Ethique et normesPhilosophie de la médecineSexe et genreune

Recherche sur l’enfance, enfance de la recherche : Structuration politique de la médicalisation des enfants trans

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Andræ Thomazo est doctorant anthropologie, attaché à l’Institut d’Ethnologie Méditerranéenne, Européenne et Comparative (UMR 7307).

 

Résumé

La prise en charge des enfants trans repose, dans sa théorie comme dans sa pratique, sur un certain nombre de présupposés. Quelle est la spécificité de la période de l’enfance pour chaque individu et le meilleur horizon possible vers lequel l’orienter ? La clinique est donc dépendante de valeurs qui la guident. Pourtant, les études menées par des clinicien·nes entendent précisément fournir des données objectives permettant de donner une assise scientifique aux décisions thérapeutiques.

À partir d’une observation ethnographique au sein d’une consultation française spécialisée, l’article entend examiner dans quelle mesure les registres de scientificité et de politique se répondent et s’influencent, ouvrant la possibilité d’un renouvellement de l’un par l’autre, et réciproquement.

Mots-clés :genre, enfants trans, psychiatrie infanto-juvénile, DSM, bloqueurs de puberté

Abstract

The care of trans children is built, both in theory and in practice, on several assumptions. What is the specificity of childhood and the best possible horizon for everyone? The clinic is therefore dependent on values. However, studies carried out by clinicians are designed to provide objective data that can constitute a scientific basis for therapeutic decisions.

Based on a fieldwork in a French specialized clinic, this paper intends to examine the extent to which the registers of scientificity and politics respond to each other, opening the possibility of a reciprocal renewal.

Keywords: gender, trans children, child psychiatry, DSM, puberty blockers

 

 

« Toute connaissance est réponse à une question. »

Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique, 1938

« Est-ce qu’ils prouvent quelque chose scientifiquement sur nous avant de nous tuer ? Non. Ils nous tuent d’abord et ensuite ils essaient de trouver une preuve scientifique qui justifie notre mort. »

Toni Morrison, Le Chant de Salomon, 1977

 

En France, la médiatisation des parcours d’enfants trans n’est pas nouvelle[1] mais, en décembre 2020, à la suite de la diffusion du documentaire de Sébastien Lifshitz, Petite Fille, elle prend la forme d’une polémique particulièrement vive, qui se manifeste en une succession de tribunes collectives se répondant les unes aux autres. Deux camps polarisés semblent se diviser autour des enjeux de médicalisation d’enfants et d’adolescent·es accueilli·es au sein de services spécialisés dans la prise en charge de la transidentité, polarisation qui se manifeste par un échange de tribunes collectives. Chronologiquement, la première tribune[2] est à l’initiative de psychanalystes, psychiatres et pédiatres, membres d’un collectif nommé l’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent[3]. Dans ce texte et dans l’« Appel » publié sur leur site, les praticien·nes souhaitent alerter l’opinion publique quant à « l’émergence de discours idéologiques sur la “transition de genre” des mineurs, idéologiques en ce qu’ils préemptent tout débat »[4]. Se rejoue ici l’opposition entre science et idéologie qui, ces derniers mois, a régulièrement structuré les débats et polémiques dans l’espace médiatique français. Les membres de l’Observatoire dénoncent les approches thérapeutiques de certaines équipes spécialisées dans la mesure où elles seraient moins le résultat de données scientifiques rigoureuses que le reflet de choix idéologiques nés des pressions d’associations militantes. Or, la science, pour rester telle, ne doit-elle pas demeurer imperméable aux influences de groupes aux motivations exogènes ? La science, si elle renonce à son indépendance et se rend perméable aux injonctions spécifiques de certains groupes sociaux, ne perd-elle pas sa valeur d’universalité et, partant, son ambition d’objectivité ? Serions-nous alors face à des théories qui, n’ayant que l’apparence de la science, serviraient en réalité des intérêts particuliers ?

La critique de la conception de l’objectivité telle qu’elle fut héritée du siècle des Lumières a déjà fait l’objet d’une vaste littérature[5]. Tenons ici pour acquis que la production scientifique n’est pas neutre, et que voir en cela un motif suffisant de diffamation tendrait plutôt à révéler l’ignorance du dénonciateur quant à la littérature en épistémologie et en sociologie des sciences des trente dernières années. Alors, cette polémique me semble être plutôt l’occasion d’explorer les modalités concrètes de production et d’application de connaissances scientifiques au sein des consultations spécialisées dans l’accueil des enfants et adolescent·es trans en France aujourd’hui. La prise en charge médicale des mineur·es trans ne fait pas encore, à l’heure actuelle, l’objet d’un consensus. La question de l’enfance pose, de plus, des enjeux spécifiques en psychiatrie puisque l’approche thérapeutique se structure autour de la possibilité d’une disparition des troubles, grâce à la plasticité psychique qui caractérise la jeunesse.

À toutes les étapes : de la construction de la catégorie diagnostique, à l’établissement de théories étiologiques, jusqu’à la pratique clinique, la scientificité du discours semble intimement mêlée à des considérations extrinsèques. Diverses hypothèses coexistent au sein de la littérature médicale, et la mobilisation d’un registre de scientificité comme fondement en clinique s’inscrit dans des logiques dépassant la simple application causale d’une théorie vers une pratique. Dans ce cadre, examiner l’enchâssement des différents niveaux de discours n’a pas, pour moi, l’objectif d’une dévaluation de ces derniers mais permet, peut-être, de discerner plus clairement les principes et les effets de diverses options thérapeutiques en présence qui se réclament toutes d’un positionnement scientifique.

Cet article s’appuie sur les données issues d’une observation ethnographique menée en 2019-2020 au sein d’un de ces services de pédopsychiatrie, sur des entretiens avec des membres des équipes hospitalières ou des professionnel·les exerçant en libéral, ainsi que sur l’analyse de la littérature médicale produite à ce sujet.

I – Une catégorie nosographique instable

I. 1. L’inversion causale : thérapie – symptôme – étiologie(s)

En tant que catégorie nosographique, le transsexualisme apparait à la fin des années 1940 (Meyerowitz, 2002). En premier lieu, la transidentité fut définie par des pratiques liées à des techniques devenues disponibles (Löwy, 2005) : elle ne relevait pas de l’être mais du faire. L’article fondateur de l’endocrinologue Christian Hamburger (1953) illustre bien combien la demande concerne avant tout l’accès à des techniques médicales :

De nombreux patients, cependant, refusent catégoriquement de telles tentatives [un traitement à base de testostérone] ; ils ne souhaitent pas être « guéris » de leur travestissement ; ils estiment qu’il est en accord avec leur « vrai moi » et souhaitent seulement être débarrassés de la caractéristique masculine qu’ils détestent. (394) [Je traduis]

C’est précisément en tant qu’il se caractérise par une demande de transition médicale que le « transsexualisme » émerge alors progressivement, par différenciation d’autres pathologies classifiées. Harry Benjamin établit ainsi une distinction avec le travestissement (Benjamin, 1954) :

Le transsexualisme est un problème différent et beaucoup plus important. Il indique plus que le simple fait de jouer un rôle. Il dénote le désir intense et souvent obsessionnel de modifier l’ensemble du statut sexuel, y compris la structure anatomique. (220) [Je traduis]

C’est ainsi qu’est fondé le couple caractéristique symptôme-thérapie qui définit le transsexualisme, caractérisé avant tout par une pratique : la réassignation sexuelle, venant répondre à une souffrance psychique. Il n’existe pas encore de théorie spécifique concernant un état physique ou psychique à l’origine de ce désir de modification corporelle. Par la suite, l’enjeu consiste donc à établir des critères définitionnels à même de caractériser le contenu de ce nouvel élément de la taxinomie des désordres sexuels. Les hypothèses étiologiques qui émergent se classent en trois grandes catégories : psychogénétiques, organiques ou une combinaison des deux (Hoenig, Kenna, 1974). À l’heure actuelle, l’hypothèse d’une étiologie multifactorielle est assez largement acceptée, sans qu’il existe d’accord quant à l’importance relative des différents facteurs.

