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Pratiques plébéiennes et humanitarisme : d’antagonismes politiques, d’histoires locales et de territoires (2/2)

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Pratiques plébéiennes et humanitarisme : d’antagonismes politiques, d’histoires locales et de territoires (2/2)

 

Juan Ricardo Aparicio. Professeur associé, Département de Langues et Culture, Universidad de los Andes (Colombie). Docteur et Master en Anthropologie d’University of North Carolina en Chapel Hill et spécialiste des études culturelles de la Pontificia Universidad Javeriana.

 

Résumé

Dans cet article je cherche à cartographier le terrain de dispute entre pouvoir souverain, nécropolitique et humanitaire, ainsi que les pratiques plébéiennes mobilisées par les groupes sociaux, les indigènes et les paysans. Je me concentre sur la manière dont ces pratiques plébéiennes échappent à ces appareils de capture. J’analyse comment la construction des espaces-autres tentant de se désubjectiver du gouvernement humanitaire implique la création de nouvelles formes de subjectivité qui rejettent la souveraineté de l’État moderne quant à gouverner ses pratiques et les rythmes de ces pratiques. Je considère aussi que ces nouvelles formes de subjectivité rejettent les processus de déterritorialisation et de reterritorialisation chargées de codifier et de créer des axiomes qui produisent des espaces d’infra-consistance et de commensurabilité nécessaires pour l’accumulation du capital.

Abstract

In this article I seek to map the field of dispute between sovereign, necropolitical and humanitarian power, as well as the plebeian practices employed by social groups, indigenous groups and farmers. I will focus on how these plebeian practices escape these apparatuses of capture. I analyze how the construction of other spaces seeking to desubjectify from humanitarian government implies creating new forms of subjectivity that reject the sovereignty of the modern State on the government of their practices and the rhythms of these practices. I also consider how these new forms of subjectivity reject the processes of deterritorialisation and reterritorialisation supposed to codify and create axioms in order to produce the spaces of infra-consistency and commensurability necessary for the accumulation of capital.

 

Cet article est la deuxième partie d’un article publié le 27/04/18.

 

Subjectivités humanitaires et processus de désassujettissement

 

En second lieu, j’ai trouvé intéressant de comprendre l’émergence de ces subjectivités politiques caractérisées par la mobilisation de pratiques sociales antagoniques qui tentent de se désassujettir du gouvernement humanitaire comme c’est le cas, bien que ce ne soit pas le seul, de la Comunidad de Paz de San José de Apartadó[1]. Pour cela, il vaut la peine de rappeler l’argument de Fassin et Rechtman[2] sur la psychologisation de la victime traumatisée comme un engrenage fondamental des interventions humanitaires et militaires en Irak par exemple. Ces auteurs mentionnent que, grâce aux interventions humanitaires et aux conquêtes de la psychologie humanitaire, les jeunes palestiniens qui lançait auparavant des pierres sur les chars israéliens sont désormais perçus comme des individus traumatisés qui mouillent leur lit. Plusieurs questions apparaissent alors : qu’est-ce qui change pour ces sujets lorsque des subjectivités politiques antagoniques sont désormais vues comme des individus traumatisés ? Que se passe-t-il lorsque des actions qui, pour les Palestiniens eux-mêmes, sont des actions propres aux combattants, sont perçues par les humanitaires comme les manifestations claires de la présence de traumatismes psychologiques ? Au nom de l’universalisation de la souffrance, comme le diraient les auteurs mentionnés plus haut, l’arrivée de la psychiatrie humanitaire ne serait pas seulement justifiée et autorisée, mais la campagne internationale qui défend l’idée que c’est seulement par le biais du langage du traumatisme (et non pas par la dénonciation de l’occupation du territoire) que la souffrance de ces victimes peut être rendue visible de façon plus claire, deviendrait aussi plus neutre et aseptisée.

