normes socialement acceptées en négligeant les contraintes réelles subies par le sujet dépendant. Mais ce modèle affronte depuis quelques années une autre interprétation du phénomène. En effet, sans nier le soubassement neurologique de la dépendance et la complexité des facteurs agissants, les recherches en science de la cognition et du comportement mettent en avant les dysfonctionnements dans l’apprentissage présents chez les personnes dépendantes. Les modèles et traitements comportementaux ou cognitivo-comportementaux (T.C.C.) soulignent le rôle du conditionnement dans l’addiction. Les sujets dépendants ont eu tendance à répéter les comportements qui ont été suivis de gratifications, ou qui leur ont paru avoir des conséquences positives[3], ce qui peut être assimilé à une forme d’habituation. La thérapie consistera alors en un « déconditionnement », sans avoir recours aux « douze étapes » des « thérapies de conversion » (type Alcooliques Anonymes) issues du modèle de la maladie.

Pour accentuer cette distinction entre maladie et conditionnement, on peut rappeler les positions d’un T. Szasz, psychiatre américain, qui considère explicitement les dépendances aux drogues comme de mauvaises habitudes, affirmant dès 1972 que « Les mauvaises habitudes ne sont pas des maladies [4],» dans une perspective plus politique que médicale. Et pour cause : selon Szasz, cette identification de l’alcoolisme et des toxicomanies permet aux Etats-Unis un quasi-internement des « malades » contre leur volonté et une substitution du pouvoir médical et étatique aux décisions individuelles. Dans le cadre des lois américaines, « l’automédication est aujourd’hui une transgression criminelle, punie comme telle et plus sévèrement que l’agression d’autrui.[5] » Cette position s’oppose à l’institution médicale associée au contrôle de l’État qui procède à une médicalisation des « déviances ». Elle a été reprise par M. Fitzpatrick qui souligne que ce sont les œuvres de fiction (et l’ « industrie de l’addiction »[6]) qui nous influencent dans notre image d’un syndrome de « sevrage » atroce et insoutenable, alors même qu’une très grande majorité des personnes dépendantes aux substances parviennent à s’arrêter d’elles-mêmes, tout comme si elles abandonnaient une simple habitude. Ces réductions de l’addiction à l’habitude semblent avoir de leur côté un ensemble de données empiriques sur les phénomènes de « rémission spontanée » (spontaneous remission) : c’est-à-dire que beaucoup, peut-être la majorité, de ceux qui changent leurs comportements addictifs le font par eux-mêmes, sans traitement formel[7].

On voit bien que le « modèle de la maladie » permet de contrer la normativité sociale à l’œuvre dans le regard sur les addictions comme simples habitudes. Mais en retour il introduit une normativité médicale (voire politique), qui paraît évacuer le rôle du conditionnement individuel et surtout social des individus. Faut-il pour autant en revenir à la « mauvaise habitude » ? Penser ici les addictions à la lumière d’une réelle analyse conceptuelle de l’habitude permettrait d’éclairer ces phénomènes en donnant sa juste place à l’ordre social, sans identifier ou distinguer radicalement habitude et addiction. Nous commencerons par réinsérer les addictions dans le phénomène anthropologique plus général de l’habituation et de la plasticité. Puis nous formulerons la thèse descriptive selon laquelle l’addiction emprunte des voies adaptatives similaires à l’habitude. Enfin nous avancerons la thèse explicative selon laquelle l’addiction se détache de manière problématique et circulaire dans le cadre d’un système d’habitudes singulières.

L’addiction sur fond d’habitude

 

            Dans l’habitude, la répétition du même produit quelque chose de nouveau. Pour une définition provisoire et simplifiée de celle-ci, on dira qu’elle désigne une tendance à renouveler une conduite ou une manière de penser, suite à la répétition passive ou active de la même opération. On peut distinguer l’habitude comme processus, ou habituation (« s’habituer à ») et l’habitude comme résultat ou disposition (« être habitué à »). Pour Hegel, cette capacité à acquérir des habitudes suite au simple processus marque la naissance de l’esprit et la profonde contingence de nos pratiques à l’égard des déterminations biologiques[8]. Par elle, nous ne sommes plus soumis aux contraintes instinctuelles et elle autorise l’acquisition virtuellement infinie de nouvelles conduites.  Ainsi, l’habitude serait l’un des aspects de notre plasticité générale, de notre ouverture à l’intégration profonde de modifications volontaires ou reçues de l’environnement, confirmée par les découvertes récentes sur la plasticité neuronale de l’organe cérébral.

