Conclusion

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Par Olivier Sarre.
Mots-clés : Augustin, la Cité de Dieu, étude, philosophie, anthropologie, individu.

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La théorie politique d’Augustin est fondée sur sa conception de l’amour. Celui-ci pourrait être qualifié de moteur ontologique et il permet à la volonté d’agir et à l’homme de vivre dans le temps. Mais du fait du péché il peut prendre trois formes distinctes, les deux premières étant plus pendant le cours du temps des concepts interprétatifs : soit l’amour de soi jusqu’au rejet de Dieu, soit l’amour de Dieu jusqu’au rejet de soi, et un double mouvement, à la fois ascendant et descendant, la loi des membres. La cité du diable sera celle du peuple uni par l’amour de soi ; la cité de dieu celle du peuple uni par l’amour bien ordonné pour le Dieu véritable. Mais dans le cours de l’histoire, ces deux sont mêlées, le citoyen de l’une peut le devenir de l’autre, ainsi Paul persécutant les chrétiens étant pourtant prédestinés à la cité céleste, et l’infidèle qui fréquente les églises ne sera pas sauvé. On le voit, le problème politique est inséparable dans la pensée d’Augustin d’une perspective temporelle et eschatologique. Le Fils est créateur du monde, par son ministère de grâce il devient le Roi de la cité céleste, et du fait de cette autorité il reviendra, à la fin des temps, pour juger les hommes et les faire entrer soit dans une éternité de tourments, soit dans la béatitude sans fin.

L’originalité de la pensée politique d’Augustin tient essentiellement, il nous semble, en ce qu’elle préfigure, en un sens, la révolution opérée par la modernité politique. En effet, la communauté humaine n’est pas perçue comme nécessaire à l’homme[1] pour qu’il soit homme mais utile pour le confort dans cette misérable vie. Ce n’est plus selon le meilleur que la cité sera pensée, mais selon le pire, et on peut noter à ce sujet comment le père de l’Eglise considère la paix terrestre, civique : une simple consolation passagère. Bien sûr la pensée reste dans un horizon cosmologique étranger à notre modernité et sa perspective eschatologique est sans doute bien éloignée de la notre. Pourtant il pose, du fait même de sa définition d’un peuple, le problème tout à fait actuel du multiculturalisme. Il ne donne cependant, pour le lecteur moderne, de réponse vraiment satisfaisante à ce problème. Pourtant il nous semble que les tensions internes à sa pensée ouvrent la voie à deux possibilités, à deux théories politiques modernes, soit un Etat libéral lockéen, soit un Etat absolu hobbesien. En effet, parce que le fidèle n’est pas de ce monde, ne devrait-il pas se désengager des croyances des impies qui, si c’est la volonté de Dieu se convertiront de toute manière ? Ou si le monde l’en empêche ne risque-t-on pas de tomber dans un conflit entre deux perspectives hégémoniques et décisionistes ? Aussi une telle étude doit conduire les hommes à l’humilité : au croyant parce que, n’étant pas Dieu, il serait blasphématoire de faire passer ses plans avant ceux de son créateur et donc il doit faire preuve de prudence dans ses jugements, et à l’agnostique ou à l’athée parce que, étant fini, il ne saurait dire une vérité universelle.


[1] On retrouve d’ailleurs là l’influence des stoïciens.

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