Dans mes propres recherches sur le déplacement interne en Colombie, j’ai trouvé intéressants les efforts de certains patrons de mobilisation pour se désassujettir d’un tel gouvernement humanitaire. J’ai suivi en particulier, depuis plus de dix ans, la Comunidad de Paz de San José de Apartadó (voir Carte 1). Voici quelques informations de contexte sur cette communauté. Grace à la confluence de divers facteurs, aux propositions d’une « communauté neutre » pour défendre le droit de la population civile de ne pas faire partie de la « guerre des autres » et à l’accompagnement de diverses institutions et de certains groupes religieux, 400 familles se sont finalement réunies dans l’école de San José de Apartadó le 23 mars 1997[3]. Ce jour-là, ils ont signé une Déclaration reconnaissant les normes de conduite que devaient observer tous ceux qui souhaitent faire partie volontairement de ce nouvel assemblage contestataire et hétérotopique vis-à-vis de la norme qui s’applique à ces corps et populations brisées par la violence et le déplacement dans le pays. Il s’agit d’un rejet ou d’un désassujettissement d’une gouvernementalité néolibéral humanitaire qui se charge d’administrer et de réguler ces populations résiduelles ; une gouvernementalité actualisée par diverses initiatives officielles telles que la promulgation de lois, les places et les commissions de mémoire, les plans de consolidation du territoire, la transformation de la victime en un sujet utile et productif, entre autres.

J’ai été intéressé par l’initiative visant à revenir sur leur territoire abandonné sans dépendre ni être accompagnés par un gouvernement humanitaire qui en dicte les rythmes et les temps. Plusieurs mois avant ce retour autogéré, à plusieurs moments de l’histoire de la Comunidad de Paz de San José de Apartadó, plusieurs groupes de travail ont commencé la préparation des terrains, la remise en état des chemins et la culture de divers produits pour qu’ils soient prêts pour le retour des familles. Un membre de la communauté, qui était l’un des leaders du retour vers l’une des zones rurales abandonnées, l’expliquait de cette façon :

Notre stratégie consistait à faire venir les personnes qui auraient l’esprit et le courage nécessaires pour revenir et pour essayer de récupérer cette terre, avec l’accompagnement de personnes de la communauté elle-même bien sûr. Alors nous appelions ces personnes, des gens courageux, capable de contrôler leur peur (…). Mon ami Giraldo et moi étions responsables de coordonner les retours : Giraldo a Mulatos et moi à La Esperanza. Moi je suis arrivé il y a environ un an et demi avec 30 autres personnes. Je suis entré dans une maison abandonnée dans cette zone. Elle était couverte de racines et de plantes et nous avons donc commencé par la nettoyer. Les gens qui nous regardaient ne nous connaissaient pas puisqu’ils ne sont pas d’ici. Nous leur avons dit que nous, nous étions d’ici, et qu’ils n’avaient pas à avoir peur par ce que nous ne voulions ni voler ni nous approprier leurs terres, mais que notre rêve était que les propriétaires des terres puissent revenir sur leur territoire, et que c’était là l’un des objectifs principaux de la communauté : que les gens puissent revenir. J’ai dit à ces personnes que si elles connaissaient certains des propriétaires, qu’elles leur disent de revenir travailler, parce que nous étions là pour les accompagner et que nous allions continuer à les accompagner (communication personnelle, mars 2008).

En définitive, ces pratiques témoignent d’un refus d’abandonner leur lieu d’origine pour déambuler dans les circuits de la bureaucratie humanitaire une fois arrivés dans les grandes villes. La Comunidad de Paz ne s’attachait pas seulement à la distinction classique entre combattants et non-combattants, qui fut si importante dans l’émergence d’un droit de la guerre moderne, mais aussi au type d’organisation économique, politique et social qui régirait la vie de la CPSJA. Finalement, l’on peut percevoir ici une articulation hybride entre le droit moderne et les mondes moraux paysans, qui met en doute ou qui échappe au chantage de la modernité identifié par Foucault[4], un chantage qui nous ferait penser à un dedans et dehors de la modernité. C’est peut-être l’intervalle, proposé par Rancière, qui permet le mieux de comprendre ces contaminations et ces ambivalences productives, comme par exemple la récupération de la coopérative de cacao, l’essor de la commercialisation du cacao et d’autres produits, la constitution d’une Assemblée Générale composé de tous les membres de la communauté qui sont les acteurs principaux des processus de prise de décision, un comité de direction réduit dont les membres sont élus chaque année, et des programmes généraux de travail collectif pour le bien de toute la Communauté.

