Philosopher en enseignantuneVaria

Le cours de philosophie en terminale, un lieu intermédiaire entre le domaine privé et le domaine public ? Une interprétation arendtienne d’une expérience du savoir

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Par Caroline Glorie Doctorante à l’Université de Liège, membre du groupe de recherche « Genèse et actualités des Humanités critiques. France / Allemagne 1945 – 1980 » (ARC-GENACH). Enseignante de philosophie au Lycée français de Düsseldorf (2014-2015 / 2016-2017). Membre du Groupe de Recherches Matérialistes (GRM).

  Partant du constat que la classe est traversée par une dimension politique (le programme de cours est fixé par le Ministère de l’Éducation nationale et vise à préparer les élèves à adopter les valeurs du citoyen), cet article cherche, dans un premier temps, à en tirer les conséquences concrètes. À l’aide d’une description critique de ce qui se joue en classe, ce premier moment vise à montrer que l’idéal politique qui sous-tend l’enseignement de la philosophie en Terminale a pour conséquence d’imposer une vision du monde « du dehors », ce monde des adultes auquel l’école doit préparer, comme un monde unifié. La manière dont le cours de philosophie doit se donner rejoue sans cesse le présupposé d’un monde non conflictuel. Ensuite, dans un second temps, cet article vise à interroger la nécessité de faire de la classe un lieu séparé du monde des adultes à l’aide des réflexions d’Hannah Arendt sur la dimension privée et sociale de l’école. Comment la classe peut-elle être un espace traversé par la pluralité au sens où l’entend Arendt alors même qu’il s’agit d’un espace privé ?

               Introduction

Ce texte propose une ébauche de théorisation d’une expérience d’enseignement de la philosophie dans un lycée français. Cette expérience et la réflexion qu’elle a suscitée sont indissociables de l’extériorité relative avec laquelle, en tant que belge, j’ai répondu aux exigences de l’enseignement de la philosophie en Terminale. J’étais d’abord étrangère aux spécificités de cet enseignement et j’ai travaillé assidûment pour parvenir à transformer – pour l’occasion – mon rapport à la philosophie. J’ai donc appris une discipline nouvelle dont il me semble avoir intégré les codes et les attentes. C’est dès lors à partir de ce travail d’assimilation et d’un devenir enseignant « à la française » que je voudrais interroger le type d’enseignement qui me semble découler de la dissertation et de l’explication de texte[1].

ArendtL’école est le lieu de divers rapports au savoir : l’interrogation, l’exposé, l’analyse d’un document, l’écoute d’un cours et la prise de notes sont différents aspects de ce que j’appellerai une « expérience du savoir[2] » qui est propre à l’école. Le programme du cours de philosophie est déterminé par le Ministère de l’Éducation nationale. Il s’ensuit que les notions du programme sont en adéquation avec l’idéal républicain autant qu’avec la forme du raisonnement philosophique qui doit être enseignée, à savoir, la dissertation. Dans cet article, j’interrogerai les présupposés de cette forme de raisonnement (la dissertation), c’est-à-dire les présupposés d’un enseignement fondé principalement sur l’apprentissage d’une certaine manière d’argumenter. Il me semble que le rapport au savoir qui est instauré par la dissertation et l’explication de texte (mais peut-être seulement par la dissertation) est normalisant parce que s’y joue en permanence la vérification d’une adéquation à un modèle idéal. En effet, la principale finalité de l’enseignement de la philosophie en Terminale est l’apprentissage d’une forme de discours qui soit en adéquation avec les attentes de celui qui jugera les résultats de cet apprentissage. De façon plus précise, je tenterai de montrer que cette adéquation se joue à deux niveaux : d’une part, dans le cadre privé de la classe (au niveau de l’expérience du savoir qui s’y fait) et, d’autre part, à un niveau public (parce qu’une détermination politique transcende la classe et en fixe les finalités). Pour le dire une première fois rapidement, la nécessité d’une adéquation du résultat de l’enseignement de la philosophie à une dissertation idéale, ainsi que l’adéquation des notions du programme aux valeurs de la République, me semblent miner de l’intérieur l’expérience du savoir qui se joue en classe. La normalité qu’imposent les exercices de type bac à l’expérience du savoir est a priori fatale aux possibles émancipateurs de l’enseignement.

C’est pour dépasser cette incompatibilité entre cadre pédagogique figé et enseignement de la philosophie, sans pour autant désarticuler un canevas d’apprentissage imposé (donc sans mettre les élèves en difficulté vis-à-vis de l’épreuve finale), que j’ai proposé à mes élèves de devenir enseignants pour une partie du programme[3]. Ce projet visait tout entier à poser, en pratique, la question suivante : comment retrouver une expérience émancipatrice du savoir ? C’est-à-dire : comment faire de la classe un lieu où la transmission du savoir peut prendre la forme d’une expérience ?

