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Philosophie des salles obscures – recension

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Recension de Stanley Cavell, Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale, traduction N. Ferron, M. Girel, E. Domenach, Flammarion, 2011.

Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale, traduction de Cities of Words, Pedagogical Letters on a Register of a Moral Life, (2004)[1], illustre l’accélération de la publication en France de l’œuvre de S. Cavell.

Salles obscures et salle de cours

Le titre de cet ouvrage, ainsi que sa traduction, doit de prime abord attirer notre attention. Il s’agit, comme le signale le sous-titre, de « lettres pédagogiques » :

Le recueil de lettres que vous avez sous les yeux suit la progression d’un cycle de cours de cours intitulé « Le perfectionnisme moral ». C’est un enseignement que j’ai dispensé à plusieurs reprises au cours des quinze dernières années[2].

Ces remarques liminaires de Cavell sont dissonantes par rapport à la première impression que pourrait faire la traduction choisie pour le titre : « Philosophie des salles obscures ». Ce livre ne porte pas sur le cinéma[3] mais sur le perfectionnisme moral. Cette version du titre trouve une explication non pas dans le projet cavellien, mais dans l’organisation du cours dont il est issu.

En effet cet enseignement mêlait l’étude d’un « grand texte de la philosophie morale, d’hier et d’aujourd’hui (Platon, Aristote, Locke, Kant, Mill, Nietzsche, Rawls) ou d’un texte littéraire porteur de problèmes moraux ayant trait aux préoccupations perfectionnistes (Shakespeare, Ibsen, George Bernard Shaw) […] et de chefs-d’œuvre (à [s]es yeux) du cinéma américain de la période que l’on appelle “l’âge d’or” du parlant hollywoodien » (ibid.). Cela se traduit concrètement dans le livre par l’alternance d’un chapitre consacré à un auteur et d’un chapitre dédié à un film, le second accompagnant le premier.

L’inclusion de films pour accompagner les textes discursifs vise à encourager cette reconnaissance [de textes que l’on ne se sentirait pas forcément tenu de reconnaître dans les débats philosophiques des spécialistes], mais il ne faudrait pas que les professeurs de philosophie aient l’impression qu’il serait imprudent de les omettre ou qu’ils y perdraient sur le plan intellectuel. Je ne voudrais pas non plus donner l’impression que la philosophie abandonnée à elle-même a besoin d’être compensée par des révélations transmises par le cinéma. On doit plutôt prendre ces films pour ce qu’ils proposent une configuration différente des voies intellectuelles et émotionnelles déjà explorées par la philosophie mais dont celle-ci se détourne parfois prématurément pour des raisons qui lui sont propres, en particulier depuis que les spécialistes et l’institution se sont emparés d’elle […]. La revendication implicite, c’est que le cinéma – le plus récent des grands arts – montre que la philosophie est souvent le compagnon invisible des vies ordinaires que lui-même sait si bien rendre. (p. 24)

Les textes fonctionnent donc par couple tout en s’inscrivant dans un jeu de liens plus profond et souterrain entre l’ensemble des articles. Ce fonctionnement par « résonances » entre les différents textes du recueil est un mode d’expression apprécié de Cavell. On le retrouve dès sa première œuvre, Dire et Vouloir dire :

Si les essais qui vont suivre, dans leurs résonances mutuelles, ne composent pas d’eux-mêmes un livre, rien de ce que je pourrai dire pour les présenter n’y pourra changer quoi que ce soit. Les rapports qu’ils entretiennent ne sont en effet pas moins complexes que les complexités que j’ai essayé de suivre dans les essais proprement dits ; et tout concept que je voudrais utiliser pour caractériser leurs rapports soit se trouvera lui-même déjà en œuvre à l’intérieur des essais, pour autant que j’aie été capable de le mettre au travail, soit demanderait, pour en faire ce que je voudrais, que je mette en chantier un nouvel essai. Les recoupements thématiques de surface entre essais sont, je crois, parfois étonnants, ou étonnamment nombreux[4].