Des territorialités et de l’humanitaire…

Enfin, j’ai suivi les processus actuels de territorialisation et de déterritorialisation qui ont radicalement transformé certaines régions du pays, des régions qui furent marquées par la violence et le déplacement forcé, et qui ont été récemment transformées en promesses de prospérité économique grâce à l’agro-industrie à grande échelle et à la découverte de pétrole. C’est là la « nouvelle frontière agricole », semblable à celle qu’a vécu le cerrado brésilien. Mais, par intérêt pour ces processus de territorialisation et de déterritorialisation, j’ai aussi suivi la création des Zonas de Reserva Campesina (Zones de Réserve Paysanne) qui, même si dans certains cas elles ont été plutôt des instruments de papier que de réelles forces de contention de l’avancée du capital, sont aujourd’hui gérées par des organisations paysannes qui essaient de défendre leurs propres projets de vie. 6,5 millions d’hectares de terres ont été abandonnés suite au déplacement forcé au cours des dernières années[5]. Une question centrale à laquelle j’ai récemment essayé de répondre est celle qui touche à ce qui se passe dans ces territoires et aux subjectivités qui s’y organisent et s’y construisent après la décennie des années 90, qui fut celle des principaux massacres et déplacements de population.

Ainsi, j’ai donc analysé comment ces mêmes régions sont aujourd’hui l’objet de deux processus inquiétants que je souhaite analyser ici, et dont la relation reste encore à étudier de façon critique. D’une part, elles sont l’objet de toute une gouvernance humanitaire qui s’articule avec les processus de récupération de la mémoire et de visibilisation des victimes (des processus associés aux inaugurations de places de la mémoire, et aux rapports de la Commission de Mémoire Historique de la Commission Nationale de Réconciliation et de Réparation), et avec tous types de productions culturelles (de type documentaire, de musées, de bibliothèques ou de monuments). Et d’autres part, ces régions font aussi l’objet de l’arrivée de grands projets de développement agro-industriel (associés aux biocarburants et à l’éthanol) qui ont transformé ces régions en enclaves d’exportation, plaçant aujourd’hui la Colombie au premier rang des exportateurs de palme africaine en Amérique latine[6].

Plus précisément, mes recherches portent actuellement sur deux régions : la région des Montes de María, dans la zone caraïbe de Colombie, et la microrégion de Mapiripán, située dans les immenses plaines de l’Est colombien, la grande promesse d’un capitalisme flexible et extractif (voir Carte 2). Que ce soit par le biais de grands projets de développement ou par le biais de ce que l’on appelle, comme ce fut le cas dans la région des Montes de María en 2002, les « Zonas de Rehabilitación y Consolidación del Orden Público » (Zones de Réhabilitation et de Consolidation de l’Ordre Public), il est évident qu’aujourd’hui, ces régions deviennent des lieux d’expérimentation où se cristallisent des visions du futur orientées vers une plus forte concentration, exportation et reprimarisation du capital. Et, bien sûr, elles impliquent et prescrivent deux des subjectivités nécessaires pour tenir cette promesse : celle du bon entrepreneur est celle de l’ouvrier agricole.

Carte 1 :

Carte de la République de Colombie qui indique les lieux de l’étude.

Je vais maintenant décrire brièvement le contexte de ces transformations. Pour la région des Montes de María dans la zone caraïbe de Colombie, l’Observatorio de Cultura Política, Paz, Convivencia y Desarrollo de los Montes de María de la Universidad de Cartagena (Observatoire de Culture Politique, Paix, Coexistence et Développement des Montes de María de l’Université de Carthagène) (non publié) rapporte les chiffres suivants concernant les années 90 :

  • Un total de 2.207 homicides a été commis dans les 15 municipalités de la région, soit une moyenne de 169 homicides par an.
  • Entre 1996 et 2001, les paramilitaires ont commis 17 massacres dont la cruauté et la barbarie ont été décrites par la Commission de Mémoire Historique : El Salado, Chengue, Colosó, Macayepo, etc.
  • Plus de 49.775 hectares ont été abandonnés par les familles déplacées.

Un rapport élaboré par l’Observatorio de Cultura Política, Paz, Convivencia y Desarrollo de los Montes de María de la Universidad de Cartagena (Observatoire de Culture Politique, Paix, Coexistence et Développement des Montes de María de l’Université de Carthagène) confirme cette tendance une décennie plus tard. Il souligne la forte croissance des surfaces de culture de palme, qui a augmenté de plus de 650 % entre 2000 et 2009. En matière de distribution de la terre, le rapport conclut que 6 % des propriétaires (1.781) concentrent 53 % des terres (386.031 ha), tandis que 30 % des propriétaires (8.931 personnes propriétaires de surfaces comprises entre moins d’un hectare et cinq hectares) ne possèdent que 1,7 % du total des terres de la région (12.599 hectares) (Observatorio de Cultura Política, Paz, Convivencia y Desarrollo de los Montes de María, non publié). En matière d’indicateurs de besoins de base insatisfaits, les chiffres montrent que, pour l’année 2012, dans les municipalités du Carmen de Bolivar et de San Jacinto, municipalités centrales dans les programmes de Desarrollo y Paz (Développement et Paix) ainsi que dans le Plan de Seguridad Democrática (Plan de Sécurité Démocratique), presque 96,19 % de la population a un besoin de base insatisfait[7].