Je commencerai par décrire les caractéristiques de l’enseignement tel que j’en ai fait l’expérience, avant d’énoncer les présupposés théoriques qui le rendent possible. Ensuite, après une brève description de l’expérience d’échange des rôles proposée à la classe, je tenterai de comprendre pourquoi cette initiative n’a pas conduit à une expérience émancipatrice du savoir. À travers cette brève analyse, je voudrais, au fond, interroger à partir des catégories d’Hannah Arendt, la figure de « frontière » qu’est l’enseignant de philosophie en France : représentant de l’idéal républicain, il est un acteur du public qui procède à partir d’un espace privé, la classe. Partir des concepts de « public » et de « privé » tels qu’Arendt les conçoit me permettra, à cet égard, de compliquer la perception classique que nous avons de ces concepts.

1. Description critique d’une situation classique d’enseignement

Comme dit plus haut, il me semble que l’enseignement de la philosophie est déterminé par une double adéquation : une première adéquation du résultat de l’enseignement à un modèle idéal et, à un second niveau, une adéquation du contenu de l’enseignement à un idéal politique. Je détaillerai ces deux niveaux dans les deux paragraphes qui suivent.

Enseigner la dissertation et l’explication de texte revient à enseigner les outils de la pensée argumentative : établir des présupposés, problématiser une question, progresser dans l’argumentation. La finalité de cet enseignement est simple et donnée d’entrée de jeu. Il s’agit d’apprendre à raisonner et à argumenter à l’aide d’exercices qui structurent la pensée, comme le font les mathématiques ou la logique. Dans le vocabulaire belge, on trouve l’expression « exercices de drill » : des exercices courts et réalisés en série. De très bons manuels de philosophie offrent quantité d’exercices qu’il est possible de qualifier ainsi et qui permettent de démystifier la dissertation et l’explication de texte. Par la répétition d’exercices, c’est donc une véritable pratique intellectuelle qui s’acquiert, un « savoir-penser » appliqué. Ces exercices de drill sont possibles parce que la forme que doivent prendre la dissertation et l’explication de texte sont extrêmement bien fixées et réglementées. Même si la dissertation idéale n’est jamais atteinte dans le faits, elle pèse profondément sur la manière dont est réalisé et vécu l’enseignement de la philosophie. En effet, l’importance donnée aux exercices du bac et, plus précisément, à leur formalité est à ce point essentielle à la réussite de l’épreuve finale que le cours a davantage l’aspect d’un cours d’argumentation que d’un cours de philosophie.

Si l’enseignement de la philosophie est déterminé dans sa forme, cela va de pair avec une détermination externe des finalités de cet enseignement. Je voudrais souligner ici les implications de l’emprise de l’Éducation nationale sur l’enseignement de la philosophie. Je commencerai par reprendre les propos de Mark Sherringham, Inspecteur général en 2006 :

« […] l’enseignement scolaire de la philosophie est ordonné à une fin qui lui est à la fois supérieure et complètement intérieure. La République dépasse l’enseignement de la philosophie, mais son contenu et ses conditions de possibilité demeurent en même temps pleinement philosophiques. Le premier trait du modèle français est donc de reposer sur l’union intime d’un enseignement scolaire et d’un régime politique qui suppose des citoyens “éclairés” et des hommes libres[4]. »

Quels sont les enjeux d’une telle intrication du domaine de l’éducation et de celui de la politique ? De façon très claire, le programme de philosophie participe de l’idéal républicain car l’école enseigne des notions qui appartiennent au cadre conceptuel de la République. Dès lors, la République et la citoyenneté apparaissent comme les instances qui valident en fin de compte ce qui s’est joué pendant l’éducation scolaire. Elles en déterminent ainsi les finalités dans un domaine précis : le politique. L’école peut également être qualifiée de publique, parce qu’elle prétend former de futurs citoyens, et parce qu’elle prétend s’adresser à l’ensemble des futurs citoyens. Il s’ensuit que le cadre conceptuel qui doit préparer les élèves à devenir de futurs citoyens est politique (préparation à la République), public (il concerne tous les citoyens) et idéal (il ne s’agit que d’une préparation). Est-ce un problème ? Pourquoi serait-il problématique que l’école soit traversée par une dimension politique, publique et idéalisée ? En réalité, cette conception de l’école a pour effet de réduire drastiquement les finalités possibles de l’enseignement et ce, pour deux raisons. D’une part, l’école renvoie à la possibilité d’un usage unique et non conflictuel des concepts. La dissertation propose un seul modèle de raisonnement : un raisonnement linéaire en trois parties, du simple au compliqué. Les auteurs, pour ne prendre que cet exemple, ne sont jamais étudiés pour eux-mêmes mais utilisés en fonction de l’illustration qu’ils peuvent constituer pour tel ou tel argument. Les auteurs sont alors détachés de leur contexte historique, c’est-à-dire des raisons qui les poussaient à penser. C’est le premier type d’univocité qui est défendu par cet enseignement de la philosophie. En procédant ainsi, et c’est ici mon deuxième point, l’enseignement de la philosophie en Terminale ne fait que répéter l’univocité de ce qui doit être considéré comme objectif : les principes de la République. Si l’univocité des principes républicains est critiquable c’est parce qu’elle ne fait pas droit à la conflictualité intrinsèque et nécessaire à une démocratie. Le politique est pourtant le lieu de la pluralité et de sa discussion raisonnée, le lieu d’une pluralité de points de vue et de leurs possibles déplacements. Dès lors, vont de pair la forme de raisonnement qu’est la dissertation et l’univocité du monde présupposé par la République. Ne cesse en effet de se réaffirmer l’articulation nécessaire entre une vision publique et idéalisée de la pensée, d’une part, et un idéal politique orienté vers une vie en société nécessairement unifiée, d’autre part. Cette articulation fonde jusqu’à aujourd’hui les principes de l’Éducation nationale comme l’indiquent les propos de M. Sherringham :

