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Le déchet comme intention

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Aux deux extrémités du spectre dans les séries télévisées américaines contemporaines

Fanny Verrax, Post-doctorante, UMR CNRS 5600 EVS (Environnement, Ville, Société), Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat, Vaulx-en-Velin Chargée de cours, Ecole Centrale de Lyon

 

Résumé

L’article s’attache à identifier et analyser les comportements liés aux déchets dans les séries télévisées américaines contemporaines. En partant du principe que la définition même du déchet repose non sur sa matérialité mais sur l’intention d’un agent, deux types d’acteurs sont considérés : ceux qui jettent, et ceux qui ramassent. L’article montre que dans chaque cas, les préoccupations environnementales sont massivement absentes du spectre des motivations qui sont données à voir, et qui reposent à l’inverse sur des considérations d’ordre économique, social, ou affectif.

Abstract

This paper identifies and provides an analysis of waste behaviors in contemporary American TV shows. Following the principle that the very definition of waste lies not on its materiality but on an agent’s intention, two categories of actors are considered: those who throw away, and those who pick it up. The paper shows that in each case, environmental concerns are massively absent from the range of characters’ motivations, which are rather based on economic, social or emotional factors.

Introduction

Qu’est-ce qu’un déchet ? Intuitivement on se rend compte qu’on ne pourra donner pour le déchet le même type de définition que pour un autre objet. Traditionnellement, un objet se définit en effet soit par sa matérialité, ce qui le compose (une soupe, c’est des légumes qui ont cuit dans de l’eau, éventuellement avec d’autres ingrédients) soit par sa fonction (un lit, c’est fait pour dormir, qu’il soit en bois ou en fer). Mais dans le cas du déchet, il n’existe pas de définition matérialiste ou fonctionnaliste, car le déchet ne se définit que par rapport à l’intention d’un agent humain : c’est parce que je ne te veux plus que tu deviens déchet. Avant d’être matière, le déchet est flux, ou, si je puis dire, « on ne naît pas déchet, on le devient ». D’un point de vue légal, si on regarde la définition du déchet telle que donnée par le Code de l’Environnement en France, on lit en effet : « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ». Et ce déchet, fait tel par nous, constitue aujourd’hui un enjeu environnemental de premier ordre : au gigantisme des décharges sauvages des pays émergents répondent ainsi les inquiétudes sur les impacts sanitaires des incinérateurs dans les pays occidentaux. La réutilisation et le recyclage constituent ainsi un enjeu majeur à deux titres : il s’agit à la fois de limiter les flux de déchets qui vont devoir être stockés dans des décharges ou incinérés, et de récupérer les matériaux qui les composent (valorisation matière). Encore faut-il pour cela que le déchet soit visible, qu’il fasse partie de nos représentations mentales. Or le déchet a longtemps été invisible, dans les représentations artistiques et dans les analyses philosophiques. Si le travail pionnier de Mary Douglas[1] a marqué un tournant en anthropologie, il a sans doute fallu attendre les analyses de François Dagognet[2] en France pour que l’intérêt pour les ordures  acquière toute sa légitimité dans le monde universitaire, et les prises de conscience environnementales pour que le monde de l’art s’en empare dans des happenings ou des expositions de Drap Art. Dans les séries télévisées, c’est également d’abord cette invisibilité du déchet, de l’acte de jeter, qui frappe, alors que tant d’autres actes de la vie quotidienne sont représentés de façon courante, des courses au supermarché à la lessive dans des espaces collectifs et conviviaux – les fameux laundrymats (Friends, Seinfeld) ou les sous-sols d’immeubles (TBBT). Si vous prenez un instant pour réfléchir à vos héros préférés de séries, il y a fort à parier que vous aurez du mal à les visualiser sortir leurs poubelles, savoir si et quand ils recyclent, ou encore où se trouvent les conteneurs à verre dans le quartier. Pourtant, avec un léger effort de mémoire plus que d’imagination, vous pouvez sans doute deviner ce qu’ils jettent, de la même façon que Joey et Chandler dans Friends sont capables de deviner  le contenu du sac de courses de Rachel[3] (en l’occurrence des pommes, des chips, du yaourt, du diet soda et du ruban adhésif), nous spectateurs pouvons donc deviner que les prochaines poubelles contiendront probablement des trognons de pomme, un rouleau de ruban adhésif vierge et un emballage plastique de yaourt. De la même façon, Sheldon, Leonard et les autres nerds de TBBT mangent presque chaque soir chez eux de la nourriture à emporter, avec force barquettes en plastique et assiettes en carton, qui finissent nécessairement aux ordures, mais nous ne le voyons jamais. Ainsi, dans les séries comme dans la vie, la plupart du temps, on ne parle pas des déchets, on ne les montre pas, on fait comme si tout ça disparaissait de façon magique, ou comme l’écrit le philosophe Michel Puech dans un livre destiné à la jeunesse : « Jeter, c’est faire disparaître, on ne veut pas savoir ce qui se passe après. La poubelle est vraiment un objet magique »[4].

Examiner la représentation du déchet, sa construction dans l’espace codifié de la série télévisée, c’est donc avant tout s’attacher à dévoiler les intentions et les affects des personnages qui jettent ou collectent des déchets. D’où deux types de personnages, qui s’opposent et se complètent, dans la réalité comme dans la fiction : ceux qui se débarrassent et ceux qui ramassent. Par « se débarrasser » nous entendons tout un spectre d’actions: jeter, recycler, réutiliser, donner, etc. « Ramasser » peut également faire appel à des actions différentes : collecter, dans un cadre institutionnalisé ou non, récupérer, valoriser, etc. Bien entendu, il n’y a pas d’opposition entre ces deux types de figure, le même personnage pouvant incarner un « jeteur » et un « ramasseur » à deux moments différents. Comment les séries représentent-elles ces personnages, et qu’est-ce que ces pratiques nous disent sur eux ? Y a-t-il une évolution du traitement de ces questions, ou encore des messages normatifs de type hygiéniste ou écologiste ? Comment et pourquoi l’invisible devient-il visible ? Et surtout, quand apparaissent les premiers messages sur les enjeux environnementaux ? Peut-on parler aujourd’hui d’une norme écologique sur le traitement des déchets véhiculée par les séries américaines ?