Pour cette même décennie, un rapport de la Agencia para la Acción Social y la Cooperación Internacional (Agence pour l’Action Sociale et la Coopération Internationale, plus connue sous le nom d’Acción Social[8]) a également révélé qu’avec 81.184 hectares de terres abandonnées, correspondant à 90,20 % de la surface totale de la municipalité, Carmen de Bolivar, qui appartient à cette même région, était la deuxième municipalité la plus affectée par l’abandon forcé de terres dans tout le pays[9]. De la même façon, un autre chiffre important et significatif identifié par cette étude est celui de la croissance de la valeur des grandes propriétés : en 1999, elle s’élevait à un total de 97.803 millions de pesos colombiens, et à 298.786 millions de pesos colombiens en 2009. Entre 2002 et 2003 seulement, la valeur de ces grandes propriétés est passée de 105.935 à 210.484 millions de pesos colombiens, ce qui représente une augmentation de 50 % de leur valeur sur une seule année[10]. Bien qu’il n’y ait pas de relation clairement établie entre la spoliation des terres et leur transfert éventuel à des grands propriétaires, ce que démontre ce rapport officiel est la simultanéité de la spoliation des terres et l’augmentation de la valeur des grandes propriétés.

C’est également au cours des premières années de la décennie 2000 que furent lancés et mis en œuvre de grands projets de développement comme par exemple le Programa de Desarrollo y Paz de los Montes de María (Programme de Développement et de Paix des Montes de Maria) par le biais d’une alliance entre le Gouvernement National, les agences du système des Nations Unies et les institutions territoriales des municipalités des départements de Bolivar et Sucre[11]. C’est au cours de ces années qu’ont été créés les célèbres laboratoires de paix qui avaient pour objectif (1) la construction d’actifs sociaux, (2) la promotion et le développement d’actifs économiques et (3) la gouvernance participative[12]. Ces efforts de l’État comprennent également la Política de Seguridad Democrática (Politique de Sécurité Démocratique) qui donna justement naissance aux fameuses « Zonas de Rehabilitación y Consolidación del Orden Público » (Zones de Réhabilitation et de Consolidation de l’Ordre Public), qui avaient pour objectif « le renforcement de l’État et la récupération de l’autorité (…), l’augmentation des forces de 67.000 à 102.000 hommes, la constitution du Réseau de coopérants et d’informateurs, des ressources plus importantes pour la guerre (Bonos de Paz), le contrôle du territoire et la présence permanente des forces de l’ordre, des soldats paysans »[13]. Il est important de noter que beaucoup des mesures adoptées par ces Zonas de Rehabilitación y Consolidación (comme celle de concéder des facultés de police judiciaire à des membres des forces de l’ordre ou la désignation d’un chef militaire avec des pouvoirs juridiques et une autorité équivalente à celle des gouvernants élus démocratiquement) ont été déclarées irrecevables par la Cour Constitutionnelle en Octobre 2003[14].

En 2006, presque une décennie après cette mobilisation de l’État, le retard en matière de développement intégral des municipalités des Montes de María reste évident. Comme l’analyse la Universidad de Cartagena :

[…] après 16 ans de mise en pratique des normes sur la planification [faisant ici référence aux changements introduits par la Constitution de 1991 en matière de décentralisation de l’État], les institutions territoriales n’ont pas pu construire un système municipal de planification qui rende possible la formulation de plans, de programmes et de projets viables qui puissent être évalués par le biais d’objectifs mesurables, avec un minimum de continuité dans le temps et garantissant la participation des organisations sociales dans les mécanismes de prise de décision[15].

Le rapport montre également que la majorité des municipalités de la région n’ont pas atteint les meilleurs résultats en matière d’accomplissement des objectifs proposés par les administrations locales pour l’année 2006, et présentent même parfois des performances inférieures dans les secteurs de base, en particulier en matière de qualité de l’éducation ou de la vaccination des enfants de moins de 5 ans[16].