« Au travers de la maîtrise de la philosophie, ce qui est visé c’est la liberté de penser, liberté constitutive de la formation de l’homme et du citoyen, et contribuant à fonder l’idéal français de la République[5]… »

Comment dès lors, étant donné le caractère normalisant et rigide des exercices de type bac, faire de l’enseignement et de l’apprentissage de la philosophie une expérience émancipatrice ? Comment produire un écart afin de ne pas réduire la philosophie à une systématisation de la pensée ? Comment faire de la philosophie une formation qui ne soit pas auto-suffisante ? Une part de ces exercices, de cette méthode d’enseignement peut-elle être subvertie ? Pour répondre à ces questions, je tenterai de montrer comment la structure de la classe pèse sur l’enseignant et quelles sont les pratiques qu’il peut mettre en place pour en jouer. Pour ce faire, je commencerai par détailler ce que j’entends par « forme classe », puis je rappellerai deux présupposés théoriques qui dépassent le seul cadre de l’apprentissage de la philosophie dans un lycée français : la vision de l’élève comme un être de minorité et la finalité corollaire de l’enseignement qui doit préparer à un seul monde, extérieur à l’école.

2. Remises en question de deux présupposés de la forme classe

Par « forme classe », je désigne le dispositif de la classe : deux heures de cours entre quatre murs, un enseignant qui assure le cours, qui « donne » cours, qui connaît l’étendue du travail à faire pendant l’année mais aussi les élèves qui notent, posent des questions, réalisent des devoirs et interrogations. Par « forme classe » je vise ce temps mis à disposition pour apprendre, un temps d’une densité incroyable puisque, pendant deux heures, chaque parole compte. En effet, pendant deux heures, doivent être prononcées, entendues et comprises des paroles qui pèsent sur un temps long car le temps de la classe comprend en creux à la fois les heures de préparation de l’enseignant et les futures heures d’étude des élèves.

Dans un article traitant d’une « autre école », « Sens et non-sens à l’école. Violence, éducation, civilité : Pédagogie Nomade analyseur de l’institution scolaire[6] », Antoine Janvier met en évidence un des présupposés du schème pédagogique traditionnel : la vision de l’enfant comme un être de minorité. Le schème pédagogique est structuré par une conception de l’enfant comme être en devenir, un être encore non accompli : le petit d’homme doit être conduit au statut d’adulte par un maître. L’enfant est perçu comme un individu auquel il manque constitutivement un « supplément d’être » tant qu’il n’a pas été éduqué. Il a donc besoin de la contrainte d’un maître pour trouver son autonomie. Parce que le schème pédagogique conçoit l’enfant comme en défaut de ce que lui apportera l’adulte, il instaure une frontière entre autonomes et dépendants, entre capables et incapables. L’école traditionnelle se fonde sur ce partage :

« L’école tout entière est fondée sur ce rapport dissymétrique, qui passe moins entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre savants et ignorants (bien que le rapport se nourrisse de cette différence : mais elle ne le définit pas en propre), qu’entre quelque chose comme des capables et des incapables qui sont aussi des autonomes et des dépendants, des achevés et des inachevés, en somme des majeurs et des mineurs[7]. »