            Une telle liberté de se façonner soi-même en s’écartant des conditions biologiques nous rend responsables de tous nos apprentissages et conditionnements. Mais elle nous rend aussi responsables, selon Rousseau, de nos potentielles pratiques autodestructrices :

            « C’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent  la fièvre et la mort ; parce que l’Esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore, quand la Nature se tait.[9] »

            L’habitude est donc une « puissance des contraires », puisqu’elle permet aussi bien notre perfectionnement collectif et individuel que la transformation des volitions humaines en besoins morbides (au sens où ils provoquent des maladies). L’addiction est comme le revers de l’habitude : notre autonomie vis-à-vis de l’organique nous conduit à détourner certaines fonctions physiologiques de leurs finalités « naturelles », de même que les drogues sont des médicaments détournés de leur usage[10]. Nous pouvons nous habituer à tout en fonction de nos choix, mais nous pouvons paradoxalement acquérir en retour des habitudes qui nous enchaînent à des besoins nouveaux, contraignant à la répétition.

            Concevoir l’addiction comme un effet indésirable de notre capacité d’habituation ne signifie pas qu’elle soit librement modifiable, puisque l’habitude elle-même est souvent assimilée à la nécessité et à la spontanéité naturelle. Selon la proposition bien connue d’Aristote, « l’habitude finit par être comme une nature.[11] ». Bien que l’impulsion première soit celle de l’agent, l’habitude comme disposition acquise devient un processus de production réel et même naturel. L’habitude transforme la personne même de celui qui l’acquiert : elle fait passer de l’accidentel à l’essentiel, de l’avoir à l’être. Une habitude devient une possession définitionnelle du sujet ; le terme vient lui-même de habere, « avoir » en latin, que l’on retrouve dans le habit anglais[12], comme si la possession continuée transformait l’identité elle-même du sujet. On retrouve ce trait, à titre phénoménologique, dans les addictions : la personne ne décrit plus seulement son activité (« je bois ») mais se donne une nouvelle identité (ou est défini par elle) correspondant à sa conduite (« je suis alcoolique »). La particularité ici est qu’il n’y a plus qu’un seul comportement qui semble pouvoir le définir.

            Cette réduction à une seule conduite semble pouvoir distinguer la dépendance de l’addiction. La dépendance est définie sur le plan clinique (sans connotation psychopathologique) par la présence du syndrome de sevrage (malaise éprouvé lors de la privation de la substance) et la présence ou non d’une tolérance (la personne doit augmenter sa consommation pour retrouver les mêmes effets. Le concept d’addiction met l’accent sur la conduite du sujet et non sur le produit et ses effets physiques. Ses critères, variables, incluent le plus souvent la perte de contrôle par rapport à la consommation, l’ « impulsion irrésistible » (traduction possible pour l’anglais craving) de consommer ou de reproduire le comportement en dépit des conséquences négatives sur la santé ou la vie sociale, et l’obsession pour l’activité[13]. Un tel glissement de comportements sous le contrôle de décisions conscientes vers des actions automatisées, irrépressibles et surtout constantes semblent constituer des éléments suffisants pour distinguer entre addiction et « mauvaise » habitude. Surtout, peu d’habitudes quotidiennes paraissent recouvrir une telle importance dans la vie de l’individu. C’est en ce sens que l’on peut diagnostiquer l’addiction, au-delà de la seule dépendance, par la « saillance » ou « centration », termes proposés pour traduire l’anglais salience, qui désigne la place prépondérante prise par l’objet d’addiction dans la vie du sujet[14].

            Ce caractère « bruyant » et central de l’addiction est à mettre en contraste avec l’intégration « silencieuse » de l’habitude à l’existence de l’individu, ou au contraire avec la maîtrise accrue qu’elle lui permet sur sa pratique. Reprenant une distinction de Maine de Biran[15], le philosophe Félix Ravaisson distingue les habitudes passives et les habitudes actives. Opposant dans le domaine du vivant la réceptivité à la spontanéité, il affirme qu’un changement répété qui n’a pas été initié par un individu diminue sa réceptivité, tandis qu’un changement répété dont l’individu est à l’origine augmente sa spontanéité. Il y a donc une double loi de la répétition dans l’habitude, « double loi de l’influence contraire de la durée du changement sur l’être, selon qu’il le subit seulement ou qu’il le commence.[16] »

