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Recension – L’éthique du survivant

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Recension de L’éthique du survivant : Levinas, une philosophie de la débâcle, François-David Sebbah.

Jacob Levi, doctorant, Department of Comparative Thought and Literature à Johns Hopkins University

[learn_more caption= » » state= »open »] Il s’agit d’une recension du livre L’éthique du survivant : Levinas, une philosophie de la débâcle, de François-David Sebbah. Vous pouvez vous procurer cet ouvrage ici

 

« Comment pouvons-nous, et devons-nous vivre ensemble aujourd’hui, nous autres qui sommes des survivants[1] ? » Telle est la question sur laquelle s’ouvre le court livre de François-David Sebbah, L’Éthique du survivant : Levinas, une philosophie de la débâcle, paru chez les Presses universitaires de Paris-Nanterre ce printemps 2018. Il va presque sans dire que nous vivons un moment historique ahurissant : entre les guerres sans fin, l’affaiblissement de la démocratie et la croissance du néofascisme, la détresse des réfugiés partout dans le monde, sans citer les conséquences montantes de la dégradation climatique, il y a de quoi sombrer. Les noms lourds de sens tels que Fukushima, Lampedusa, ou Guantanamo sont autant d’ajouts à la liste des catastrophes qui contenait déjà ceux d’Auschwitz, Hiroshima et bien d’autres. Face à cette situation désespérante, la leçon d’Emmanuel Levinas est double. D’abord, le gouffre visé dans ces catastrophes révèle le monde mis à nu, réduit à l’être, ce que Levinas appelle l’ « il y a. » Ce gouffre n’est en rien nouveau, il est toujours-déjà avec nous, sous les yeux de Levinas, depuis la débâcle de 1940 – et plus particulièrement, depuis ce qu’il appelle « sa scène d’Alençon. » Selon François-David Sebbah, cet événement fut pour Levinas la découverte de « l’exister humain comme ‘être-au-bord-du-gouffre’[2] ». Or, deuxième leçon, pour rabattre la réduction du monde à l’ontologie et au dépouillement de son sens, l’éthique doit répondre à cette situation accablante. Levinas esquisse une « philosophie du et de survivant [3] » à la base de la responsabilité pour la mort d’autrui. Dans sa lecture à la fois personnelle et novatrice de l’éthique lévinassienne, François-David Sebbah décrit une philosophie éthique « aussi pessimiste qu’optimiste[4] » qui fait face au gouffre sans pour autant se résigner à ce que le pire advienne.

Pourquoi une telle focalisation sur la débâcle de 1940 ? C’est à ce moment formateur où dans ses Carnets de Captivité Levinas témoigne de « la nudité humaine de l’absence d’autorité[5] ». La débâcle qui suivit l’assaut nazi sur la France en juin 1940 fut un moment de choc et de confusion. L’invasion allemande a dévasté de nombreuses villes du nord, plus d’un million de soldats français furent faits prisonniers, et lors de « l’exode », des millions de civils ont fui vers le sud. Pour sa part, Emmanuel Levinas fut mobilisé dans l’armée française en 1939 et capturé par les allemands à Rennes en 1940. Il fut par la suite transporté à Hanovre en Allemagne où il passa cinq ans en captivité dans un camp de travail. Son uniforme de l’armée française l’a sans doute sauvé du pire. Dans ses Carnets de Captivité, Levinas se met exceptionnellement à écrire de la littérature, notamment les ébauches de deux courts romans inachevés, La Dame de Chez Wepler et Eros ou Triste Opulence, qui se passent essentiellement au moment de la débâcle. Ce dernier roman en particulier, qui contient la « scène d’Alençon, » raconte l’histoire d’un soldat français mobilisé en 1939, lui-même fait prisonnier à Rennes. Dans ce court roman, Levinas dépeint un contraste saisissant de la France entre l’avant et l’après débâcle. Son narrateur s’exprime ainsi : « Qu’est-ce que la France ? Une immense stabilité ». Mais au lendemain de la débâcle, la France devient un non-lieu, comme les traces d’une tente de cirque disparue pendant la nuit. Désormais, invoquant le mot célèbre d’Ivan Karamazov face au Grand Inquisiteur, Levinas remarque : « tout est permis [6] ». La débâcle représente l’effondrement de la civilisation qui nous permet de manger, de travailler, de vivre ensemble, mais révèle aussi une couche plus profonde encore. D’après Sebbah, le chaos qui s’en est suivi a fait disparaitre tout apparence d’ordre : le monde sensé se trouve profondément ébranlé, réduit à sa structure ontologique qui, dans les expériences limites telles que celle de la débâcle, révèle la désolation que Levinas appelle l’ « il y a ».