Ce mode de fonctionnement textuel permet à la fois d’offrir une certaine liberté au lecteur en lui laissant la possibilité de refuser la linéarité propre à tout livre et donc la possibilité d’avoir une lecture moins systématique, mais cela permet aussi de voir ce qui « est au travail » tout au long du livre et de la réflexion cavellienne plus généralement. Les recoupements thématiques ne sont pas toujours « volontaires » ou pleinement conscients chez le philosophe – ce qui montre par contraste la profondeur de ce qu’il avance, la profondeur de ce qui est au travail dans l’intégralité de son œuvre. Sans doute, cet effet de résonnances est-il, dans Cities of Words, influencé par le cadre dont il est issu : non pas une salle obscure, mais une salle de cours, un cours de philosophie morale, ou plutôt une autre voie/voix dans la tradition de philosophie la philosophie morale : le perfectionnisme.

Qu’entendre par « perfectionnisme moral » ?

Dans ma vision des choses, le perfectionnisme n’est pas une théorie (une de plus) de la vie morale, mais quelque chose comme une dimension, ou une tradition, de la vie morale que l’on retrouve tout au long de la pensée occidentale et qui touche à ce que l’on appelait l’état de notre âme : cette dimension attache une extrême importance aux relations personnelles et à la possibilité, ou à la nécessité, de notre transformation et de la transformation de notre société[5].

Mais il ne s’agit pas ici de produire une définition, que par ailleurs Cavell refuse lui-même de donner :

Je ne veux pas produire une définition de ce que j’entends par perfectionnisme, émersionnien[6] ou pas. Non seulement je n’ai pas de liste complète des conditions nécessaires et suffisantes pour l’utilisation du terme, mais je n’ai pas de théorie où la définition du perfectionnisme pourrait jouer un rôle utile. […] Qu’il n’existe pas de liste définitive des caractéristiques constitutives du perfectionnisme est la conséquence d’une conception du perfectionnisme comme perspective ou dimension de pensée, incarnée et développée dans une série de textes qui couvrent tout l’éventail de la culture occidentale[7].

À défaut d’une définition, Cavell propose une liste[8] d’œuvres (complètes ou partielles) qui sont pertinentes pour la question du perfectionnisme. Dans cette liste, on trouve aussi bien des textes philosophiques classiques : L’Éthique à Nicomaque d’Aristote, la République de Platon, les Confessions de saint Augustin, les Pensées de Pascal, les Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant, De la liberté de Mill, etc., que des textes littéraires La Marquise d’O de Kleist, La Maison de poupée d’Ibsen, Hamlet, Coriolan, La Tempête de Shakespeare, etc. On trouve le même esprit – à la fois de « liste » et de variété dans la série d’épigraphes que commente ensuite l’auteur dans l’introduction de Cities of Words puis dans le choix des auteurs étudiés : Emerson, Locke, Mill, Kant, Rawls, Nietzsche, Ibsen, Freud, Platon, Aristote, H. James, Shakespeare. Il faut ajouter à cette liste le recours, constant chez Cavell, à Wittgenstein, Austin, et Heidegger.

En quoi cela peut-il nous avancer dans la compréhension de ce qu’est ou peut être le « perfectionnisme moral » ?

Tout d’abord cela rappelle que la vocation morale de la philosophie ne peut être réduite à un corpus de textes classiques ou de « philosophes professionnels ». Cela tient à l’appréhension cavellienne de ce qu’est la philosophie[9]. La philosophie n’est pas appréhendée comme théorie ou doctrine, mais comme un mode de vie, comme un dialogue constant avec ce qui n’est pas elle mais qui la comprend. Et quoi de mieux que la littérature, ou le cinéma,  pour nous donner à voir en détails les conflits (moraux ou non) qui habitent notre vie ordinaire ?

L’idée que sous-tend le perfectionnisme moral n’est pas (philosophiquement) nouvelle :

L’idée d’être fidèle à soi-même, ou à l’humanité qui est en soi-même, ou encore l’idée de l’âme partant en voyage (vers le haut,  vers l’avant), se trouvant d’abord perdue au monde, et exigeant un refus de la société et surtout peut-être de la société démocratique, niveleuse, au nom de quelque chose qu’on appelle souvent culture[10].

Le perfectionnisme mêle l’idée de la recherche du meilleur de soi — du perfectionnement de soi — à celle du refus du conformisme (une pensée de l’aversion[11]). Cette idée de perfectionnement de soi n’est pas nouvelle, on l’a trouve chez les penseurs et philosophes antiques. Elle a été réactivée par Emerson, Thoreau, Nietzsche, pour ne citer qu’eux. À ceci près que :

(1) La vision revendiquée par Cavell du cheminement de l’âme n’est pas platonicienne — de l’obscurité vers la lumière (République) — mais plutôt émersonienne : avancer l’inlassablement vers « le moi non atteint, mais réalisable » (p. 32).