            Ainsi, on s’exerce de manière consciente et répétée pour maîtriser un instrument de musique, et sa pratique finit par devenir spontanée ; en revanche, la répétition habituelle d’une sensation finit par la faire disparaître, dans un phénomène proche de la « tolérance » des classifications cliniques. Ravaisson souligne d’ailleurs deux effets contraires de l’habitude, selon qu’elle relève de la spontanéité volontaire ou de la réceptivité passive, autour d’un même objet, l’alcool[17] : chez l’œnologue, la répétition augmente la finesse perceptive ; chez celui qui en use « passivement » et pour le plaisir seul se produit une accoutumance sensorielle, qui réduit la perception de la qualité de ce qu’il ingère  et produit un besoin. C’est d’ailleurs un trait courant que la « réduction » du répertoire de boissons et l’indifférence à la qualité chez la personne dépendante à l’alcool. L’habitude et son double aspect, telle qu’elle est décrite par Ravaisson, ne permet pas de l’identifier à l’addiction aujourd’hui décrite par la clinique par les notions de « perte de contrôle » et d’ « impulsion irrésistible ». L’habitude est seulement la toile de fond, l’arrière-plan du développement de conduites addictives, que l’on peut considérer comme des « habitudes dysfonctionnelles ».

 

Le dévoiement d’une logique adaptative

 

            Cet écart de l’addiction par rapport à une norme de fonctionnement est déterminant dans ses modélisations récentes en neurobiologie. Le cerveau semble nous enchaîner mécaniquement à ce qui est le plus propice à notre pratique, voire à notre survie. Or, les conceptualisations de l’habitude, en particulier à la fin du 19e siècle, insèrent celle-ci dans une telle finalité adaptative. L’analyse de l’addiction dans les neurosciences fait donc écho aux traitements de l’habitude selon un schème de l’adaptation. Le phénomène addictif s’insèrerait ainsi dans un processus vital général en paraissant court-circuiter une logique plus générale d’habituation adaptative.

            La neurobiologie a en effet établi, à partir de l’étude des conséquences de l’usage des substances psychoactives sur l’organisation cérébrale, que le cerveau tend à s’adapter pour résister à la consommation répétée et maintenir son homéostasie (sa régulation interne). La tolérance et le syndrome de sevrage s’expliquent par une reconfiguration profonde de l’équilibre maintenu d’ordinaire par les neurotransmetteurs, sur lesquels agissent directement les drogues. Un fait plus spécifique à l’addiction concerne l’évaluation qui est faite de la substance ou du comportement. À la différence des gratifications « naturelles », l’objet d’addiction a pour effet d’augmenter infailliblement le taux de dopamine libérée dans le réseau cérébral dit système limbique ou « système de récompense », générant à chaque fois un puissant signal d’apprentissage. La valeur de la consommation ou du comportement étant organiquement surévaluée, la balance décisionnelle est influencée en faveur d’un renouvellement de l’expérience. À cela s’ajoute l’ancrage en mémoire des indices qui ont été associés à la prise ou au comportement, qui peuvent déclenchement automatiquement la conduite passée. L’addiction est donc une dérégulation de la mémorisation et de l’apprentissage vital, ce qui a notamment été souligné par S. E. Hyman :

            « ce que nous savons de l’addiction est à ce jour le mieux résumé par la perspective selon laquelle elle représente une usurpation des mécanismes d’apprentissage et de mémoire liés à la gratification.[18] »

            Les interprétations cognitivo-comportementales, tout comme le « modèle de la maladie » ne cessent d’ailleurs de souligner l’absence, chez ceux qui en souffrent, de coping skills , ce qu’on pourrait traduire par leurs « capacités d’adaptation » voire de « survie »[19]. L’addiction apparaît alors comme détournement ou « errance » d’un schéma adaptatif normal.

            La philosophie pragmatiste de James et, en parallèle, la pensée de Bergson se sont appuyées sur les découvertes de Darwin (reprises par H. Spencer) pour montrer, entre autres, que nos pratiques et même nos facultés apparemment inconditionnées comme l’intelligence étaient le résultat de processus vitaux. L’habitude est centrale dans cette logique d’adaptation : elle permet à notre action de s’insérer dans un monde cohérent, constant et accessible à nos raisonnements. Pour James, l’habitude est un facteur de rationalité qui constitue le fond jamais interrogé de nos conceptions. Il examine d’abord le phénomène du point de vue psychologique, où il est une facilitation de nos conduites, l’action suivant immédiatement la perception[20]. Il en dérive l’idée que ce que nous appelons la « vérité » est une croyance qui, ayant conduit à des expériences concluantes dans notre pratique, est devenue habituelle. Dans La signification de la vérité, il indique que l’habitude satisfait notre besoin d’être efficaces dans nos interactions avec l’environnement, qui lui-même est issu des représentations familières devenues « objectives »[21]. Bergson suit le même raisonnement en soulignant le poids des exigences du vital dans les modalités mêmes de notre intelligence, soumise aux impératifs de l’adaptation. Nos concepts et nos catégories logiques ne sont que des « habitudes de pensée », acquises pour les besoins de notre survie[22]. Bergson associe dans ce cadre la mémoire corporelle à une contraction habituelle[23]. De son point de vue comme de celui de James, l’habitude est un ensemble de croyances et de processus régulés par la pratique, ayant acquis un caractère automatique par leur répétition dans l’apprentissage, et qui assurent à notre esprit une insertion facilitée dans un monde auquel il est adapté. Dans le cadre de ces réflexions, complétées et comme confirmées par la recherche contemporaine, l’addiction pourrait être considérée comme un dévoiement de cette régulation adaptative, par perturbation exogène.

