Philosophie et psychopathologieune

L’irrésolution et l’aboulie chez Théodule Ribot

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L’irrésolution et l’aboulie chez Théodule Ribot : De la faiblesse de la volonté à la folie du doute

  Jeanne Proust, doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avec M. Kambouchner, sur « La volonté et ses pathologies : psychologie moderne et théorie de l’âme chez Théodule Ribot ». Teaching Assistant, NYU, Departement of Philosophy.

church-2745769_1280Les Maladies de la volonté, publié pour la première fois en 1883, est l’ouvrage de Ribot qui connaît le plus grand nombre de rééditions.[1] Le fondateur de la psychologie expérimentale y rassemble et analyse une quantité considérable d’exemples de pathologies, qu’il puise chez différents médecins.[2] L’authenticité des témoignages n’est pas questionnée, et le caractère anecdotique de certaines remarques amène sans doute le lecteur à douter de leur validité scientifique, mais c’est sur la base de ces études de cas que Ribot choisit d’observer comment la volonté se « défait ». Fidèle à la méthode de la dissolution qu’il avait formulée et mise en œuvre précédemment à propos de la mémoire[3], il observe cette fois comment les troubles de la volonté peuvent nous éclairer sur la nature de cette dernière. Cette méthode de la dissolution, qui fait l’une des grandes originalités du travail de Ribot, s’intéresse d’abord aux processus physiologiques en jeu lorsqu’une fonction psychologique s’altère, se « dissout » : « en voyant comment le moi se défait, nous comprenons comment il se fait ».[4] Lors de la dissolution, tout l’instable (les états nouveaux) s’efface pour laisser transparaître le stable (les états ancrés dans l’organisme depuis plus longtemps) : Ribot parle de « loi de régression ». Ainsi, le fait que les volitions conscientes apparaissent en dernier lieu fait donc leur fragilité, là où les réflexes et certains instincts demeurent inébranlables. Au terme de volonté, Ribot préfère celui de volitions : il abandonne ainsi la théorie des facultés, jugée caduque et inadéquate pour décrire scientifiquement la psychologie humaine, au profit de l’observation des tendances psycho-physiologiques, des coordinations neuronales, musculaires, nerveuses plus ou moins complexes qui déterminent l’agir de l’individu.

Il observe d’abord, dans le premier chapitre des Maladies de la volonté, les situations où l’action fait défaut : l’impulsion à agir est trop faible, voire nulle. C’est le cas de l’aboulie, mais aussi de l’irrésolution, qui va nous occuper ici. La typologie clinique proposée par Ribot dans son ouvrage ne va pas sans poser le problème de la définition de l’état morbide ; or la continuité entre phénomènes pathologiques et normaux rend difficile la classification de certains cas. L’impulsion brusque, l’irrésolution et la paresse ne sont pas morbides en eux-mêmes. Mais elles peuvent être le fait d’un individu malade lorsqu’elles imprègnent le caractère de celui-ci au point d’anéantir toute capacité à combattre les tendances hypertrophiées agissant à ses dépens, voire d’anéantir toute propension à vouloir. C’est la chronicité de cette incapacité qui constitue le critère de différenciation souvent implicite que Ribot choisit pour parler de maladie, même s’il ne conçoit qu’une différence de degré entre le normal et le pathologique. L’occurrence de phénomènes ponctuels, éphémères, isolés ne suffit pas à qualifier l’individu concerné de malade : il y a maladie s’il y a état chronique, qui affecte durablement et profondément le caractère de l’individu sur le long terme. Il semble que l’ordre des chapitres des Maladies de la volonté n’ait rien d’anodin, et aille ainsi des cas les moins évidemment pathologiques aux cas extrêmes, qui manifestent une absence totale de volonté. Le thème de l’irrésolution étant abordé au début de l’ouvrage, on peut en déduire que Ribot n’en fait pas d’emblée une maladie, mais un fait normal qui risque de devenir pathologique s’il paralyse durablement l’agir volontaire de l’individu.

L’objet de cet article est de tenter d’éclairer les analyses faites par Ribot sur le type d’affaiblissement de la volonté qui mène plus particulièrement à l’irrésolution, irrésolution dont la forme extrême est identifiée par Ribot comme « folie du doute ». Nous allons voir dans quelle mesure la perspective physiologique et « dissolutive » proposée par Ribot diffère sensiblement, mais pas autant qu’on pourrait l’escompter, des approches philosophiques plus classiques de la faiblesse de la volonté.

I.  Acrasie et Intellectualisme

Les deux premiers chapitres des Maladies de la volonté, parce qu’ils portent explicitement sur l’affaiblissement de la volonté, ne manquent pas de faire penser au thème classique de l’akrasia. Ribot cherche à expliquer la défaite du contrôle de soi, mais aussi la dispersion des inclinations, l’inconsistance, ou encore l’aboulie en évitant certes de recourir à l’intellectualisme socratique qui faisait – et fait encore – le fond du débat sur l’akrasia en philosophie. Il n’ignore pas cependant l’influence de cet intellectualisme, c’est pourquoi nous le rappellerons ici brièvement.