Ainsi, historiquement, la transidentité fut caractérisée par des pratiques de transition hormono-chirurgicales, lesquelles donnèrent lieu, par la suite, à la définition d’une pathologie, dont l’étiologie ne fait, encore aujourd’hui, l’objet d’aucun consensus.

I. 2. « Un enfant n’est pas un adulte miniature »[6]

En psychiatrie, la coexistence d’une multiplicité d’hypothèses explicatives au sujet d’une pathologie n’est pas inhabituelle(Chapireau, 2013). Dans le cas de l’enfance, néanmoins, la question de l’étiologie se pose à nouveaux frais. Dans la mesure où on y voit une période de développement, caractérisée par une malléabilité psychique et plus largement identitaire, les approches psychiatriques envisagent la possibilité d’une guérison – alors que cela devient impossible une fois la structure psychique de l’individu fixée à l’âge adulte[7]. Cette distinction essentielle prend la forme de deux entrées distinctes dès la première apparition du « transsexualisme », dans le DSM-III. Pour les enfants, il est question de « gender identity disorder (GIDC) ». Le DSM-IV (APA, 1994) regroupera enfants et adultes sous la même catégorie de « Gender Identity Disorder », mais en proposant des critères différents pour les enfants, d’une part, et les adolescent·es et adultes, d’autre part. La même distinction est faite au sein de la catégorie de « Gender Dysphoria » qui remplace la précédente dans la cinquième édition du manuel (APA, 2013). Le renommé et controversé psychiatre canadien Kenneth Zucker (2008) expose les implications thérapeutiques de cette distinction :

Je crois que, tout étant constant par ailleurs, l’âge auquel la thérapie commence est une variable importante. Ici, l’idée est qu’il y a une plus grande plasticité et opportunité pour le changement chez les enfants jeunes que chez les enfants âgés. Nous voyons ce rétrécissement de la plasticité et de la malléabilité chez les adolescents qui se présentent avec des préoccupations quant à leur identité de genre, comme je l’ai dit plus haut. (352)

La question des thérapies possibles est renouvelée et implique une réflexion sur le développement du trouble et, partant, sur les actions possibles du thérapeute :

C’est mon impression clinique que beaucoup de ces jeunes et leurs familles répondent aux interventions psychothérapiques qui se montrent tout à fait efficaces. Bien que je n’aie pas de doute que les changements observés chez ces jeunes puissent, en partie, être attribués à une rémission spontanée, si j’ose dire, je crois que la situation est plus complexe. En d’autres termes, je crois que la thérapie peut agir sur les jeunes enfants avec GID. (351)

Ainsi, les décisions au sujet des enfants s’inscrivent dans le contexte d’incertitude constitutive à la période de l’enfance. La question de l’irréversibilité est au cœur de nombreuses inquiétudes et réserves des médecins. La World Professional Association for Transgender Health (WPATH) classe d’ailleurs les interventions physiques sur les adolescent·es (les prises en charge d’enfants n’étant que psychologiques et sociales), selon trois catégories : complètement réversibles, partiellement réversibles, irréversibles (WPATH, 2012, 20). Un·e psychiatre[8] m’expliquait ainsi ses réticences face à des approches jugées trop expéditives :

L’adolescence c’est une période tellement complexe de remaniements, et qui dure un peu, qui dure, malheureusement, et ce n’est pas contre eux, mais c’est juste que je veux leur faire comprendre que ce temps, c’est un temps temporaire qui définit l’adolescence. Il faut qu’ils se posent les bonnes questions parce que l’adolescence aussi, c’est tout, tout de suite. […] « Tout, tout de suite et maintenant, et puis j’ai raison ! » Et ils sont tous comme ça quand même. […] Moi c’est ça qui m’embête, c’est l’irréversibilité de la chose.

