2022Histoire des idéesLa méthode phénoménologiqueune

Des associations aux rêveries. Une proposition de recherche phénoménologique

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Marcus Sacrini est professeur de philosophie associé à l’Université de São Paulo (Brésil).

Résumé

Cet article montre, dans un premier temps, comment, dans l’œuvre de Husserl, la notion d’association, déjà opératoire dans les Recherches logiques, est peu à peu développée au moyen d’analyses de la temporalité immanente et des synthèses passives de la conscience. On reconstruit ainsi, au cours de la première partie, le large spectre de thèmes couverts par la phénoménologie des associations. On s’attache, dans la seconde partie, à l’étude d’un thème spécifique, celui des liens motivationnels entre différents types de présentification. On proposera, à cette fin, une élaboration phénoménologique de la notion de rêverie.

Mots-clés : temporalité immanente, association, synthèses passives, rêverie.

 Abstract

This article shows, initially, how in Husserl’s work the notion of association, already operating in Logical Investigations, is gradually developed through analyzes of immanent temporality and passive syntheses of consciousness. Thus, in the course of the first part, one reconstructs the broad spectrum of themes covered by the phenomenology of associations. Then, in the second part, one pursues the investigation of a specific theme, namely, the motivational links between different types of presentifications. For that, one proposes the phenomenological elaboration of the notion of daydream.

Keywords: immanent temporality, association, passive synthesis, reverie


Introduction 

La notion d’association est utilisée par Husserl dès ses premiers textes phénoménologiques, comme la première Recherche Logique (Husserl, 1961a). Cependant, si cette notion y reste opératoire et permet même d’éclairer le fondement expérientiel des signes indicatifs, la portée des enchaînements associatifs n’y est pas explorée de manière approfondie. L’analyse des conditions intentionnelles qui rendent possibles les liens associatifs commence à avancer systématiquement avec l’élaboration du thème de la temporalité immanente, notamment dans les textes postérieurs à 1905, rassemblés dans l’ouvrage Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (Husserl, 2002a). Husserl lui-même reconnaîtra pourtant que l’exposition de la forme générale de la temporalisation des expériences n’éclaire pas la spécificité des liens associatifs entre contenus expérientiels déterminés. A partir de là, il se donne pour tâche de comprendre le lien associatif comme motivationnel, c’est-à-dire institué sur la base du sens des contenus entrelacés. À ce stade, Husserl reconnaît la nécessité d’étudier les déterminations matérielles du lien associatif, thème qu’il expose dans toute sa complexité dans ses leçons sur les synthèses passives. Dans la première partie de notre article, nous reconstruirons le parcours de cette thématisation du lien associatif à partir de quelques moments-clés du travail de Husserl[1].

Dans la seconde partie, nous montrerons que l’exposé des connexions motivationnelles dans les textes sur les synthèses passives n’épuise pas le champ de cette notion pour l’analyse des chaînes expérientielles denses. Nous voudrions, pour notre part, avancer dans l’étude des liens motivationnels entre les présentifications, c’est-à-dire examiner comment différentes modalités de présentification (phantasie, mémoire, anticipation) peuvent s’entrelacer dans des expériences complexes. Afin de rendre tangible ce phénomène, nous proposons de développer phénoménologiquement une notion qui caractérise des épisodes habituels de notre vie, à savoir la rêverie. Nous nous proposons de mettre en œuvre les ressources analytiques de la phénoménologie afin d’explorer les formes d’organisation de ce type d’expérience. Sans rompre avec l’usage habituel du mot « rêverie », nous avons l’intention de contribuer au développement du domaine de la phénoménologie des associations.

I. L’association comme thème phénoménologique

 I.1. Les caractères structuraux des actes intentionnels

De manière extrêmement générale, on peut présenter le projet de Husserl dans les Recherches logiques comme celui de décrire l’expérience subjective de la reconnaissance ou de l’attestation de la validité logique. Cette description ne s’intéresse pas aux particularités empiriques auxquelles les sujets psychologiques sont soumis. Il s’agit plutôt d’élucider les « conditions idéales qui prennent racine dans la forme de la subjectivité en général et dans le rapport de celle-ci à la connaissance » (Husserl, 1959, §32, p. 123). De quelle façon la subjectivité se présente-t-elle dans son aspect le plus général ? La conscience est reconnue comme un flux, un courant de vécu en déroulement continu : « La réduction phénoménologique nous livre cette unité du « courant des vécus » comme realité fermée sur elle-même et qui ne cesse de se développer dans le temps » (Husserl, 1961b, V, § 6, p. 158). La persistance de la forme une du tout conscient n’exclut pas la possibilité d’isoler les unités d’appréhension qui la composent, c’est-à-dire les actes, qui se distinguent, en chaque cas, par un mode spécifique de directionnalité envers un pôle objectuel. Ainsi, l’intentionnalité (qui caractérise le fait que toute unité vécue se rapporte à quelque chose, vise un thème, indépendamment du fait que ce thème existe ou non) devient une clé pour l’analyse phénoménologique. La tâche de capturer « la forme de la subjectivité en général », annoncée dans les Prolégomènes, se subdivise en analyses des différents modes selon lesquels l’intentionnalité se réalise. On espère, au moyen de cette analyse, montrer que

[…] quand nous décomposons ces complexes, nous en arrivons toujours à des caractères intentionnels primitifs qui ne peuvent se réduire, quant à leur essence descriptive, à des vécus psychiques d’une autre sorte ; et il est à nouveau hors de doute que l’unité du genre descriptif « intention » (« caractère d’acte ») présente des diversités spécifiques fondées dans l’essence pure de ce genre et précède ainsi à la manière d’un a priori la facticité psychologique empirique (Husserl, 1961b, V, §10, p. 169-70).