En ce qui concerne la région de Mapiripán, lieu des massacres célèbres et controversés entre des activistes des droits de l’homme et le Gouvernement National entre le 15 et le 20 juin 1997, les informations sont également révélatrices de la logique et de l’efficacité de ces transformations. Dans le contexte du département du Meta, les chiffres de ces transformations sont aussi significatifs. Comme le révèle l’information élaborée par le Departamento Administrativo Nacional de Estadística (Département Administratif Nationale de Statistique) pour l’année 2011, le Produit Intérieur Brut du Meta s’élevait, en l’an 2000, à 6,4 milliards de pesos colombiens, et atteignit en 2010 les 15,9 milliards de pesos colombiens constants de 2005[17]. Cette croissance (168 %) est la deuxième du pays après celle qu’a connu le département du Vichada, qui fut de 250 %, provoquée par l’exploitation de mines et de carrières, et plus spécifiquement par la découverte et l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole. Tout au moins pour le Ministère de l’Agriculture, les promesses et les réalités de ces transformations du département du Meta sont évidentes pour l’année 2009[18] :

  • Premier producteur de riz irrigué (381.950 t. – 20% de la production nationale),
  • Premier producteur de palme (158.000 ha, 315.043 t. – 37% de la production nationale),
  • Premier producteur de banane plantain (479.250 t., 19% de la production nationale),
  • Premier récepteur d’investissement privés dans le domaine de l’exploration pétrolière,
  • Plus grande réserve de gaz naturel du pays,
  • Plus de 4.1 millions d’hectares potentiels (avec moins de restrictions) pour la reforestation commerciale.

Ce qui est inquiétant dans cette grande transformation, c’est la façon dont la participation de toutes les grandes branches de l’activité économique qui composent le PIB du Meta a connu un recul relatif par rapport à l’avancée de l’exploration des mines et des carrières, et à la construction. L’agriculture par exemple, qui contribuait à 15,6 % du PIB en 2000, n’a contribué qu’à hauteur de 7 % en 2010[19]. Aussi, la distribution de la valeur en millions de pesos colombiens des grandes propriétés dans tout le département est passé de 244.436 millions en 2004 à 986.229 millions en 2008[20]. En seulement cinq ans, la valeur des grandes propriétés du département a augmenté d’environ 400 %.

D’autre part, dans cette région des plaines, qui comprend la région de Mapiripán ainsi que d’autres municipalités qui aujourd’hui font face à des transformations semblables suite à l’apparition de nouveaux gisements de pétrole et au développement de l’agro-industrie, l’indice des besoins de base insatisfaits est de 44 % dans les villages et de 88% dans les zones rurales. Ces chiffres contrastent avec ceux du reste du pays qui sont de 20 % et 50 % respectivement[21]. De manière tout aussi contrastée, dans la municipalité de Mapiripán, à l’entrée de laquelle se trouve le monument aux victimes construit récemment par plusieurs ONG, les chiffres sur l’impact de ces transformations sont aussi révélateurs. Selon les informations du recensement de 2005, Mapiripán avait en 2005 l’indice le plus élevé de pauvreté multidimensionnelle de tout le département (60,8 %) et présentait en 2009 les indices de poids infantile à la naissance les plus bas de tout le département (8,3%).

Dans ce contexte, il faut aussi souligner l’augmentation de la population autochtone déplacée, appartenant aux ethnies Sikuani et Jew, qui sont passés de 662 personnes en 1995 à 1.805 personnes en 2010[22]. Et tout ceci a eu lieu au cours des deux décennies qui ont suivi les fameux massacres, et depuis la constatation de l’entrée de grands projets de développement industriel (principalement de palme africaine mais aussi de projets pétroliers). En dernier lieu, il ne faut pas sous-estimer les bénéfices fiscaux actuels dont pourraient bénéficier ces entreprises agro-industrielles, en cas de la déclaration de ces régions comme Zones Franches dans lesquelles les entreprises pourraient être exonérées du paiement des impôts municipaux et des impôts sur le revenu, en reconnaissance de leur potentiel d’exportation. Bien sûr, face à un tel panorama, que nous devons analyser de façon critique, les questions les plus évidentes et qui doivent être analysées de façon empirique sont les suivantes : qui sont les acteurs et les institutions qui bénéficient de ces processus de reterritorialisation et de déterritorialisation ? Quel type de sujets vont occuper ces territoires ? Quelles étaient les différentes options et pourquoi certaines ont été choisies au détriment des autres ? Qui en est responsable ? Quel type de paix se construit sur ces territoires ?