Le second présupposé porte sur la séparation de l’école du monde des adultes. Ce second présupposé s’articule au premier. Une lecture croisée de la Condition de l’homme moderne[8] et de « La crise de l’éducation[9] » d’Hannah Arendt permet de mettre en évidence que la division entre êtres majeurs et mineurs (également thématisée par Arendt) repose sur la séparation entre un domaine privé (la famille, la classe) et un domaine public et social (le monde extérieur à l’école). Arendt distingue en effet entre sphère privée et sphère publique, qui constituent les deux champs distincts de l’existence humaine. La sphère privée est un espace de protection qui correspond à l’intimité de la famille. La sphère publique, quant à elle, est marquée par l’objectivité et par l’assurance d’exister pour le regard d’autrui : « Ce qui est vu et entendu par autrui comme par nous-mêmes constitue la réalité[10] », écrit Arendt. Je retiendrai ici trois caractéristiques de cette sphère publique : le commun, la publicité et la pluralité. Le commun, d’abord, désigne le monde en tant qu’il est partagé par les êtres humains et permet à ces derniers d’occuper une place propre : « Vivre ensemble dans le monde : c’est dire essentiellement qu’un monde d’objets se tient entre ceux qui l’ont en commun, comme une table est située entre ceux qui s’assoient autour d’elle ; le monde, comme tout entre-deux, relie et sépare en même temps les hommes[11]. » La publicité, ensuite, est le fait d’être vu et entendu par d’autres : « C’est la présence des autres voyant ce que nous voyons, entendant ce que nous entendons, qui nous assure de la réalité du monde et de nous-mêmes[12] ». La pluralité, enfin, marque la place que chacun occupe et à partir de laquelle son regard est possible : « Il vaut la peine d’être vu et d’être entendu parce que chacun voit et entend de sa place, qui est différente de toutes les autres[13] ». Ces trois caractéristiques du domaine public, le commun, la publicité et la pluralité, me permetteront d’analyser, dans la suite de cet article, la « forme classe » et de tenter de comprendre pour quelles raisons et dans quelle mesure il est possible (ou non) de la qualifier de domaine public.

Si Arendt distingue le domaine privé du domaine public, elle distingue également, comme on sait, trois dimensions dans les activités humaines : le travail, l’œuvre et l’action. Le travail sert « au maintien en vie de l’organisme humain », l’œuvre « crée tout ce dont [l’homme] a besoin pour héberger le corps humain », et l’action permet d’ « organiser la vie en commun des multiples êtres humains[14] ». Dans le monde moderne, les trois dimensions de l’activité humaine peuvent être publiques, mais c’est seulement l’action (en tant qu’elle ne peut être que publique) qui possède réellement un caractère politique. Pour le dire avec les mots de Françoise Collin, commentatrice trop peu connue d’Arendt :

« Le public, dans le monde moderne en tout cas, n’est pas tout entier identifiable au politique. Il comporte un volet socio-économique qui arrime les humains à la production et à la consommation, et un volet politique qui, seul, leur permet de “se manifester par la parole et par l’action”[15]. »

L’action est l’activité proprement politique de l’être humain : elle signifie prendre une initiative, entreprendre, commencer[16]. Sans acte (et sans parole), l’existence humaine serait impossible parce qu’elle ne serait plus vécue parmi les hommes : « L’action, en tant que distincte de la fabrication, n’est jamais possible dans l’isolement ; être isolé, c’est être privé de la faculté d’agir[17] ». Dès lors, si agir, c’est être vu et entendu par d’autres êtres humains, la pluralité est sa condition de possibilité. C’est l’existence de différents points de vue, c’est-à-dire le fait d’être semblables dans notre condition d’être humain sans que jamais personne ne soit identique à quelqu’un d’autre, qui rend l’action possible. De plus, si l’action est proprement humaine, c’est la condition de natalité qui détermine les hommes : naître, c’est naître dans un monde toujours déjà plus ancien que soi. C’est la natalité qui rend possible l’initiative et la nouveauté : « Parce qu’ils sont initium, nouveaux venus et novateurs en vertu de leur naissance, les hommes prennent des initiatives, ils sont portés à l’action[18]. » Il s’ensuit que l’action, au moment où elle est réalisée, fait exister un domaine public tel qu’Arendt l’entend, c’est-à-dire marqué par le commun, la publicité et la pluralité.

Or Arendt, qui souscrit au schème pédagogique traditionnel[19], exclut les enfants du domaine public et particulièrement de la politique. En effet, il est préjudiciable, selon elle, de confondre le registre de l’éducation et celui de la politique. D’une part, « l’éducation ne peut jouer aucun rôle en politique, car en politique c’est toujours à ceux qui sont déjà éduqués que l’on a affaire[20] » et, d’autre part, il faut préserver l’enfant du domaine public. Plus précisément, si nous voulons que les enfants puissent jouer leur rôle d’enfant, c’est-à-dire introduire du nouveau dans un monde qui sera toujours plus ancien qu’eux, il est nécessaire, d’une part, qu’en tant qu’enfants ils puissent bénéficier d’un espace privé et, d’autre part, que l’éducation soit conservatrice, c’est-à-dire qu’elle maintienne le « vieux monde ». Ce n’est que dans un monde maintenu et conservé (et dont les adultes se disent responsables) que les nouveaux venus peuvent apporter de la nouveauté.

« Notre espoir réside toujours dans l’élément de nouveauté que chaque génération apporte avec elle ; mais c’est précisément parce que nous ne pouvons placer notre espoir qu’en lui que nous détruisons tout si nous essayons de canaliser cet élément nouveau pour que nous, les anciens, puissions décider de ce qu’il sera. C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice[21] […] »

Les enfants, parce qu’ils ne sont pas considérés comme des êtres humains accomplis, doivent donc être exclus de la part politique du domaine public. L’école, quant à elle, acquiert alors un statut particulier : celui d’intermédiaire entre le domaine privé et le domaine public.

