Perspectives

Print Friendly, PDF & Email

Par François Carrière.

Concluons notre propos par cette définition de l’usage du terme l’écologie:

L’écologie politique doit être pensée comme une ontologie des relations. Ajoutant de nouvelles relations aux relations existantes, elle doit créer de nouveaux rapports au monde s’incarnant dans une pragmatique de l’action spécifique, dont la finalité est d’entretenir un rapport différent entre l’homme et son Oikos.

Autrement dit, « elle suspend nos certitudes concernant le souverain bien des humains et des choses, les fins et les moyens »[1].

Pratiquement, elle ne doit pas compter nécessairement sur les institutions: si elle est politique c’est par sa dimension sociale. Il faut inventer une écologie des pratiques.

Prenons un exemple: l’apparition de certains groupes militants, qui sont nombreux dans le domaine de l’écologie politique, permet selon Stengers,

« l’événement politique par excellence: le surgissement d’une parole articulée, au double sens où, produite par un collectif, elle n’est pas une opinion individuelle, et où elle produit de son propre point de vue une articulation des dimensions de la situation qui, auparavant, était subie ».

Ce qui se traduit par le fait que, loin d’être annulée, l’expertise voit modifier sa portée, sa signification, son autorité par « l’énonciation explicite de ce qu’elle taisait, de ce qui la conditionnait implicitement: le silence de ceux à propos de qui elle parlait »[2].

Ainsi, dans chaque contestation politique il y a un conflit ou un débat sur les faits et sur la manière de les prendre an compte.

Il est donc indispensable que les questions d’écologie relèvent d’un engagement citoyen et non seulement de l’expertise ; et par suite nécessaire de ne pas réduire la politique à sa dimension étatique ou institutionnelle.

Les décisions relatives à l’édification d’un nouveau rapport à notre Oikos devraient pouvoir prendre la forme de ce que Stengers a pu observer dans les sciences théorico-expérimentales, dans lesquelles règne la culture du désaccord.

Il s’agit de cultiver, au sein de nos démocraties, les désaccords sur la forme à donner à notre  nouveau monde commun;  parce qu’il y a là, justement, la possibilité de fabriquer un accord à partir de divergences ; accord fiable car ne résultant ni de l’opinion ni de la victoire de certaines propositions sur d’autres[3].

En un mot l’écologie politique nous invite à renouveler en profondeur la vie publique car elle sait que l’avenir réside dans l’accroissement des êtres ou des relations qu’il nous faut prendre en compte.

Notre propos n’a pas pour objectif de faire l’apologie du militantisme mais seulement de souligner que les questions d’écologie impliquent une éthique  ainsi que la possibilité d’une parole publique nécessaires à toutes élaboration de décisions.


[1] LATOUR, Bruno, Politiques de la nature, p.37.

[2] Toutes ces citations sont extraites d’une interview donnée par STENGERS (Politique du savoir, politique des faits) disponible sur le site internet de Multitudes.

[3] Sur ce point voir l’interview qu’Isabelle Stengers a acordée à la revue militante Vacarme n°19 disponible sur le site internet de Multitudes.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *