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La presse ouvrière en Colombie au début du 20ème siècle : un nouveau régime de l’art et une nouvelle subjectivité

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La presse ouvrière en Colombie au début du 20ème siècle : un nouveau régime de l’art et une nouvelle subjectivité

 

Emilse Galvis, Doctorante en Philosophie à l’Universidad de los Andes (Bogotá, Colombie) et master en Philosophie de la même université. Sa thèse doctorale est intitulée « Écriture, politique et condition ouvrière dans la philosophie de Simone Weil ».

 

Résumé

Partant du texte de Luz Ángela Nuñez El obrero ilustrado. Prensa obrera y popular en Colombia 1909-1929 [L’ouvrier éclairé. Presse ouvrière et populaire en Colombie 1909-1929], cet article cherche à penser ensemble deux registres de ce que Jacques Rancière appelle la politique de l’esthétique. Le premier registre est lié au régime esthétique de l’art. Je m’intéresse ici à la manière dont celui-ci suspende la presse officielle, cléricale et partisane, qui s’est consolidée dans le pays depuis 1886 et qui répondait à un régime représentatif de l’art. Le deuxième registre est lié à des expériences d’émancipation des ouvriers. En même temps qu’ils décident de suspendre la logique consensuelle de la presse officielle, les ouvriers éclairés transforment leur modes de vie et expérimentent des rôles distincts, comme travailleur, écrivain ou poète.

Abstract

Inspired by the book of Luz Ángela Nuñez El obrero ilustrado. Prensa obrera y popular en Colombia 1909-1929 [The Enlightened Worker. The Workers’ and Popular Press in Colombia 1909-1929], this article seeks to connect two registers of what Jacques Rancière calls the politics of aesthetics. The first one has to do with the aesthetic regime of art, which suspends the official, clerical and partisan press that has consolidated in Colombia since 1886 and that responds to the representative regime of art. The second register is related to different experiences of emancipation of the workers. As they decide to suspend the consensual logic of the official press, the enlightened workers transform their ways of life and experiment with different roles, such as worker, writer and poet.

 

Tu me demandes quelle est ma vie à présent ; la voilà comme toujours. Je pleure en ce moment par un cruel retour sur moi-même. Passe-moi ce mouvement de puérile vanité; il me semble que je ne suis pas dans ma vocation en martelant le fer[1].

Rancière, Jacques. La nuit des prolétaires

 

Dans Aisthesis, œuvre célèbre de Jacques Rancière, le philosophe affirme que « l’Art comme notion désigne une forme d’expérience sensible qui existe en Occident seulement depuis le fin du 18ème siècle »[2]. Rancière ne veut pas dire par là qu’il n’existait pas, auparavant, avec les images archaïques surgies des tombes ou les peintures rupestres, toutes sortes d’art et de pratiques artistiques. Il n’entend pas non plus passer outre les beaux-arts, privilégiés pour être le passe-temps des hommes libres, ou les arts mécaniques des esclaves ou des artisans. Cette distinction, justement, repose sur l’une des idées maîtresses de l’Aisthesis : le tissu de l’expérience sensible et la forme d’intelligibilité de ce qui se constitue comme Art. Dans ses mots, « l’art existe en Occident à partir du moment où cette hiérarchie des formes de vie commence à vaciller »[3], c’est-à-dire au moment où se voient altérées et déstabilisées les formes d’expérience sensible qui prétendaient jusqu’ici maintenir les lieux et les fonctions des hommes de loisir dans le monde des beaux-arts et qui les séparaient des arts mécaniques et de ses opérateurs : les esclaves et les artisans. L’Art existe comme tel dès lors que ses objets, ses modes de perception, ses rythmes et ses modalités, en faisant exister un nouveau régime esthétique, rendent possible la manifestation des gens de rien – ceux qui seulement par hasard ou par un miracle des dieux pourraient, selon Platon, se manifester dans l’agora – comme participants du monde commun. En somme, « l’art existe comme un monde à part à partir du moment où n’importe qui peut y entrer »[4].

L’irruption de l’Art, en tant que tissu de l’expérience sensible, se caractériserait par le fait de créer un écart ou une brèche, telle que nous l’emploierons dans ce texte. Brèche entendue non pas comme une sorte de lacune qui ferait perdre à quelque chose de son entièreté, ni comme simple rupture, mais bien comme cette forme de configuration dissensuelle de l’expérience sensible où se dessinent ou s’effacent des corps, des regards, des distributions et des individualités, et où se crée, à leur tour, des paysages inédits du visible et des formes nouvelles d’habitation du commun.[5] Dans sa conférence intitulée La politique de l’esthétique,[6] Rancière insistait déjà sur ce fait que l’art « est politique pour autant que ses productions moulent des formes de visibilité qui recadrent le tissu des pratiques, des manières de faire et des modes de sentir et dire dans un sens commun ; ce qui signifie un ‘sens commun’ incarné dans un sensorium commun »[7]. Nous partirons d’une scène, d’une et de plusieurs à la fois, qui fera l’horizon de départ de ce que nous souhaitons développer ici.

Dans le livre de Luz Ángela Nuñez El Obrero ilustrado. Prensa Obrera y popular en Colombia 1909-1929 [L’ouvrier illustré. Presse ouvrière et populaire en Colombie 1909-1929], l’historienne signale que « pendant les deuxième et troisième décennies du 20ème siècle, de nouveaux acteurs sociaux (ouvriers, femmes, groupes socialistes et anarchistes) émergent sur la scène nationale colombienne, qui, avec ceux qui déjà existants (colons, métayers, indigènes, artisans), affrontent la modernisation capitaliste naissante et l’hégémonie conservatrice en recourant aux diverses formes d’organisation, de lutte et de mobilisation »[8]. C’est précisément l’émergence d’une presse de « tinte ouvrière et populaire » qui fut pour eux la meilleure des manières de surgir et de résister dans le contexte national, et la meilleure des manières qu’ils eurent de créer une scène dissensuelle à même de configurer de nouvelles formes d’habitation du commun. Nous pouvons dire à grands traits que la presse ouvrière apparut sur l’arène politique des années 20 du siècle passé, en opposition à la presse « officielle » qui avait, quant à elle, l’intention de maintenir les ouvriers dans un état de passivité eu égard aux prises de décision politiques de la nation. Face à cette prétention, la presse ouvrière ouvrait une brèche, tant dans les ordres de ce qu’on considérait comme « presse officielle » que dans l’ordre consensuel au sein duquel on supposait que seuls certains – journalistes d’élite, secteurs du clergé, entrepreneurs ou précurseurs partisans de la politique traditionnelle – étaient en mesure d’exercer les travaux de diffusion des événements de la politique nationale. Les ouvriers se constituaient en acteurs sociaux décisifs et configuraient en effet une nouvelle subjectivité sur les chemins de l’organisation sociale.

À la lumière de cette apparition de la presse ouvrière, et en prenant pour axe transversal le texte de Luz Àngela Nuñez et son analyse de l’irruption de la presse ouvrière en Colombie, ce texte veut mettre en relation deux registres de ce que Rancière appelle la politique de l’esthétique. Le premier registre a trait au régime esthétique de l’art qui, comme nous l’avons mentionné, fait référence à l’irruption de l’aisthesis qui s’attache à brouiller les frontières entre raison et sensibilité, entre art et non-art, et entre ceux qui sont considérés comme des êtres participants (esthesis) du royaume du langage et ceux qui ne produiraient que des sons (hexis). Le second registre est celui-là qui rassemble un certain nombre d’expériences d’émancipation, tels les mouvements ouvriers, en tant qu’ils sont travail sur soi déplaçant les frontières définissant leurs manières d’être, de percevoir et d’exister. Ce deuxième registre se donne à mieux comprendre à la lumière de la figuration de certains personnages de La nuit des prolétaires et de la manière dont ceux-ci expriment une forme d’émancipation singulière au travers de leurs mouvements, résultats non d’un ordre de leur patron mais de leurs propres volontés. C’est ainsi, par exemple, que la vie de Gauny voyage entre l’identité du menuisier et celle du poète-écrivain, de façon que sa propre existence met en question la séparation entre les usages du parler ainsi que les conséquences que comporte l’ordonnancement des hiérarchies sociales fixées par un ordre social et consensuel.

Pour lire cette scène sur laquelle émerge la presse ouvrière et populaire en Colombie au début du 20ème siècle, à la lumière de ces deux régimes (le régime esthétique et celui des actes d’émancipation), j’emprunterai deux chemins simultanés. J’insiste sur ce point que ce sont deux chemins simultanés : il ne s’agit pas d’un effet causal entre l’irruption de la presse et les actes d’émancipation des ouvriers de l’époque, mais bien de deux registres qui, de manière parallèle, agissent dans le panorama national. Premièrement, l’irruption de l’aisthesis fait se suspendre cette presse officielle, cléricale et partisane du régime représentatif, défenseuse des pratiques et formes d’habitation consensuelle conservatrices qui s’étaient intensifiées dans le pays depuis 1886. Pour cette presse, et bien sûr pour ceux qui la promouvaient au nom de Dieu, les ouvriers devaient seulement occuper leur place et rien que leur place en tant que représentants des arts mécaniques et de leurs métiers. Pourtant ce registre esthétique de l’art où apparaît la presse ouvrière s’entrelace aux formes de vie particulières de ces ouvriers, travailleurs, paysans, qui rompent avec les labeurs assignés de leur travail. C’est-à-dire qu’au moment où les ouvriers[9] décidèrent de suspendre la logique consensuelle de la presse officielle, ils n’étaient déjà plus les mêmes ouvriers ; leur identité se déplaçait, ou peut-être se multipliait, entre des formes différentes de la vie particulière des représentants du peuple : travailleur, écrivain ou poète. De quelle manière, alors, la presse ouvrière effaçait-elle les assignations déterminées d’une presse conservatrice, cléricale et traditionnelle, dans les premières décennies du 20ème siècle ? Comment penser la relation entre le régime représentatif et policier de l’art et cette presse officielle qui assignait les ouvriers à un état de passivité par une sorte d’ « endoctrinement idéologique » ? Comment comprendre les actes d’émancipation des ouvriers colombiens à la lumière des formes d’émancipation que Rancière met en scène dans La nuit des prolétaires ? Comment penser l’émergence d’une nouvelle subjectivité des ouvriers dans le contexte de cette presse ouvrière et populaire ?