Il est nécessaire, comme on le voit, de différencier, au moyen de descriptions eidétiques, les types fondamentaux d’actes intentionnels, c’est-à-dire ceux qui ne renverraient pas à des actes plus élémentaires. C’est ainsi qu’on peut isoler les deux grandes modalités intentionnelles présentées dans les Recherches logiques : intuitionner et penser (Husserl, 1961a, II, § 24). Par l’intuition, nous visons les aspects propres des pôles objectuels, qui se manifestent comme ils sont. Par exemple, je vois une calopsitte et j’atteste phénoménalement le strié de ses plumes, son regard méfiant, etc. Avec le penser, d’autre part, nous nous dirigeons au moyen d’articulations linguistiques aux pôles objectuels et ceci indépendamment de leur présence à la perception ou même du fait de les imaginer de façon concomitante à l’expression. Je formule l’expression « une calopsitte » et j’intentionne le même objet vu il y a peu, sans qu’il y ait pourtant une quelconque manifestation d’aspects propres ; il n’y a là que la circonscription significationnelle du pôle visé ; en d’autres termes, la visée intentionnelle est vide d’intuition.

La distinction cruciale entre intuitionner et penser ne doit pas nous faire prendre chacun de ces termes comme désignant un pouvoir unique. Il est pertinent, sous différents aspects, de marquer la distinction entre types d’actes à l’intérieur de ces larges modalités intentionnelles. Dans le cas de l’intuitionner, en particulier, il convient de distinguer les actes où les objets ne sont pas seulement visés dans leurs aspects propres, mais se donnent effectivement « en personne ». Il s’agit d’actes qui se distinguent par l’originarité, comme ceux de la perception. En comparaison, les actes de phantasie, de mémoire ou d’attente, se réalisent également de manière intuitive (ils visent les pôles objectuels dans leurs aspects phénoménaux propres), mais sans que l’objet respectif se donne effectivement. Ces actes de présentification se caractérisent ainsi comme reproductifs ou secondaires par rapport aux objets qui se donnent originairement dans la perception. Nous verrons qu’une des questions laissées ouvertes par l’analyse husserlienne concerne la description des connexions entre différents types d’actes de présentification lorsqu’ils s’entrelacent en vécus denses. Pour en arriver à ce point, cependant, il nous faut procéder à une reconstruction minimale de la manière dont l’idée même d’entrelacement de modalités intentionnelles différentes devient un thème phénoménologique.

I.2. La connexion associative entre vécus

Comme on l’a vu, Husserl propose dans les Recherches logiques des distinctions conceptuelles qui saisissent lescaractères structuraux propres aux différentes modalités intentionnelles. Dans les années qui suivent, l’auteur propose, dans ses cours et manuscrits, une série d’élargissements de la recherche phénoménologique, tant du point de vue méthodologique (par exemple l’élaboration de la réduction phénoménologique, au moins depuis 1905, dans les manuscrits de Seefeld) que thématique. En ce qui concerne ce dernier aspect, signalons la quatrième partie d’un cours donné en 1904-1905, consacré à l’analyse de la temporalité immanente de la conscience. Ce texte est à l’origine du fameux ouvrage Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, publié en 1928, dans lequel Husserl cherche à décrire les structures ultimes de l’« être conscient » comme source universelle du sens de toute expérience possible.

La consolidation des analyses de ces structures fondamentales de la conscience inaugure de nouvelles problématiques phénoménologiques, dont certaines ont déjà été entrevues à l’époque des Recherches logiques, mais qui n’y sont pas développées. On note, en particulier, des modifications importantes touchant la façon d’aborder ce qui est réellement (reell) phénoménologique, c’est-à-dire le domaine des sensations et des actes aux moyens desquels les objets sont visés. Dans les Recherches, comme on l’a indiqué ci-dessus, sont distingués les caractères généraux qui délimitent les cas possibles de chaque type d’acte. Ainsi, dans le cas des perceptions, jugements, etc. il importe de reconnaître, da manière statique, les propriétés génériques qui s’instancient dans les vécus concrets. Les Leçons, pour leur part, ouvrent une nouvelle perspective à l’étude des actes, non seulement en tant qu’ils instancient des propriétés générales, mais en tant qu’ils se configurent comme objets immanents formés dans un déroulement temporel propre. D’après Husserl,

[…] il est évident que la perception d’un objet temporel comporte elle-même de la temporalité, que la perception de la durée présuppose elle-même une durée de la perception, que la perception d’une forme temporelle quelconque possède elle-même une forme temporelle (Husserl, 2002a, § 7, p. 36).

Les actes se configurent ainsi comme objectités soumises à un cours temporel immanent.