            Cette régulation propre à notre condition se trouve déjà dans la pensée de Hume, qui conçoit l’habitude comme un principe général de la nature humaine, conduisant à la formation de la croyance. On sait que, selon sa perspective sceptique, on ne peut en effet expliquer notre tendance à inférer la présence d’éléments absents ou futurs à partir de ce qui est seulement présent que par l’accoutumance à la conjonction répétée des deux événements. L’accoutumance est donc le « grand guide de la vie humaine »[24]. La croyance en la constance et en la cohérence de notre environnement procède donc de l’habituation, elle-même issue d’une logique vitale. Structurellement, notre imagination, équivalent sceptique de l’entendement ou de l’esprit chez Hume, préfère l’aisance à l’effort (sans qu’il y ait dans ce constat une évaluation morale). Ce qui est habituel est privilégié, même au prix de corrections artificielles de nos croyances. E. Le Jallé a très justement montré qu’on peut penser la réorientation spontanée de nos croyances comme une « autorégulation dans le système de l’esprit », cette autorégulation pouvant être entendue à la fois comme « mouvement d’aisance de l’esprit, dont les effet sont fictifs », et comme « une logique vitale de l’esprit, dont les effets sont salvateurs »[25]. On peut comprendre l’esprit chez Hume comme un « système » auto-organisé. Dans celui-ci, l’accoutumance et le réajustement des croyances en fonction de celle-ci accompagne la tendance de l’imagination à préférer l’aisance à l’effort. On pourrait ainsi, à la lumière d’une certaine lecture de Hume, interpréter l’intégration graduelle de dépendances et de comportements potentiellement addictifs comme un rééquilibrage cognitif en faveur de l’habituel, issu d’une logique générale de l’adaptation de l’imagination à son environnement.

            Ainsi, les individus dépendants retrouvent par leurs gestes ou consommations un univers prévisible, connu et apparemment maîtrisable, parce que simplifié. Sans nier que le plaisir, mêlé au soulagement d’une souffrance, soit absolument central dans l’addiction[26], on peut suggérer que la dépendance stricte provient quant à elle d’une autorégulation vitale par l’intégration d’une habitude prévisible. Le caractère agréable lié à la satisfaction du besoin ne serait alors pas indispensable, au regard de la conservation de l’aisance cognitive.

            La première limite de ce schème adaptatif est de constituer implicitement les sujets souffrant d’addiction en individus par définition « inadaptés ». De même, la compréhension de l’addiction comme conduite d’automédication[27], si elle met légitimement en exergue la souffrance initiale des sujets dépendants, risque de marquer une distinction entre ceux qui sont capables de supporter une douleur et ceux qui ne le sont pas par faiblesse de caractère. En termes de libre arbitre, on peut également faire à cette analyse neurobiologique en termes de système de récompense le même reproche que Alain adresse à l’inconscient freudien[28] : n’est-ce pas penser qu’un Autre moi – Autre organique en l’occurrence – mais qui n’est pas moi, agit irrémédiablement à ma place ?

            L’autre limite de ce schème est de négliger, pour l’addiction, la description et l’explication du passage entre ce qui est simplement régulier car devenu familier, et ce qui relève d’une consommation ou séquence comportementale devenue insupportable pour l’individu, et sur laquelle il considère ne plus avoir de prise. Dans ce modèle, un usage (expérimental, récréatif), pourrait toujours conduire, par réaction cérébrale, à des habitudes, qui deviendront potentiellement des besoins irrépressibles et incontrôlables. Il y aurait une continuité logique entre le lycéen qui essaie le cannabis pour la première fois, ce même lycée devenu consommateur régulier de marijuana avec ses amis, et ce dernier devenu dépendant qui doit absolument fumer un joint avant son premier cours de huit heures du matin. C’est un tel continuum qu’il faut interroger, en rappelant que c’est un rapport de soi à soi-même qui constitue l’addiction. Ce sont d’ailleurs les croyances du sujet, elles-mêmes habituelles, qui sont souvent décisives pour l’usage qui est fait des substances psychoactives comme des conduites compulsives.