En somme, dans ce texte nous montrerons comment les deux registres de l’esthétique s’entrelacent dans l’irruption de la presse ouvrière : comment, d’une part, cette presse ouvrière manifeste une suspension des adéquations canoniques que la presse officielle prétend agencer entre une certaine réalité et une idéologie – entre un régime conservateur et l’éradication de tout ce qui constitue une opposition au clergé – et comment, d’autre part, les opérateurs de cette presse particulière transforment leurs modes d’existence et expérimentent des déplacements de leurs manières d’être, de parler et de sentir dans le contexte d’une organisation sociale et politique. Nous irons pas à pas pour tenter de dérouler ce qui a été jusqu’ici exposé.

I. Un nouveau régime de l’art et l’apparition d’une presse ouvrière et populaire

Pour commencer, nous dirons, avec Luz Ángela Nuñéz (2006) qu’« une presse politique, différente à celle éditée par les partis libéral et conservateur, avait déjà des antécédents dans le pays depuis la deuxième moitié du 19ème siècle avec des publications artisanales comme La Civilización (La Civilisation) (1850), El Artesano (L’Artisan) (1856) et El Obrero (L’ouvrier) (1899) »[10]. Cependant, ce n’est qu’à partir de 1909 que « proliféra la publication de ce type de feuilles journalistiques dans différents lieux du pays »[11]. Avant d’aborder plus en détail cette presse ouvrière et populaire, interrogeons d’abord les particularités de la presse conservatrice et cléricale, et la manière dont celle-ci obéissait aux caractéristiques d’un certain régime représentatif de l’art.

Cette presse « officielle » avait une fonction claire d’endoctrinement idéologique qui se manifestait dans les écoles et les collèges – bien que les secteurs pauvres n’eussent, à cette époque, qu’un accès minimal à l’éducation. Pour combler ce manque d’éducation du peuple, l’endoctrinement idéologique s’exerçait, entre autres façons, par le biais d’une école des arts et des métiers qui, avec l’arrivée de diverses congrégations religieuses, s’étaient multipliées dans le pays dans les premières années du 20ème siècle L’objectif de ces institutions consistait, grosso modo, à enseigner aux plus pauvres un métier qui leur permettrait de vivre honnêtement et d’être de « bons chrétiens ». La plupart de ces écoles étaient réservées aux femmes et l’objectif était clair : préserver la famille chrétienne en formant les femmes aux tâches à accomplir à la maison : couture, broderie, confection de fleurs et de chapeaux.

En plus de ces prétentions idéologiques guidées par le christianisme, « les porte-drapeaux du processus de modernisation capitaliste et les disciples de conceptions médicales et biologistes du 19ème siècle »[12] soutenaient, d’un point de vue classiste très marqué et profondément radical, que l’origine de la pauvreté, le retard du pays et la « dégénération de la race » relevaient de la responsabilité directe des pauvres. Cette « culpabilisation » des pauvres quant au retard du pays n’était pas, toutefois, le seul caprice de l’élite conservatrice et des promoteurs d’une modernisation capitaliste. Le débat devint problème d’État quand, après la Guerre de Milles Jours et la séparation de Panama, l’hégémonie conservatrice se mit à chercher à tout prix « l’unité, la paix et le progrès en Colombie », des buts qui, selon elle, se voyaient entravés par ladite dégénération de la race.

Ces éléments propres à l’idéologie sous-jacente à la « presse officielle » (l’endoctrinement idéologique et un projet d’État de création de campagnes visant à inverser la tendance dégénérative du peuple colombien) reproduisaient, d’une certaine manière, cette relation harmonique et univoque promue par les beaux-arts et les belles lettres selon la définition traditionnelle de la mimesis. Cette définition présupposait une relation préétablie et réglementée entre les formes du faire (poiesis) et une certaine forme d’être (aisthesis). En ce sens, pour Rancière, le régime représentatif des arts a toujours été lié, d’une certaine manière, à un régime policier, c’est-à-dire, à une forme particulière de symboliser le commun qui organise la réunion des hommes dans la communauté à partir d’une sorte de consensus, et qui grosso modo consiste en la distribution hiérarchique des places et des fonctions qui constituent « l’être » de ces individus. Dans les termes du philosophe français, « le principe de la ‘police’ a toujours consisté à partager l’humanité entre ceux qui ‘savent’ et ceux dont on dit, par comparaison, qu’ils ne font que manifester mécontentement, fureur, hystérie »[13]. Il s’agit, dans ce cas, de définitions fixes et établies de ce que signifie être pauvre, ouvrier, travailleur salarié, ou encore des travaux des femmes qui, conformément aux principes du christianisme, ne devraient pas excéder leurs occupations ménagères.