La « scène d’Alençon » n’est pas une scène de guerre ni de violence, mais un simple détail qui pour Levinas résume entièrement la mise à nu du monde lors de la débâcle. Levinas raconte « le bruit de draperies qui tombaient » dans la vaste salle d’un château où des soldats pillaient les bouteilles de champagne de la cave. La chute des draperies révèle une grande salle où il « ne restaient que les meubles nus, les colonnes nues, aux lignes dures. La draperie – c’était cela la patrie [7] ». Ce symbole de l’effondrement de la stabilité qu’incarne la France aux yeux du narrateur, littéralement une mise à nu de la structure brute, « des choses en carton et en stuc, des murs nus, » transforme la salle « magnifique et resplendissante » en « un vaste taudis [8] ». Pourquoi ce détail, qui revient à plusieurs reprises dans ses textes ultérieurs, a-t-il eu un tel impact ? Pour Levinas, le gouffre démasqué dans la débâcle ne trouve pas ses mots justes dans la description de la violence et la destruction, tandis que la « scène d’Alençon » donne la possibilité d’en parler par le biais de cette métonymie. Les draperies tombées illuminent toute une perspective phénoménologique.

L’argument principal de François-David Sebbah est que la « scène d’Alençon » met en œuvre une réduction phénoménologique particulièrement lévinassienne. Il s’agit d’une épochè lévinassienne qui« suspend la thèse de l’existence du monde [9] », elle suspend toute ontologie, à la fois heideggérienne ou bergsonienne. À la différence de l’épochè husserlienne qui a pour effet une mise au point de l’intentionnalité de la conscience, l’épochè lévinassienne, vue dans la chute des draperies, consiste à révéler que « L’être en son fond […] ‘est’ insensé [10] ». Sous la « lumière froide » de la débâcle, les personnes et le monde sont réduits à une valeur existentielle brute. D’après Sebbah, la réduction lévinassienne démontre que « l’être ne suffit pas, ne suffit pas au sens – à la signifiance – et pas même, d’un certain point de vue, à l’être [11] ». Voilà l’importance centrale de la « scène d’Alençon » pour Levinas : elle révèle la béance d’un monde sans fondement et sans sens, qui s’engouffre dans les sables mouvants. Le résultat de la suspension lévinassienne est la découverte que la débâcle n’est rien d’autre que l’état dénudé de l’existence humaine, qui est « toujours déjà au bord du gouffre [12] ». 

Sebbah identifie deux occurrences de cette réduction chez Levinas. D’abord dans Sans Nom, un court texte publié en 1966 dans Les Nouveaux Cahiers et repris dans son recueil de 1987, Noms Propres. Ce texte, qui appartient au corpus juif de Levinas, décrit la déréalisation des objets et la réduction du monde de sens à quelque chose de plus grossier par le régime nazi : « Interrègne ou fin des institutions ou comme si l’être même s’était suspendu. Plus rien n’était officiel. Plus rien n’était objectif. Pas le moindre manifeste sur les Droits de l’homme [13] ». Levinas décrit la suspension des droits de l’homme par les nazis dans les mêmes termes que la réduction démontrée dans la scène Alençon. Pour Sebbah, il s’agit d’une « désolation radicale [14] » qui menace l’idée même de justice.

De manière plus provocante, Sebbah identifie la deuxième occurrence de la réduction lévinassienne dans sa confrontation avec la pensée de Jacques Derrida. Dans « Tout Autrement », paru dans la revue l’Arc en 1973 puis repris dans Noms Propres, Levinas relève, au sujet de Derrida, « je revois toujours en le lisant l’exode de 1940, » et décrit sa pensée en tant qu’une « philosophie comme défaite [15] ». Jugement sans doute sévère de la part de Levinas. Dans l’association qu’il fait entre le gouffre inauguré par la débâcle et le sable mouvant du geste derridien de la déconstruction, Sebbah observe que les deux cas témoignent de « l’effondrement de la présence fait événement [16] ». Pourtant Levinas avoue son rapport complexe avec Derrida. Comme il le concède dans la dernière phrase du même article, il y a « le plaisir d’un contact au cœur d’un chiasme [17] ». Si Levinas exposait le gouffre du monde dénudé dans la scène d’Alençon, Derrida inscrit la débâcle au cœur même de la philosophie. Sebbah propose un chiasme entre une débâcle lévinassienne et une débâcle derridienne : « Soupçon lévinassien : la déconstruction, après avoir liquéfié le monde, dé-mobilisé les êtres, jeté sur les routes les fantômes encombrés de leurs bagages, s’arrête là » sans recourir vers la positivité au-delà de l’être, « visages et éthique [18] ». Plus la pensée de Derrida s’avoue comme éthique, justice, ou même le « Yes » de Joyce, plus elle rentre en contact avec la pensée éthique de Levinas.[19]

Le deuxième chapitre de L’Éthique du survivant passe aux écrits du dernier Levinas autour des années 80, ses réflexions sur l’aporie du souvenir, l’éthique du survivant, et ce qui est souvent décrit comme son tournant « sacrificiel. »  Si ses Carnets de Captivité se confrontaient à son expérience de la guerre, dans les décennies qui ont suivi, Levinas montrait une réticence marquée envers le « devoir de mémoire, » qui est souvent exigé aux survivants de la Shoah. Ce dernier Levinas démontre sa forte méfiance envers les fantômes et le souvenir. François-David Sebbah considère à la fois sa « méfiance envers les ‘fantômes’ comme ‘survivants’ » et sa « méfiance aussi envers les ‘souvenirs’ que nous conservons des disparus. » Pour Levinas, le fantôme du roi Hamlet ne lui apparaît pas pour demander vengeance, et la justice pour des victimes de la Shoah ne se réalise non plus dans le « devoir de mémoire. » D’après Sebbah, « la grande originalité » de l’éthique du survivant chez Levinas est cette méfiance envers « les ‘fantômes survivants’ et les ‘souvenirs’ avec lesquels nous tentons de maintenir ces derniers dans le Monde [20] ». Il se méfie du fantôme tout comme du souvenir parce qu’il ne retient qu’une trace figée de la personne : l’authentique rapport à autrui se trouve dans le visage, vivant et vulnérable. Levinas avance cette position très explicitement dans sa critique de la « sollicitude, » la « Mit-sein » heideggérienne de Sein und Zeit, à laquelle il reproche son manque de visage dans le rapport mortifère entre le Dasein et l’horizon de l’être. Sur le plan ontologique, l’intersubjectivité ne fournit qu’une image corrompue de la personne qui relève du gouffre du monde, la zone des fantômes. Comme l’explique Sebbah : « il y a, monde de spectres pour Levinas [21] ». En mettant le souvenir des morts sur le même plan que le souvenir des événements historiques, nous risquons de faire réabsorber la « séparation » de chaque personne dans l’interruption radicale qui marque sa naissance et sa mort dans le flux transversal de l’histoire. Pour Levinas, ce serait « le pire des effacements [22] ». Thèse peut-être contre-intuitive : le « devoir de mémoire » a pour effet la neutralisation des morts dans l’histoire.

À la suite de la scène d’Alençon, Levinas médite une éthique du survivant qui répond à la responsabilité envers autrui, et s’inscrit contre la désolation de l’ « il y a. » Qu’est-ce qu’un survivant ? Sebbah identifie trois sens chez Levinas : il y a le survivant comme spectre, en tant que celui qui survit à sa propre mort, tout comme il y a le survivant comme historien, qui raconte les récits des morts du passé comme des événements historiques. Levinas se méfie de ces deux formes du survivant. Enfin, le dernier Levinas décrit le survivant en tant que témoin de la mort d’autrui, comme l’épreuve de l’éthique. Témoigner est l’ultime pouvoir du survivant pour empêcher la mort d’autrui. Comme écrit François-David Sebbah, « survivre, c’est témoigner, et inversement »[23]. Dans « La mort et le temps », un texte de 1975-1976, Levinas décrit la responsabilité pour autrui, de protéger sa vie « comme si on en était coupable [24] ». Un aspect de cette culpabilité relève sans doute de la « culpabilité du survivant » qu’a vécu Levinas après la Shoah. Dans « Sans Nom », Levinas parle de « l’injustifié privilège d’avoir survécu à six millions de morts [25] ». Il faut reconnaître la douleur extrême qui accompagne ces souvenirs terriblement personnels, mais cette réflexion sur la culpabilité du survivant ne se réduit pas à la biographie de l’auteur, elle constitue le sommet même de l’épreuve éthique. Sebbah explique ainsi que « l’expérience vive de la culpabilité du survivant, tout à la fois et sans aucune contradiction, marque et accomplit l’expérience éthique [26] ». L’éthique assume la responsabilité pour la survie de l’autre, et même si cette responsabilité est finalement vouée à l’échec, le sacrifice pour autrui serait d’emblée l’achèvement de cette responsabilité. 

Néanmoins, le sens de cette « éthique sacrificielle » chez Levinas est disputé. Le livre de David Brézis, Levinas et le tournant sacrificiel[27] est très instructif par rapport à la lutte constante de Levinas contre les spectres de la mémoire, et le rôle décisif qu’a joué son expérience de survivant dans sa philosophie. Mais le « tournant » sacrificiel devient aussi l’objet des critiques de Paul Ricoeur[28] et Jacob Rogocinzki[29], qui accusent Levinas de faire preuve d’une logique sacrificielle extrémiste, ou d’une éthique autodestructrice qui poursuit la mort. Or, l’éthique du survivant prend en charge la responsabilité de la mort d’autrui « comme si on en était coupable[30], » comme Levinas l’explique dans « La mort et le temps » un texte de 1975-1976. Pour François-David Sebbah, ceci n’est en rien un extrémisme, mais au contraire le sommet de l’épreuve éthique. Mourir pour autrui signifie pour Levinas, « un mouvement de dés-inter-essement absolument radical : je peux me sacrifier pour autrui (pour toi et à toi) [31]. » C’est un geste qui sort de l’ontologie et répond à cette responsabilité pour la mort d’autrui, bien que cette responsabilité soit structurée par son échec inéluctable, à cause de la mortalité de l’humain. Le sacrifice n’est pas un geste mortifère ou suicidaire, mais le sommet de la prise en charge de cette responsabilité pour autrui[32]. Certes, sur le plan ontologique, il est impossible de mourir à la place d’autrui, comme Heidegger l’indique dans son analyse de « sterben-für » dans le §47 de Sein und Zeit. Le geste lévinassien implique de quitter le royaume de l’ontologie vers ce qui est, tout comme le titre de son livre clé du 1974, Autrement qu’être : ce qui ne provient pas de l’être, mais plutôt de l’infini du visage, de l’éthique, et du commandement. Pour Levinas, dans son irréductibilité à l’être, la tentative de « mourir-pour » constitue « l’épreuve radicale de l’éthique [33] ».