L’accent mis sur la temporalité immanente aux actes intentionnels permet d’attribuer la centralité au thème de l’association entre différents vécus en tant qu’ils sont formés et reliés au flux de la temporalité immanente. La notion d’association, en particulier comprise comme rapport de motivation entre vécus, apparaît dès le début de la première recherche logique (§ 2-4), pour caractériser l’opérativité des signes indicatifs : le savoir actuel concernant une chose ou un état de chose motive une conviction à propos d’une autre chose ou d’un autre état de choses. Ainsi, le drapeau indique une nation déterminée, un bruit de pas indique la présence de quelqu’un dans la pièce d’à côté, etc. La co-position de l’être indiqué est motivée par une attestation initiale, de sorte que des actes distincts sont synthétisés (par exemple l’auditiond’un bruit de pas et la croyance qu’il y a quelqu’un dans la pièce à côté). Le thème de la motivation signale l’importance de la problématique des formes de connexion entre actes intentionnels. De la motivation résulte une « unité descriptive » (Husserl, 1961a, I, §2, p. 29) entre vécus qui ne se réduit pas à une simple juxtaposition causale, puisque les actes s’entrelacent selon leur sens. L’objet ou l’état de choses est indiqué dans cette circonstance parce que l’on a une expérience actuelle d’un autre objet particulier qui l’indique. Les pas qu’on entend sont des indices soutenant la croyance qu’il y une personne dans la pièce d’à côté ; le son d’un oiseau qui chante près de la fenêtre ou le son d’une ambulance qui file dans la rue n’ont pas le même effet.

Ce dernier exemple révèle que le lien motivationnel instancie des liaisons associatives spécifiques. Husserl reconnaît ce point au § 4 de la première Recherche :

Les faits psychiques dans lesquels le concept d’indice a son « origine », c’est à dire dans lesquels il peut être saisi par abstraction, appartiennent au groupe plus vaste des faits qui peuvent être compris sous le titre historique d’« association des idées » (Husserl, 1961a, I, §4, p. 33).

Loin de dénoter, par cette dernière expression, un ensemble d’événements empiriques obscurs et dont il reviendrait à unepsychologie expérimentale de les recenser par induction, Husserl considère que les associations peuvent être étudiées dans la perspective phénoménologique. Selon l’auteur, l’association « crée, de plus, de nouveaux caractères et unités phénoménologiques, qui n’ont précisément pas leur fondement légal nécessaire dans les contenus vécus eux-mêmes, ni dans les genres de leurs moments abstraits » (ibid., p. 34). De sorte que, en prenant les associations pour guide, il devient possible d’aborder les vécus dans une nouvelle perspective, qui ne s’épuise pas dans l’énumération des caractères structuraux des actes pris comme unités isolées en corrélation avec leurs pôles objectuels. On s’intéresse, maintenant, non seulement aux propriétés intraintentionnelles de chaque acte (intuitivité, originarité, significativité, etc.), mais aux connexions interintentionnelles au moyen desquelles se produisent les expériences complexes, composées, souvent, de types intentionnels différents (par exemple la perception, la croyance, l’imagination), qui s’entrelacent selon le sens des contenus approchés.

I.3. La temporalité immanente aux vécus associés

Comme on l’a dit il y a peu, l’analyse motivationnelle n’est pas approfondie dans les Recherches logiques. Dans cet ouvrage, Husserl s’efforce plutôt de distinguer les différents actes intentionnels et de décrire leurs types élémentaires d’après leurs caractères structuraux. De leur côté, les analyses de la temporalité immanente, commencées en effet dès l’époque des Recherches, bien que consolidées à partir de 1905 au moins, donnent à la motivation une grande importance comme thème phénoménologique. Ce qui est en jeu dans ces analyses n’est pas seulement la manière dont nous pouvons avoir conscience d’objets temporellement étendus, mais aussi la manière dont l’expérience elle-même se dilate temporellement. La conscience d’objets temporels suppose, ainsi, la pré-constitution passive de la temporalité même de la conscience. Sans prétendre rendre justice à la complexité des analyses husserliennes sur ce thème, soulignons seulement que chaque acte ne se réduit pas à un événement discret, mais qu’il met en jeu la synthèse de multiples phases successives dans un champ vécu. Au moment A, on anticipe une certaine continuité avec le moment non-encore-advenu B. Lorsque B devient le centre impressionnel de l’expérience, le moment A ne disparaît pas, mais demeure retenu comme A’ encore opérant en B, qui protend déjà sa continuité en C et ainsi de suite. Chaque nouveau moment n’est pas un bourgeonnement incompréhensible, mais une phase du déroulement d’un vécu concret. Se révèle ainsi la multiplicité des moments constitutifs immanents à chaque acte et opérant même entre actes différents, dont la cohésion elle aussi se soumet à ce tissu d’anticipations et de rétentions qui constituent le champ de l’être conscient[2].

La structure synthétique de la temporalité immanente est la condition fondamentale de l’exploration des liens interintentionnels. Toutefois, ce qu’une telle structure révèle n’est que la présence de connexions internes dans la successivité des phases vécues, sans pour autant éclaircir ce que sont les formes concrètes d’entrelacement entre les vécus. Husserl reconnaît ce point dès les appendices à ses leçons sur la temporalité immanente. Dans le troisième supplément, l’auteur affirme :

[Un] flux déterminé se déroule sans cesse à nouveau, le maintenant actuel sombre et passe dans un nouveau maintenant, etc. Cela a beau être une nécessité de type a priori, la condition en est pourtant une « association », c’est-à-dire que c’est par expérience qu’est déterminé l’enchainement passé, et aussi « que quelque chose va arriver » (Husserl, 2002a, p. 140).