Selon cette presse, les ouvriers ne devaient occuper rien de plus que leur place en tant qu’opérateurs des arts mécaniques, ce qui rappelle le mythe platonique des trois métaux exposés dans le livre III de La République. Comme le dit Platon, « quand les dieux vous créèrent, ils mirent de l’or dans la composition de ceux d’entre vous qui sont capables de commander, qui valent plus que tout autre ; de l’argent, dans celle des auxiliaires, et du bronze et du fer, dans celle des travailleurs et des artisans »[14]. Ce récit mythologique se traduit donc ici en une logique d’assignation, à chacun sa position et sa fonction dans la distribution des métiers d’une communauté. De manière analogue, la « presse officielle » reproduisait cette prétention d’une communauté à séparer les arts mécaniques, exercés par les ouvriers des arts libéraux, passe-temps des seuls hommes libres, « des hommes de loisir dont la qualité même devait les mettre à la recherche d’une perfection excessive écartée des réalisations matérielles dont pouvaient se charger un artisan et un esclave »[15].

Or sur la scène qui nous intéresse et face à l’irruption de la presse ouvrière, au contraire de ce qu’espéraient les représentants de la « presse officielle », la prolifération d’une presse populaire fit précisément éclater ce double excès de la presse de l’époque, lié au désir de correspondance entre une idéologie conservatrice et les formes de vie des ouvriers. A la différence de cette prétention d’adéquation, des campagnes d’hygiène et d’éducation visant à éviter la « dégénérescence de la race » colombienne, à la différence de la lutte antialcoolique évitant les espaces de sociabilité des célèbres « chicherías », et des assignations des femmes aux fonctions ménagères, la presse ouvrière se présenta comme un élément disruptif avec trois caractéristiques spécifiques : volonté de représentation du peuple travailleur ; configuration des ouvriers comme destinataires spécifiques ; identification des directeurs et des rédacteurs avec la cause ouvrière. Approfondissons ces trois caractéristiques pour tenter de comprendre cette définition complexe de la presse ouvrière.

Premièrement, les journaux assumèrent une volonté de représentation du populaire, entendu le populaire comme peuple travailleur : petits industriels, artisans, journaliers, paysans et salariés urbains. La représentation du peuple travailleur était ainsi liée à deux idées principales, apparaissant dans les journaux de manière récurrente : l’une de type économique et l’autre davantage politique et sociale. D’un point de vue économique, on insistait sur le fait que les travailleurs manuels étaient ceux qui véritablement contribuaient au progrès du pays. Cette insistance justifiait l’existence de journaux exigeant pour les ouvriers de meilleures conditions de travail, étant donné qu’en eux se trouvait la source de la force matérielle nécessaire au progrès national. Quant à la seconde idée, politique et social, on entretenait la vision positive d’ouvriers et d’artisans défenseurs légitimes des droits du peuple. Ainsi, « en opposition aux politiques des partis ou au clergé, qui étaient accusés de maintenir le peuple plongé dans la pauvreté et l’ignorance pour continuer à l’exploiter, on montrait les ouvriers comme uniques représentants authentiques des nécessités et aspirations du peuple »[16]. Les ouvriers, dans cette perspective, étaient considérés comme des sujets politiques actifs dans les dynamiques nationales.

Tout ceci se manifeste dans ce fait de faire des ouvriers les destinataires spécifiques des journaux. La presse ouvrière ne se limitait pas au simple travail d’intermédiation, « mais [cherchait] à impulser l’éducation et la mobilisation politique des ouvriers, ceux-ci étant à la fois les récepteurs et les agents actifs de la transformation sociale et politique »[17]. Cela se met en évidence dans le journal La Unión Obrera :

Aujourd’hui comme hier [ce journal] travaille à la réorganisation de l’idéal ouvrier dans sa signification la plus large et la plus authentique. Il lutte pour l’émancipation morale et intellectuelle des classes travailleuses, pour leur organisation autonome, et pour amener son contingent modeste à la tache humaine de réveiller l’âme des ouvriers colombiens[18].

Comme on le voit dans cette citation, la presse ouvrière mettait en pratique un projet d’émancipation éthique et intellectuelle des classes travailleuses avec pour objectif un idéal d’organisation ouvriériste. Vers les années 1920, les ouvriers jouèrent le rôle qui jusqu’en 1919 avait été celui des artisans : la direction des secteurs populaires et « le déplacement du conflit vers les zones d’œuvres publiques, des transports et des enclaves, où prédomina le travail salarié »[19]. Cela ne signifie pas que la presse artisanale, l’héritage de son organisation et de ses formes de résistance restèrent sans effet. Elles eurent au contraire une répercussion considérable qui se combina et se renforça avec l’apparition de la figure de l’ouvrier – en tant qu’ensemble hétérogène de secteurs sociaux – qui dans la troisième décennie du 20ème siècle constituait déjà l’une des principales dénominations du peuple travailleur.