« […] c’est à l’école que l’enfant fait sa première entrée dans le monde. Or l’école n’est en aucune façon le monde, et ne doit pas se donner pour tel ; c’est plutôt l’institution qui s’intercale entre le monde et le domaine privé que constitue le foyer pour permettre la transition entre la famille et le monde […] l’école représente le monde, bien qu’elle ne le soit pas vraiment[22]. »

Si le rôle de l’école est d’être un intermédiaire qui ne comprend pas de dimension publique, cela signifie qu’elle ne peut pas produire un effet immédiat sur ce domaine public (l’effet n’est qu’à retardement). L’école doit préparer les individus à entrer dans le monde des adultes et à être capables d’y produire de la nouveauté. L’éducation, telle qu’elle est pensée par Arendt, n’a pas, à proprement parler, un rôle émancipateur : elle doit garantir l’émancipation des individus mais par la négative, en maintenant l’ordre des choses établies. Dès lors, l’éducation n’est pas une expérience d’émancipation mais une de ses conditions de possibilité et l’école est un intermédiaire qui doit garantir cette future expérience.

Je cherche à comprendre ce qu’implique cette exclusion des enfants du monde public. Plus précisément, j’interroge l’image que cette exclusion dessine du monde « en dehors de l’école » ? Le maintien des enfants dans la part privée du monde, participe-t-elle du présupposé selon lequel le monde au sein duquel les enfants doivent être introduits est un monde unifié[23] ? Je préciserai ce point à l’aide de l’article « Reflections on Little Rock[24] », publié par Arendt en 1959. Dans ce texte, Arendt s’oppose à une déségrégation forcée dans le Sud des États-Unis précisément au nom de la distinction entre le domaine public et domaine social et au nom de la nécessité, d’une part, de tenir les enfants éloignés du domaine public et, d’autre part, de faire porter la responsabilité du monde public à ceux à qui elle revient : les adultes. J’en retiens deux choses : Arendt y qualifie l’école de « premier domaine public auquel les enfants ont accès », mais elle précise immédiatement que ce domaine public est social[25]. Or, pour elle, le domaine social est le domaine de la préférence et de la discrimination (de l’exclusion)[26]. Ce domaine social, lieu des préférences et des exclusions, a-t-il quelque chose à voir avec le savoir scolaire ? Est-il le sujet du savoir scolaire ? Est-ce que le savoir scolaire est en rapport avec la sphère du social ? Quelles en seraient alors les implications ? Il me semble qu’Arendt indique ici comment la séparation de l’école du domaine privé peut être entendue positivement, c’est-à-dire comme lieu de discussion des préférences et des exclusions. Arendt permet ainsi de penser la pluralité que l’idéal républicain neutralise.

Sur cette base, je vais maintenant m’attacher à clarfier les conditions de possibilité d’une expérience émancipatrice du savoir en tenant compte, d’une part, de l’appartenance de l’école au domaine social et, d’autre part, de la dimension publique d’une expérience émancipatrice. On comprend dès lors que les questions qui sont posées ici quant à l’expérience commune du savoir en classe ne respectent pas les distinctions des analyses arendtiennes de l’éducation. Les concepts d’Arendt seront toutefois les outils qui permettront de voir comment les deux présupposés de la « forme classe » sont remis en question par l’expérience d’échange de rôles lors du cours de philosophie.

3. Une expérience de déplacements. Observations

Le dispositif d’apprentissage que j’ai mis en place amène les élèves à prendre en charge une partie des heures de cours et à présenter certaines notions du programme par groupe de deux ou de trois. La consigne est minimale : les élèves peuvent prendre appui sur le manuel Passerelles (dont le nom, dans une de ses acceptions possibles, est révélateur du rôle de passeur et de garde-frontière qui incombe à l’enseignant). La description de l’exercice l’est tout autant : j’ai demandé aux élèves de prêter attention à une série d’opérations de pensée telles que transmettre un contenu, familiariser les autres élèves de la classe à un raisonnement linéaire et argumenté, répondre à leurs questions. Enfin, si j’ai aidé à la préparation du cours en amont, j’ai fait le pari que, pour que l’exercice réussisse, il ne fallait pas fausser cet échange des rôles et assumer dès lors de devenir élève le temps du cours, c’est-à-dire d’en faire le moins possible : de prendre simplement note.

Ce dispositif m’a amenée à expliciter, pour moi-même comme pour mes élèves, plusieurs modalités concrètes de l’enseignement de la philosophie. Il a révélé, en effet, qu’il est possible de prononcer un cours magistral ou de s’appuyer uniquement sur un manuel, mais aussi de donner cours en groupe ou d’utiliser des supports extérieurs. En demandant aux élèves d’actualiser une ou plusieurs modalités de cours, je leur ai laissé un espace d’autonomie où, grâce à l’exercice de la transmission, ils ont pu vérifier leurs connaissances auprès des autres élèves. Les effets de ce type d’approche de l’apprentissage ont déjà été étudiés[27].