Étymologiquement, le terme akrasia signifie chez Aristote absence de pouvoir, de contrôle sur soi avant d’avoir été traduit par l’expression communément admise de « faiblesse de la volonté ». Ce choix de traduction, que l’on trouve notamment dans la tradition analytique (« Weakness of the Will ») ne va pas sans un certain anachronisme, puisqu’on ne peut pas dire qu’Aristote se réfère à proprement parler au concept de volonté – ni sans une certaine tonalité moralisatrice, qui semble inappropriée pour aborder ce problème précisément à partir de la psychologie expérimentale.

Il semble que lors de la plupart de nos actions, l’intellect entretienne avec la volonté une relation causale : l’action de l’agent fait écho, traduit en pratique le contenu de ses jugements. C’est la thèse intellectualiste, qui ne peut donc que s’étonner, voire nier le phénomène de l’akrasia. Cette dernière donne lieu à des situations dans lesquelles les raisons considérées comme les meilleures par l’agent ne sont pas les causes de son action. On a affaire à un conflit qui rend l’explication des actions acratiques difficile. La définition exacte de l’akrasia fluctue selon les auteurs qui l’abordent : tantôt elle englobe les impulsions irrésistibles, conscientes et inconscientes, tantôt elle renvoie exclusivement à l’incapacité de vouloir ce que l’on juge devoir faire, ou de suivre son meilleur jugement. Ce dernier sens du terme, plus strict, invite à comprendre l’akrasia comme phénomène moral de lutte entre des forces irrationnelles (désir, passion) et la volonté – comprise alors comme une faculté rationnelle.

Le comportement de Médée a traditionnellement fait figure d’illustration de cette contradiction intérieure, qui empêche l’individu d’agir conformément à l’évaluation morale qu’il est pourtant capable de faire rationnellement :  Video meliora proboque – deteriora sequor : « Je vois le bien, je l’approuve, et je fais le mal » (Ovide, Métamorphoses : VII, 20). Les divers meurtres commis par Médée peuvent pourtant s’expliquer à la lumière de motifs dont on comprend qu’ils aient pu être déterminants : l’amour qu’elle éprouve pour Jason, et la vengeance que sa jalousie la poussera à orchestrer. Il semble exister des cas, cependant, où des motifs de cet ordre ne se trouvent pas, et où rien ne semble pouvoir contrebalancer la vision claire du comportement moral à adopter. Le narrateur des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, par exemple, n’identifie pas clairement les raisons qui le poussent à commettre des actes dont il sait fort bien qu’ils sont injustifiables :

Répondez-moi à ceci : comment se faisait-il toujours qu’à l’instant même – oui, comme si c’était un fait exprès –, précisément à l’instant où j’étais le mieux capable d’apprécier toutes les nuances du beau, du sublime, comme l’on disait chez nous naguère, il m’arrivait non seulement de penser, de faire des choses si incongrues, que… des actions, pour être bref, que tous accomplissent peut-être bien, mais que je commettais précisément lorsque je me rendais parfaitement compte qu’il fallait s’en abstenir. Plus était claire ma conscience du bien et de toutes les choses “belles et sublimes“, plus profondément je m’enfonçais dans ma boue, plus je me sentais capable de m’y enliser définitivement. […] L’homme n’aspire qu’après une volonté indépendante, quel qu’en soit le prix et quels qu’en soient les résultats. Mais le diable sait ce que vaut cette volonté… Elle conserve en effet, le principal, ce qui nous est le plus cher, c’est- à-dire notre personnalité. [5]

L’individu se trouve ainsi indifférent aux raisons qu’il perçoit de bien agir qui devraient, selon la thèse intellectualiste, le pousser vers cette même bonne action – ces raisons n’ayant ainsi aucun pouvoir moteur. Mais dans ce passage des Carnets du sous-sol, il semblerait presque que ce soit la connaissance même des raisons de bien agir qui motive l’individu à mal agir, à orienter son action dans la direction opposée de celle que ces raisons indiquent clairement à la conscience. On observe là une perversité, un appel à la transgression apparemment inexplicable : ce n’est plus le faible pouvoir moteur des bonnes raisons (par rapport aux mauvaises, ou indépendamment de ces dernières) qui est interrogé, mais la force d’une lucidité morale qui provoque paradoxalement l’action inverse de celle que la connaissance prescrit. C’est donc vers le problème du mal que tend la question de l’acrasie au sens strict, ouverte par la possibilité, contrairement à ce qu’affirmait l’adage socratique, d’être méchant volontairement. Aristote explique le choix de l’acratique par l’intempérance, aussi traduite par incontinence, qui rend l’individu plus sensible à ses appétits qu’à son intellect. Mais il s’agit alors d’un individu malade, imprudent, aux passions déréglées. Aristote ne s’écarte ainsi pas tout à fait de l’intellectualisme platonicien, en ce sens qu’il croit lui aussi que tout individu lucide et sain, c’est-à-dire capable de décider selon ce que lui dicte sa raison, ne choisirait pas le mal. Or l’homme semble être capable du mal, « sans autre mobile à la malice que la malice elle-même », selon l’expression consacrée de Saint Augustin.