L’instabilité de l’enfance, qui déborde ici sur l’adolescence, rendrait compliquée sinon impossible toute décision définitive. A ce sujet, un·e endocrinologue a d’ailleurs relevé les difficultés regardant l’établissement d’un diagnostic :

Quel serait le moment où on se dit que finalement la personne est sûre ? Et est-ce qu’il y a un moment où on est sûrs ? Ce qui est certain c’est que quand on a ça en tête, nous on a envie d’essayer de prendre le moins de décisions irréversibles possibles. Parce qu’effectivement si ça évolue on veut qu’il n’y ait aucun… on ne veut pas qu’il y ait, à un moment, un regret qui amène la souffrance de ce que j’ai pu décider avant. Ça c’est quelque chose qu’on a vraiment en tête. Alors, 99.99% des jeunes qu’on a accompagnés…. Alors, on n’a pas 30 ans de recul, mais ils sont plutôt beaucoup plus heureux que quand on les a rencontrés la première fois et ils sont plutôt très contents de ce qu’ils ont eu. […] Mais après on garde en tête qu’il peut y en avoir qui vont le regretter plus tard. Et donc, c’est pour ça, c’est des choses qu’on informe. On ne va pas mettre de veto, on ne va pas dire non. Mais c’est vrai qu’on va avoir envie que le jeune prenne son temps et ait bien compris. Mais après, voilà, je pense que, au même titre, à 30 ans ce serait la même chose.

Ici, la certitude – ou son absence – est au cœur des hésitations thérapeutiques. Néanmoins, ce·tte praticien·ne n’y voit pas nécessairement une caractéristique propre à l’enfance. La différenciation quasi-ontologique entre l’enfance et l’âge adulte construit l’enfant comme être-en-devenir, incomplet et, par conséquent, incapable de décider pour elle ou lui-même[9]. Néanmoins, qu’il s’agisse de l’enfant ou de l’adulte, dans la prise en charge médicale, la certitude dont il est question n’est pas celle du/de la patient·e, mais celle du/de la soignant·e. L’enjeu des consultations est, pour les personnes trans, de réussir à convaincre le médecin de l’inébranlabilité de son désir. Dans le cas des enfants et adolescent·es, cette conviction est d’autant plus compliquée à obtenir qu’ils et elles sont précisément caractérisé·es comme étant incapables de décider, de consentir pleinement. C’est d’ailleurs cet argument qui motive la décision de la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni, en décembre 2020, au sujet de l’accès aux bloqueurs de puberté pour les enfants et adolescent·es : « Il est hautement improbable qu’un enfant âgé de 13 ans ou moins soit compétent pour consentir à l’administration d’inhibiteurs de puberté »[10]. Le consentement éclairé étant estimé d’autant plus difficile à obtenir que la littérature scientifique ne fournit pas, à l’heure actuelle, de preuve indubitable du bénéfice d’un tel traitement en regard des risques possiblement encourus. Les enfants sont, légalement, dépendant·es d’adultes. La communauté scientifique ne fournit pas de consensus permettant de justifier des décisions thérapeutiques. Finalement, ici, l’incertitude de l’enfant est redoublée par l’incertitude scientifique et conduit à faire reposer la responsabilité tant morale que juridique sur les adultes ayant pris, individuellement, la décision d’administrer ces traitements.

II – Une clinique récente

II. 1. Une institutionnalisation récemment amorcée

Les premières consultations sur l’identité de genre spécialisées dans la prise en charge des enfants et adolescent·es se structurent à partir des années 60. Aux Etats-Unis, deux centres seront déterminants dans l’institutionnalisation d’un accueil spécifique de cette population jeune : le service d’endocrinologie pédiatrique du Johns Hopkins Hospital à Baltimore avec John Money, et celui de l’Université de Californie à Los Angeles avec Robert Stoller et Richard Green. En 1975, au sein de la Gender Identity Clinic du Clark Institute à Toronto, une équipe menée par Susan Bradley et Kenneth Zucker est également constituée (Bradley, Zucker et al., 1978). Aux Pays-Bas, c’est en 1987 que l’Utrecht University Medical Center ouvre un service dédié (de Vries, Cohen-Kettenis, 2012).