(2) Contre l’impression donnée par la première définition, Cavell affirme l’existence d’un perfectionnisme qui « accepte joyeusement la démocratie et dont la démocratie (c’est tout à son honneur) non seulement tolère mais honore les critiques, un perfectionnisme que suscite l’aspiration démocratique »[12]. D’où le titre (original) du présent ouvrage : Cities of words : il s’agit bien de parler de la « cité », d’aborder la question de la justice. Ce qui contrevient à l’impression « élitiste » ou/et individualiste que l’on peut avoir d’un telle perspective morale fondée sur la recherche du meilleur de soi. C’est au contraire au sein d’une communauté que ce « moi non en encore réalisé, mais réalisable » peut se déployer. Cette communauté est aussi bien familiale (le couple), amicale que, plus largement, celle de la société (politique)[13].

Ce sont justement les couples qui sont au cœur des textes consacrés au cinéma, ce qui n’est pas sans lien avec la pensée cavellienne des comédies de remariage. Ce qui est visé, ce sont les échanges ordinaires, les conflits et conversations qui ont lieu au sein du couple. C’est là la dimension de « mots » ou « paroles » du titre original Cities of words. Mais pourquoi trouve-t-on chez Cavell cette tendance à s’achopper ainsi au mariage quand on parle de cinéma et de perfectionnisme ? La réponse de l’auteur est double :

Dans ces films  le mariage est une allégorie de ce que les philosophes depuis Aristote pensent en termes d’amitié, de ce qui donne la valeur aux relations personnelles, et c’est là un thème emblématique du perfectionnisme. Deuxièmement, l’idée que je veux faire passer, c’est que la vie morale n’est pas uniquement constituée par la considération de jugements isolés portant sur de grands problèmes moraux et politiques, mais qu’elle est une vie dont la texture est faite d’entrelacs de préoccupations et d’engagements où l’on est voué à se perdre à un moment donné et où l’on a besoin de faire appel aux mots crédibles et bienveillants des autres afin de retrouver sa voie, voie dans laquelle on peut à tout moment, avoir à choisir (si, ou quand, on va avouer une indiscrétion, comme dans Un cœur pris au piège ou, comme dans Cette sacrée vérité on va s’offenser d’une indiscrétion) et à décider à quelle représentation de nous-mêmes nous accordons le plus de valeur[14].

Cinéma et perfectionnisme

 Nous voyons bien ici que le rôle des textes portant sur les films dans n’est pas « illustratif ». Comme Cavell le souligne dans Conditions nobles et ignobles : « Le chemin qui m’a donné l’accès le plus immédiat, ou le plus systématique à cette question, c’est ma réflexion sur le cinéma ». (p. 210). Ils servent l’objectif du cours, en offrant originellement à l’étudiant de cette salle, au lecteur, à présent une autre voie, « une configuration différente des voies intellectuelles et émotionnelles déjà explorées par la philosophie » :

Le cinéma […] appelle d’emblée la philosophie en se présentant à la fois comme familier et d’une distance extrême, en exprimant notre désir d’entretenir une vision pure du monde et de participer à sa signification ordinaire. Ce conflit qui écartèle la créature humaine est exprimé dans certains (grands) moments du cinéma[15].

Le cinéma nous donne par l’entremise des expériences des personnages et des situations auxquelles ils sont confrontés, à voir nos propres expériences de reconnaissance ou de déni de l’autre ou du monde. Il est « une image mouvante du scepticisme »[16] et détient un pouvoir de « consolation »[17].

Mais bien sûr, il ne s’agit pas de n’importe quel film, mais de « chefs-d’œuvre […] du cinéma américain de la période que l’on appelle “l’âge d’or” du parlant hollywoodien ». La plupart de ces chefs-d’œuvre ont déjà été analysés dans À la recherche du bonheur[18], mais ici la perspective est quelque peu différente. Voici la liste des films mis en regard des textes « classiques », ou moins « classiques », de la philosophie morale : Indiscrétion (The Philadelphia Story), Madame porte la culotte (Adam’s Rib), Hantise (Gaslight), New York Miami (It Happened one night), L’extravagant Mr Deeds, Une femme cherche son destin (Now, Voyager), Stella Dallas, Un cœur pris au piège (The Lady Eve), La dame du vendredi (His Girl Friday) et Cette sacrée vérité (The Awful truth), liste à laquelle il faut ajouter deux textes portant sur Henry James et Max Ophuls et sur Shakespeare et Rohmer.