L’objet de cet article n’est pas d’entreprendre un compte-rendu exhaustif de l’histoire du concept d’akrasia ; aussi limiterons nous notre propos à quelques remarques sur l’approche des modernes sur le sujet avant d’en venir à Ribot. Il faut noter que Montaigne adopte une position originale, qui semble déculpabiliser l’acratique en insistant sur l’opacité et la contradiction naturelle des mobiles humain. Dans le premier chapitre du livre II des Essais, intitulé « De l’inconstance de nos actions », Montaigne remet en cause la liberté d’une volonté instable, intermittente, inconstante chez la plupart des hommes. On peut donc ici parler d’une naturalisation, ou tout du moins d’une normalisation de la faiblesse de la volonté– pour autant, on est encore loin de l’analyse physiologique « démoralisée » qu’en proposera Ribot. Descartes, quant à lui, n’hésite pas à parler d’âmes faibles dans le Discours de la Méthode, puis, plus tard, dans les Passions de l’âme. A l’irrésolution, dénigrée, Descartes oppose la générosité des âmes vertueuses, générosité qui prend alors un sens bien particulier : d’une part, les généreux disposent comme bon leur semble de leur volonté ; d’autre part et surtout, ils présentent un caractère ferme et résolu qui leur permet de faire bon usage de cette volonté. La volonté est saine si elle est constante : on en revient là à la condamnation de l’indécision. Chez Descartes, l’irrésolution est un vice qu’il faut combattre pour ne pas céder à l’emprise des passions. Spinoza, Locke, Leibniz et Hobbes, en niant la liberté d’indifférence dont Descartes défendait l’existence, continuent pourtant à croire que le jugement pratique de la raison détermine la volonté. S’ils accordent une importance au pouvoir déterminant des passions, ils s’inscrivent encore dans la logique intellectualiste dont Ribot tente de s’écarter.

La dimension morale de l’akrasia n’intéresse pas directement Ribot, qui n’emploie pas une seule fois l’expression grecque dans son ouvrage sur Les maladies de la volonté. Par ailleurs, en optant pour le terme de maladie dans ce titre, Ribot oriente sa réflexion vers une typologie clinique qui ne blâme pas plus le « faible » qu’elle ne valorise les supposés mérites des volontés fortes. De même, le choix du terme « affaiblissements » pour les titres des trois premiers chapitres dénote non seulement une pluralité de pathologies possibles, mais surtout une perspective diachronique, évolutive, et non celle synchronique, plus définitivement stigmatisante, du constat de l’état de faiblesse. Ribot reproche aux philosophes d’avoir confondu la question de la nature de la volonté avec celle de l’évaluation morale de nos actions. Il se détache ainsi des considérations philosophiques sur l’origine de nos intentions pour ne considérer la volonté que sous l’angle de la psychologie expérimentale ; son postulat méthodologique écarte toute considération axiologique et déontologique. Cependant, le caractère paradoxal des relations qu’entretient la volonté avec les représentations de la conscience dans le cas de l’acrasie ne peut le laisser totalement indifférent. S’il semble abandonner toute théorie causale intellectualiste de l’action, il fait pourtant de la conscience un attribut nécessaire de la volition. Il ne défend ni l’existence d’un lien causal entre état de conscience et action délibérée, ni l’idée d’une étanchéité absolue entre la faculté de connaître, de juger et celle de désirer, de vouloir – entre notre capacité théorique à se représenter des buts à atteindre, et la capacité pratique à mettre en œuvre les moyens en vue d’obtenir ces fins. En optant pour une approche expérimentale, scientifique, Ribot ambitionne, non sans difficultés, d’éviter tout risque de dérive dualiste.

II. La multiplicité du moi

Dans les Maladies de la volonté, Ribot insiste d’abord sur la disparition de la volonté en tant qu’elle ne parvient pas à s’actualiser par un mouvement musculaire correspondant à l’état de conscience perçu par l’individu : c’est l’aboulie, qui réduit l’homme à constater ses velléités toujours avortées, l’impuissance de ses tendances motrices malgré la parfaite conscience des motifs qui devraient le pousser à l’action. Le cas de l’irrésolution semble plus complexe : on a ici l’affrontement de plusieurs velléités, et l’incapacité de l’une d’entre elles à prévaloir sur les autres. L’explication physiologique de Ribot souligne d’abord que si l’irrésolution peut devenir pathologique, elle est aussi un phénomène normal : l’instabilité de la volonté est naturelle puisque le moi n’est pas une entité stable et unifiée. Le moi a naturellement peu de cohésion, et ne forme que rarement une unité sans contradictions :

À part les caractères tout d’une pièce (au sens rigoureux du mot, il ne s’en trouve pas), il y a en chacun de nous des tendances de toute sorte, tous les contraires possibles, et entre ces contraires toutes les nuances intermédiaires, et entre ces tendances toutes les combinaisons. C’est que le moi n’est pas seulement une mémoire, un emmagasinement de souvenirs liés au présent, mais un ensemble d’instincts, tendances, désirs, qui ne sont que sa constitution innée et acquise, entrant en action.[6]

 Le moi n’est rien d’autre qu’une combinaison mouvante, instable de diverses tendances ou chaînes de processus physiologiques dont l’intensité varie. Les images en jeu au sein de ces séries de processus sont plus ou moins fortes, indépendamment de leur capacité à produire la conscience. De fait, les tendances inconscientes sont souvent plus puissantes que les tendances conscientes. Le consensus de l’organisme, qui se fait jour lorsque l’une des séries finit par prédominer sur les autres, permettant ainsi l’action volontaire, n’a rien d’évident. La multiplicité des tendances organiques est influencée par l’extérieur, par nos expériences qui provoquent de nouvelles associations, renforcent certaines tendances, en atténuent d’autres. Le centre de gravité du moi, c’est-à-dire la tendance qui prévaut, se déplace, change en fonction de la manière dont la combinaison d’états affectifs, d’images, d’associations, de tensions nerveuses au sein de chaque tendance se construit, et se déconstruit.