Relativement à la troisième caractéristique – l’identification des directeurs et des rédacteurs avec la cause ouvrière –, il faut souligner l’important élargissement important de la définition de la presse ouvrière. À la différence de Mauricio Archila[20], Luz Ángela Nuñez préfère une définition plus ample de la « presse ouvrière », parce que, dit-elle, les ouvriers n’étaient absolument pas les agents externes aux journaux qu’ils sont pour Archila, mais participaient bien plutôt et de manière fondamentale à la rédaction et à la distribution. Aux journaux « participaient des ouvriers, des artisans et des travailleurs en voie de prolétarisation, et les publications, généralement, se trouvaient liées aux partis, syndicats ou associations populaires »[21]. Sans compter que ceux qui écrivaient dans la presse s’identifiaient à son appellation « et cherchaient à diffuser son idéologie et à dénoncer la situation d’exploitation des travailleurs ou des secteurs populaires en général »[22].

Laissons à présent ce premier registre de la politique de l’esthétique, et tentons de dévoiler ce qui est en jeu dans la question de l’irruption de cette nouvelle subjectivité.

II. Une nouvelle subjectivité : sociabilité et la culture de la parole écrite

Dans « Les paradoxes de l’art politique »[23], à propos de Juno Ludovisi de Schiller ou du torse démembré de Belvédère, Rancière développe ce qu’il appelle « une autre histoire des membres et des regards se déroulant sur une scène différente »[24]. Avec ces mots, le philosophe introduit l’expérience suivante : pendant la révolution française, un journal ouvrier révolutionnaire publie la description de la journée de travail d’un menuisier en train de plancher une habitation pour le compte de son patron et du propriétaire. Ce que Rancière relève dans cette description, c’est « la disjonction entre l’activité des bras et du regard qui soustrait le menuisier à cette double dépendance »[25]. Ainsi du prolétaire, Gauny :

En se croyant dans sa maison, alors qu’il n’avait pas encore terminé l’habitation qu’il était en train de plancher, il apprécia la disposition du lieu ; si la fenêtre donne sur un jardin ou domine un horizon pittoresque, pour un moment, il détend ses bras et médite à la perspective spacieuse pour jouir d’elle davantage que les propriétaires des habitations voisines[26].

Le regard de Gauny, qui suspend l’activité, qui se sépare de ses bras et ruine les tâches assignées, configure une scène de dissensus ou insère une brèche entre deux régimes de sensorialité : un régime policier (qui distribue hiérarchiquement les lieux et les fonctions constituant « l’être ouvrier » de ces individus) et un espace autre, fruit du regard et de l’imagination de Gauny (qui efface et redessine l’affirmation selon laquelle « le travail n’attend pas »). Pour ce grand personnage « le travail, si, attend », et le travail attend parce qu’au milieu de ses tâches, il peut donner lieu à la possibilité de se perdre dans son activité ou à la possibilité de « rêver ». La brèche, toutefois, ne se contente pas de rompre avec la division entre des ouvriers qui se trouveraient soumis à la nécessité du travail et ces prolétaires qui, eux, disposeraient de la liberté du regard. La brèche, c’est aussi la configuration d’un nouveau corps qui s’est désidentifié d’une certaine identité, c’est-à-dire, d’un corps qui a cessé d’agir à l’intérieur des limites du partage du sensible pour donner naissance à une subjectivité nouvelle[27].

Quand Rancière, en introduisant l’expérience de Gauny, se réfère à une « autre histoire » ou à une « autre scène », il s’agit pour lui, selon nous, de penser un autre registre de la politique de l’esthétique : un registre nouveau qui n’est pas totalement séparé du régime esthétique de l’art, mais lui est néanmoins distinct dans la mesure où s’il s’agit d’une désidentification, ce n’est pas tant vis-à-vis du régime représentatif de l’art, mais d’une identité assignée. C’est l’apparition d’une nouvelle subjectivité à partir de laquelle les ouvriers passent les limites de leurs travaux « propres », assignés par un régime policier et consensuel. Autrement dit, si dans les deux cas, il y a une politique de l’esthétique, au sens où sa figuration rend possible de nouvelles formes de circulation, d’exposition du visible, et de production d’affectes, interrompant l’ordre donnée du sensible et déterminant, ce faisant, des capacités inédites, en un autre sens, plus large, la brèche qu’ouvre cette scène construit une nouvelle corporalité qui s’exprime en une expérience éthique de subjectivation. En ce second sens, ce nouveau registre de la politique de l’esthétique se distingue de celui de l’esthétique de l’art là où il met l’accent sur des scènes dissensuelles de désidentification et des pratiques sur soi des prolétaires français de 1830. Développons cette question et tentons de l’élargir en revenant à la scène du début de ce texte.

Mentionnons pour le moins trois chemins à suivre pour penser l’irruption d’une nouvelle subjectivité concomitante à l’apparition de la presse ouvrière et populaire en Colombie au début du 20ème siècle. En premier lieu, cette presse se configure autour de nouvelles formes de sociabilité politique populaire à la croisée de divers espaces à la fois formels et informels. Deuxièmement, la presse écrite acquiert un caractère primordial du fait de ce que nous appellerons un certain processus de subjectivation que nous approfondirons à la lumière de quelques épisodes de la vie et de l’écriture de Luis Carlos Tejada. Finalement, nous proposerons quelques réflexions au sujet des brèches que nous avons mentionnées – tant du régime esthétique de l’art que de la nouvelle subjectivité inhérente aux formes d’organisation sociale et politique –, et qui nous amèneront à poser la question de la subjectivation politique.