En France, alors qu’un protocole pour l’accueil des adultes est établi depuis le début des années 90 (Breton, Cordier, 1996 ; Luton, Bremont, 1996), il faut attendre 2013 pour que voient conjointement le jour, à Paris, les trois premières consultations spécialisées dans ce que le DSM-IV désigne alors comme un trouble de l’identité sexuelle chez les enfants et adolescent·es. Les équipes se forment au sein de la Pitié-Salpêtrière, de Robert-Debré et de la Fondation Vallée[11]. L’accueil institutionnel et, par conséquent, la recherche clinique sur la transidentité chez l’enfant sont donc relativement récents et il n’existe d’ailleurs pas, pour le moment, de standards de soin ou normes spécifiquement françaises. Dans ce contexte, les différentes équipes élaborent des protocoles de soin en se référant par exemple aux recommandations internationales : les standards de soin de la WPATH, de l’European Professional Association for Transgender Health (EPATH)[12] ou encore de l’University of California, San Francisco (UCSF). Dans un article de 2016 dressant le tableau de la clinique française sur le sujet, Agnès Condat (2016), psychiatre exerçant au sein de la consultation de la Pitié-Salpêtrière, revient sur les liens entre la connaissance empirique de la clinique et les savoirs produits par la communauté scientifique :

L’information médicale comme les soins proposés prennent en compte les données scientifiques et recommandations internationales, tout en nous appuyant sur notre tradition clinique en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. (10)

La richesse clinique mise en évidence au travers de ces observations nous conduit à  un abord clinique multidisciplinaire tenant compte des différentes dimensions pertinentes : génétique, hormonale, psychique, développementale, familiale et sociale. […] Étant donné le nombre limité de cas que chaque équipe verra, il est utile d’établir des liens entre les équipes pour élargir le savoir par le partage des expériences. Il s’agit là d’ouvrir à une réflexion intégrée et non pas rabattre les faits cliniques sur des critères diagnostiques ou des préjugés dogmatiques. (14)

Lors d’un entretien, un·e psychiatre exerçant en province insiste sur la nécessité de pouvoir se référer à des textes validés par la communauté internationale :

Sur la question de la transidentité on est un peu obligés de se poser la question de bon : qu’est-ce qu’on fait ? […] Enfin, en tout cas ça vient forcément questionner notre rapport à la médecine. […] À la médecine et à la psychiatrie, parce que qu’est-ce que ça veut dire soigner psychiatriquement quelqu’un s’il ne va pas bien parce qu’il a un corps qui ne correspond pas à son vécu intime, est-ce qu’on a le droit médicalement, de changer ce corps, alors que ce corps va bien sur le plan médical. Et donc on va faire une intervention somatique pour soulager le psychique. Il y a un truc, c’est vrai que ça peut soulager et tout. Et en même temps on est assez vite confronté à la question de l’apprenti sorcier. Avec quoi on joue ? On joue avec un corps qui va bien, sur une demande qui est très subjective. Évidemment que c’est subjectif puisqu’on est psychiatre, donc on travaille forcément avec de la subjectivité. On essaie, pas que, on essaie de se raccrocher à de l’objectivité aussi.

Dans le cadre de prises en charge estimées exploratoires, et venant parfois bouleverser le sens même de leur profession, la littérature médicale fournit aux praticien·nes une justification scientifique et une garantie juridique pour leur pratique.