L’étude de l’acrasie opposait, grosso modo, une tendance rationnelle à une tendance pulsionnelle. « Deux âmes habitent dans ma poitrine » (Goether, Faust) : cette dualité, si elle ne manque pas d’une certaine force dramatique, est par trop réductrice : on observe en réalité, dit Ribot, une multiplicité de tendances se succédant au premier plan, trop vite pour permettre à l’individu de passer à l’acte. De multiples penchants, directions animent le moi sans cesse chez l’individu sujet à l’irrésolution, qui apparaît comme normale lorsqu’on insiste sur la diversité des moments traversés dans l’existence, donnant lieu à diverses excitations, diverses images qui ajoutent à la complexité décisionnelle. Les fonctions sociales de l’individu, ses devoirs, les évènements extérieurs tirent le moi de part et d’autre, balloté ainsi entre diverses possibilités d’expression.

Suivant l’âge, les divers devoirs de la vie, les événements, les excitations du moment, tels complexus d’idées qui, à un moment donné, représentent le moi, se développent plus que d’autres et se placent au premier rang. Nous sommes un autre et cependant le même. Mon moi comme médecin, mon moi comme savant, mon moi sensuel, mon moi moral, etc., c’est-à-dire les complexus d’idées, de penchants et de direction de la volonté qui sont désignés par ces mots, peuvent entrer en opposition et se repousser les uns les autres à un moment donné. Cette circonstance devrait avoir pour résultat non seulement l’inconsistance et la scission de la pensée et du vouloir, mais encore l’absence complète d’énergie pour chacune de ces faces isolées du moi, si, dans toutes ces sphères, n’y avait un retour plus ou moins clair pour la conscience de quelques-unes de ces directions fondamentales.[7]

 Outre la littérature, la physiologie elle-même a voulu promouvoir cette idée d’une dualité entre deux moi qui coexisteraient. La théorie, répandue à l’époque de Ribot, d’une identité entre le moi et le cerveau, a ainsi contribué à la vision par trop réductrice d’une scission du moi en deux : puisque le cerveau a deux hémisphères, nous serions des êtres doubles : l’indépendance relative des hémisphères cérébraux donnerait naturellement lieu aux désaccords internes que le témoignage de la conscience semble nous donner si souvent.

On a voulu aller plus loin et établir que ce dualisme cérébral suffit à expliquer tout désaccord dans l’esprit, depuis la simple hésitation entre deux partis à prendre jusqu’au dédoublement complet de la personnalité. Si nous voulons à la fois le bien et le mal, si nous avons des impulsions criminelles et une conscience qui les condamne, si le fou par instants reconnaît sa folie, si le délirant a des moments de lucidité, si enfin quelques individus se croient doubles, c’est tout simplement parce que les deux hémisphères sont désaccordés ; l’un est sain, l’autre morbide ; un état siège à droite, son contraire à gauche ; c’est une sorte de manichéisme psychologique.[8]

L’aspect caricatural de cette hypothèse est dénoncé d’emblée par Ribot, qui pointe du doigt, non sans humour, les situations dans lesquelles nous hésitons entre trois possibilités :

À qui n’est-il pas arrivé d’hésiter entre agir dans un sens ou dans le sens contraire, ou s’abstenir ; entre voyager au nord ou au midi, ou rester chez soi ? Il arrive maintes fois dans la vie que trois partis sont en présence, dont chacun exclut nécessairement les deux autres. Où loge-t-on le troisième ?[9]

C’est la spatialisation cérébrale de l’hésitation qui est ainsi remise en cause par Ribot – qui rejetait par ailleurs la topologie crânienne de Gall en vogue au début du XIXe siècle. Les hésitations qui caractérisent l’irrésolution ne naissent pas d’un conflit synchronique entre deux régions du cerveau, mais d’un conflit diachronique entre diverses tendances qui tour à tour, successivement, vont apparaître au premier plan :

Ces oppositions dans la personne, cette scission partielle dans le moi, tels qu’ils se trouvent aux moments lucides de la folie et du délire, dans la réprobation du dipsomane pour lui-même pendant qu’il boit, ne sont pas des oppositions dans l’espace (d’un hémisphère à l’autre), mais des oppositions dans le temps. Ce sont, pour employer une expression favorite de Lewes, des « attitudes » successives du moi.[10]

Certaines tendances parviennent à prédominer, mais cette prépondérance ne parvient pas à durer : elles alternent trop vite, et n’acquièrent ainsi pas la force nécessaire pour le passage à l’acte. Il n’y a ainsi chez Ribot ni unité naïve du moi, ni dualité caricaturale, mais intermittence d’états de conscience, multiplicité diachronique du moi. Il n’en résulte pas nécessairement de dissolution de ce moi : de même que « notre corps peut prendre, coup sur coup, deux attitudes contraires, sans cesser d’être le même corps »[11], de même, nous restons la même personne, bien qu’irrésolue. Pourtant, les cas extrêmes d’irrésolution semblent entraîner une ce que Ribot désigne ailleurs par une dissolution de la personnalité. Ribot souligne à quel point le moi, pour se stabiliser et pouvoir ainsi agir, requiert un caractère fort.