J’aimerais me centrer d’abord sur l’un de ces espaces de sociabilité afin de signaler ce qui est en jeu dans ce que nous avons posé dans les termes d’une « nouvelle subjectivité ». L’un des lieux d’importance de l’histoire politique et culturelle du pays fut la teinturerie du russe Silvestre Savitski. Ici se réunissaient plusieurs membres du groupe « Les Nouveaux », ainsi que des étudiants, des politiciens, des intellectuels ; parmi eux, Luis Tejada, Luis Vidales, Gabriel Turbay et Manuel Antonio Arboleda. Selon Luis Tejada, Savitski, officier de la cavalerie de l’armée royale, contribua de manière significative à la diffusion de l’idéologie de la Révolution Russe dans le pays et sa teinturerie constitua un espace privilégié de la consolidation et l’organisation du Premier Congrès Ouvrier ainsi que de la Conférence Socialiste de 1924. Nombreux étaient ici les intellectuels, venus de tous le pays et dont la participation à la presse ouvrière était fondamentale. Parmi eux, Luis Tejada qui retiendra ainsi particulièrement l’attention.

Dans le livre de Gilberto Loaiza Cano, Luis Tejada y la lucha por una nueva cultura [Luis Tejada et la lutte pour une nouvelle culture], on apprend que cet homme, né à Medellín en 1905, provenait d’une famille libérale radicale d’Antioquia. B étudiant, il « connaissait déjà, à sa manière, les œuvres de Nietzsche, Schopenhauer et Spinoza ; à 16 ans il écrivit un livre intitulé Pensées d’un vieux et, bien sûr, ses soucis intellectuels exotiques méritaient déjà le prix le plus évident : l’expulsion du lycée où il préparait son baccalauréat »[28]. Après son départ du lycée, la vie de Luis Tejada allait se lier de près à la presse, dont il avait pris connaissance au sein du même lycée via le journal estudiantin de Murillo Toro intitulé Glóbulo rojo. En 1917, le petit philosophe, comme l’appelle Gilberto Loaiza (1995), part pour Bogotá où il réalise un certain nombre de tâches journalistiques auprès d’El Espectador, journal libéral qui avait survécu aux impôts silencieux des dictatures de Nuñez et de Reyes. Depuis le Concordat de 1887, les hiérarchies ecclésiastiques catholiques de l’époque, interdisaient la lecture dudit journal « clair représentant de cette mauvaise presse qui faisait tort au foi et aux bonnes coutumes »[29]. Dans ce journal, Luis Tejada réalisait de petits reportages anonymes sur les affaires du sénat, de l’assemblée départementale et des salles d’audience.

En travaillant à El Espectador, Tejada comprend de plus en plus les problèmes ouvriers et entame ainsi un processus de subjectivation qui, cependant, ne l’amène pas à s’affilier à un parti. En 1920, il refuse son affiliation au Parti Socialiste Colombien, « trop faible », selon lui, intellectuellement, et « doctrinairement trop peu distant des partis traditionnels ». Pour le « petit philosophe », la condition idéale d’un parti socialiste devait être celle d’un noyau de dirigeants d’origine authentiquement populaire. A sa manière, il invoquait la nécessité d’« intellectuelles organiques »[30], ou dans les mots de Tejada lui-même, « des hommes en propre, des hommes réellement prolétaires, qui soient capables d’assumer avec intelligence et bon sens la direction d’un nouveau parti »[31]. Pour Tejada, la mise sous « tutelle rédemptrice » de la classe ouvrière vis-à-vis des intellectuels était problématique, ce qui le rendait de plus en plus sceptique eu égard aux partis politiques et à leurs formes d’organisation. Il préférait se dire « ouvrier intellectuel », et dans cette suspension d’une identité fixe, il faisait de la presse ouvrière une arme de résistance à la modernisation capitaliste et à l’hégémonie conservatrice de l’époque. C’est ainsi que le petit philosophe en vint à créer un mode particulier d’écriture journalistique avec une section reconnue, les « Gotas de Tinta », sorte de réponse éthique et esthétique « en des temps de luttes morales à la fois dans le champ des coutumes quotidiennes et des coutumes littéraires »[32]. Après ça, à Barranquilla, Luis Tejada gagna en liberté d’écriture en dirigeant pour la première fois son propre journal, le Rigoletto, où, accompagné de Pedro Rodas Pizano, il put se consacrer aux thèmes politiques qui l’intéressait, tel que l’Assemblée Nationale Ouvrière en 1919, ou le massacre des artisans bogotanais du 16 mars 1919  exigeant la protection de la manufacture nationale face à la concurrence étrangère[33]. Enfin Luis Tejada en vint à s’engager directement dans diverses organisations sociales et politiques de Bogotá et Baranquilla.