Conclusions

En définitive, cartographier le gouvernement humanitaire en essayant d’identifier ses rationalités, ses médiations et ses contradictions, comprendre l’émergence de subjectivités politiques antagonistes qui se désassujettissent justement du premier, et comprendre la transformation des sujets et des territoires provoquée par les nouveaux et les anciens processus d’accumulation du capital, constituent les trois axes de ce programme de recherche. En les suivant, j’ai essayé de positionner un débat central sur la contradiction basique entre le niveau populaire et le bloc de pouvoir[23] qui traverse et constitue le problème des subjectivités politiques actuellement. En référence aux travaux de Stuart Hall et de E.P Thompson, je n’entends pas le concept de « populaire » comme une identité ou une substance, mais plutôt comme un champ de conflits qui justement s’oppose, résiste et lutte contre le bloc de pouvoir qui tente de le capturer, de le domestiquer et de le réifier. Mon ethnographie m’est également utile pour affirmer que cet antagonisme n’a pas lieu sur le terrain vide de la multitude, de la fuite, de l’indétermination et de la singularité, mais bien au sein des traditions profondes de protestation sociale et d’économie morale que sont les mondes paysans et les traditions catholiques radicales, combinées au droit international humanitaire. C’est ici qu’ont lieu ces processus de subjectivation, à partir des schémas qui « leur sont proposés, suggérés, imposés par leur culture, leur société et leur groupe »[24]. Ainsi donc, je souhaitais parler plutôt de contextes et d’historicités dans lesquelles se révèlent ces moments de rupture et d’antagonisme par rapport aux modes d’assujettissement de l’État souverain.

Dans le cas de la Comunidad de Paz de San José de Apartadó, qui a fait l’objet de mes recherches[25] et par lequel j’ai commencé cet article, je dirais que c’est précisément là, dans « le meilleur coin d’Amérique », qu’a surgi un complexe assemblage qui fait contrepoids à la « biopolitique minimale » symbolisée par les matelas qui sont distribués aux déplacés internes, en vertu de la Loi 387 de 1997. C’est-à-dire que c’est dans la communauté de paix qu’a surgi un assemblage qui implique la création d’une possibilité complexe et multidimensionnelle de s’affranchir des cadres établis par la « bonne gouvernance » et la « responsabilité de l’État » qui contrôlent, dirigent et conçoivent une grande partie des opérations humanitaires et des droits de l’homme qui ont lieu en Colombie. Bien sûr, cela va également à l’encontre des nouveaux territoires humanitaires qui, comme ce fut le cas au Kosovo ou au Rwanda, incluent des processus anciens et nouveaux de colonisation et de néo-impérialisme[26]. La CPSJA, bien qu’elle continue à se mobiliser dans les circuits de la bureaucratie étatique, met aussi en place des généalogies alternatives qui permettent l’émergence de savoirs et de pratiques insurrectionnelles de soin envers « l’étranger qui souffre », configurés en accord avec les Conventions de Genève, la théologie de la libération, le marxisme et les luttes paysannes traditionnelles en Colombie. Dans cet espace complexe, plein de frictions et de tensions, la communauté a été capable de construire un espace autonome qui défie les désirs des États et des para-États de massacrer, de déplacer ou de porter secours aux populations. C’est la nouvelle subjectivité politique. En même temps, elles construisent à grands efforts une « économie communautaire » dont les bénéfices sont distribués collectivement à la Communauté dans son ensemble. C’est par le moyen de toutes ces articulations si complexes et différentes que la CPSJA affirme courageusement un espace de différence né d’une conception particulière de l’être « humain », une différence qui nait des politiques « relationnelles » dans lesquelles les morts non seulement ne disparaissent pas de leurs vies une fois enterrés, mais participent et jouent un rôle central dans la vie quotidienne et dans les grands modèles de mobilisation.

Traduit de l’espagnol par Sébastien Longhurst – Lingua Viva Traductores


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[1] Aparicio Juan Ricardo, « El Retorno a Mulatos y la Comunidad de Paz de San José de Apartadó: contingencias y momentos de ruptura », Revista Antípoda, no 21, 2015, p. 73-95.