Source : pixabay

Source : pixabay

Le corpus est, à une exception près, composé de séries télévisées américaines des années 1990 à aujourd’hui, avec une attention plus particulière portée sur les séries actuelles. Si le sujet impose de se concentrer majoritairement sur les sitcoms, championnes de l’exploration de la quotidienneté dans toute sa trivialité, on ne dédaignera pas un détour par certaines séries fantastiques ou de science-fiction quand celles-ci permettent d’interroger la gestion du déchet dans un contexte décalé (Under the Dome, Quark). Enfin, dans un souci de diversité, ont été considérées des séries produites par les trois chaînes câblées traditionnellement les plus importantes aux Etats-Unis (« Big Three Television Networks » : ABC, NBC, CBS) mais également par des chaînes plus récentes, plus tournées vers le cinéma et ayant fait des choix de séries moins consensuelles (Showtime, HBO), ainsi que du géant en ligne mais petit nouveau dans la production de séries Netflix.

J’ai choisi de prendre en compte les déchets municipaux au sens large, ce qu’on appelle dans la littérature le MSW, Municipal Solid Waste. Ne sera donc pas considérée la question des cadavres en tant que restes humains, excluant ainsi les excellentes séries Six Feet Under ou Dexter. L’angle d’approche de l’article, les figures de jeteurs et de ramasseurs, impose également de faire l’impasse sur la gestion des déchets envisagée de façon plus globale, par exemple les nuisances causées par une station d’épuration dans HIMYM[5]. Ne seront pas non plus prises en compte les séries historiques, offrant une vision du déchet passée par trop de « médiations ». Ainsi Downton Abbey ou La Petite maison dans la prairie, série des années 1960-1970 représentant la vie quotidienne d’une famille dans les années 1920, apparaissent comme un objet par trop hybride. Je me contenterai donc de mentionner ici l’excellente analyse[6] qui voit dans la série des livres de Laura Ingalls Wilder à partir desquels la série a été adaptée, l’illustration d’une tension propre aux années de la Grande Dépression entre la permanence des valeurs héritées du XIXème siècle sur la nécessité de tout conserver, ne rien gaspiller, et l’émergence de la culture du tout-jetable, rejoignant en cela les analyses de l’historienne Susan Strasser[7]. Une exception sera cependant faite pour Mad Men, qui propose un regard intéressant sur une époque plus proche, les années 1960, la naissance de la publicité et de la société de consommation telle que nous la connaissons.

Se débarrasser

Il n’est pas anodin que même au sein d’une série qui prend un responsable du traitement des déchets comme héros (du moins officiellement…) comme c’est le cas dans Les Sopranos, les déchets dans leur matérialité restent aussi peu visibles. Le déchet, s’il est le corollaire indispensable à la société de consommation, ne fait pas vendre. Par conséquent, quand on voit des personnages jeter ou se débarrasser de quelque chose dans une série, ce n’est jamais anodin, mais c’est généralement pour montrer autre chose, illustrer un trait de personnalité, une époque, ou une tension entre plusieurs personnages.

Ainsi, dans l’épisode pilote de Desperate Housewives, série culte qui au fil des saisons interroge la notion de bonheur à travers une représentation fine de la vie domestique[8], l’action de jeter est représentée ou suggérée deux fois, et par le même personnage, ce qui n’est pas anodin. Si tous les pilotes de série ont nécessairement comme objectif de présenter les personnages principaux de la série, le pilote de Desperate Housewives pousse à son paroxysme cette logique par l’intermédiaire de la voix off de Mary-Alice qui présente un à un tous ses voisins. Or il apparaît très vite qu’au milieu de toutes ces familles en apparence parfaites, il y a une misfit : Susan Mayer, divorcée, qui élève seule sa fille, maladroite, mauvaise cuisinière, etc. (même si ce sont ces caractéristiques qui vont faire de Susan un des personnages principaux les plus importants[9]). Au cours du pilote, on la voit jeter le papier d’aluminium dans lequel elle a emballé le plat qu’elle vient de cuisiner, et quelques minutes plus tard, proposer d’elle-même de jeter le plat, tellement il est raté. Sans vouloir accorder plus d’importance que nécessaire à cet épisode, il n’est pas anodin que ce soit le personnage de Susan qui soit d’emblée confronté à la matérialité du déchet, à travers le papier d’aluminium, et à sa symbolique d’ordure, d’objet dont il convient de se débarrasser parce qu’il n’est pas à sa place, à côté des muffins parfaits de Bree Van de Kamp, pour reprendre la terminologie de Mary Douglas.

Jeter n’importe quoi n’importe où, c’est mal !

Un autre trait de personnalité mis en valeur par le fait de montrer l’acte de jeter est le côté gaspilleur d’un personnage ou d’une époque. Ainsi dans UKS, on voit le personnage de Jacqueline Vorhees sortir une bouteille d’eau neuve du frigo, la proposer à son hôte, et quand celle-ci refuse, la jeter, pleine et non-ouverte, à la poubelle au lieu de la remettre dans le frigo[10]. Dans Mad Men[11], c’est toute une époque qui est condamnée à travers l’exemple du pique-nique de la famille Draper : Don Draper jette sa canette au loin quand il a fini de la boire, tandis que sa femme récupère la nappe posée sur l’herbe en faisant simplement glisser tous les restes à terre, sans les ramasser[12], juste après avoir vérifié que les mains des enfants n’étaient pas sales avant de monter dans la voiture[13] : comment mieux montrer que dans l’Amérique des années 1960, la propreté reste une affaire privée, et que les communs sont fatalement destinés à un avenir tragique, pour paraphraser le cri d’alarme de Garett Hardin[14]? Dans ces deux exemples, on montre pour condamner : ici un personnage particulièrement éloigné des réalités économiques, capricieux et antipathique, là une époque fondée sur le gaspillage et le développement d’une consommation outrancière.