Pourquoi ces films ? Parce que la plupart entreprennent de

[m]ettre l’accent sur la veille propension du cinéma à évoquer le transcendantal dans l’expérience, le transcendantal  de l’extase, de l’horreur, du sublime, disons du mystère de l’existence du monde, d’une dimension du subjectif qui n’est pas déterminée culturellement par ce qu’on appelle notre position de sujet dans la culture ; une dimension du subjectif qui offr[e] la promesse de rechercher ce que le perfectionnisme moral décrit comme un état prochain du moi (et peut-être son monde), un état du moi non réalisé mais réalisable[19].

Cela est tout à fait visible dans les textes centrés sur le « couple ». Mais l’intérêt de la structuration de ce livre/cours tient surtout à l’articulation entre le texte sur un auteur et un film. Prenons un exemple autre que celui du couple, car celui-ci nous amènerait à trop de digressions sur la comédie du remariage et pourrait donner l’impression que le perfectionnisme moral reste enfermé dans cette structure.

D’autres aspects du perfectionnisme sont mis en évidence par Cavell : le refus du conformisme, disons ici « l’extravagance », puisque nous pensons aux chapitres portant sur Rawls et L’Extravagant Mr Deeds. Mr Deeds est un « provincial » qui, à la suite d’un héritage, « débarque » à New York. Sa nouvelle position sociale attire un grand nombre de « parasites » à ses côtés qui ne cesse de mettre sur le premier plan son excentricité : il joue du Tuba, il saute dans un camion de pompier pour les aider, il semblerait qu’il donne des beignets à des chevaux, etc. Il s’agit cependant toujours d’une analyse du film par le biais de la conversation, mais plus radicalement encore que dans le cas des analyses sur le couple, car chez Deeds, c’est la capacité même de parler qui est mise en jeu :

Le problème de Deeds n’est pas de prendre sa part dans l’établissement d’une bataille égale et réciproque d’examen de soi, mais garder à cœur de parler tout court (p. 235).

Le choix de la confrontation de ce film (avec sa scène magistrale du procès) à Rawls n’est pas un hasard : il expose, pourrait-on dire, « une conversation de la justice »[20]. Plus spécifiquement, ce que montre ce film de Capra est que :

 [p]our découvrir notre communauté certains devront être écartés de force, être privés de voix dans leur effort pour usurper ou dévaluer la parole des autres – une interprétation de la violence répétée de Deeds, envoyant son poing dans les mâchoires des ses adversaires. C’est le rêve d’une démocratie participative raisonnablement organisée. Elle a ses dangers ; la démocratie en a ; la parole en a. Si la caméra du cinéma contribue par ses moyens uniques à aider à garder vivant le registre perfectionniste, utopique de la démocratie, c’est suffisamment de pouvoir et de gloire pour justifier son existence. (p. 247)

Pour conclure, insistons sur la qualité de cette perspective d’analyse, à la fois riche et très personnelle de Cavell qui ne ressemble ni à quelque chose comme une théorie du cinéma traditionnelle, ni à un manifeste de philosophie morale – mais n’est-ce pas là l’héritage même du perfectionnisme émersionnien : un style et une attention à l’ordinaire, à notre commerce ordinaire avec le monde ?

Delphine Dubs (Paris 1-Phico)



[1] Stanley Cavell, Cities of Words, Pedagogical Letters on a Register of a Moral Life, Cambridge, Harvard University Press, 2004.

[2]Stanley Cavell, Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale, traduction N. Ferron, M. Girel, E. Domenach, Flammarion, 2011, p. 7.

[3] Pour un réflexion cavellienne plus « authentique » sur le cinéma, on pourra se reporter à The World Viewed. Reflexion on the Ontology of Film, 1971 ; La Projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, trad. C. Fournier, Paris, Belin, 1999 et à Cavell on Film, (ed. W. Rothman), Albany, State University of New York, 2005, qui regroupe la quasi totalité des essais de Cavell ayant trait au cinéma. Certains de ces essais sont traduits en français dans Le Cinéma nous rend-il meilleurs ?, trad. S. Laugier & E. Domenach, Paris, Bayard, 2010. Signalons aussi la récente parution du livre d’Élise Domenach, Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme (PUF, 2011).