II. 2. Collectiviser la responsabilité

La prise en charge des enfants et adolescent·es trans demeurant, aujourd’hui, controversée, la responsabilité des décisions thérapeutiques tend à incomber individuellement aux praticien·nes. Pour pallier cette situation, qui laisse une large part à l’arbitraire et rend les membres du corps médical vulnérables face aux poursuites judiciaires[13], une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) s’est organisée à Paris dès 2015. Sur le modèle de celles existant déjà en oncologie, ces réunions offrent un lieu de discussion collégiale autour des dossiers de patient·es qui demandent accès à une transition médicale. L’assise de la communauté permet de se prémunir d’accusations sur le plan scientifique, éthique et juridique. Un·e des praticien·nes ayant participé à la mise en place de ce dispositif revient sur ses nombreux avantages :

En en discutant on a décidé de démarrer tous ensemble ce qui était à mon avis une des meilleures idées que nous avons eues. On se disait bon, on démarre, c’est une des premières [consultations] en France, ce n’est pas du tout fait. Ce n’est pas forcément bien vu des prises en charge adulte, au départ, qu’on commence un peu plus tôt etc., donc on avait une place à se faire. Il fallait qu’on assoie notre pratique. Et puis ça nous confortait nous de se dire d’emblée : on va se réunir, on va faire des RCP pour discuter chaque situation. Pour se dire : voilà, on ne décide pas tout seul dans son coin, mais c’est vraiment une décision collégiale. Et ça va nous permettre de nous former, de grandir ensemble, et de se poser les questions tous ensemble.

Mensuelle et parisienne, cette RCP est rapidement devenue une référence pour les soignant·es du reste de la France. Elles et ils, en équipe ou individuellement, issu du public ou du libéral, viennent présenter des dossiers afin d’obtenir la validation collégiale d’une décision thérapeutique ou s’informer sur l’organisation concrète des équipes.

Dans ce contexte, la question de l’établissement d’un référentiel national qui permette d’homogénéiser la pratique, de faciliter les processus décisionnels et de rassurer les soignant·es isolé·es fut discutée à de nombreuses reprises. La RCP devient alors un espace d’examen des situations complexes plutôt qu’un outil protocolaire de protection juridique. C’est ce qu’exprime un·e psychiatre lors de la RCP de mai 2019 :

La question est alors de savoir pourquoi nous en rediscutons ici ? Ici le modèle de la RCP a été monté sous la contrainte de l’hôpital, du chef de service, parce que l’hôpital demande que toutes les décisions de mise sous traitement des mineurs passent par la RCP. […] Si on fait le parallèle avec d’autres RCP, comme en oncologie, cela suppose qu’il y ait un référentiel, de l’AP-HP [Assistance Publique – Hôpitaux de Paris] par exemple, qui permet, s’il est suivi à la lettre, de shunter la RCP. […] Peut-être pourrions-nous écrire cela ? […] Il y a les recommandations internationales qui sont très conventionnelles, auxquelles on pourrait se référer. Elles sont très peu diffusées en France, donc les collègues pensent qu’on est fous quand on leur explique ce qu’on fait ici. Mais, après 5 ans, il serait peut-être possible de faire un référentiel. Cela permettrait de produire un document utile à de nombreuses personnes en France, de pointer du doigt les situations compliquées pour que les praticiens du libéral sollicitent le Public dans ces cas-là.

Durant ma période d’observation, j’assistai à de nombreuses discussions autour de ce projet. Si un tel texte n’existe pas pour le moment, son intention a conduit à l’organisation de plusieurs journées d’études, ou ateliers d’analyse de pratique, au cours desquels se retrouvaient des acteur·ices du monde médical, juridique et associatif. Ces espaces de discussion et d’échange se structurent autour de la volonté de faire émerger des lignes directrices communes dans un contexte d’hétérogénéité de pratiques. En France, les études de médecine ne comportent aucune formation spécifique au sujet de la transidentité[14]. La connaissance scientifique reconnue dans le domaine médical provient, alors, soit de la littérature étrangère, soit des productions écrites de soignant·es ayant été amené·es, souvent initialement par hasard, à rencontrer et accompagner des personnes trans.