Que la temporalisation se produise sous une forme générale n’éclaircit pas encore de quelle façon les contenus vécus s’unifient quant à leurs particularités « matérielles ». Ce point exige que l’on considère des connexions associatives spécifiques, tâche qui n’est pas encore menée à bien dans les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps.

I.4. Les liens de contenus entre vécus

Dans ses écrits postérieurs, Husserl poursuit l’exploration des liens associatifs qui constituent les vécus complexes. Ce point est étudié, en particulier, dans son cours De la synthèse passive, donné dans les années 1920. Ici, au § 27, la temporalité immanente est présentée comme la forme fondamentale de toute expérience consciente :

C’est la synthèse la plus générale et la plus primordiale, à savoir celle qui lie nécessairement tous les objets particuliers qui dans la passivité deviennent originairement conscientes comme étant, quel que puisse être leur contenu et ce par quoi ils sont constitués par ailleurs comme objets unitaires dans leur contenu. […] Naturellement la synthèse de la conscience du temps abrite aussi en soi […] cette synthèse, dans laquelle un objet se constitue chaque fois comme objet identiquement un ou […] comme objet un qui dure dans les multiplicités fluentes (Husserl, 1998, §27, p. 199).

Chaque moment vécu retient ce qui a été vécu il y a peu et anticipe le prochain moment non-encore-vécu. C’est là la forme générale qui permet qu’il y ait phénoménalisation de n’importe quel objet. Il convient de noter, cependant, comme il est suggéré dans les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, que l’explicitation de cette forme n’éclaircit que la structure abstraite de l’expérience consciente et ne présume rien quant aux contenus qui s’imposent ni pourquoi ils se succèdent comme ils le font à chaque fois, pour que le pôle objectuel en vue apparaisse comme tel. Husserl précise clairement ce point dans les années 1920 :

Mais ce qui confère à chaque objet l’unité de contenu, ce qui différencie un objet des autres quant au contenu […], ce qui rend possible au niveau de la conscience la division et la relation des parties entre elles, etc., cela, l’analyse temporelle ne nous le dit tout simplement pas, car elle fait précisément abstraction de ce qui ressortit au contenu. Aussi, ne-fournit elle plus aucune représentation des structures synthétiques nécessaires du présent fluent et du courant unitaire des présents, qui concernent d’une manière ou d’une autre la particularité du contenu (Husserl, 1998, §27, p. 200).

La forme temporelle n’éclaircit que le schéma général de l’expérience consciente. Pour comprendre comment les unités thématiques se constituent, il faut examiner les synthèses qui, au niveau du contenu, amènent les actes à s’entrelacer de façon à permettre la reconnaissance temporellement étendue des pôles objectuels. La réponse à cette sorte de problème exige qu’on s’avance au-delà de la phénoménologie de la temporalité, en direction d’une phénoménologie des associations ; celle-ci, comme on l’a vu, avait déjà été annoncée dans les Recherches logiques. Le cours sur les synthèses passives y revient : « Il s’avère très vite que la phénoménologie de l’association est, pour ainsi dire, un prolongement supérieur de la doctrine de la constitution originaire du temps » (1998, § 26, p. 192). C’est à ce niveau que la motivation pourra être étudiée dans toute sa complexité. Il convient d’élucider, en ce qui concerne la « matérialité » des contenus vécus, la manière dont les unités synthétiques vécues (ou actes) s’ordonnent. Chaque moment vécu il y a peu est retenu dans le nouveau maintenant autrefois seulement protendu. Cette forme se laisse remplir par plusieurs liens associatifs entre contenus qui, à chaque fois, pour ainsi dire, jouent le rôle de « protention », de « rétention », d’« impression » dans le déroulement d’un vécu. Le contenu vécu, à chaque fois, motive, pour un certain type de lien associatif, le prochain contenu, tout comme il était motivé, d’une certaine manière, par le contenu antérieur. Ces liaisons associatives peuvent aussi être étudiées dans leur caractère eidétique et ne se réduisent en aucune façon à des juxtapositions empiriques brutes. Il y a, dans les associations, un aspect normatif, c’est-à-dire que les liens motivationnels instancient une légalité typiquequi garantit l’intelligibilité des cas particuliers. C’est justement cette légalité constitutive des connexions des contenus qu’il nous faut décrire.

I.5. Niveaux de problèmes dans la phénoménologie des associations

Dans le § 26 du cours sur les synthèses passives, Husserl trace le domaine de l’étude des associations. Deux groupes de phénomènes y sont circonscrit. Sur la base d’une donnée présente, une donnée passée peut être évoquée ; il s’agit d’une association reproductrice qui, pour Husserl, constitue le « sens premier et propre » (ibid., p. 193) du terme d’association. En outre, une donnée présente peut éveiller une attente à propos du cours de l’expérience, sur la base de la reconnaissance de son caractère typique ; ce qui agit, dans ce cas, est une association anticipatoire. Ce qui est thématisé, comme on le voit, est l’entrelacement entre actes intentionnels de différentes modalités : la perception éveille une mémoire ou une attente. De ce point de vue, il importe de comprendre non pas l’orientation objectuelle de chaque acte (son mouvement intraintentionnel, pour ainsi dire), mais la constitution d’une unité vécue étendue entre modalités intentionnelles diverses. Nous nous trouvons ici en présence des nouvelles unités descriptives déjà aperçues dans les Recherches logiques : une perception motive une mémoire, qui motive un jugement, etc. Des modalités diverses d’actes s’entrelacent selon des principes associatifs qui révèlent des connexions de sens entre les contenus concernés.