[2] Fassin Didier et Richard Rechtman, L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007.

[3] Aparicio Juan Ricardo, « El Retorno a Mulatos y la Comunidad de Paz de San José de Apartadó: contingencias y momentos de ruptura », Revista Antípoda, no 21, 2015, p. 73-95.

[4] Foucault Michel, « What is Enlightment? », in Faubion James D. (ed.), Michel Foucault The Essential Works of Foucault, 1954-1984, Ethics, subjectivity and truth, New York, New Press, 1997.

[5] Acción Social, Unidades Agrícolas Familiares, tenencia y abandono forzado de tierras en Colombia, Presidencia de la República de Colombia, Proyecto Protección de Tierras y Patrimonio de la Población Desplazada, Bogotá, Agencia Presidencial para la Acción Social y la Cooperación Internacional, 2010.

[6] D’après un rapport récent de Proexport en 2012 : « Le pays est le cinquième producteur mondial de palme à huile et le premier en Amérique latine avec un taux de rendement de 19,39 t/ha, supérieur au premier producteur mondial, l’Indonésie, qui produit 17 t/ha. De plus, sa productivité en biocarburant est de 5.550 l/ha, dépassant le Brésil et l’Équateur de 35% et 58 % respectivement. »

[7] DANE – Recensement Général 2005. Colombie. Besoins de base insatisfaits. Actualisé le 27 juin 2012.

[8] Acción Social, Unidades Agrícolas Familiares, tenencia y abandono forzado de tierras en Colombia, op. cit.

[9] Ibid., p. 149.

[10] Ibid., p.196.

[11] Daniels Amaranto, Daniel Menco, Jennifer Jimenez et Manuel Peralta, « El laboratorio de paz en los Montes de María: una aproximación a su contexto », in Daniels A. y A. Múnera (eds.), Los Montes de María: región, conflicto armado y desarrollo productivo, Cartagena, Instituto internacional de Estudios del Caribe, 2011, p. 13-98, p. 25.

[12] Ibid., p. 25.

[13] Ibid., p. 25-26.

[14] Ibid., p. 29.

[15] Ibid., p. 57.

[16] Ibid., p. 58.

[17] Gobernación del Meta, Plan de Desarrollo Departamental 2012-2015, Proyecto para el consejo territorial de planeación, 27 Février 2012, Alan Jara Urzola, Gobernador.

[18] Encuesta Nacional Agropecuaria (Étude Agricole Nationale), Ministerio de Agricultura, República de Colombia, 2009.

[19] Ibid.

[20] Acción Social, Unidades Agrícolas Familiares, tenencia y abandono forzado de tierras en Colombia, Presidencia de la República de Colombia, Proyecto Protección de Tierras y Patrimonio de la Población Desplazada, Bogotá, Agencia Presidencial para la Acción Social y la Cooperación Internacional, 2010, p. 266.

[21] Leibovich José, « Desarrollo Integral Sostenible de la Altillanura », Journée Conpes de la Altillanura, CIAT, Puerto Gaitán. 1 juin 2012. Conférence, présentation Power Point.

[22]Secretaria de Planeación y Desarrollo Territorial, Caracterización del Municipio de Mapiripan 2008, Villavicencio, Gobernación del Meta, 2008.

[23] Laclau Ernesto, Política e ideología en la teoría marxista, Madrid, Siglo XXI Editores, 1978 ; Hall Stuart, « Notes on Deconstructing the Popular », in Samuel Raphale (ed.), People’s History and Socialist Theory, London, Routledge and Keagan Paul, 1981, p. 442-453.

[24] Foucault Michel, « Different spaces », in Faubion J. D. (ed.), Essential Works of Foucault 1954-1984. Aesthetiques, Methods and Epistemology, vol: 1, New York, New Press, 1998, p. 175-185. Citation traduite en Français à partir de la version espagnole du texte, consultée par l’auteur (N.d.T.).

[25] Aparicio Juan Ricardo, « Los desplazados internos: entre las positividades y los residuos de las márgenes », op. cit. ; Aparicio Juan Ricardo, « El Retorno a Mulatos y la Comunidad de Paz de San José de Apartadó: contingencias y momentos de ruptura », op. cit.

[26] Pandolfi Mariella, « Contract of mutual (in)difference: governance and the humanitarian apparatus in contemporary Albania and Kosovo », Indiana Journal of Global Legal Studies, no 10, 2003, p. 369-381.

 

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