La condamnation morale peut également passer par la condamnation d’un discours, tel que le « pro-littering », soit la position qui consiste à dire que jeter ses détritus dans l’espace public ne représente pas un problème. Si ce discours est complètement incongru en Europe, ce n’est pas totalement le cas aux Etats-Unis, avec différents types d’arguments avancés, par exemple le fait que le vent se chargera de disperser les détritus, et que ce n’est par conséquent pas la peine de dépenser de l’argent public pour collecter les déchets dans la rue ou la nature[15]. Le personnage de Sue Sylvester dans Glee incarne parfaitement cette position, quoique pour une raison opposée, quand elle affirme son soutien au littering et qu’elle n’aura pas une minute de repos tant que l’Etat ne sera pas couvert de détritus : « C’est pour ça que je paye des impôts. Ca permet aux éboueurs de garder leur boulot et de payer des tacos à leur famille. »[16] Cela ne fait que trois épisodes que le téléspectateur côtoie Sue Sylvester, la « meneuse de claques » (coach des cheerleaders) machiavélique, et ce passage répond à une stratégie scénaristique évidente : rendre le personnage encore plus antipathique, en lui faisant tenir un propos choquant et absurde d’un point de vue environnemental, ainsi que raciste. D’ailleurs la scène est introduite par son supérieur hiérarchique lui apportant le courrier des lecteurs, et la prévenant qu’il s’y trouve beaucoup de lettres d’insultes à cause de son éditorial sur les détritus. Tout dans l’épisode indique donc que la position pro-littering n’est pas majoritaire, et qu’elle ne peut être soutenue que par un personnage à contre-courant des toutes les normes sociales (il s’agit du même personnage qui n’hésite pas à frapper des élèves de lycée pour soulager ses accès de colère).

Le recyclage comme nouvelle norme sociale

A l’opposé d’une condamnation qui passe par la représentation de comportements ou de positions extrêmes, une série comme Silicon Valley, qui veut représenter les comportements du quotidien de ceux qui inventent le monde de demain, permet d’illustrer les profondes transformations qui se sont opérées en quelques décennies. Ici, le recyclage est la norme, et le propriétaire d’un « incubateur », Erlich Bachman, s’agace de ce qu’un de ses protégés, Jian Yang, d’origine asiatique et comprenant mal l’anglais, continue à se tromper sur les couleurs des poubelles. Il lui offre alors un cours complet de recyclage, en parlant très lentement, comme si ce qu’il avait à dire était à la fois très complexe et absolument essentiel :

–       EB : Tu mets tes cannettes de soda dans le vert, oui, c’est pas bon. Le vert, c’est pour l’herbe et les feuilles, ok ? Le bleu c’est pour le recyclage (…) le noir c’est pour tout le reste des déchets. Tu comprends ?

–       JY : Oui. C’est lequel pour brûler ?

–       EB : Non. On ne brûle pas les déchets dans ce pays, c’est illégal[17]. On ne brûle jamais les déchets, ok, tu peux me le dire ? Je ne brûle jamais les déchets.

–       JY : Je ne brûle jamais les déchets.

–       EB : Voilà.

–       JY : Et les ordures ?

–       EB (après un temps) : Oh putain. »[18]

Le message est ici clair : le recyclage est la norme, seuls les imbéciles n’y arrivent pas, et c’est de fait l’individu inadapté au reste du groupe dans le reste de la série à qui cela pose problème. Il n’est ici pas anodin de constater que la seule série du corpus qui transmette un message normatif et positif vis-à-vis du recyclage soit une des plus récentes (première saison en 2014) et s’attache à suivre une communauté qui incarne certes la modernité et l’avenir, à travers les promesses des nouvelles technologies, mais dont les personnages représentent, par voie de conséquence également des archétypes, les geeks, radicalement différents et parfois inadaptés au monde contemporain. Le message sur le recyclage devient alors plus ambigu : le fait que le recyclage soit devenu la norme dans cette communauté-là montre bien qu’il s’agit en réalité d’un comportement marginal dans le reste de la société.

Transmettre plutôt que jeter

Le deuxième type de pratiques qui nous est donné à voir est celui du vendeur ou déposeur, c’est-à-dire un individu qui cherche à vendre ou déposer dans l’espace public un objet dont il ne se sert plus, mais auquel une valeur affective est attachée, ce qui donne généralement lieu à des jeux de pouvoir entre les personnages. Ainsi dans Modern Family, la deuxième saison s’ouvre sur un épisode consacré à la vente de leur ancienne voiture, pleine de souvenirs. Phil et sa femme Claire ne sont pas d’accord sur le fait de garder ou vendre the old wagon (titre de l’épisode). Surtout, ils retrouvent dans la voiture une vieille couverture aux anciens pouvoirs de doudou, « Blanketty », pour leur fille Haley, qui ne voit pas l’intérêt de la garder, et demande où est le sac poubelle, ce à quoi sa mère rétorque : « on ne peut pas la jeter : tu l’adorais ! »[19]. Le changement de pronom, de we à you, montre également que la famille se fait la garante de la conservation d’objets même dans le cas où la principale intéressée ne l’est plus. Quelques saisons plus tard, la mère de famille toujours, en plein nettoyage de printemps,  interroge, en ouvrant un carton rempli de télécommandes : « On est obligés de garder absolument toutes les télécommandes dont nous nous sommes servies un jour ? ». Puis elle appuie sur un bouton et lance ce commentaire humoristique : « Quelque part dans une décharge, un disque a été éjecté »[20].