Notons, toutefois, qu’au lieu de se consacrer à la systématisation de ces liens associatifs interintentionnels, Husserl se heurte, dans son analyse des synthèses passives, à un problème encore plus fondamental :

Mais l’analyse des phénomènes associatifs attire précisément l’attention sur le fait que la conscience ne doit pas être nécessairement conscience d’un objet pour soi ; par conséquent un nouveau problème devient ici perceptible : comment une conscience du singulier et des singularités explicites devient-elle possible comme conscience de la pluralité et de la totalité (Husserl, 1998, §26, p. 193) ?

Husserl a en vue les synthèses qui rendent possible notre conscience perceptive d’un unique objet ou de plusieurs objets particuliers. Ce problème prend part à une série d’analyses concernant des phénomènes associatifs tout à fait fondamentaux. Il convient d’examiner, dans ces analyses, la manière selon laquelle des aspects sensoriels multiples se fondent en une conscience unifiée qui isole un ou plusieurs thèmes objectuels. Husserl attire l’attention sur des synthèses analogues dans le domaine de la présentification, ayant en vue la question de la fusion d’éléments mnémoniques variés dans une remémoration illusoire. Le problème de l’unification d’un champ appréhensif minimal dans le domaine de la perception est cependant mis en évidence. Cela semble, du moins, être le sens du changement de direction de la recherche à partir du § 28 de De la synthèse passive. Y sont étudiés les facteurs associatifs dont relève la stabilisation du champ sensible primordial auquel la subjectivité doit toujours réagir. Des analyses détaillées d’aspects tels que la proéminence et le contraste sensoriels comme motivateurs de l’éveil attentionnel des capacités sensibles y sont présentées. Nous n’entrerons pas dans le détail de ces thèmes. Notons seulement que la démarcation de ce domaine thématique (la pré-donation d’unités sensorielles) suppose qu’on laisse méthodiquement de côté la plus grande partie des vécus, y compris ceux où les différents types d’actes sont unis par différents liens motivationnels. Husserl le reconnaît dès le début du paragraphe en question :

Si nous restons dans l’unité synthétique continuelle d’un présent fluent, nous ne faisons appel, de prime abord, à aucune fonction du ressouvenir que nous ne devons prendre en compte dans sa genèse et dans sa nouvelle opération qu’ensuite, ni à aucune fonction de la mise en intuition préalable, les attentes qui débordent la protention continuelle. Nous laissons aussi hors jeu tout acte d’imagination et de pensée, toutes sortes d’activités évaluatives et volitives, sans rien préjuger de leur superfluité ou non pour une subjectivité (Husserl, 1998, §28, p. 200).

L’analyse des associations originaires du champ sensoriel avance sous la suspension méthodique de la complexité de la vie intentionnelle. En particulier, cette approche laisse ouverte la clarification des liens motivationnels qui unifient en expériences denses les divers types d’actes intentionnels. Même lorsque Husserl revient sur les associations reproductives et anticipatoires, dans les paragraphes 36 à 41 de son cours, il s’agit principalement d’éclaircir les préconditions associatives du contenu (voir ibid., § 37), c’est-à-dire le rôle de la force affective dans l’éveil d’un contenu retenu ou dans la préfiguration d’une situation future. Il n’y a pas d’analyse approfondie des types de liens entre actes intentionnels ni, corrélativement, des types de vécus denses qui se constituent ainsi.

II. L’étude phénoménologique des rêveries

 II.1 Les liens interintentionnels comme thème de recherche

Ainsi que nous l’avons vu, le modèle d’explicitation des caractéristiques structurales instanciées dans des cas concrets, proposé dans les Recherches logiques, n’épuise pas la description phénoménologique des actes intentionnels. Ce modèle permet de discerner les modalités fondamentales de l’intentionnalité qui composent le courant ou flux de la conscience. Mais pour comprendre le caractère même de flux ou d’enchaînement d’actes, une autre sorte d’analyse, déjà reconnue dans les Recherches logiques sans y être approfondie, doit être entreprise. Il s’agit de l’analyse des liens interintentionnels, au moyen de laquelle la phénoménologie atteint à des unités descriptives complexes, c’est-à-dire à des chaînes d’actes intentionnels variés, entremêlés selon des principes qu’il faut justement éclaircir. L’association devient le dénominateur commun qui oriente cette sorte d’étude visant l’auto-constitution du flux de vécus. Mentionnons aussi la vaste gamme de problèmes théoriques pertinents pour le thème de l’association, qui s’étend depuis les préconditions affectives d’unification vécue jusqu’aux formes de motivation rationnelle du penser et de l’agir (Husserl, 1982, §56a). Nous aimerions, pour notre part, avancer dans l’étude des liens interintentionnels constitutifs des vécus présentifiant denses, thème que, comme nous l’avons mentionné, Husserl n’a pas exploré systématiquement dans son cours sur les synthèses passives – puisqu’il s’est plutôt consacré aux conditions associatives essentielles du champ sensible.

