Annexes

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Par Olivier Sarre

A. Les robots

Selon les Babyloniens, les dieux vivaient dans une société inégalitaire et certains d’entre eux travaillaient au profit d’une élite oisive. Les dieux se révoltèrent, et le dieu de la technique créa des êtres doués de vie pour accomplir la besogne à leur place. Ce sont les hommes. Les premiers robots sont les êtres humains eux-mêmes, serviteurs des dieux dans une société principalement organisée par la religion.

Dans la mythologie grecque il est souvent question d’êtres artificiels créés afin d’accomplir une tâche précise, par exemple défendre une cité – le colosse de Rhodes – ou une contrée – Talos devait défendre la Crète de ses envahisseurs. Homère, dans l’Iliade[1], présente Héphaïstos accompagné de servantes en or qui l’aidaient dans ses travaux et servaient d’aide domestique[2]. De même, des tables autonomes apportaient le fruit de son artisanat sur le mont Olympe à sa place[3]. On peut également penser, en élargissant un peu la définition du robot, à l’histoire de Pygmalion, qui créa la statue d’une femme d’une beauté si parfaite qu’il en tomba amoureux. Aphrodite le prit en pitié et donna vie à cette statue. Enfin, Héron d’Alexandrie, et bien d’autres encore, était réputé pour la confection de nombreux automates, le plus souvent à eau.

Le robot, même s’il ne portait pas encore ce nom, apparaît dans l’esprit des hommes comme un serviteur doué de vie, ou du moins d’une certaine autonomie. C’est grâce à celle-ci que le créateur se voit délivré d’un labeur indigne ou désagréable. Le robot est avant celui qui sert son créateur sans possibilité de se rebeller. Parce qu’il est la propriété de ce dernier, il peut être considéré comme un esclave. Il n’est là que pour la satisfaction des désirs de son maître. Originellement, il doit être compris comme un outil.

Une deuxième étape importante pour comprendre la réalité actuelle de la robotique se trouve dans la création d’automates dans un but autre que de remplacer des travailleurs humains. Il peut être objet de luxe pour la bourgeoisie, ou fruit de recherches scientifiques tel le canard mécanique de Vaucanson[4] ou, dans la Grèce antique, les automates à eau construits par Héron d’Alexandrie. Les automates se distinguent des robots tels que définis dans l’introduction par le fait qu’ils ne sont que des mécanismes, qu’ils ne possèdent pas une intelligence, même minime. Ils sont un stade antérieur du robot. Il faut cependant noter que cet ancêtre du robot moderne n’est pas créé dans le but de travailler à la place de l’homme, mais pour manifester la puissance technicienne de l’homme.

Avec le machinisme puis la révolution industrielle se développe grandement la volonté de fabriquer des produits techniques permettant une plus grande efficacité au travail. S’il n’est pas possible de parler de robots dans les grandes chaînes de production de l’époque, il faut cependant noter que la technique prend encore ici un rôle d’aide pour l’homme, afin de l’assister dans la réalisation de tâches difficiles.

Le terme robot apparaît dans une pièce de théâtre, R. U. R. (Rossum’s Universal Robots) écrite et mise en scène par Karel Čapek au début des années 1920[5]. Le terme est dérivé de robota, qui signifie en tchèque travail forcé et qualifiait les travailleurs artificiels apparaissant dans la pièce[6].

B. L’Intelligence Artificielle

L’idée d’Intelligence Artificielle apparaît en 1956 lors d’un congrès scientifique. C’est Alan Turing qui en sera le pionnier le plus influent. La base du raisonnement est l’algorithme. C’est de la logique. Par ailleurs l’Intelligence Artificielle est bien une science, qui subit un double processus de vérification, l’un formel, l’autre empirique. On peut distinguer deux formes d’I.A. : la faible est basée sur une discipline scientifique, et est une simulation de comportements intelligents : elle vise la reproduction des activités de l’entendement. C’est la forme la plus répandue aujourd’hui. L’Intelligence Artificielle forte proposerait elle de reproduire la conscience. C’est là, pour l’instant, un mirage – par exemple celui du golem[7]. Cette dernière forme est cependant l’objet de nombreuses recherches.

Ce n’est cependant qu’au début des années 1990 que l’Intelligence Artificielle se voit introduite dans des organismes robotiques. C’est cet être artificiel composé d’un corps mécanique et d’une Intelligence Artificielle qui est, au sens plein, un robot. Sans cette insertion, la volonté d’établir une charte éthique des droits du robot ne se serait pas développée.

C. Les trois lois de la robotique : I. Asimov

Les trois lois de la robotique développée dans les années 50 par Isaac Asimov[8] sont un point de départ affiché aux réflexions sur les droits du robot. Aussi, il importe de les rappeler :

–         Première loi : Un robot ne doit pas porter atteinte à un être humain ni, en restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.

–         Deuxième loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par un être humain sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi.

–         Troisième loi : Un robot doit chercher à protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première loi ou la deuxième loi.

Lire la suite :

Intelligences et organismes artificiels

Droit des robots et modernité

Droit des robots et hypermodernité

Problèmes pratiques

Conclusion et bibliographie

Annexe : Éléments historiques


[1] Chant XVIII.

[2] Homère, L’Iliade, Trad. Fr. par Paul Mazon, Paris, Le livre de poche, 1966. P. 445 : « Deux servantes s’évertuaient à l’étayer [le feu]. Elles sont en or, mais elles ont l’aspect de vierges vivantes. Dans leur cœur est une raison ; elles ont aussi voix et force ; par la grâce des Immortels, elles savent travailler. Elles s’affairent pour étayer leur seigneur. »

[3] Ibid. p. 444 :« Il est en train de fabriquer des trépieds – vingt en tout – qui doivent se dresser tout autour de la grand-salle, le long de ses beaux murs bien droits. A la base de chacun d’eux, il a mis des roulettes en or, afin qu’ils puissent, d’eux-mêmes, entrer dans l’assemblée des dieux, puis s’en revenir au logis – une merveille à voir ! »

[4] Exposé dès 1844 au Palais-Royal, il peut cancaner, simuler la nage, et surtout ingérer et digérer des aliments.

[5] Ecrite en 1920, mise en scène à Prague en 1921 et jouée à New-York en 1922.

[6] Il faut cependant noter que le propos de Čapek était de dénoncer les conditions de travail dans les grandes industries où il considérait que les individus étaient réduits à l’état d’esclaves, et de pointer les risques de déshumanisation que pourraient engendrer la technologie.

[7] La tradition juive rapporte l’existence d’une statue d’argile fabriquée par le rabbin Loew. Celle-ci s’animait lorsqu’un message écrit préalablement sur un morceau de papier était glissé dans sa bouche. Elle servait principalement comme aide domestique. Cependant, un jour, le rabbin avait oublié le papier dans sa bouche, et, alors que ce dernier présidait au culte, la statue s’anima et effraya les voisins du créateur. Selon une autre légende, sur le front du golem était écrit emeth, qui signifie vérité en hébreu. On dit qu’un jour le Golem aurait pris un couteau pour effacer la première lettre, le mot devenant meth, c’est-à-dire mort.

[8] ASIMOV Isaac, (1950) Les robots, Paris, J’ai lu, 1997.