Ainsi, la mise en place d’un espace de décision collégial offre, d’une part, une certaine protection juridique aux soignant·es dans un domaine où les choix thérapeutiques sont encore largement polémiques. Mais il s’agit aussi, d’autre part, d’un lieu de constitution collectif d’un savoir scientifique, pensé comme émergent dans la discussion, depuis la confrontation à une diversité de problèmes concrets.

III – En l’état actuel des connaissances…

III. 1. Recherche sur l’enfance, enfance de la recherche

Le modèle de l’evidence-based medicine (EBM), qui s’appuie sur une rationalisation des décisions thérapeutiques comme une alternative aux conclusions basées sur des preuves anecdotiques et l’expérience individuelle, semble offrir des outils pour répondre à l’incertitude des soignant·es (Gray, Pinson, 2003). Les biais individuels et les influences extérieures sont neutralisés par le recours à des recommandations standardisées construites sur un corpus de connaissances éprouvé et validé par la communauté scientifique. Puisque la prise en charge des enfants et adolescent·es responsabilise particulièrement les médecins, l’existence de données scientifiques permettant de trancher en faveur d’un couple étiologie-thérapeutique plutôt qu’un autre est un enjeu capital. À ce titre, la création de structures institutionnelles d’accueil spécifiques aux enfants fut dès l’origine pensée comme ouvrant la possibilité d’une observation clinique. L’article de 1979 de l’équipe de Toronto, appelant à la constitution d’une clinique spécialisée, fait explicitement le lien entre ces deux dimensions de l’accueil thérapeutique et de l’étude scientifique (Bradley et al., 1978, 176) :

Une deuxième raison de se concentrer sur l’apparition la plus précoce de ce comportement a été suscitée par l’intérêt général de la psychiatrie pour les études prospectives, en opposition aux études rétrospectives. La stratégie de recherche prospective repose sur l’idée que le développement d’un syndrome psychiatrique particulier sera mieux compris (et, espérons-le, traité) si l’on est capable de l’observer dans ses formes germinales et de noter les facteurs qui contribuent à sa croissance. [Je traduis]

Néanmoins, cette entreprise comporte plusieurs limitations intrinsèques. D’une part, une recherche prospective, sous la forme d’une étude longitudinale, implique des moyens matériels et financiers conséquents. Il en existe, à l’heure actuelle, assez peu et il est généralement admis que ce domaine exige de plus amples ressources (Pang et al., 2019). Au sujet des bloqueurs de puberté, la première étude d’ampleur fut lancée en 2011, aux Pays-Bas, et a donné lieu à deux publications (de Vries et al., 2011 ; de Vries et al., 2014). Plus généralement, diverses études sont en cours au sujet des trajectoires des enfants et adolescent·es trans à la suite d’un parcours médicalisé au sein de diverses cliniques dans le monde. Néanmoins, la communauté scientifique ne bénéficie, pour le moment, que d’un faible recul sur les données établies à partir des premières cohortes[15].

D’autre part, la généralisation des résultats par le biais de méta-analyses est épineuse dans la mesure où il n’est pas certain qu’il soit possible d’établir clairement un objet commun[16]. « Des comparaisons directes entre ces études sont impossibles, chacune différant en terme (sic) de méthodologie de recueil de données et de critères de définition de la personne transsexuelle » (WPATH, 2012, 1).

Enfin, des considérations éthiques rendent impossibles, en pratique, la conduite d’essais randomisés en double aveugle auprès d’une population en demande de traitements hormonaux.

La prise en charge médicale des enfants trans ne saurait trouver de justification complète ou de certitude indéfectible fondée sur un ensemble de données scientifiques. Dès lors, la pratique ne peut se penser et se faire qu’étayée sur un faisceau d’indices issus des recherches contemporaines. « Les SDS sont basés sur les données scientifiques disponibles à ce jour et les consensus d’experts » (WPATH, 2012, 1). A chaque nouvelle version, les standards de soin actualisent leurs directives cliniques, conformément aux avancées scientifiques les plus récentes. Toutefois, en termes épidémiologiques, les études pâtissent d’un faible nombre de cas en vue d’une pertinence statistique, et d’un manque de recul temporel pour évaluer les éventuels regrets ou répercussions négatives. En outre, la possibilité même de mener, sur cette question, des études conformes aux protocoles de recherche clinique soulèvent de nombreuses questions méthodologiques et éthiques.