Lorsque Levinas proclame que la mort de l’autre est ma responsabilité, « comme si on en était coupable », ce comme si ce n’est pas une référence à la philosophie du als ob de Hans Vaihinger des fictions utiles, où nous ferions semblant d’être coupables pour la mort d’autrui pour une raison quelconque. Pour Levinas, la responsabilité pour autrui est davantage qu’une fiction utile, c’est la clé de voûte de toute sa pensée sur l’infini. Or, le comme si lévinassien est plutôt une référence à la tradition talmudique, le ke-lu hébraïque, employé dans la méthode herméneutique kal va’homer, « simple et complexe, » où la différence ne cède pas à l’identité, l’identité ne cède pas à la différence, et les deux faces de la comparaison demeurent ouvertes. Pour Levinas, la culpabilité pour la mort d’autrui n’est pas une fiction utile, mais inversement, cela ne veut pas dire non plus qu’on en est littéralement coupable juridiquement. Au juste milieu, nous sommes vraiment coupables pour la mort d’autrui, nous qui sommes les survivants. Sebbah n’identifie pas cette variante talmudique explicitement dans son essai, mais il est néanmoins important pour sa lecture qui refuse tout réductionnisme de la culpabilité du survivant ou la responsabilité au sacrifice. Il remarque en effet que « la responsabilité est […] toujours-déjà indiscernable, chez Levinas, de la culpabilité [34] ». Une fois de plus, pour Levinas il en va d’une phrase des Frères Karamazov : « Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les autres [35] ». Même si la responsabilité de garder autrui en vie est un fardeau rendu impossible par la mortalité humaine, cela ne diminue en rien la responsabilité envers l’autre d’agir comme si c’était moi qui était coupable de sa mort.

Ce court livre de François-David Sebbah soutient une lecture inédite de l’éthique de Levinas qui révèle une nouvelle perspective sur la connexion fondamentale entre son expérience de deux moments clés dans son parcours, la débâcle de 1940 et ses écrits de la fin de sa vie pendant les années 80. Comme le révèle le cadre identifié par Sebbah, l’épochè lévinassienne émerge de l’arrière-fond de ces deux pôles de sa pensée. C’est là le dispositif essentiel pour comprendre comment la suspension de toute ontologie, comme pendant la débâcle, s’ouvre à une éthique qui rabat cette réduction ontologique par la responsabilité infinie pour autrui. Cette responsabilité ne découle pas de l’ontologie, mais de l’infini du visage et du commandement. Pour échapper à la désolation de l’« il y a, » au monde des fantômes de la mémoire, Levinas identifie la responsabilité pour la mort d’autrui comme si on en était coupable. Cette éthique de repose pas sur maintien de l’ordre public, qui peut disparaitre du jour au lendemain ; or, l’éthique du survivant prend la « scène d’Alençon » pour arrière-fond. Si la pensée lévinassienne fournit des outils permettant d’affronter les enjeux politiques de notre époque, c’est parce que l’abîme ouvert pour la première fois sous les yeux de Levinas lors de la débâcle de 1940 n’a jamais disparu, il se poursuit jusqu’à nos jours. L’Éthique du survivant : Levinas, une philosophie de la débâcle de François-David Sebbah offre non seulement une lecture fascinante des carnets de Levinas, mais montre que la « scène d’Alençon » demeure contemporaine pour penser l’éthique en ces temps de troubles, précisément là où l’espoir et la responsabilité sont ébranlés.


[1] François-David Sebbah, L’éthique du survivant : Levinas, une philosophie de la débâcle, Paris, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018, p. 11.

[2] Ibid., p. 13.

[3] Ibid., p. 16.

[4] Ibid., p. 18.