 Les dispositions et croyances issues de l’habitude conditionnent la circularité de l’addiction

 

            Sans se substituer à l’instance médicale de diagnostic ou à la recherche étiologique sur les addictions, on peut indiquer que le rapprochement entre addiction et habitude permet de suggérer le rôle capital joué par les croyances de l’individu dans la sensation même de dépossession de soi que constitue l’addiction.

Il semble que l’addiction ne puisse être comprise par la seule quantité de produit (les « doses ») ou par la fréquence mesurable d’une séquence comportementale. Le phénomène marque les limites de l’analyse scientifique légitimement focalisée sur le quantifiable. L’ « usage nocif » ou l’ « abus » sont également à prendre en compte[29]. Il peut y avoir usage ponctuel et répété de la substance ou la reproduction d’un type de comportement qui peut être bénin ou problématique sans qu’il y ait addiction. L’idée d’ « abus » reste ambivalente, car elle implique la notion quantitative d’ « excès » qui renvoie à une éthique de la mesure et du contrôle de soi. Si l’addiction est qualifiée de « mauvaise habitude », c’est que son excès ne correspond pas aux abus socialement autorisés, dans un cadre rituel ou festif par exemple. Un critère de l’abus sera plus certainement le dommage causé pour l’entourage, ou les souffrances du sujet qui fait l’expérience d’une perte de contrôle par rapport à la substance ou à la séquence comportementale[30].

Cette expérience a peut-être pour fondement des croyances à propos de soi-même, sur la manière de procéder face à un problème, sur le produit ou le comportement comme sur ses effets attendus. Ces croyances sont le plus souvent erronées, en dépit des savoirs disponibles[31], mais sans qu’on puisse nécessairement en imputer la responsabilité à l’agent. Nous avons vu avec Hume que nos croyances sont issues de l’habituation ; on peut aller plus loin en affirmant que la répétition habituelle suscite en nous des croyances prenant la forme de dispositions à agir[32]. Une disposition peut être comprise comme une détermination du comportement, en fonction de représentations issues d’un apprentissage. Elle est donc à l’articulation du pratique et du cognitif, et semble intervenir dans les « situations d’usage » des addictions, où entrent en jeu, comme le résume P. Pharo, « l’état d’appétence du corps préparé par les dispositions, les événements personnels et la mémoire des consommations antérieures »[33], auquel il faut ajouter une manière habituelle et personnelle de résoudre les alternatives. Il est possible que l’impulsion corporelle et la perte de contrôle de la « séquence addictive » soient la contraction de dispositions fondées par les habitudes, qu’elle soit une expérience résultant de la mise en mémoire de croyances et de la répétition des prises ou conduites passées. Deleuze, analysant la place de l’habitude dans la formation de la subjectivité[34], la définit comme étant essentiellement contraction, au sens d’une synthèse d’éléments discontinus. L’habituation est le processus par lequel, dans l’imagination, se crée une attente qui constitue en même temps une subjectivité originaire. Deleuze s’appuie sur Hume pour expliquer que l’imagination est fondatrice dans la construction de notre temporalité : la synthèse des répétitions change la disposition de l’être qui s’habitue, formant à la fois ses attentes et son rapport au temps. Suivant cette analyse, on peut interpréter la compulsion de l’addiction comme l’émergence, sur le fond des contractions habituelles, d’une répétition extérieure qui ne parvient plus à être intégrée à la subjectivité. La séquence comportementale résulte bien des dispositions antérieures, mais n’est plus synthétisée dans la mémoire ; au lieu de cela, elle est répétition d’un même qui ne disparaît plus dans une transformation du sujet mais l’immobilise dans un instant qui ne peut être intégré.