Husserl reconnaît tôt dans son ouvrage la richesse intentionnelle intrinsèque au domaine des présentifications. Il ne s’agit pas ici d’un pouvoir unitaire, mais d’une famille d’actes qui, bien qu’ils partagent des caractéristiques essentielles, se distinguent les uns des autres. De façon générale, comme on l’a vu, les présentifications sont reproductives, c’est-à-dire que par elles nous visons un pôle objectuel absent, et les caractéristiques intuitives par lesquelles nous réalisons la visée intentionnelle n’impliquent pas la donation originaire de l’objectité visée (Dufourcq, 2010). J’imagine une calopsitte, je visualise les caractéristiques phénoménales qui permettent de la reconnaître comme telle, même sans l’avoir devant les yeux. Cette élaboration imaginative peut se faire selon diverses modalités. Je peux présentifier une calopsitte d’après une situation qui s’est produite antérieurement : la visualisation possède alors un caractère positionnel et je vis une remémoration. Je peux également présentifier l’oiseau dans une situation dont je suppose qu’elle se produira d’ici peu ; je vis alors une anticipation. Je peux créer une situation quelconque, sans lien avec aucune situation passée ou future, et composer une simple phantasie. L’analyse des propriétés structurales permet, comme on le voit, de distinguer des modalités diverses de présentification, selon les particularités de l’orientation intentionnelle réalisée à chaque fois. Un schéma nous aidera à comprendre la portée d’une telle approche :

Analyse intraintentionnelle.

Les modalités de présentification peuvent s’analyser comme des actes relativement autonomes, dont il faudrait énumérer les propriétés qui justifient leur distinction. Toutefois, les analyses de ce type renseignent peu quant à savoir si et comment ces modalités présentifiantes s’unifient en unités expérientielles complexes. La réponse à ces questions exige un nouveau cadrage descriptif :

Analyse interintentionnelle.

Nous aimerions exploiter le fait que les différentes modalités de présentification, loin de se réduire à des blocs étanches, peuvent s’unifier entre elles. Pour rendre ce phénomène tangible, nous proposons de développer philosophiquement une notion qui caractérise des épisodes assez habituels de nos vies, à savoir la rêverie.

II.2. « Rêverie » comme terme courant et comme notion technique

La notion de rêverie permet de reconnaître un domaine expérientiel commun dans nos vies, sans toutefois prédéfinirclairement ses déterminations conceptuelles. Le terme nomme simplement des épisodes durant lesquels nous sommes absorbés par un torrent obscur de « pensées », davantage conduits par les associations spontanées que les maîtrisant. Dans la rêverie, on se désengage des tâches du moment, à différents degrés d’inattention, et l’on vit des séquences plus ou moins ordonnées de contenus intuitifs divers, dont une bonne part n’a aucun lien avec l’environnement sensible. Dans ce genre d’expérience, la détermination attentive des caractéristiques objectives des situations concrètes n’a plus d’importance ; le vécu ne s’ordonne pas selon l’exploration progressive des aspects sensibles des objets actuellement donnés[3]. Ce qui unifie alors l’expérience, ce sont les liens associatifs par lesquels les contenus s’ordonnent en enchaînements vécus[4].

Il nous intéresse d’employer les ressources analytiques de la phénoménologie pour expliciter les formes d’organisation de ce type de vécus. Nous conserverons ainsi l’usage commun du terme de « rêverie », c’est-à-dire que nous garderons à l’esprit les occurrences habituelles de ce phénomène (et non quelque notion ultra spécialisée qui ne correspondrait en rien à l’expérience quotidienne), en même temps que nous prétendons développer un sous-domaine spécifique de la phénoménologie des associations. L’étude des rêveries s’est consolidée comme thème de la psychologie expérimentale durant les années 1950 et 1960, en partie par les travaux séminaux de Jerome L. Singer (1966). Du côté de l’analyse phénoménologique, toutefois, il n’y a encore que peu d’études systématiques abordant cet important phénomène (par exemple Dieter Lohmar, 2008). Nous assumons ici une stratégie sémantique assez caractéristique de l’activité philosophique. Il est vrai que la philosophie s’est depuis longtemps consolidée comme une discipline universitaire soumise aux critères d’évaluation technique qui régissent les productions académiques. Cependant, en plus de satisfaire de tels critères, qui gardent en vie un domaine spécialisé, le discours philosophique, dès ses origines, cherche à débattre d’éminentes questions thématiques qui intéressent potentiellement tout le monde. Le maintien de cette assise dans l’intérêt général malgré les exigences d’un domaine technique est dû, en grande partie, aux concepts généraux qui ont guidé la réflexion philosophique durant des siècles. Même les doctrines philosophiques les plus compliquées concernant la « liberté » prétendent décrire l’expérience de la liberté telle qu’elle est vécue (ou du moins vivable) par tous ; de la même manière, les analyses de la « conscience » fournies par la phénoménologie ne prétendent pas, généralement, traiter de phénomènes que seuls les spécialistes pourraient reconnaître, mais ont l’ambition de clarifier la structure d’expériences communes à tous.

