Responsabilité parentale

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Par Claire Abrieux.

Le fait de la parentalité impose d’être responsable, et ce à divers égards. À l’égard de la loi, à l’égard de l’éducation des enfants, mais par-dessus tout à l’égard de leur sécurité physique et tout particulièrement lorsqu’il s’agit de nouveaux-nés. La définition même du nouveau-né est sa dépendance physique. Il semble donc essentiel de fonder le développement de l’utérus artificiel sur la notion de responsabilité envers l’enfant à naître. Partant de ce postulat, il convient à présent de comprendre dans quelle mesure il est donné à un adulte d’être parent.

L’hypothèse commune de dons innés en matière de maternité est discutable. Ne serait-ce que parce qu’il existe des mères infanticides. Mais elle est aussi discutable parce qu’elle postule une essence de la femme et en conséquence une essence de l’homme. Si l’on s’en remet aux données empiriques les enfants de familles monoparentales (que le parent unique soit la mère ou le père) auraient indubitablement des problèmes d’épanouissement pour ne pas dire de développement même. Le souci de brièveté, auquel le présent exercice nous oblige, nous contraint à ne pas pousser plus avant dans la discussion des identités de genre. Mais retenons tout de même que la parentalité ne semble pas relever des dons innés -si tant est que quoi que ce soit de ce genre existe- et est donc avant tout l’affaire de la responsabilité.

Il s’agit donc à présent de savoir si cette responsabilité est instantanée ou si elle est progressive. Divers faits empiriques ont à voir directement avec la notion de responsabilité instantanée envers les enfants : le cas des mères porteuses et le cas de tuteur d’orphelin. Pour les tuteurs qui héritent la charge d’enfant(s) suite au décès d’un proche, on pourra objecter que la responsabilité instantanée n’est pas clairement établie : on peut penser qu’il connaissait les enfants auparavant et qu’il en avait peut-être déjà eu la responsabilité ponctuelle. Prenons donc le cas des mères porteuses, et soulignons au passage la proximité que ce sujet entretient avec celui de l’ectogenèse. La différence essentielle d’avec l’ectogenèse tient au fait qu’une tierce personne est requise et que les dommages peuvent donc être collatéraux. Les parents qui font appel à la gestation pour autrui sont impliqués, ils ont la possibilité de suivre l’évolution de la grossesse. Ce temps d’avant la naissance serait-il porteur de sens ? Si tel en est le cas il nous faut à présent interroger le processus de parentalité et non plus le fait de parentalité.

Il est essentiel de distinguer les différents types de parentalité pour éviter des confusions basiques. La parentalité peut être d’ordre biologique ou disons génétique, mais elle est aussi sociale. La tendance de nos sociétés à la norme naturalisée se retrouve dans cette distinction. Le courant technophobe mais malheureusement des opinions et des prises de décisions plus communes sont empreintes de l’idée que la Nature est un indicateur du Juste, du Bien ; idée que nous réfutons fermement dans le cas qui nous occupe. En matière de procréation s’il fallait retourner à l’enfantement dans des conditions naturelles pour être plus « juste » ou pour « le bien de la communauté », alors nous ne compterions plus les cas de mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle subirait une croissance exponentielle, sans même parler de la cruauté que serait alors le recours à la césarienne en l’absence d’analgésiques. La Nature ne fait pas la norme. La parentalité génétique n’est pas plus valable que la parentalité sociale : les parents adoptifs ont à ce titre le droit d’être parents. Il existe de nombreuses cultures, que nous qualifierons ici de tribales par concision, dans lesquelles la filiation est une notion sociale[1]. Ces cultures tribales ne sont certainement pas moins pertinentes pour la société puisqu’elles permettent la plupart du temps d’apporter une solution simple et pacifiante à l’infertilité d’un couple. Faisons-nous bien entendre ici : il ne s’agit pas d’appliquer tel quel le modèle de parentalité sociale de ces cultures tribales (dans leur ensemble bien trop éloignées de la nôtre) mais bien plutôt de souligner la pertinence de ce mode de parentalité. La parentalité sociale est bien plus essentielle et bien plus pertinente en termes de responsabilité que ne l’est celle de parentalité biologique ; il s’agit de reconnaissance entre parents, enfants et société.

Un dernier point sur lequel nous souhaiterions apporter un éclaircissement est le lien entre l’utérus artificiel et la paternité, et par conséquent entre utérus artificiel et maternité. L’implication active dans le développement fœtal pour les pères pourrait bien être le seul véritable changement qu’induirait le développement de l’utérus artificiel. Nous touchons là à l’argument de la puissance du lien qui se crée entre la mère et l’enfant au cours de la grossesse. Cet argument a été utilisé par une partie du courant féministe dit différentialiste[2] pour opposer une résistance farouche à cette technique qui dépossèderait les femmes de leur nature propre. Au vu de nos prises de positions liminaires nous ne pouvons que nous opposer à ce courant différentialiste[3]. Cependant soit la réalité de ce lien est fondée par l’attachement émotionnel en tant que conséquence du lien physique entériné par la grossesse. Et dans ce cas-là on retombe sur la notion de parentalité purement biologique que nous avons déjà questionnée. Mais on tombe surtout sur la nécessité de renouveler la nature de ce lien émotionnel pour le père et de mettre à profit la technique de l’ectogenèse pour rendre enfin les pères responsables de leur descendance (car n’oublions pas que dans cette première perspective les hommes n’ont pas d’accès biologique direct au lien physique donc au lien émotionnel). Soit la réalité de ce lien n’a pas de fondement raisonnable et dans ce cas-là il n’y a aucune raison à s’opposer à ce qu’un père puisse porter un utérus artificiel à cause de différences de genre.

Plan de la démarche :

Présentation

La liberté de choix

Responsabilité parentale

Conclusion et bibliographie


[1] Françoise Héritier, Masculin, Féminin : La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996

[2] Grille de lecture possible pour le féminisme : féminisme différentialiste postulant que la femme et l’homme ont des natures différentes, et féminisme égalitariste postulant que l’on doit tendre à la réduction des inégalités de genre qui n’ont pas de fondement.

[3] Voir l’introduction.