À première vue, l’expérience produit de nombreux bénéfices. Les élèves enrichissent la matière avec des supports originaux et extérieurs. Ils utilisent massivement le tableau, mais dans une nouvelle configuration, car la présence de deux ou trois personnes devant la classe crée une dynamique : l’une parle, l’autre écrit. Des questions fusent dans la classe, tandis que l’enseignant, assis parmi les élèves, conquiert du temps disponible. Il peut voir, observer le « faire cours » des élèves.

Par ailleurs, l’expérience révèle également que les élèves endossent facilement le rôle de l’enseignant. Ils savent comment s’y prendre pour faire cours et jouent parfaitement au « professeur ». L’usage de la parole est révélateur de cette métamorphose. En effet, la parole dont les élèves-enseignants font usage est une parole qui clôt le débat. Celui ou celle qui joue le rôle de l’enseignant et qui répond aux questions doit respecter une exigence qui semble le définir entièrement : il doit détenir le vrai, le fin mot du débat. Si une discussion s’engage, la parole enseignante est celle qui la clôt parce qu’elle dit le vrai. Ensuite, il n’est plus nécessaire de penser, il n’est plus nécessaire de penser une fois que la parole du professeur a été prononcée. J’appuie certainement le trait, mais à dessein. Quel est l’effet d’un tel usage de la parole en classe ? Lorsque c’est à l’élève qui joue à l’enseignant de clôturer le processus de réflexion, la parole qui est mise en jeu et qui circule a pour but de fixer le contenu du cours, de créer un accord sur ce qui a été dit en classe et qui fera « matière ». La parole est donc collective dans un sens restrictif : elle permet de vérifier la compréhension des élèves ; elle fonctionne comme un outil vérificateur de l’adéquation entre la compréhension des élèves et ce que l’enseignant cherche à expliquer.

4. Analyse

Afin de questionner, d’un point de vue pratique, les deux présupposés théoriques de « la forme classe », j’ai tenté de produire un écart dans l’expérience qui se fait en classe. Plus précisément, en invitant les élèves à endosser à tour de rôle la fonction de l’enseignant, j’espérais rompre, en un seul déplacement, les deux présupposés éducationnels décrits plus haut. La possibilité pour l’élève de jouer le rôle de l’enseignant devait lever la distinction, donnée a priori par une répartition « générationnelle », entre les rôles de mineurs et de majeurs. De la même façon, il s’agissait de dépasser l’impossibilité d’introduire du nouveau.   Je commencerai par énoncer les raisons qui me font penser que l’expérience n’a pas réussi comme je l’espérais, et qui me conduisent à penser qu’il faut sortir de la « forme classe ». Je proposerai ensuite des solutions concrètes pour essayer de la changer de l’intérieur.

Que peut-on dire du savoir tel qu’il a été transmis par les élèves ? Si déplacement du savoir il y a, il se joue entre l’élève qui devient enseignant et l’enseignant, tandis qu’avec le reste de la classe, l’expérience du savoir ne change pas : il s’agit toujours d’une restitution simple, d’une explication. Comme dit précédemment, Arendt s’oppose clairement à l’insertion du politique dans le domaine du privé et du social : la politique n’est pas l’affaire des enfants et de l’école. L’école ne peut que représenter le domaine public, mais elle ne peut pas se donner comme étant vraiment le monde. Comme dit précédemment, Arendt opte dès lors pour une institution conservatrice qui doit rendre possible l’avènement du nouveau dans le monde.[28]

En proposant aux élèves de faire cours, je leur ai demandé d’endosser la part publique de l’enseignement, c’est-à-dire d’être, chacun à leur tour, les représentants des finalités de l’enseignement. Aussi les élèves ont-ils pris en charge le « dehors » de la classe et montré qu’ils peuvent se préparer eux-mêmes à ce « monde du dehors ». Ainsi, l’expérience d’échange des rôles permet assurément de dépasser le présupposé de l’état de minorité des élèves. Mais pourquoi cette expérience du rôle d’enseignant n’a-t-elle pas rendu possible une expérience émancipatrice du savoir ? Je fais l’hypothèse qu’au cours de l’expérience, c’est une conception trop réduite du « public » qui a traversé la classe. Pour qu’une expérience commune du savoir puisse se jouer en classe, l’école ne devrait pas s’ériger comme instance conservatrice, mais permettre qu’une dimension publique, au sens qu’Arendt donne à cette notion, puisse la traverser.