II.3. Exemple d’analyse phénoménologique de rêveries

La perspective s’ouvre ainsi de saisir, au moyen de la méthode phénoménologique, l’expérience des rêveries. On ne sait trop, au début, s’il suffit d’appliquer les directives de recherche consolidées de cette méthode à un nouveau domaine thématique ou si les particularités intrinsèques de celui-ci ne nous obligeront pas à des extensions ou à des modifications conceptuelles qui finiront par transformer et enrichir les ressources mêmes de la phénoménologie. Parmi les problèmes centraux que devra affronter cette phénoménologie des rêveries se distinguent ainsi ceux d’élaborer et de justifier les démarches systématiques propres à distinguer et à fixer conceptuellement les principales formes de rêverie. Ensuite, au moyen de ces démarches, il sera possible d’élucider la manière dont les rêveries se distinguent d’autres modalités intentionnelles telles que la perception, sans que cela exclue certaines formes de composition voire d’interpénétration entre elles. Enfin, il convient d’expliciter quels sont les liens typiques par lesquels les modalités présentifiantes génériques (l’attente, la remémoration, la phantasie, etc.) s’unissent en séquences vécues complexes. Ces tâches sont vastes et mettent en jeu plusieurs niveaux de questions subordonnés. Il n’est pas possible de les mener à bien dans le cadre de cet article ; nous envisageons la publication d’un livre afin de mener tous ces points à maturité. Nous aimerions seulement souligner la perspective d’un gain théorique rendu possible par l’analyse phénoménologique des rêveries, celui de dissiper l’idée que les présentifications, en particulier celles de la phantasie, se réduisent à des manifestations fragmentaires. Husserl lui-même expose parfois les présentifications de cette manière :

Tandis que les champs sensibles de sensation sont continûment remplis au cours de la vie de la conscience et qu’ils changent conformément à une loi, il n’en va pas de même pour les champs sensibles de la phantasia. Ils viennent et disparaissent, et les différents champs de la phantasia relevant du même sens ne forment pas d’unité continuelle dans le cours du temps (Husserl, 2002b, p. 108, note).

L’impression d’incohérence entre contenus phantasiés semble dériver, en partie, de la difficulté d’appréhender la spécificité des liens interintentionnels des présentifications. Dans Expérience et jugement, Husserl montre à nouveau le caractère fragmentaire des manifestations de phantasies, découlant du fait qu’elles ne dévoileraient pas progressivement des pôles objectuels déterminables par des localisations spatio-temporelles objectives (voir Husserl, 1970, § 39). Or, qu’une suite de présentifications ne s’unifie pas selon l’exploration perceptive d’un champ sensible stable et relativement autonome ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’autre type de lien en jeu. En effet, l’auteur reconnaît la présence d’une connexion minime entre les contenus présentifiés en tant que vécus ordonnés dans le flux temporel individuel[5]. Néanmoins, si l’on n’explicite pas quelles sont les configurations en vigueur dans l’entrelacement des vécus de présentification, on peut donner l’impression que les unifications possibles entre ces vécus ne sont que casuelles et arbitraires[6]. Afin d’illustrer le problème, prenons comme exemple la suite de trois contenus présentifiés :

  1. a) La phantasie d’une voiture aux vitres foncées qui passe lentement
  2. b) Le souvenir d’une amie qui portait des lunettes à l’école primaire
  3. c) L’attente d’aller à l’anniversaire de ma nièce

En apparence, trois actes se produisent, sans liens entre eux, qui se dirigent au moyen de leurs caractéristiques structurales (positionnalité ou non-positionnalité, degrés différents d’intuitivité, etc.) vers des objectités complètement indépendantes. Les thèmes de chaque acte semblent isolés les uns des autres et le vécu apparaît comme une succession de fragments statiques. Pour rendre opératoire la notion de rêverie, il faut justement chercher les formes de liaison entre les manifestations partielles, de manière à faire apparaître l’enchaînement vécu dans lequel on reste absorbé. Husserl lui-même avait déjà indiqué un principe unificateur fondamental des contenus présentifiés : la ressemblance[7]. Reste à montrer comment ce principe agit effectivement dans l’entrelacement de modalités intentionnelles diverses et façonne les formes les plus élémentaires de rêverie. En effet, dans l’exemple ci-dessus, on peut reconnaître un élément qui se distingue et motive l’élaboration du contenu postérieur ; celui-ci n’est donc pas le fruit d’un exercice arbitraire de capacités isolées, mais la concrétisation d’un sens affectant initial qui se développe dans le contenu subséquent. Dans le premier contenu, c’est la vitre foncée de la voiture qui se distingue, thème intuitif qui « passe », pour ainsi dire au second contenu et reste actif comme les lentilles des lunettes de l’amie. Du second contenu, la silhouette enfantine de l’amie et sa coupe de cheveux « passe » à un troisième contenu, qui présente la nièce. Ainsi, les figurations présentifiées cessent d’être prises comme des manifestations sans liens entre elles et se révèlent comme des maillons d’une progression obéissant à des règles minimales. Des éléments intuitifs ponctuels se dégagent et sont reconfigurés dans de nouvelles scènes, qui conservent ainsi quelque lien de similarité avec le contenu motivant antérieur. En tout cas, qu’il soit possible d’affiner les descriptions phénoménologiques de façon à faire apparaître les liens qui unifient des contenus présentifiés apparemment isolés ne garantit pas, en principe, qu’il doit y avoir une succession réglée entre toutes les figurations présentifiées. Pour avancer dans cette question, il faudrait étudier soigneusement, par exemple, des expériences psychopathologiques où semble prévaloir l’incohérence et la fragmentation[8].