[4] Must We Mean What We Say? A Book of Essays, [MWM], 1969, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, trad. C. Fournier & S. Laugier, Dire et vouloir dire, Paris, Cerf, 2009, p. 59.

[5] Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, tr. Ch. Fournier et S. Laugier, Paris, Gallimard, 2009, pp. 208-9.

[6] Le perfectionnisme est un courant notamment issu ou réactivé par les réflexions d’Emerson et de H. D. Thoreau. Cavell précise ici « émersionnien », car la citation est issue de Conditions nobles et ignobles. La constitution du perfectionnisme moral émersionnien (repris dans Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, qui regroupe en un seul volume la « trilogie émersonienne ».

[7] Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, Op. Cit., p. 212.

[8] Ibid., pp. 213-14.

[9] À titre d’exemple, citons ce passage de Dire et vouloir dire, Op. Cit., pp. 60-61 : « S’il y a une distinction que je veux contester, c’est celle, encore courante, entre la philosophie et la méta-philosophie — la philosophie de la philosophie. Les remarques que je fais sur la philosophie (par exemple, sur certaines de ses différences avec d’autres disciplines) ne sont, là où elles sont exactes et utiles, ni plus ni moins que des remarques philosophiques, à égalité avec les remarques que je fais concernant la reconnaissance, les erreurs ou la métaphore. Je suis tenté de considérer ce fait — que la philosophie est à elle-même un sujet normal — comme définissant à son tour la discipline, définissant ce que j’attends de la philosophie. Mais il se peut que quelqu’un qui pense que la philosophie est une forme de science n’accepte pas cette définition, parce qu’il a en tête l’image de la différence entre, par exemple, parler de physique et faire de la physique. Et il est possible que ce soit là non seulement une conception particulière de la philosophie, mais même une conception restreinte de la science ; car certaines manières dont certaines personnes parlent d’une science font partie intégrante de l’enseignement de cette science, et les façons d’enseigner et d’apprendre cette science sont sans doute essentielles pour comprendre ce qu’elle est ».

[10] Ibid., p. 207.

[11] Cf. l’analyse de la formule d’Emerson « La vertu la plus demandée, dans la société, est le conformisme. La confiance en soi en est son aversion » dans le chapitre consacré à Emerson, ainsi que « La pensée de l’aversion », in Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, Op. Cit., pp. 260-311.

[12] Ibid., p. 207.

[13] Pour une analyse complète, cf. P. Maratti « Political Emotions. Cavell on democracy », Revue internationale de philosophie, « Stanley Cavell », 2/2011, vol 65, n°256, pp. 167-82.

[14] Philosophie des salles obscures, p. 35.

[15] Élise Domenach, Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme, Paris, PUF, 2011, p. 17.

[16] La Projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, trad. C. Fournier, Paris, Belin, 1999, p. 242.

[17] Pour une analyse complète, voir Élise Domenach, Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme, en particulier la dernière partie de l’ouvrage.

[18] À la recherche du bonheur. Hollywood ou la comédie du remariage, Paris, Cahiers du Cinéma, 1993. Dans cet ouvrage Cavell isole un nouveau genre de film qu’il nomme « la comédie du remariage ». « La spécificité de cette forme est de nous mettre en présence d’un couple déjà constitué, sans qu’il y ait à raconter la rencontre, les étapes de la constitution du couple (parfois rappelée par touches). La comédie du remariage est ainsi plus apparentée à ce que Northrop Frye a appelé “Old Comedy” à la Shakespeare qu’à la “New Comedy” : il ne s’agit pas, comme dans la comédie romantique, de montrer un jeune couple qui surmonte progressivement les obstacles extérieurs (sociaux, ou physiques : distance géographique, absence de communication) à son union », S. Laugier, Comment ils se sont disputés », dossier « Couples », Le Passant ordinaire, oct. 2004 (http://www.passant-ordinaire.com/revue/50-696.asp).

[19] Préface de Le Cinéma nous rend-il meilleurs, Op.cit, p. 15.

[20] Ce thème est principalement traité dans Conditions nobles et ignobles. Sur cette question, cf. aussi, en ligne, l’article de P. Duval.

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