III. La faiblesse du caractère : les « natures changeantes »

Ribot insiste sur le pouvoir moteur d’une idiosyncrasie univoque et durable : c’est là l’apanage d’un caractère fort. Le caractère est cette somme de tendances, désirs, goûts coordonnés de façon plus ou moins cohérente dans l’organisme individuel. C’est cette cohérence unidirectionnelle qui fait défaut à l’irrésolu. Le caractère fort est un composé stable, prévisible, aux visées durables : chaque décision du moi émane alors tel un fruit mûr, sans entraves. Lorsqu’il veut, ce caractère exprime des tendances centrifuges qui s’orientent plus facilement vers une résolution finale clairement identifiée, et rarement abandonnée. Le caractère faible, lui, est incapable de ressentir la prédominance d’une tendance sur les autres, et il finit donc par opter, passivement, pour ce qui lui oppose le moins de résistance :

Chez les irrésolus, pauvres d’idées, cela se voit mieux. S’ils agissent, c’est toujours dans le sens de la moindre action ou de la plus faible résistance. La délibération aboutit difficilement à un choix, le choix plus difficilement à un acte. [12]

L’individu résolu puise sa volonté de l’intérieur, dans son caractère même, qui n’est rien d’autre que la somme des tendances inscrites dans l’organisme individuel, synonyme chez Ribot de tempérament ou d’idiosyncrasie. L’irrésolu, lui, est trop sensible à l’environnement extérieur, à l’appel des diverses opinions, objets, circonstances qui se présentent à lui : il s’éparpille, pour ainsi dire, en se laissant distraire par des motifs extrinsèques qui viennent s’imposer à lui alternativement, créant un chaos intérieur dont aucune tendance motrice volontaire ne peut émerger:

Chez les natures changeantes, ce définitif est toujours provisoire, c’est-à-dire que le moi voulant est un composé si instable que le plus insignifiant état de conscience, en surgissant, le modifie, le fait autre. Le composé formé à chaque instant n’a aucune force de résistance à l’instant qui suit. Dans cette somme d’états conscients et inconscients qui, à chaque instant, représentent les causes de la volition, la part du caractère individuel est un minimum, la part des circonstances extérieures un maximum. Nous retombons dans cette forme inférieure de la volonté étudiée plus haut qui consiste en un “laisser-faire”.[13]

Il faut ici bien comprendre que cette hypersensibilité à l’extériorité des caractères faibles ne se traduit pas par une intériorisation profonde des motifs, qui, s’ils acquéraient la force de l’affect, deviendraient alors moteurs, efficaces. L’hyper réceptivité aux motifs extérieurs dont parle ici Ribot est en fait superficielle, en ce sens qu’elle ne donne lieu qu’à des états de conscience, et non à des états affectifs assez puissants pour motiver l’individu à agir. En effet, Ribot n’a de cesse de souligner que la capacité à agir provient de la vie affective, et non des états de conscience. Or les motifs multiples et contradictoires qui aveuglent l’individu irrésolu ne sont rien de plus que des états de conscience. En eux-mêmes, ils n’ont aucune efficace : l’état affectif qui devrait leur correspondre fait défaut. C’est là où Ribot semble s’éloigner de la tradition intellectualiste, qui comprend la faiblesse de la volonté comme une contamination par les impulsions émotives, les affects, les passions, de la délibération rationnelle. Pour Ribot, la volonté a besoin d’un enracinement affectif pour être efficace : sans affect, elle se réduit à un simple état de conscience dénué de toute efficace. Ce déficit émotionnel explique l’aboulie comme l’irrésolution : les diverses raisons qu’il perçoit d’agir de telle ou telle manière ne s’inscrivent pas dans son caractère, laissent son moi intact, inaffecté.

Chez l’irrésolu, ainsi, ou bien les impulsions se succèdent trop rapidement, ou bien elles manquent, et sont remplacées par de simples états de conscience amputés de leur socle affectif. C’est ce qui rend la limite entre l’aboulie et l’irrésolution si ténue, et l’on peut comprendre pourquoi Ribot passe de l’une à l’autre parfois sans transition. Dans les deux cas, l’énergie musculaire ne se déploie pas. L’irrésolu peut être aboulique, c’est-à-dire atteint d’apathie morbide, percevant les motifs divers sans qu’il puisse en être affecté. Ou bien, il peut être animé d’une grande diversité des tendances physiologiques, certes, cette fois, réellement ancrées en lui et l’affectant, mais dont aucune, par manque de temps, ne parvient à acquérir cette force centrifuge, unidirectionnelle, nécessaire pour le passage à l’acte.