Les recherches biologiques, de même que les travaux en science de la cognition et du comportement incluent, à titre de facteurs déterminants de l’addiction, les croyances du sujet et les souvenirs des prises précédentes. Ces dispositions orientées par les croyances jouent le rôle d’intermédiaires entre les stimuli de la situation à risque et les réactions de l’individu. Les croyances concernent aussi bien la perception que l’individu a de lui-même et de son efficience personnelle, que les qualités qu’il attribue au produit ou au comportement[35]. Elles peuvent directement concerner le rapport au temps de l’individu, leurré par les gratifications à court terme au détriment des gratifications lointaines[36]. Autant d’éléments qui sont les expressions d’habitudes acquises. Autrement dit, l’addiction n’est pas une habitude mais relève d’une synthèse de croyances et de dispositions à agir déterminées, issues elles-mêmes des habitudes plus larges de l’individu, au nombre desquelles il faut intégrer celles de son milieu social. L’addiction s’inscrit donc dans un ensemble d’habitudes, et il serait vain de vouloir isoler un état psychologique ou cérébral particulier qui puisse expliquer ou simplement décrire la situation de perte de contrôle. C’est l’intégralité de l’histoire personnelle et tous les aspects du comportement qui devraient être convoqués. Tous les modèles insistent en ce sens sur l’aspect plurifactoriel et dynamique de la conduite addictive, ainsi que sur la nécessité de singulariser chaque traitement en fonction du patient.

Dans cette perspective, le sujet souffrant d’addiction n’a pas forcément la liberté de modifier son propre état, et le traitement demeure un travail complexe, dans la mesure où, pour changer ses habitudes (pratiques), il faut modifier la majorité de ses croyances, elles-mêmes issues d’un ensemble d’habitudes. Une telle circularité de l’habitude est déjà présente dans l’usage que fait Aristote du phénomène dans sa réflexion éthique. Selon Aristote, en effet, la vertu est un « état décisionnel qui consiste en une moyenne, fixée relativement à nous [37]», autrement dit une disposition à se décider entre deux excès, tel que le ferait l’individu déjà vertueux ; or, elle ne s’acquiert que par accoutumance, c’est-à-dire par la reproduction des actes vertueux, conformément à cette proposition bien connue : « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ».

Mais cette capacité que nous avons à former un comportement par habitude présuppose, en particulier pour la vertu, de présenter déjà certaines habitudes : puisque l’acquisition de dispositions morales provient d’actes eux-mêmes moraux, il semble qu’il faudrait être déjà moral pour acquérir la vertu. Le changement en direction de la vertu, qui commence par l’écoute des conseils et des principes énoncés par le philosophe, et qui se poursuit par l’imitation, n’est possible que si l’on a déjà certaines habitudes. Si l’on transpose ces éléments à l’addiction, qui résulte d’une convergence d’habitudes, l’acquisition de dispositions pratiques qui excluent la consommation et le comportement morbide, devenus centraux, semble difficile car elle impliquerait que la personne répète et s’accoutume à de nouvelles conduites, ce dont l’empêche justement l’addiction. Dire que l’addiction n’est qu’une « mauvaise habitude », c’est  donc sous-estimer l’impasse existentielle que peuvent constituer les habitudes comprises comme dispositions. E. Bourdieu souligne pour sa part l’inertie des dispositions ou habitudes acquises et « la dépendance circulaire de la disposition et de la sphère pratique [38]», une telle circularité rendant le changement volontaire problématique.

Sortir des habitudes passivement assimilées, qui conditionnent l’addiction, au point de modifier notre être, semble presque justifier le recours à un ordre externe à la pratique elle-même. Ravaisson, dans son Testament philosophique[39], rappelant à quels point les habitudes constituent notre personnalité, suggère que seule la « grâce », analogue à celle que définit Thomas d’Aquin comme habitude supra-naturellement « infusée [40]», peut permettre d’initier un nouveau mode d’existence. Ainsi, face à l’impossibilité de commencer soi-même de nouvelles habitudes, d’être seul à l’origine de ses habitudes, seule une transcendance paraît pouvoir résoudre l’aporie. Il ne faut dès lors pas s’étonner que les thérapies qui suivent le modèle de la maladie, tel le « Modèle Minnesota » des Alcooliques Anonymes, accordent une place importante au « Pouvoir Supérieur » (Higher Power) et soient désignées comme des « thérapies de conversion ». Puisque l’addiction est tellement tributaire d’un faisceau d’habitudes et de représentations, seule une conversion intégrale de l’individu peut lui permettre d’échapper à la répétition morbide. De l’installation de nouvelles croyances découleront de nouvelles habitudes, qui elles-mêmes permettront l’abstinence. Il est fascinant de noter que l’un des fondateurs des A.A., William Griffith Wilson, a plusieurs fois souligné l’importance qu’avait eue la théorie de la conversion exposée par James, théoricien de la dimension vitale de la croyance et des habitudes[41].

Cette conséquence extrême de la circularité addictive, reflétant la circularité des croyances habituelles et des dispositions acquises, dans la nécessité d’une conversion, indique bien que l’explication comme le traitement des addictions ne peut se limiter à l’examen des structures et des réactions cérébrales. Les neuroscientifiques en semblent d’ailleurs parfaitement conscients, rappelant la complexité du phénomène, intégrant une grande pluralité de facteurs personnels, sociaux et environnementaux.

Conclusion

Nous avons pu montrer que l’addiction ne saurait être considérée comme « simple » mauvaise habitude que l’on pourrait aisément abandonner, puisqu’elle constitue une autorégulation erratique qui engage l’adaptation même de l’individu à son environnement, et ceci quelle que soit la perspective considérée (biologique, psychologique, comportementale ou sociale) ; homologue de l’habituation propre au vivant, elle s’enracine cependant dans une histoire personnelle, des croyances et des habitudes acquises dont l’individu « accro » ne peut être tenu entièrement pour responsable, et cet ensemble le détermine à la répétition. Nous avons montré en effet la difficulté de changer un tel rapport au monde, étant donnée la circularité des dispositions acquises sans origine isolable et assignable. Si quelqu’un est « accroché » à sa consommation ou à sa conduite, il importe peu qu’il en soit victime comme d’une maladie ou qu’il soit parfaitement libre de se déconditionner volontairement : il est surtout responsable de son « décrochage » ou de sa guérison. Sa responsabilité dans l’addiction initiale est toujours contextuelle, et il n’y a guère de sens à blâmer un individu en souffrance pour des décisions qu’il pourrait avoir prises alors qu’il était par exemple tout jeune.

Il n’est pas certain qu’il y ait des critères a priori  et non édictés par les pratiques sociales qui permettent de distinguer une simple habitude d’une addiction, au-delà de la souffrance des sujets et/ou des dommages objectifs qu’ils s’infligent ou qu’ils infligent à leur entourage. Il est possible d’aller jusqu’à considérer que la dépendance physiologique et quantifiée reste épiphénoménale au regard des conséquences extérieures du comportement.

On peut cependant raisonnablement affirmer qu’une interprétation et un traitement des conduites addictives qui se focaliserait sur l’aspect physiologique de la dépendance, sans prendre en compte les représentations du sujet, et sans mettre en place avec lui un dialogue pour rendre conscientes ses croyances et ses habitudes, est vouée à un échec assuré, tant explicatif que thérapeutique.


[1] Jellinek, E. M., The Disease Concept of Alcoholism, New Haven : Hillhouse, 1960

[2] Sheenan, T. & Owen, P., The Disease Model , in Addictions. A comprehensive guidebook, McCrady B.S. & Epstein E.E. (Eds.), New York : Oxford University Press, 1999, pp. 268-269

[3] Pour un tableau de ces modèles, voir Caroll, K.M. « Behavioral and Cognitive Behavioral Treatments », ibid.

[4] Szasz, T., Bad Habits Are Not Diseases. A refutation of the claim that alcoholism is a disease, The Lancet, July 8, 1972, 83-84

[5] Szasz, T., La persécution rituelle des drogués. Boucs émissaires de notre temps. Le contrôle d’État de la pharmacopée. Paris : éd. du Lézard, 1994, trad. M. Manin-Burke, p.19-20

[6] Fitzpatrick, M. Doctoring the risk society. Addiction myths, The Lancet, vol. 362, August 2, 2003

[7] cf. Prochaska, J.O. & DiClemente, C.C., Toward a comprehensive model of change, in W.R. Miller & N. Heather (Eds.), Treatin addictive behaviors : Processes of change, New York : Plenum Press, 1986

[8] Hegel, G.W.F., Philosophie de l‘Esprit, §§ 409-410, Paris : Vrin, 2006, trad. B. Bourgeois pp. 213-218.

[9] Rousseau, J.-J., Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Première Partie, Paris : Gallimard, 1969, éd. J. Starobinksi, p. 71

[10] Sur cet aspect, voir l’introduction de Saïet, M., Les addictions, Paris : P.U.F., 2015, p. 6-7

[11] Aristote, De memoria, 425a27-28 ; sur la justification de cette traduction et les enjeux d’une telle expression, cf. l’article de Morel, P.-M., « L’habitude : une seconde nature ? », in Aristote et la notion de nature, éd. par P.-M. Morel, Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 1997, P. 131-148

[12] Le terme de habit en anglais a en général la même extension que notre « habitude », mais l’usage l’assimile parfois à la « dépendance » en un sens plus réduit.