Ces deux répliques résument bien les tenants et les aboutissants des phénomènes d’hibernation qui sont étudiés aujourd’hui dans le cadre de la promotion d’une économie circulaire pas toujours évidente à mettre en place. On définit l’hibernation comme la pratique des ménages de conserver des objets, notamment électroniques, dont ils n’ont plus l’usage, sur de la longue durée. Sans vouloir caricaturer une division disciplinaire bien plus complexe, on pourrait schématiser en disant que tandis que les géographes et ingénieurs parlent de « mine urbaine » et de « technosphère » à exploiter[21], les sociologues et philosophes rappellent que les facteurs qui poussent les ménages à conserver des objets dont ils n’ont plus l’usage sont nombreux et complexes : valeur affective, incertitude sur la possibilité de réparation ou la valeur monétaire, inertie, méconnaissance des filières de recyclage existantes, etc., ce qui explique la présence massive de nombreux objets dans les foyers[22]. Il convient de préciser que ce phénomène d’hibernation est totalement décorrélé des croyances ou préoccupations environnementales des foyers. D’une façon plus générale, c’est ce que l’on appréhende dans la littérature sur le fossé entre les valeurs et les actions (value-action gap), et qui est particulièrement présent dans les gestes du quotidien comme le recyclage[23].

Les affres de la valeur affective détachée d’une valeur d’usage ou monétaire nous est donnée à voir dans HIMYM, avec une figure de déposeur qui cherche à donner quelque chose plutôt que de s’en débarrasser. En l’occurrence, il s’agit de Mabel, un tonneau en résine qui a servi à Marshall pendant des années de table de nuit. Il s’agit donc d’un objet qui n’a aucune valeur marchande (comme Robin le lui fera comprendre) mais une grande valeur affective pour Marshall. La restitution du dialogue dans son intégralité permet d’illustrer la déconnection totale entre valeur marchande et valeur affective et dessine les possibles difficultés rencontrées dans ce contexte de don particulier.

–        R : « Alors t’as besoin d’un coup de main pour le jeter ?

–        M : Non ! Je vais pas juste la[24] foutre dehors d’accord ! Mabel faisait partie de la famille.

–        R : Alors qu’est-ce que tu vas faire avec Mabel ?

–        M : Je veux la donner à un heureux nouveau propriétaire. Tu connais pas quelqu’un ?

–        R : Euh, voyons voir, est-ce que je connais des clowns de rodéo ? Enorme, j’en connais oui. Mais même Lenny ne s’approcherait pas de ce truc.

–        M: Eh bien il n’en aura pas l’opportunité parce que je mets Mabel dans le Triangle des Bermudes.

Flashback explicatif (voix du narrateur, Ted plus âgé) : Le Triangle des Bermudes était le nom que nous avions donné des années plus tôt au trottoir juste en face de notre immeuble [on voit Ted et Marshall apporter un canapé beige et le poser sur le trottoir]. Quand nous voulions nous débarrasser de quelque chose, on le mettait là. C’était incroyable. [Ted et Marshall remontent quelques marches, le canapé a disparu].

–        M : C’est tellement excitant. Pile maintenant il y a quelqu’un qui ne sait pas que ce soir il va rentrer chez lui avec le meilleur des tonneaux »[25].

Quelques minutes plus tard, Marshall revient dans l’appartement, dans un grand état d’excitation et se poste à la fenêtre pour surveiller, avec des jumelles, le tonneau déposé sur le trottoir:

–        M : « J’espère que je ne suis pas en retard ! Je veux voir l’expression de joie sur le visage du nouveau propriétaire ! Elle est toujours là ! Ok Mabel, on va te trouver un nouveau foyer ! Voilà un type ! Et il, il est juste passé à côté. Il se dépêche probablement de rentrer chez lui pour aller chercher un diable ou un truc. Ouais ben t’as intérêt de te dépêcher mec ! »[26]

Plus tard, Marshall revient vers la fenêtre avec ses jumelles. Voyant un passant qui pourrait être intéressé par le tonneau, il commence par l’amadouer avant de l’insulter en réalisant qu’il ne prend pas l’objet.

–        M : « Oh oh, on dirait qu’on a trouvé un preneur. Allez viens mec. Tu sais que en tu as envie, un type comme toi, barbu, sans moustache. Tu es exactement le genre de type qui pourrait avoir besoin d’un gentil tonneau. Fais-le. [Marshall voit que le passant se sert du tonneau pour y faire pisser son chien, et il crie :] Non, ce n’est pas une bouche d’incendie ! Vous devriez avoir honte Monsieur, honte ! »[27]

La fin de l’épisode montre Marshall de plus en plus obsédé par le fait que personne ne récupère son tonneau, et il veille tard avec des jumelles, empêchant même ses amis de s’asseoir à proximité, pour ne pas effrayer des glaneurs potentiels. Outre le ressort comique, c’est le drame de la non rencontre entre une volonté de don et un déchet qui devient tel en ne trouvant pas preneur qui est souligné. A la toute fin de l’épisode, deux autres personnages, Barney et Robin, posent un cahier sur le tonneau dans le but cette fois de s’en débarrasser, et non de le donner. Quelques minutes plus tard, ils cherchent à le récupérer, justement parce qu’ils viennent de réaliser que quelqu’un pourrait trouver ce cahier et lire les informations qu’il contient. Ils cherchent à le récupérer mais le cahier a disparu, confirmant le statut magique du « Triangle des Bermudes ».

Ces comportements peuvent tout à fait nous rappeler les portraits de certains déposeurs proposés par Valérie Guillard, qui suggère un continuum entre la volonté de se débarrasser d’un objet dans l’anonymat pur et celui de faire un don : « limite, on pourrait avoir l’impression qu’il y a quelque chose de divin dans cette manière de faire (…) il y a une part de moi qui dit « je vous l’offre » »[28]. Quoi qu’il en soit, les différents exemples analysés illustrent la tension qui naît de la nature duale du déchet, entre ordure et ressource, et d’une définition fondée sur l’intentionnalité plus que sur la matérialité. Avant même de se retrouver dans une poubelle, un objet devient déjà déchet quand un agent, humain, le considère comme tel. Le monde des déchets est ainsi celui de la performativité absolue, qui peut même se passer d’actes de langage, et qui est à l’origine des ressorts comiques ou narratifs analysés ici. Mais qu’en est-il de ceux qui ramassent les déchets, n’ont-ils pas affaire à un objet mieux délimité, dont le statut de rebut est déjà entériné ? Quid alors des pratiques de récupération, permettent-elles une sortie instantanée du statut de déchet ?