La volition n’est pas une décision, c’est un acte. Ses conditions de possibilités sont physiologiques, se coordonnant lors de la période d’excitation, mais elle n’apparaît à proprement parler que lorsqu’il y a passage de cette période d’excitation à la période motrice, dont elle constitue l’élément initial.

Il ne faut jamais oublier non plus que vouloir c’est agir, que la volition est un passage à l’acte. Réduire, comme on l’a fait quelquefois, la volonté à la simple résolution, c’est-à-dire à l’affirmation théorique qu’une chose sera faite, c’est s’en tenir à une abstraction. Le choix n’est qu’un moment dans le processus volontaire. S’il ne se traduit pas en acte, immédiatement ou en temps utile, il n’y a plus rien qui le distingue d’une opération logique de l’esprit. Il ressemble à ces lois écrites qu’on n’applique pas.[14]

Ribot semble identifier ici résolution et décision, et ainsi les considérer comme des états de conscience n’entraînant pas nécessairement l’action. Tout état de conscience associé à ce que nous désignons par les termes de décision ou de résolution devrait pourtant naturellement se traduire par un acte. L’irrésolution, ou l’indécision, constitue ainsi une bizarrerie psycho-physiologique à deux niveaux : d’abord parce que l’individu est incapable de faire prévaloir une résolution, un état de conscience « résolu » sur les autres, ensuite parce que quand bien même il y réussirait, cet état de conscience manque de l’impulsion nécessaire pour effectuer l’acte qu’il appelle pourtant naturellement. Il y a impossibilité d’effort. De quelle nature est cette capacité à l’effort qui fait si cruellement défaut aux indécis ? Pourquoi l’irrésolu semble s’épuiser, s’il est incapable d’effort ? Ribot précise qu’il existe deux types d’effort : l’effort musculaire, mais aussi, en amont, un effort de type nerveux qu’il appelle l’effort volitionnel. Si l’effort musculaire fait souvent défaut à l’irrésolu, l’effort volitionnel, lui, est clairement ressenti. En s’appuyant sur les écrits de William James, Ribot décrit ce type d’effort comme une sorte de poussée intérieure, qui, si elle ne se traduit pas par des mouvements visibles, n’en fatigue pas moins l’individu qui la ressent. Une tendance se heurte à la résistance d’autres tendances, conscientes ou non, qui viennent entraver l’acte consciemment choisi. Ribot reprend à son compte l’exemple convoqué par James de “l’homme qui, après une longue hésitation, prend le parti de mettre de l’arsenic dans le verre de sa femme pour l’empoisonner.[15] L’effort volitionnel consiste en cette résistance sentie lors de l’hésitation, précédant l’acte musculaire – qui lui, en l’occurrence, est bref et aisément réalisé. Là où James voyait l’origine de l’effort volitionnel dans un domaine supra-sensible, Ribot, lui, ne le fait pas sortir du domaine physiologique : si l’on connaît moins les processus organiques, nerveux, à l’œuvre dans ce type d’effort, il n’en est pas moins une dépense d’énergie tout comme l’effort musculaire, voire davantage. C’est ce qui explique l’épuisement de l’irrésolu : même s’il n’agit pas ou peu, même s’il n’y pas ou peu d’effort musculaire, visible, l’effort volitionnel, lui, est à son comble.[16] Cet épuisement se double de la pénible frustration à ne pas pouvoir aboutir à un acte particulier, et peut ainsi mener l’irrésolu, à terme, à abandonner toute tentative d’effort.

IV. La folie du doute

Ribot identifie deux types d’irrésolution, on l’a vu : soit il y a hypersensibilité paralysante, soit il y a affaiblissement des capacités sensitives : c’est alors l’aboulie. Dans les deux cas, on observe un épuisement du système nerveux, un affaiblissement des fonctions vitales et motrices. Le premier type d’irrésolution peut mener au second : à force d’être balloté entre différents motifs stimulant à force égale le système nerveux, ce dernier, surmené, devient inapte à réagir : il s’engourdit, pour ainsi dire, jusqu’à faire sombrer l’individu dans l’aboulie.

Revenons sur le cas de l’hypersensibilité, appliqué cette fois à un type particulier d’irrésolus présentant de fortes aptitudes intellectuelles. Ribot envisage, comme cause possible de l’irrésolution, le trop grand nombre de motifs à portée d’un individu qui finirait par se perdre dans leur évaluation, leur comparaison. La complexité des calculs engendrés par cette richesse d’idées gêne l’action résolue, en créant une multiplicité de tendances apparemment inconciliables.

Parmi les caractères irrésolus, quelques-uns – c’est le très petit nombre – le sont par richesse d’idées. La comparaison des motifs, les raisonnements, le calcul des conséquences, constituent un état cérébral extrêmement complexe où les tendances à l’acte s’entravent. Mais cette richesse d’idées n’est pas à elle seule une cause suffisante de l’irrésolution ; elle n’est qu’une cause adjuvante. La vraie cause, ici comme partout, est dans le caractère.[17]

Ribot insiste encore ici sur la faiblesse du caractère de l’irrésolu, qui se conjugue ici avec la « rumination psychologique »[18] caractéristique d’une intelligence excessivement inquiète. En voici une illustration :

Une femme fort intelligente ne peut sortir dans la rue sans se demander : Va-t-il tomber d’une fenêtre quelqu’un à mes pieds ? Sera-ce un homme ou une femme ? Cette personne se blessera-t-elle ou se tuera-t-elle ? Si elle se blesse, sera-ce à la tête ou aux jambes ? Y aura-t-il du sang sur le trottoir ? Si elle se tue, comment le saurai-je ? Devrai-je appeler du secours, ou m’enfuir, ou réciter une prière ? M’accusera-t-on d’être la cause de cet événement ? Mon innocence sera-t-elle reconnue ? etc.[19]

On a ici affaire au premier type de « folie du doute » : il s’agit d’une sorte de perplexité morbide de l’intelligence qui se manifeste chez le malade par une « manie de fouiller (Grübelsucht) »[20]. Cette perplexité paralyse l’individu, ou, au mieux, le force à d’infinies précautions : c’est le fameux cas de celui qui ne peut s’empêcher de vérifier s’il a bien fermé la porte derrière lui. Un flux d’idées vaines se traduit par un flux d’actions vaines, et de questionnements incessants. Cette folie du doute se traduit par une angoisse constante :

Les uns ne sortent pas de la réalité vulgaire et banale, comme celui qui vérifie vingt fois de suite s’il a bien fermé sa porte ; d’autres s’épuisent en questions abstruses et insolubles, sans jamais se satisfaire ni s’arrêter, comme une roue qui tourne toujours ; d’autres, les timorés, s’abîment dans des scrupules et des puérilités sans fin : mais quelle que soit la matière à laquelle l’esprit s’applique, l’opération psychologique reste identique : c’est une interrogation sans trêve ni limites, accompagnée d’angoisse, de constriction de la tête, d’oppression épigastrique, de troubles vaso-moteurs, etc.; c’est le désir ardent de trouver un état fixe pour la pensée, sans y parvenir.[21]

À son comble, cette maladie devient une sorte d’aboulie particulière, nourrie par un scepticisme pratique absolu : c’est le second type de « folie du doute », issu du premier, auquel Ribot renvoie dans son ouvrage plus tardif sur La psychologie des sentiments.

Sous sa forme la plus grave, elle est « la perte complète de toute notion et de tout sentiment de la réalité ». C’est le scepticisme absolu, non théorique et spéculatif à la manière des Pyrrhoniens, mais pratique : il porte non seulement sur des idées, des concepts abstraits, des souvenirs, des raisonnements, mais sur les perceptions mêmes et les actes; l’exercice de l’intelligence n’est accompagné d’aucune croyance, c’est-à-dire d’aucun état de l’esprit qui pose une réalité. « J’existe, dit l’un de ces malades, mais en dehors de la vie réelle et en dépit de moi-même…; quelque chose qui paraît être dans mon corps me pousse à agir comme autrefois; mais je ne puis arriver à croire que mes actions sont réelles. Je fais tout mécaniquement et inconsciemment… Mon individualité a complètement disparu ; la manière dont je vois les choses me rend incapable de les réaliser, de sentir qu’elles existent… Même en touchant et en voyant, le monde m’apparaît comme un fantôme, une gigantesque hallucination… Je mange, mais c’est une ombre de nourriture qui entre dans une ombre d’estomac, mon pouls n’est que l’ombre d’un pouls… J’ai parfaitement conscience de l’absurdité de ces idées, mais je ne peux les surmonter.[22]

Encore une fois, Ribot insiste ici sur le fait que les états de conscience liés à ce trouble ne l’expliquent nullement : les causes sont à chercher du côté de l’affaiblissement moteur et affectif. Le doute, le questionnement incessants sont bien plutôt des effets d’un état physiologique morbide, déserté par les fonctions vitales nécessaires à l’affirmation, à la certitude, à la résolution. Dans La psychologie des sentiments, Ribot dresse une typologie des caractères au cours de laquelle il mentionne les natures contemplatives, dont le caractère prête tout particulièrement le flanc à ce type de morbidité : « leurs éléments constitutifs peuvent être énumérés dans l’ordre suivant : sensibilité très vive, intelligence aiguisée et pénétrante, activité nulle. » [23] Hamlet livre un exemple de ce type d’irrésolution : il sent et pense beaucoup, sans être capable d’agir.

Ribot n’indique nulle part dans son œuvre les moyens d’affermir son caractère, et d’accroître la force de notre volonté. Et pour cause : “La possibilité de l’effort est, en dernière analyse, un don naturel”,[24] et l’irrésolution, comme nous l’avons vu, est une inaptitude à passer de l’effort volitionnel à l’effort musculaire. L’habitude peut modifier le comportement, certes, et les séries physiologiques, en se répétant, s’affermissent. Mais l’élément inné est indispensable :

Tout organe se développe par l’exercice ; ici de même, en sorte que la répétition devient plus facile. Mais si un premier élément n’est pas donné par la nature et avec lui une énergie potentielle, rien n’aboutit.[25]

Ribot ne fait que constater le déterminisme physiologique qui rend notre caractère plus ou moins susceptible d’être affecté par l’irrésolution morbide. On voit clairement pourquoi la condamnation morale de la faiblesse de la volonté lui semblerait absurde. Les états de conscience qui apparaissent chez l’individu dont l’intelligence malade se questionne à l’excès sont eux aussi, comme tout état de conscience, le fruit de processus organiques, nerveux, physiologiques ; mais par trop faibles pour influencer positivement le comportement. Elles repoussent le moment de l’action, qui ne semble jamais assez justifiée pour être effectuée.