[13] La définition et les éléments descriptifs retenus par Aviel Goodman, que nous résumons ici, semblent faire consensus ; cf. Goodman, A., Journal of Addictions, 1990, 85, p. 1403-1408

[14] cf. Morel, A., Fontaine B., Hervé, F., Soigner les toxicomanes, Paris : Dunod, 1997, cités par Valleur, M. & Matysiak, J.-C., Les addictions. Dépendances, toxicomanies : repenser la souffrance psychique, Paris : Armand Colin, 2002, p. 141. Il faut noter que ce critère de distinction entre simple habitude et addiction ne permet pas d’intégrer la dépendance tabagique (sans « centration ») dans la catégorie des addictions.

[15] De Biran, M., De l’influence de l’habitude sur la faculté de penser, 1799

[16] Ravaisson, F., De l’habitude, Paris : Allia, 2007, p. 8

[17] Ravaisson, F., ibid., p. 39

[18] Hyman, S. E., Addiction : a Disease of Learning and Memory, American Journal of Psychiatry, 2005 ; 162 : 1414-1422

[19] Leur importance est aussi systématiquement soulignée dans les stratégies d’évaluation clinique des conduites addictives; cf. Donovan, D. M., Assessment Strategies and Measures in  Addictive Behaviors, in Addictions. A comprehensive guidebook, op. cit.

[20] James, W., Chapter 4. Habit, Principles of psychology, 1890

[21] James, W. La signification de la vérité. Une suite au Pragmatisme, Lausanne : Antipodes, 1998, trad. du collectif DPHI, p. 78

[22] Par exemple, l’habitude de développer le temps dans l’espace : Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris : P.U.F., 2007, p. 91

[23] Bergson, H., Matière et Mémoire, Paris : P.U.F., 2012, p. 84

[24] Hume, D., Enquête sur l’entendement humain, Paris : Flammarion, 2006, trad. A. Leroy revue par M. Beyssade, p. 107

[25] Le Jallé, E., L’autorégulation chez Hume, Paris : P.U.F., 2005, p. 8

[26] Consulter sur ce même site l’analyse limpide de M. Trouessin, « Tout plaisir peut-il être objet d’addiction ? »

[27] Consulter sur ce même site le très riche article de C. Leroy sur, entre autres, l’automédication dans l’addiction : « Addiction et séparation »

[28] Alain, « Note sur l’inconscient », Éléments de philosophie, Paris : Gallimard, 1941, p. 155

[29] Comme dans la Classification Internationale des Maladies, ou C.I.M– 10, disponible en ligne sur le site de l’O.M.S

[30] Critères plutôt retenus par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), publié par la Société Américaine de Psychiatrie ; cf. DSM – IV, Version internationale, Washington DONC : 1995

[31] Ce décalage entre savoir et croyance se retrouve de manière paradigmatique dans le cas du médecin souffrant d’une addiction à des drogues qu’il connaît ; pour une illustration fictionnelle récente, on peut aller voir l’excellente série réalisée par S. Soderbergh, The Knick.

[32] Pour une analyse avancée des problèmes suscités par la notion même de disposition, lire le premier chapitre de Bourdieu, E., Savoir-faire. Contribution à une théorie dispositionnelle de l’action, Paris : Seuil, 1998

[33] Pharo, P., Philosophie pratique de la drogue, Paris : Cerf, 2011, p. 59

[34] Deleuze, G. Différence et répétition, chapitre II : « la répétition pour elle-même », Paris : P.U.F., 1968

[35] Pour un répertoire de ces éléments dans les modèles cognitivo-comportementaux ou relevant de la Social Learning Theory, voir Rotgers F., Keller D.S., Morgenstern J. (Eds.), Treating substance abuse : theory and technique, New York : Guilford Press, 1996

[36] Un tel biais cognitif à l’égard de la temporalité caractérise notamment la traditionnelle akrasie ou « faiblesse de la volonté » selon J. Elster : voir Elster, J. Agir contre soi. La faiblesse de la volonté, Paris : Odile Jacob, 2007

[37] Aristote, Ethique à Nicomaque, 1107b35-1107a5, trad. R. Bodéüs, in Aristote. Œuvres complètes, éd. de P. Pellegrin, Paris : Flammarion, 2014

[38] Bourdieu, E., op. cit., p. 148

[39] Ravaisson, F., Testament philosophique, Paris : Allia, 2008

[40] Thomas d’Aquin, SONT I.II Q.108 a.1 ad 2 : « gratia Spiritus sancti est sixcu interior habitus nobis infusus »

[41] Dans Varieties of religious experience, 1902; Sur ce point, voir l’article de Madelrieux, S., La conversion sans la religion, in ThéoRèmes, 3, 2012, disponible en ligne

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