Et ramasser

Les personnages qui réutilisent, recyclent ou collectent des déchets dans les séries le font pour trois grands types de raisons. La première, la plus évidente, repose sur des raisons économiques : on récupère parce qu’on n’a pas de quoi s’acheter un produit neuf, et concerne d’ailleurs des personnages stigmatisés de façon plus générale dans la série comme ayant du mal à « joindre les deux bouts » : c’est le cas des enfants de Shameless, de Joey dans Friends (du moins dans les premières saisons) ou de Sarah Braverman dans Parenthood. La deuxième grande catégorie de raisons est d’ordre légal ou social : il y a une injonction de la communauté à collecter les déchets, et cela est vécu par les personnages sur le mode de la punition (Quark, Switched at Birth, Weeds). Enfin il faut distinguer un troisième type de justification, d’ordre moral, quand il s’agit de trier des objets ayant appartenu à un défunt (TBBT, Friends). Nous verrons donc qu’une motivation d’ordre environnemental (réduire la pollution ou préserver des ressources considérées comme rares) est, sinon absente, du moins très minoritaire.

Pour des raisons économiques

La première motivation, d’ordre économique, s’exprime de différentes façons. La nécessité de « faire de la récup » est souvent plus qu’un marqueur social, elle sert à exprimer l’anormalité d’une situation, comme dans les cas des enfants livrés à eux-mêmes de Shameless : ils ne devraient pas avoir à travailler, ils ne devraient pas avoir à s’occuper des plus jeunes, ils ne devraient pas récupérer des objets usagés et devraient pouvoir s’en acheter des neufs. Toute la série repose sur cette normativité en creux, source de comique et de pathos. Dans un univers moins marqué, quand des personnages font de la récup, c’est la question de l’hygiène qui est mise en avant (la récup, c’est sale), comme dans le cas de Joey quand il récupère sur le trottoir un fauteuil rouge qui a l’air en parfait état, mais qui abrite une forme de vie inconnue. Subtile façon de faire comprendre au téléspectateur que l’essence du déchet est d’être sale et dangereux, indépendamment des apparences. A l’inverse, certains personnages, représentant une génération en voie de disparition, s’insurgent contre le greenwashing qu’ils perçoivent dans l’émergence de néologismes pour désigner une pratique qui a toujours existé. Ainsi la figure du patriarche dans Parenthood, Zeek Braverman, s’amuse-t-il, en accompagnant sa fille Sarah acheter une voiture d’occasion : « J’adore le fait qu’on appelle ça « recyclage automobile » [maintenant]. Qu’est-ce qui ne va pas avec la casse ? C’est un mot honnête! »[29]

La récupération ou réutilisation pour motifs économiques peut se retrouver dans la collecte de déchets qui ont déjà acquis ce statut quand un système de consigne est en place. Ainsi dans Seinfeld, Newman et Kramer fomentent le plan de récupérer des bouteilles de verre et d’aller les déposer dans l’Etat du Michigan, dans lequel la consigne est de 10 cents par bouteille, alors qu’elle n’est que de 5 cents dans l’Etat de NewYork. Kramer tente initialement de décourager Newman de mettre son plan à exécution en lui disant qu’il y a déjà pensé mais que la marge est compensée par le prix de l’essence. Tout change cependant quand Newman, au terme d’une séance de réflexion poussée, pense à récupérer un camion postal pour transporter leurs bouteilles, réduisant ainsi leurs frais. La série joue sur les codes des films policiers pour montrer qu’il s’agit là d’un plan très complexe, requérant beaucoup de préparation et d’ingéniosité[30].

Commence alors une course effrénée à la récupération de bouteilles dans la ville, qui illustre également de façon humoristique la « ruée vers l’ordure »[31] qui a pu être mise en évidence dans certains pays des Sud[32], quand Newman et Kramer volent la cargaison d’un travailleur des déchets informel (en l’occurrence, sans doute un sans-abri). En effet, à partir du moment où le déchet devient ressource, on remarque une compétition entre les différents acteurs, avec le risque pour les plus vulnérables de ne plus avoir accès au flux de déchets essentiel au maintien d’une économie informelle qui les fait vivre. La question sous-jacente est donc d’ordre moral autant qu’économique : « qui est le plus légitime pour s’approprier les ordures, objets précisément définis par leur abandon ? » (Cavé 2015, 30). Si l’activité des deux compères n’est donc pas à proprement parler illégale, elle  interroge les codes et le sens de la propriété, ce qui peut expliquer, au-delà de l’intérêt humoristique, la perspective narrative qui repose sur une ressemblance avec des truands.

En raison d’une norme sociale

La deuxième raison qui pousse des personnages à collecter des déchets est d’ordre punitif : ils y sont contraints par la loi ou par une hiérarchie intraitable. Ainsi en l’an 2226 le commandant Adam Quark dans Quark rêve d’une mission au long cours dans l’espace intersidéral mais se retrouve à la place obligé de ramasser les déchets hors de la galaxie, et il le vit comme une punition. Dans un contexte plus proche de nous, plusieurs séries américaines mettent en scène le community service qui consiste à ramasser des déchets sur le bord des routes pour punir un délit mineur. C’est le cas de Silas dans Weeds (saison 3) ou Bay Kennish dans Switched at Birth (saison 4), deux figures d’adolescents qui éprouvent un dégoût certain pour cette activité. Notons cependant que dans les deux cas, les adolescents ont été condamnés alors qu’ils cherchaient à rendre service à un membre de leur famille : Silas essaie de protéger l’activité illégale de trafiquante de drogue de sa mère en volant des caméras de vidéo-surveillance, tandis que Bay prend le blâme à la place de sa « sœur » Daphne, qui a déjà commis un délit par le passé, pour lui éviter une peine plus lourde. Est-ce pour marquer l’injustice de la situation et la grandeur d’âme de nos héros que les scénaristes ont décidé de leur faire subir leur service à la communauté en ramassant des ordures ? Dans la même série, le premier délit de Daphne avait également donné lieu à une tâche de community service, mais dans une free clinic (clinique gratuite, sorte de centre de santé pour les plus défavorisés). Nul doute que la générosité de Silas et Bay aurait eu moins d’éclat s’ils s’étaient retrouvés à vacciner des enfants ou tout autre type d’activité communautaire. La grandeur de leur sacrifice ne pouvait trouver son pendant que dans l’activité la plus dégradante qui soit dans l’imaginaire collectif: ramasser des ordures, car ils ne donnent pas seulement de leur temps, mais doivent apprendre à cohabiter avec une matérialité qui leur fait horreur, sans compter la stigmatisation des travailleurs du déchet incarnée visuellement par les gilets orange fluo qu’ils doivent alors porter. Le paroxysme de cette situation est sans doute atteint quand Bay doit déloger un raton laveur de sa cachette, complétant si besoin l’équation : « ramasser les déchets, c’est pas bien parce que ça sent mauvais ».