L’irrésolution, dans sa forme la plus commune, consiste en une succession d’impulsions trop rapide pour qu’aucune d’entre elles ne puisse prédominer sur les autres et se traduire par un acte. L’organisme individuel est incapable de hiérarchiser les diverses séries physiologiques qui l’animent comme autant de tendances équivoques, multidirectionnelles, et souvent contradictoires. Cependant, Ribot explique aussi l’irrésolution par l’inefficacité d’états de conscience auxquels manquent, cette fois, les impulsions correspondantes : l’irrésolution se rapproche alors de l’aboulie. La force affective, seule à pouvoir engendrer un acte, fait défaut, et l’état de conscience en lui-même demeure stérile. L’individu peut se croire alors décidé, mais il ne se sent pas décidé, pour ainsi dire ; il ne peut donc vouloir, et n’agit pas.

En s’intéressant aux états de conscience « amputés » de leurs racines organiques, Ribot semble s’éloigner du pur physiologisme dont beaucoup pensent qu’il se réclame. L’épiphénoménisme de la conscience ne manque pas de reconduire un certain dualisme. Mais la rupture n’est qu’apparente : ces états de conscience demeurent la manifestation de tendances physiologiques ; seulement, elles sont trop faibles ou trop intriquées à d’autres pour pouvoir s’actualiser. La question de la responsabilité morale de l’agent n’apparaît pas, et le dualisme intellectualiste du débat traditionnel sur l’akrasia semble ainsi bien dépassé par la psychologie expérimentale de Ribot. Il n’y a plus lieu de s’étonner que l’état de conscience ne puisse plus provoquer l’action, puisque cet état de conscience est dénué de toute puissance causale – à moins qu’il accompagne une impulsion à même d’affecter profondément la physiologie de l’individu. L’irrésolu souffre de la faiblesse de son caractère trop spasmodique, ou trop apathique, au point de perdre pied avec le réel, s’il atteint l’extrême pathologie de la folie du doute.

Bibliographie

Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888

Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888

Ribot, Th. (1896). La psychologie des sentiments. Paris : Alcan.


[1] On compte plus de 37 rééditions depuis 1883.

[2] Pour ne citer qu’eux, on retiendra Pinel (Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale, 1800), Briquet (traité clinique et thérapeutique de l’hystérie, 1847), ou encore Griesinger (Traité des maladies mentales, 1865).

[3] Voir Les maladies de la mémoire, 1881. Inspiré par les travaux du neurologue John Hughlins Jackson, Ribot est ainsi l’auteur de la loi qui porte son nom (« loi de Ribot ») et décrit l’ordre selon lequel les souvenirs disparaissent, du plus récent au plus ancien.

[4] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. p.62

[5] Dostoïevski, Le sous-sol, trad. B. de Schloezer.

[6] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. p.75

[7] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. pp.77-78

[8] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. pp.120-121

[9]Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. pp.121. Par ailleurs, Ribot renvoie à des études (non référencées dans son ouvrage) faites sur des enfants qui n’avaient développé qu’un seul hémisphère cérébral, et qui eux aussi, comme tout être normal, se trouvant parfois dans des situations d’indécision : « Dans quelques cas d’atrophie congénitale du cerveau, qui paraissent appuyés sur des observations authentiques, on a vu des individus réduits, dès l’enfance, à un seul hémisphère cérébral ; leur développement intellectuel était ordinaire et ils ressemblaient au reste des hommes. Chez eux, dans l’hypothèse que nous combattons, aucune lutte intérieure n’aurait dû se produire. »  (Les maladies de la personnalité, p. 122)

[10] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. pp. 119-120

[11] Ribot, Th. (1885). Les maladies de la personnalité. Paris : Alcan. 2e édition, 1888. p. 120

[12] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.36

[13] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.36-37

[14] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.37

[15] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.65

[16] Cet aspect de l’irrésolution, jusqu’ici négligé, constitue sans doute l’un des points les plus originaux de la pensée ribotienne sur l’affaiblissement de la volonté.

[17] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.36

[18] Legrand du Saulle (La folie du doute avec délire du toucher, 1875), cité par Ribot dans les maladaies de la volonté, p. 60

[19] Legrand du Saulle, (La folie du doute avec délire du toucher, 1875), cité par Ribot dans les maladaies de la volonté, p. 59

[20] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.59

[21] Ribot, Th. (1896). La psychologie des sentiments. Paris : Alcan. p.366

[22] Hack Tuke’s, Dictionnary : art. Insanity of Doubt. Cité par Ribot dans La psychologie des sentiments, 1896, p.367

[23] Ribot, Th. (1896). La psychologie des sentiments. Paris : Alcan. p.385

[24] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.68

[25] Ribot, Th. (1883). Les maladies de la volonté. Paris : Alcan. 5e édition, 1888. p.69

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