[5] Emmanuel Levinas, Œuvres I : Carnets de captivité et autres inédits, Rodolphe Calin, Catherine Chalier (dir.), Paris, Grasset, 2009, p. 136.

[6] Levinas, Œuvres III. Eros, littérature et philosophie, Jean-Luc Nancy, Danielle Levinas-Cohen (dir.), Paris, Grasset, 2009, pp. 43-44.

[7] Ibid., p. 49.

[8] Ibid., p. 52.

[9] Sebbah, p. 14.

[10] Ibid., p. 23.

[11] Ibid., p. 26.

[12] Ibid., p. 17.

[13] Levinas, « Sans Nom, » Noms Propres, Montpellier, Fata Morgana, 1987 p. 142.

[14] Sebbah, p. 29.

[15] Levinas, « Jacques Derrida Tout Autrement, » Noms Propres, Montpellier, Fata Morgana, 1987,pp. 65-66.

[16] Sebbah, p. 34.

[17] Levinas, « Jacques Derrida Tout Autrement », p. 89.

[18] Sebbah, p. 36.

[19] Ce chiasme est sans doute évident dans le basculement du jeune Derrida et sa critique de Levinas dans « Violence et métaphysique » (dans l’Écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967), vers le Derrida des années 90 dans des textes tels que Force de loi (Paris, Galilée, 1994) où il décrit la déconstruction comme la justice « à-venir ».

[20] Sebbah, p. 40.

[21] Ibid., p. 74. Il faut noter ici la possibilité de prolonger la discussion du rapport entre Levinas et Derrida par rapport au concept du fantôme. Ce dernier esquisse une « hantologie, » dans Spectres de Marx (Paris, Galilée, 1993) qui offre un fort contraste avec la méfiance des spectres chez Levinas. Les fantômes représentent pour Levinas les mémoires inassouvies qui sont retenues dans le monde de l’il y a. Pour Derrida le spectre peut porter aussi la voix de justice, comme le spectre du roi Hamlet qui annonce, « Time is out of joint, » « le temps est hors de ses gonds. » Je fais l’hypothèse que l’on peut identifier un chiasme entre le rôle des fantômes chez Levinas et Derrida qui reflète le chiasme entre leurs conceptions de la débâcle, discuté plus haut.

[22] Ibid., p. 43.

[23] Ibid., p. 47.

[24] Levinas, « La mort et le temps, » p. 49.

[25] Levinas, « Sans Nom, » p. 142.

[26] Sebbah, p. 54-55.

[27] David Brézis, Levinas et le tournant sacrificiel, Paris, Hermann, 2012.

[28] Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990, la dixième étude en particulier.

[29] Jacob Rogozinski, « De la caresse à la blessure outrance de Levinas, » Les Temps Modernes, 2011/3, no. 664.

[30] Levinas, « La mort et le temps, » Dieu, la mort, et le temps, Paris, Livre de Poche, « Biblio essais, » 1995, p. 49.

[31] Sebbah, p. 49.

[32] À l’occasion d’une table ronde avec François-David Sebbah autour de son livre, qui a eu lieu à l’École Normale Supérieure à Paris en mai 2018, Jean-Michel Salanskis a remarqué que le sauvetage sacrificiel évoqué par Levinas est loin de l’extrémisme dont il est parfois accusé. On se doute, par exemple, que la mort tragique d’Anne Dufourmantelle lors du sauvetage des enfants pris dans le contrecourant de la mer soit un acte éthique de l’ordre le plus haut. En outre, Jean-Luc Mélenchon peut appeler les ultra-riches à faire des sacrifices pour le bien du pays sans pour autant passer à la guillotine. On peut valider l’éthique du sauvetage sacrificiel sans pour autant adopter une position autodestructrice. Il faut simplement accorder cette même nuance à Levinas.

[33] Sebbah, p. 49.

[34] Ibid., p. 52.

[35] Dostoïevski cité Ibid., p. 52.

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