Se pose également la question des déchets en voie de le devenir dans le cas des objets laissés par un défunt. On retrouve là une situation assez similaire dans Friends  quand il s’agit d’aller vider l’appartement de Mr Heckles[33] (le voisin sous l’appartement de Monica et Rachel), et dans TBBT quand il faut vider le bureau d’un collègue décédé, Roger Abbot[34]. Au-delà d’une occasion pour nos héros de réfléchir au sens de leur vie, et de récupérer quelques objets (une bouteille de champagne dans TBBT, une lampe et une horloge dans Friends), c’est encore le champ lexical du dégoût et de la saleté qui ressort, quand le personnage de Raj dit par exemple: « Vous savez, je pensais que nettoyer le bureau d’un professeur mort allait juste être ennuyeux, mais j’ai trouvé son dentier et j’ai réalisé que c’était aussi dégoûtant. »[35]

Dans des circonstances socio-politiques exceptionnelles

Enfin, il y a le cas de la collecte des déchets dans des circonstances exceptionnelles, quand les pouvoirs publics ne peuvent plus assurer cette fonction pour une raison ou une autre. La collecte municipale des déchets et leur traitement, dans les pays qui disposent d’un tel système, font figure d’acquis infrastructurel, aussi peu questionné que visible. Du moins, tant que ça marche. C’est la leçon retenue en Europe notamment depuis la crise des déchets en Campanie de 2010. Les séries reflètent cet état de fait : ne sont représentées les situations de collecte et de traitement que quand un problème se présente. Pour illustrer ceci, rien de tel que de suivre des communautés qui doivent brusquement vivre en état d’autarcie, comme c’est le cas dans Battlestar Galactica, dans un contexte de guerre avec les Cylons et de fuite perpétuelle à bord de la flotte dirigée par le commandant Adama, sans possibilité de coloniser une planète pour extraire des ressources, ou enfouir des déchets, ou dans Under the Dome quand le petit village de Chester’s Mill se trouve brusquement coupé du monde suite à l’irruption d’un dôme incassable. Dans ces deux exemples, si la question de l’accès aux ressources (nourriture, eau, énergie) se pose de façon aigue dès les premiers épisodes, la problématique du traitement des déchets n’apparaît que très tard. Under the Dome, série née de la rencontre de deux univers, Stephen King et Steven Spielberg, part d’une hypothèse fantastique : un mystérieux dôme infranchissable s’abat sur la petite commune de Chester’s Mill, la coupant du reste du monde. Si les intrigues policières et sentimentales occupent le devant de la scène, la question de la gestion des ressources dans cet univers soudainement autarcique fait également partie intégrante du scénario. Après avoir abordé le problème de l’approvisionnement en eau et en gaz, la série montre ainsi brièvement  à l’épisode 12 un habitant de la commune, ancien banquier reconverti en éboueur volontaire, s’occuper de la collecte des déchets municipaux dans son propre véhicule. Si la scène ne dure que quelques secondes, elle est soulignée par le dialogue suivant :

–        « Nouveau boulot Mr Alcott ?

–        On n’a plus besoin des banques désormais. Alors qu’il y aura toujours des déchets. »[36]

Deux remarques à propos de cet exemple et des précédents.

Cette phrase lapidaire oppose tout d’abord à la mondialisation des flux financiers et commerciaux la localité du déchet, nécessairement ancré dans un territoire. Pour ce groupe humain soudainement confronté à l’autarcie, les priorités en termes de travail et de production de valeur s’inversent donc, et le personnage de Mr Alcott décide de lui-même qu’il sera plus utile à sa communauté en s’improvisant éboueur plutôt qu’en tentant de continuer son activité de banquier.

Par ailleurs, ce que ces exemples illustrent, c’est que la collecte et le traitement des déchets ne se voient, ne posent question, que quand ils ne sont pas assurés, en cas de grève des travailleurs des déchets dans Battlestar Galactica ou d’isolement soudain de l’infrastructure qui en avait la charge dans Under the Dome. Un parallèle métaphorique peut être établi entre ce constat et la tension dialectique entre normal et pathologique telle qu’analysée par Georges Canguilhem (Canguilhem, 1966): de la même façon que c’est l’irruption de la maladie qui nous fait prendre conscience du fonctionnement normal de notre organisme, les infrastructures de traitement et de collecte des déchets en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale ont rendu l’immense majorité des habitants des pays industrialisés aveugles à cet aspect de l’organisation de la vie en communauté, jusqu’à ce qu’une pathologie le rende visible.