On entrevoit ainsi un type d’expérience présentifiante qui ne se borne pas à actualiser des contenus en vertu de pouvoirs mentaux étanches. Dans la courte rêverie décrite ci-dessus, le phantasier, le remémorer et l’anticiper s’entrelacent. Loin de se constituer comme des types intentionnels absolument autonomes, ces opérations présentifiantes s’articulent au moyen de principes fondamentaux qui ne sont exclusifs d’aucune modalité en particulier (par exemple des contenus du phantasier et du remémorer peuvent être activés et entrelacés par les mêmes règles associatives).

Quels sont les micro-principes associatifs fondamentaux au moyen desquels de multiples présentifications peuvent être unies indépendamment de leur type intentionnel générique ? Et quelles sont les stratifications de connexions associatives qui permettent des formes de rêverie toujours plus complexes ? Ce sont là quelques-unes des principales questions auxquelles une phénoménologie des rêveries, instituée comme étude systématique des liens interintentionnels présentifiants, s’efforce de répondre.

Bibliographie

Annabelle Dufourcq, La dimension imaginaire du réel dans la philosophie de Husserl, Dordrecht, Springer, 2010.

Elmar Holenstein, Phänomenologie Der Assoziation: Zu Struktur und Funktion Eines Grundprinzips der Passiven Genesis bei E. Husserl, Den Haag, Martinus Nijhoff, 1972.

Edmund Husserl, De la synthèse passive, tr. fr. B. Bégout, J. Kessler, avec N. Depraz, M. Richir, Grenoble, Jérôme Millon, 1998.

_____, Expérience et jugement, tr. fr. D. Souche, Paris, PUF, 1970.

_____, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures. Livre second. Recherches phénoménologiques pour la constitution, tr. fr. E. Escoubas, Paris, PUF, 1982.

_____, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, 6e ed., tr. fr. H. Dussort, Paris, PUF, 2002a.

_____, Phantasia, conscience d’image, souvenir, tr. fr. R. Kassis, J.-F. Pestureau, Grenoble, Jérôme Millon, 2002b.

_____, Recherches logiques. Vol. I. Prolégomènes à la logique pure, tr. fr. H. Elie, A. Kelkel, R. Schérer, Paris, PUF, 1959.

_____, Recherches logiques. Vol II/1. tr. fr. H. Elie, A. Kelkel, R. Schérer, Paris, PUF, 1961a.

_____, Recherches logiques. Vol. II/2. tr. fr. H. Elie, A. Kelkel, R. Schérer, Paris, PUF, 1961b.

Anastasia Kozyreva, Phenomenology of affective subjectivity, Heidelberg, HeiBooks, 2017.

Dieter Lohmar, Phänomenologie der schwachen Phantasie, Dordrecht, Springer, 2008.

Jerome L. Singer, Daydreaming. An introduction to the experimental study of inner experience, New York, Random House, 1966.

[1] Pour une étude beaucoup détaillée de ces moments clés, nous renvoyons à l’ouvrage classique de Holenstein, 1972. Signalons d’autre part, un livre récent apportant des contributions pertinentes au thème de l’association, celui de Kozyreva, 2017.

[2] « Partout, donc, ce que nous nommions dans les Recherches logiques « acte » ou « vécu intentionnel » est un flux en qui se constitue une unité temporelle immanente (le jugement, le souhait, etc.), qui a sa durée immanente et qui avance éventuellement plus ou moins vite » (Husserl, 2002a, § 37, p. 100).

[3] Il est bien sûr possible de conduire délibérément une rêverie pour tenter d’anticiper certains aspects d’une situation future. Mais il s’agit là d’une expérience plus complexe que la manifestation d’un flot de contenus présentifiés synthétisés spontanément, thème de cet article.

[4] Husserl a reconnu explicitement ce point dans Expérience et jugement : « Si donc l’unité n’est pas celle des objectivités, elle ne peut être qu’unité des vécus constituant les objectivités, des vécus de perception, de souvenir, d’imagination » (1970, §42a, p.209).

[5] « Assurément, les imaginations d’un Je ont un lien, aussi bien entre elles qu’avec les perceptions de ce Je, en tant que ce sont des vécus : il en va ainsi pour tous les vécus de la conscience interne qui, relativement à eux, est conscience percevante. Les imaginations s’ordonnent, en tant que vécus, de même que tous les actes, à son unité — ce qui veut dire que la conscience interne constitue un lien intentionnel » (Husserl, 1970, p. 200).

[6] À la fin du § 39, Husserl commente à propos des phantasies : « Aucune situation absolue de l’une ne peut être identifiée à celle d’une autre. Cependant, il faudra examiner encore quelles autres relations sont possibles entre elles » (ibid., p. 203).

[7] « Le semblable ici rappelle le semblable qui est là-bas, l’analogue rappelle l’analogue » (ibid., p. 212).

[8] Je remercie le rapporteur anonyme qui a attiré mon attention sur ce point.

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