C’est à ce point que revient, en dialogue avec la lecture ranciérienne du régime représentatif de l’art, la question de la fiction. Car la configuration d’une nouvelle presse ouvrière et populaire va de pair, inséparablement, avec la création et consolidation de stratégies de fiction, œuvres des ouvriers, des femmes et des intellectuels qui cherchent à changer le partage donné du sensible, du visible et du dicible. Pour Rancière, l’artiste, Luis Tejada par exemple, et son écriture particulière dans « Gotas de Tinta » ou dans Rigoletto, se charge de faire voir ce qui n’était pas perceptible et de configurer des scènes de dissensus dans le tissu sensible des regards, des perceptions et des corps. Comme le dit Rancière : « La fiction n’est pas la création d’un monde imaginaire opposé au réel. Elle est le travail qui produit dissensus […]. Ce travail change notre perception des événements sensibles, notre manière d’être en relation avec les sujets, et la manière dont notre monde est peuplé d’événements et de figures »[34]. Si la fiction est en ce sens la mise en œuvre d’une scène de dissensus et l’instrument qui permet de créer une brèche dans l’ordre donné du sensible, alors Luis Tejada s’est chargé précisément de produire un dissensus dans l’ordre donné du sensible à travers l’écriture : ce travail de fiction qui impliquait, en effet, une nouvelle subjectivité. On voit ici se dessiner la relation particulière entre la presse ouvrière, l’écriture et la nouvelle subjectivité visant l’organisation sociale. Or il ne s’agit pas d’une subjectivité émergeant parallèlement à l’apparition de la presse ouvrière et populaire, mais bien d’un processus de subjectivation lié à une série d’événements de la vie de Luis Tejada, depuis la création de son premier journal estudiantin, en passant par les chroniques d’El Espectador et la direction du Rigoletto, jusqu’à ses préoccupations pour la politique nationale et son implication au sein des organisations sociales.

J’aimerais finalement amorcer quelques pistes de réflexion concernant la relation entre les deux registres de la politique de l’esthétique et de la subjectivation politique. Une première piste a trait à ces expériences éthiques de désidentification que Rancière met en scène dans La nuit des prolétaires, et qui sont aussi celles de Luis Tejada parmi d’autres. La suspension de l’activité des bras et du regard soustrayant Gauny à ses dépendances du patron d’un côté, de l’autre du propriétaire, s’accompagnent d’autres scènes dissensuelles qui toutes ensembles font partie d’un processus de subjectivation éthique portant avec lui différentes actions d’émancipation : l’écriture de la poésie, les réunions nocturnes consacrées à la lecture, l’expérience de l’ordre de la consommation de l’économie cénobitique, etc.

Dans le cas de Luis Tejada, beaucoup de scènes vont dans ce sens : l’organisation d’un journal ; l’écriture de chroniques dans El Espectador ; les narrations dans « Gotas de Tinta » ; la rencontre avec les organisations ouvrières ; le scepticisme vis-à-vis aux partis politiques ; et le souci pour le massacre des artisans. Ces activités qui faisaient transiter l’identité de Te ada du chroniqueur/écrivain à l’intellectuel ouvrier – habitant un monde autre de la culture populaire opérant selon des logiques différentes de celles de l’ordre policier –, l’inscrivaient dans un processus de subjectivation au sein d’un tissu d’événements rendus possibles par des expériences éthiques de désidentification.

Pour conclure, nous pouvons dire que ce sont ces brèches, ou ces scènes, qui forment un tissu dissensuel dans l’ordre donné du sensible (ce que Rancière explore justement dans Les paradoxes de l’art politique), et qui, ainsi, rendent possible les formes d’organisation et d’énonciation subjective propres aux collectifs politiques qui donnent, à leur tour, naissance à ce que Rancière appelle une subjectivation politique. Cependant, pour que soit possible l’émergence de mondes propres à un nous politique, ces modes d’expérience esthétique doivent nécessairement s’imbriquer à un processus de subjectivation éthique, comme par exemple celui qu’expérimentent les artistes créateurs de telle ou telle scène dissensuelle dans le régime représentatif de l’art. Autrement dit, pour qu’il y ait passage de l’expérience esthétique à la subjectivation politique, ces brèches qui surgissent, tant dans le régime esthétique que dans le registre de l’émancipation intellectuelle, doivent s’inscrire dans un processus de subjectivation éthique au cœur de la vie de ceux qui veulent produire du dissensus dans le but de modifier notre perception du sensible ainsi que les figures et les événements qui peuples notre monde.

Il ne s’agit pas par-là de rendre mesurable, évaluable, le passage du processus de subjectivation à la subjectivation politique. D’accord avec Rancière, nous reconnaissons qu’« il n’existe aucun principe de correspondance déterminant entre ces micropolitiques de la redescription de l’expérience et la constitution de collectifs politiques d’énonciation »[35]. Nous considérons néanmoins que la possibilité de ce passage devient d’autant plus grande qu’elle implique la (dé)figuration des formes de perception et des identités au sein d’un processus de subjectivation. Dans la mesure où ces nouvelles formes de figuration de l’esthétique de la politique – dans les deux registres que nous avons développé –, font elles-mêmes partie des processus de subjectivation éthique, la brèche qui rend possible l’émergence de « mondes propres à un nous politique » pourrait y être d’autant plus grande.