Conclusion

Il ressort de tous ces exemples que les personnages qui s’occupent de déchets dans les séries y sont contraints par des circonstances extérieures : obligation économique, légale ou morale, et le yuck factor est presque toujours de la partie : le déchet, dont un agent s’est débarrassé volontairement ou suite à un décès, reste prisonnier d’un imaginaire du dégoûtant quand ce n’est pas du dangereux. Le « yuck factor » est une expression employée notamment dans le champ de la biotéhique, pour désigner ce que Leon Kass a appelé la « sagesse de la répugnance », qui repose sur l’idée que le sentiment instinctif (gut feeling) est quelque chose de pertinent à prendre en compte dans un débat éthique. Je suggère que dans le cas de la représentation des déchets à l’écran, le yuck factor est si présent qu’il devient difficile de penser le déchet en-dehors de la catégorie qui lui a été assignée, le répugnant. On est donc très loin d’une figure positive de ramasseur ou récupérateur ou d’une injonction à la récupération et au recyclage, alors même que ces normes deviennent de plus en plus présentes au niveau mondial, dans les gouvernements comme dans les instances supranationales. L’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) multiplie ainsi les travaux visant à optimiser les pratiques de recyclage, l’Union Européenne défend une hiérarchie des déchets[37], tandis qu’aux Etats-Unis la règle des 3R (Reduce, Reuse, Recycle : réduire, réutiliser, recycler) est portée notamment par l’EPA (Environmental Protection Agency).

Ainsi, alors que les séries télévisées commencent à s’emparer de certaines thématiques environnementales – citons par exemple l’excellente série norvégienne Occupied sur la transition énergétique, dont il n’est clairement pas un hasard qu’elle ne soit pas américaine – il apparaît que la représentation des déchets reste marquée du sceau de l’infamie et du tabou, permettant de stigmatiser un personnage ou une classe sociale, éventuellement une époque, mais n’est accompagnée d’aucun message de prise de conscience de l’urgence et de l’importance que constitue ce sujet pour nos sociétés contemporaines, à part quand il s’agit de condamner des comportements extrêmes comme le littering.

Le déchet comme flux matériel constitué d’intentions et d’injonctions parfois contradictoires (économique, écologique, sociale, hygiéniste) reste donc à représenter dans toute sa diversité au sein des séries télévisées qui semblent, la plupart du temps, entériner des stéréotypes parfois obsolètes plutôt que contribuer à dessiner les contours d’un monde qui serait, enfin, capable d’ouvrir les yeux sur l’insoutenabilité radicale de sa production de déchets.

Index des séries citées (par ordre alphabétique)

Titre Chaîne d’origine Années
Battlestar Galactica Sky One 2005-2009
Desperate Housewives ABC 2004-2012
Friends NBC 1994-2004
Glee Fox 2009-2015
How I Met Your Mother (HIMYM) CBS 2005-2014
Mad Men AMC 2007-2015
Modern Family ABC 2009-présent
Parenthood NBC 2010-2015
Quark NBC 1977-1978
Seinfeld NBC 1989-1998
Shameless Showtime 2011-présent
Silicon Valley HBO 2014-présent
Switched at Birth ABC Family 2011-présent
The Big Bang Theory (TBBT) CBS 2007-présent
The Sopranos HBO 1999-2007
Unbreakable Kimmy Schmidt (UKS) Netflix 2015-présent
Under the Dome CBS 2013-2015
Weeds Showtime 2005-2012

Travaux cités

Barr, S., 2006. Environmental Action in the Home: Investigating the “Value-Action” Gap. Geography 91, 43–54. doi:10.2307/40574132

Briselance, M.-F., Morin, J.-C., 2013. Le Personnage, De la “grande” Histoire à la fiction. Nouveau Monde éditions, Paris.

Canguilhem, G., 1966. Le normal et le pathologique, Quadrige. PUF, Paris.

Cavé, J., 2015. La ruée vers l’ordure: Conflits dans les mines urbaines de déchets. Presses Universitaires de Rennes.

Dagognet, F., 2000. Le déchet, in: Tabeaud, M., Hamez, G. (Eds.), Les Métamorphoses Du Déchet. Publications de la Sorbonne, Paris, pp. 9–13.

Dagognet, F., 1999. Eloge du déchet, in: Beaune, J.-C. (Ed.), Le Déchet, Le Rebut, Le Rien. Champ Vallon, Seyssel, pp. 200–209.

Dagognet, F., 1997. Des détritus, des déchets, de l’abject: une philosophie écologique, Les empêcheurs de penser en rond. Institut Synthélabo, Le Plessis-Robinson.

de Saint Maurice, T., 2009. Philosophie en séries, Ellipses. ed. Paris.

Douglas, M., 1966. Purity and Danger: An Analysis of Concepts of Pollution and Taboo. London and New York.

Guillard, V., Roux, D., 2015. Le bon glaneur et le mauvais déposeur : une analyse des tensions morales autour du débarrassage et de la récupération des objets encombrants.

Hardin, G., 1968. The Tragedy of the Commons. Science 162, 1243–1248. doi:10.1126/science.162.3859.1243

Krook, J., Baas, L., 2013. Getting serious about mining the technosphere: a review of recent landfill mining and urban mining research. J. Clean. Prod. 55, 1–9. doi:10.1016/j.jclepro.2013.04.043

MacBride, S., 2008. The Immorality of Waste: Depression-Era Perspectives in the Digital Age. SubStance 37, 71–77. doi:10.1353/sub.0.0006

Puech, M., 2010. Jeter, Le Pommier. ed. Paris.

Saphores, J.-D.M., Nixon, H., Ogunseitan, O.A., Shapiro, A.A., 2009. How much e-waste is there in US basements and attics? Results from a national survey. J. Environ. Manage. 90, 3322–3331. doi:10.1016/j.jenvman.2009.05.008

Strasser, S., 1999. Waste and Want: A Social History of Trash. Metropolitan Books, New York.

Remerciements

Un grand merci à tous les sérievores qui m’ont rafraîchi la mémoire ou fait découvrir de nouvelles aventures, notamment Nadja Ashgar, Marie Darrason, Martha Gilson, Daniel Jung, Anna Krzywoszynska, Anne-Laure Pailloux. Merci également aux trois reviewers anonymes pour leur relecture précise et pertinente d’une première version de cet article.


[1] (Douglas, 1966)

[2] (Dagognet, 2000, 1999, 1997)

[3] « The One with the Embryos », Friends 0412

[4] (Puech, 2010)

[5] Un index des séries avec leurs noms complets, quand ceux-ci sont abrégés, se trouve en fin d’article.