À considérer de nouveau les trois caractéristiques arendtiennes du « public » : le commun, la publicité et la pluralité, il semble que, dans la « forme classe » telle qu’elle est transformée par l’échange des rôles, ce soit la pluralité qui fait le plus défaut. Le « commun » est présent par l’échange de paroles qui se fait en classe (dans l’accord validé par la classe sur le contenu du cours), tandis que la « publicité » est mise en jeu par le regard des élèves les uns sur les autres et par l’adéquation implicite à un dehors de la classe : la société à laquelle il faut être préparé. La pluralité, quant à elle, semble mise à mal dans un système où les finalités de l’éducation sont, comme dit précédemment, prédéterminées. Que devient la pluralité arendtienne lorsque l’apprentissage de la philosophie est structuré par le principe d’adéquation (adéquation à un modèle de dissertation idéale et adéquation aux valeurs de la République) ? Si la pluralité est la marque que chacun occupe une place distincte à partir de laquelle un point de vue est possible, alors c’est précisément parce que ces « places occupées » sont différentes les unes par rapport aux autres qu’elles ont de la valeur. C’est dans le rapport de dépendance et d’exclusion qu’un point de vue entretient avec d’autres qu’il trouve sa valeur propre : là où je le trouve, personne ne peut être et la place que j’occupe est déterminée par mes rapports aux autres. Dès lors, les différents points de vue des élèves et de l’enseignant sont invalidés par la finalité unique de l’enseignement scolaire de la philosophie parce que leurs rapports ne comptent pas. Les effets de ressemblance ou de dissemblance, de proximité ou d’éloignement ne comptent pas puisqu’il s’agit toujours de se mesurer à un modèle idéal. Il s’ensuit que posséder un point de vue propre est rendu superflu face à l’unilatéralité de la finalité de l’enseignement.

Pour qu’une institution rende possible une expérience émancipatrice du savoir, c’est-à-dire une expérience qui fasse droit à la part publique de la « forme classe », il faudrait des moyens plus radicaux que ceux d’un échange des rôles entre enseignant et élèves. Le jeu sur les formes de la classe devrait dépasser le cas de l’enseignant et se faire sur le savoir lui-même. Ne devrait-on pas, en effet, faire l’hypothèse – en vis-à-vis de la responsabilité à l’égard d’un « extérieur » par rapport à l’école – d’une responsabilité envers l’expérience de la classe, envers ce qui s’y joue à chaque fois ? Cela reviendrait à réintroduire du public (du commun, de la publicité et de la pluralité) dans la « forme classe » et à rejouer le schème de la responsabilité dans l’expérience même des individus, c’est-à-dire de façon partagée. Comment cela peut-il se faire ? Cette question nouvelle demande de préciser, en guise de conclusion, les rapports entre domaine social et domaine politique chez Arendt.

               Remarques conclusives

Je partirai de considérations portant sur le rôle de l’enseignant parce que, d’une part, c’est cette « place occupée » que j’ai cherché à mettre en jeu dans mon expérience : pour le dire autrement, c’est à partir de la place que j’occupais dans la classe que j’ai pu interroger, dans la pratique, la « forme classe ». Et, parce que, d’autre part, cela me permet de rejouer, d’une façon un peu différente, l’exigence arendtienne de désigner ceux qui doivent porter la responsabilité du « vieux monde » des adultes. En effet, lorsqu’Arendt insiste sur l’exclusion des enfants du monde des adultes, elle le fait, fondamentalement, au nom de la nécessité que ce soit les adultes qui en portent la responsabilité. Que devient, dès lors, cette responsabilité dans le cadre d’une expérience du savoir qui se joue en classe ?

Le résultat de mon expérience montre que les élèves maîtrisent parfaitement les codes de l’enseignement (au fond, ce n’est pas étonnant puisqu’ils en sont les continuels récepteurs). Cela montre, en conséquence, qu’ils peuvent y jouer un rôle actif, à la hauteur du cadre dans lequel ils sont pris. L’expérience que j’ai proposée a aussi montré que les élèves sont capables de déterminer correctement ce qu’il faut apprendre. Si la séparation rigide entre les rôles d’enseignant et d’apprenant semble plutôt défavorable à l’enseignant et aux élèves, cela n’entraîne pas que l’enseignant n’a pas de rôle spécifique à jouer. Son rôle est de rendre possible une expérience du savoir, de trouver comment chaque élève peut se familiariser avec le savoir, l’étude, les matières intellectuelles. Le rôle de l’enseignant est d’ouvrir à un monde pluriel. Pour que cela ait lieu, la classe ne doit pas être traversée par une détermination politique qui la dépasse, mais devenir le lieu même de discussions sur la pluralité dont, précisément, l’enseignant est responsable. La classe doit elle-même être ce lieu pluriel et l’enseignant doit en être responsable. Ce parti-pris soulève une série de questions. Cette responsabilité doit-elle se comprendre comme une attention aux préférences et exclusions qui font le jeu du domaine social ? Si oui, cela revient-il à faire de l’école un moment pré-politique, un intermédiaire ?

Si l’école est un temps à part, si elle n’appartient pas au domaine public et politique, peut-elle, au moins, être le lieu de quelque chose de nouveau, d’une expérience au sens fort du terme, c’est-à-dire d’une expérience collective ? Une expérience collective qui se jouerait dans les rapports des uns aux autres. Si tel était le cas, cette expérience émancipatrice du savoir ferait droit à ce qui n’est pas encore là, à ce qui adviendra de ces rapports et des articulations et désarticulations de ces différents points de vue. C’est ainsi que l’école pourrait laisser la place à ce qu’advienne du nouveau.