 

Traduit par Mélanie Duclos et Anders Fjeld


Bibliographie

Loaiza Cano Gilberto, Luis Tejada y la lucha por la nueva cultura, Bogotá, Colcultura, 1995.

Núñez Luz Ángela, El obrero ilustrado. Prensa obrera y popular en Colombia 1909-1929, Bogotá, Ediciones Uniandes/Ceso, 2006.

Platón, La República, Madrid, Alianza, 2008.

Rancière Jacques, « La política de la Estética », Revista Otra parte, no 9, 2006.

Rancière Jacques, La noche de los proletarios, Buenos Aires, Tinta Limón, 2010.

Rancière Jacques, El espectador emancipado, Buenos Aires, Manantial, 2010.

Rancière Jacques, La méthode de l´égalité, Paris, Bayard, 2012.

Rancière Jacques, Aisthesis: Escenas del régimen estético del arte, Buenos Aires, Manantial, 2013.


[1] Citation traduite.

[2] Rancière Jacques, Aisthesis: Escenas del régimen estético del arte, Buenos Aires, Manantial, 2013, p. 9, citation traduite.

[3] Ibid., p. 10, citation traduite.

[4] Ibid., citation traduite.

[5] L’Art se manifeste ainsi en distance ou en scènes de dissensus qui figurent des nouvelles formes d’exposition du visible et des nouvelles formes de production des affects qui rendent possible l’irruption de capacités inédites dans l’ordre donné du sensible.

[6] Présenté par Rancière en 2003 et publié en 2006 par la revue Otra parte : http://www.revistaotraparte.com.

[7] Rancière Jacques, « La política de la Estética », Revista Otra parte, no 9, 2006, p. 1, citation traduite. C’est-à-dire qu’il y a une politique de l’esthétique au sens où sa figuration rend possible des nouvelles formes de circulation et d’exposition du visible.

[8] Núñez Luz Ángela, El obrero ilustrado. Prensa obrera y popular en Colombia 1909-1929, Bogotá, Ediciones Uniandes/Ceso, 2006, p. 2, citation traduite.

[9] Les ouvriers sont ici entendus au sens large, comme ensemble des travailleurs productifs : salariés, artisans, paysans, travailleurs indépendants, petits industriels et maîtres d’atelier. Ibid., p. 33.

[10] Ibid., p. 29, citation traduite.

[11] Ibid., citation traduite.

[12] Ibid., p. 22, citation traduite.

[13] Rancière Jacques, La noche de los proletarios, Buenos Aires, Tinta Limón, 2010, p. 74, citation traduite. À noter que pour Rancière, la police est à comprendre dans son imbrication à l’un ddes problèmes centraux de la philosophie politique : la définition du commun et la distribution des rôles, des lieux et du langage même qui distribue les individus selon leur activité.

[14] Platón, La República, Madrid, Alianza, 2008, p. 415a, citation traduite.

[15] Rancière Jacques, Aisthesis, op. cit., p. 9, citation traduite.

[16] Núñez Luz Ángela, El obrero ilustrado, op. cit., p. 31, citation traduite.

[17] Ibid., p. 32, citation traduite.

[18] Cité en ibid., citation traduite.

[19] Ibid., p. 35, citation traduite.

[20] Selon Archila, la presse dite ouvrière n’appartenait pas, au sens strict, aux ouvriers étant donné que nombre de ses dirigeants, petits industriels, avocats, artisans ou intellectuels, n’étaient pas eux-mêmes ouvriers.

[21] Ibid., p. 35, citation traduite.

[22] Ibid., p. 26, citation traduite.

[23] Rancière Jacques, El espectador emancipado, Buenos Aires, Manantial, 2010.

[24] Rancière Jacques, La noche de los proletarios, op. cit., p. 63, citation traduite.

[25] Ibid., p. 63, citation traduite.

[26] Ibid., p. 45-46, citation traduite.

[27] Il pourrait être intéressant ici de poursuivre la réflexion en posant la question dans un autre contexte : en quel sens cette désidentification pourrait-elle mieux se comprendre à la lumière de l’expérience éthique de subjectivation telle que la développe Foucault ?

[28] Loaiza Cano Gilberto, Luis Tejada y la lucha por la nueva cultura, Bogotá, Colcultura, 1995, p. 78, citation traduite.

[29] Ibid., p. 45, citation traduite.

[30] Ibid., p. 76, citation traduite.

[31] Ibid., p. 78, citation traduite.

[32] Ibid., p. 97, citation traduite.

[33] Ibid., p. 65.

[34] Rancière Jacques, La méthode de l´égalité, Paris, Bayard, 2012, p. 67, citation traduite.

[35] Ibid., p. 67, citation traduite.

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