[6] (MacBride, 2008)

[7] (Strasser, 1999)

[8] Pour une analyse plus générale de la notion de bonheur dans Desperate Housewives, voir le chapitre « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux à Wisteria Lane ? » (de Saint Maurice, 2009)

[9] Et même le personnage principal de Desperate Housewives d’après (Briselance and Morin, 2013)

[10] UKS 0102, 10’25

[11] Pour une lecture plus globale de la série et une analyse fine de la problématique d’identité qu’elle pose, voir  (Barrette 2012).

[12] Il est cependant intéressant de noter que cet épisode a suscité de nombreuses réactions dans la blogosphère, les internautes se demandant si un tel comportement était réellement courant dans les années 1960, ce qui a provoqué des réponses pour le moins contradictoires. Voir par exemple http://boards.straightdope.com/sdmb/showthread.php?t=482646  ou les commentaires sur la page youtube où l’épisode du pique-nique peut être visionné : https://www.youtube.com/watch?v=roREnVhd_og, tandis que le magazine The Esquire classe ce moment dans un des plus « madcap » (insensé, fou) de toute la série (http://www.esquire.com/entertainment/tv/a28603/madcap-mad-men-moments-history/).

[13]  Mad Men 0207 à partir de 33’20

[14] (Hardin, 1968)

[15] Véridique. Voir par exemple le blog de Paul Davidson, « Why littering is OK » : http://www.pauldavidson.net/2007/05/01/why-littering-is-ok/

[16] Pour cette citation et les suivantes, traduction de l’auteur dans le corps du texte suivie de la version originale en note de bas de page. “It’s why I pay taxes. It keeps garbage men earning a living so they can afford tacos for their family”  (Glee, 0104, 12’30)

 

[17] C’est bien sûr absolument faux, et l’incinération aux Etats-Unis permet même de bénéficier d’avantages fiscaux comparables à ceux des énergies renouvelables depuis 2004.

[18]. EB: “You put your soda cans in the green one, ok, that’s not right. The green is for grass and leaves, ok? The blue one is for recycling (…) The black one is for all other trash. Do you understand? / JY: Yes. Which is for burning? / EB: No, we don’t burn trash in this country, it’s illegal. You never burn trash, ok, can you say that? I never burn trash. /JY: I never burn trash. / EB: Yes. /JY: What about garbage? / (EB, après un temps): Mother fucker.” (Silicon Valley 0204, 2’10 – 3’00)  Pour voir le passage sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=flzPcTsGMLs.

[19] “We can’t throw it away: you used to love it!” (Modern Family 0201, 4’20)

[20] « Do we have to keep every remote control we have ever owned? Somewhere in a landfill, a laserdisc just ejected » (Modern Family 0618, 0’25)

[21] (Krook and Baas, 2013)

[22] Sur la quantité de déchets électroniques dans les ménages américains, voir par exemple (Saphores et al., 2009).

[23] Sur le fossé entre valeurs et actions dans le domaine environnemental, voir par exemple (Barr, 2006).

[24] Dans tout l’épisode, Marshall utilise un pronom féminin pour désigner Mabel (au lieu du neutre qui s’impose), ce qui marque son attachement à l’objet.

[25] “ R: So you need a hand throwing it out? / M: No! I’m not gonna just throw her out ok! Mabel was like family. / R: So what are you gonna do with Mabel? / M: I want to give her away to a lucky new owner. Do you know anyone? / R: Yeah, mmh, let me think, do I know any rodeo clowns? Oh that’s weird I do. But even Lenny wouldn’t go near that mess. / M: Well he’s not gonna have the chance because I am putting old Mabel in the Bermuda Triangle.” / Explication flashback (voix du narrateur, Ted plus âgé): “The Bermuda Triangle was the name we had given years earlier to the curve right in front of our building Whenever we wanted to give something away, we’d put it right there. It was uncanny / M: This is so exciting. Right now there’s some out there who has no idea that tonight they’re going home with just the best barrel.” (HIMYM 0503, 3 :50 – 4 :44)

[26] “I hope I’m not too late! I want to see the look of joy in the new owner’s face! She’s still there! Ok Mabel, let’s find you a new home. Here comes a guy! And he he just walked, walked right on by it. He’s probably rushing home to get a handcart or something. Yeah! Hey, better hurry up, pal. ” (HIMYM 0503, 5:24)

[27] “Oh oh looks like we got a taker. Oh, come on, dude. You know you want to. A guy like you, beard, no mustache. You’re exactly the kind of guy who could use a sweet barrel. Do it. No, That’s not a fire hydrant! What ? For shame, Sir. For shame!” (HIMYM 0503, 11:38)

[28] (Guillard and Roux, 2015)

[29] “I love how they call it « automative recycling ». What’s wrong with junk? Junk is an honest word!” (Parenthood 0123, 23’20)

[30] Voir l’épisode The Bottle Deposit,  Seinfeld, 0721, notamment à partir de 12:15

[31] (Cavé, 2015)

[32] L’expression “des Sud” est utilisée pour insister sur la variété des situations et des contextes, à l’opposé de l’image d’un Sud uniforme. En l’occurrence, l’ouvrage de Jérémie Cavé analyse la gestion des déchets en Inde et au Brésil.

[33] Friends 0203 « The One Where Heckles Dies »

[34] TBBT 0810 « The Champagne Reflection »

[35] “You know, I thought cleaning out a dead professor’s office was gonna just be boring, but then I found his dentures and realized it’s also gross.” (TBBT 0810)

[36] “New job Mr Alcott? / We don’t need the banks anymore Ben. Always garbage though.” (Under the Dome, 0112, 12’17)

[37] La directive 2008/98/EC (Waste Framework Directive) sur les déchets préconise une hiérarchie du traitement des déchets dans cet ordre : prévention, réutilisation, recyclage, valorisation énergétique, stockage des déchets ultimes sur site dédié.

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