 


[1] Cet article est écrit à partir d’une expérience d’enseignement de la philosophie pendant 3 années dans au Lycée français de Düsseldorf. Je remercie tout particulièrement les élèves de Terminale S de l’année scolaire 2016-2017 qui ont nourri la réflexion qui est proposée ici.

[2] De la même manière, l’école est aussi le lieu d’une expérience de l’autorité ou d’une expérience du groupe.

[3] Concrètement, cette expérience d’échange des rôles s’est nourrie de la lecture du Maître Ignorant de Jacques Rancière et des interprétations qu’a pu en fournir Antoine Janvier. J’y ai trouvé en effet que la figure classique de l’enseignant n’est pas nécessaire dans le processus d’apprentissage : « L’explication n’est pas nécessaire pour remédier à une incapacité à comprendre. C’est au contraire cette incapacité qui est la fiction structurante de la conception explicatrice du monde. C’est l’explicateur qui a besoin de l’incapable et non l’inverse, c’est lui qui constitue l’incapable comme tel. » J. Rancière, Le maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 10/18, 1987.

[4] M. Sherringham, Inspecteur général de l’Éducation nationale, « L’Enseignement scolaire de la philosophie en France », in La revue de l’inspection générale, n° 3, « Existe-il un modèle éducatif français ? », p. 62. http://media.education.gouv.fr/file/37/7/3377.pdf.

[5] Ibid. Une dernière remarque s’impose. Pour le moment, la description de l’enseignement proposée peut sembler contradictoire : d’une part, j’affirme que l’enseignement de la philosophie est auto-suffisant (fondé sur l’adéquation à des modèles) et, d’autre part, j’affirme que l’école est structurée par une extériorité : le monde des adultes auquel elle prépare. Pourtant, c’est précisément parce qu’il est façonné par un idéal politique que l’enseignement de la philosophie ne renvoie qu’à lui-même : cette extériorité est ce qui rend l’enseignement de la philosophie auto-suffisant.

[6] A. Janvier, « Sens et non-sens à l’école. Violence, éducation, civilité : Pédagogie Nomade analyseur de l’institution scolaire », in Cahiers du GRM [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 18 décembre 2013, consulté le 16 mai 2014. URL : http://grm.revues.org/323.

[7] Ibid., § 31.

[8] H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, Agora, 1961, [1958].

[9] H. Arendt, « La crise de l’éducation », in La crise de la culture, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1972 [1954].

[10] H. Arendt, Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 89.

[11] Ibid., p. 92.

[12] Ibid., p. 90.

[13] Ibid., p. 98.

[14] H. Arendt, « Travail, œuvre, action », in Études phénoménologiques. Hannah Arendt, n° 2, Ousia, 1985, p. 4.

[15] F. Collin, « Féminisme contemporain et espace public », in Ch. Veauvy (dir.), Les femmes dans l’espace public. Itinéraires français et italiens, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2002, p. 51.

[16] H. Arendt, Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 233.

[17] Ibid., p. 246.

[18] Ibid., p. 233.

[19] « Ainsi l’enfant, objet de l’éducation, se présente à l’éducateur sous un double aspect : il est nouveau dans un monde qui lui est étranger, et il est en devenir ; il est un nouvel être humain et il est en train de devenir un être humain », in H. Arendt, « La crise de l’éducation », op. cit., p. 238.

[20] Ibid., p. 228.

[21] Ibid., p. 247.

[22] Ibid., p. 243.

[23] Lorsque je parle d’un monde univoque, je ne parle pas du monde tel qu’il est de fait (logiquement, l’exclusion des enfants du monde des adultes n’implique pas l’homogénéité de ce monde), mais de la manière dont est pensé le monde auquel la classe doit préparer. Chez Arendt, cette unité est tenue dans la séparation des trois domaines de l’existence : le privé, le public et le social.

[24] H. Arendt, « Reflections on Little Rock », Dissent, vol. 6, n° 1, 1959, p. 45-56. http://bethsholomsf.org/wp-content/uploads/2015/10/Reflections-on-Little-Rock.pdf

[25] « This public world is not political but social, and the school is to the child what a job is to an adult » in H. Arendt, « Reflections on Little Rock », op. cit. p. 55.

[26] « There cannot be a “right to go into any hotel or recreation area or place amusement”, because many of these are in the realm of the purely social where the right to free association, and therfore to discrimination, has greater validity than the principle of equality », Ibid., p. 52.

[27] Ce sont des approches propres aux pédagogies alternatives telles, par exemple, la pédagogie Freinet.

[28] Le « public » que le gouvernement français instaure dans la « forme classe » est à bien des égards éloigné de la conception arendtienne du public. Ce point sera central dans la suite de mon développement. Toutefois, faire jouer ces deux conceptions du public l’une contre l’autre produit des effets théoriques que je voudrais préciser ici avant de clore ma réflexion.

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