III. 2. « Et pourquoi pas ? »

En contexte d’incertitude, un choix thérapeutique peut s’appuyer sur le corpus de données disponibles dans la littérature scientifique. Mais, comme l’ont montré les travaux pionniers de Renée Fox (2000) : « L’incertitude est inhérente à la médecine. Les progrès scientifiques, technologiques et cliniques affectent le contenu de l’incertitude médicale et modifient son contour, mais ils ne la font pas disparaître. » Si l’EBM permet de donner une assise quantitative, statistique et standardisée aux protocoles, elle ne compose néanmoins jamais qu’avec les consensus d’une époque, susceptibles d’être rediscutés à l’issue d’études futures.

Alors, la diversité des approches et décisions des médecins pourrait s’expliquer non pas dans la référence ou non à des vérités scientifiquement prouvées, mais plutôt par un rapport différencié à l’incertitude de son champ d’expertise. Timmermans et Angell, s’appuyant sur une enquête qualitative menée auprès de résident·es[17] en pédiatrie dans des centres hospitaliers universitaires américains, examinent « la manière dont les résident·es conçoivent l’EBM et la façon dont elle influe sur leur gestion quotidienne de l’incertitude en médecine. » (Timmermans, Angell, 2001, 344)[18] Les auteur·es proposent à ce sujet une distinction entre les « bibliothécaires » et les « chercheur·es » :

les bibliothécaires se tournent vers la littérature de référence pour obtenir des réponses claires mais sont déçu·es par l’incertitude inhérente aux connaissances médicales. Les chercheur·es, en revanche, sont convaincu·es que l’incertitude produite par la littérature et la pratique clinique crée un mouvement positif d’accroissement des connaissances. […] Les chercheur·es abordent la littérature dans une perspective plus relativiste. Elles et ils n’attendent pas de réponses claires, mais un affinement de leur capacité de discernement qui les aidera à prendre des décisions au sujet des patient·es. (351)

L’absence de certitude peut, tout à la fois, stimuler ou inhiber la pratique clinique. On trouve, me semble-t-il, dans la suite de l’entretien avec l’endocrinologue, l’illustration de cette pensée mise en mouvement par la remise en question de savoirs établis :

Qu’est ce qui a fait évoluer notre pratique ? Je pense qu’il y a des dimensions de groupe, un peu sociétales, et puis il y a des dimensions individuelles. Je pense que les dimensions de groupe c’est, comme je te dis, c’est le fait d’avoir interagi avec plein d’autres personnes qui nous ont ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Je dis individuelles parce que je pense qu’il faut quand même être capable de se remettre en question sans arrêt, en tout cas c’est l’impression que j’ai eue. Parce qu’en permanence je me disais : « Mais pourquoi je me dis ça ? Et puis pourquoi je me dis que ce ne serait pas possible ? Et pourquoi pas ? » […] C’est une dimension que beaucoup d’êtres humains ont, hein. Mais effectivement je pense qu’il a fallu se le redire régulièrement. Tous les 3 mois, tous les 6 mois. Parce qu’effectivement, ça a évolué très vite. Et je pense qu’on est arrivés à un point maintenant où on se dit même plus… On est vraiment ouverts à tout.

Le doute, ici, s’applique aux interdits ou aux réticences quant à l’utilisation de nouvelles technologies médicales. Et pourquoi pas ? La pratique clinique prend des allures poppériennes, progressant par essais et erreurs, conjectures et réfutations (Popper, 1985 [1953]). Un acte est a priori possible, à moins qu’il n’existe des preuves amenant à penser qu’il peut être néfaste. On cherche moins des certitudes (épistémologiquement inatteignables) que des raisons légitimes de douter. Les processus décisionnels que j’ai pu observer en RCP et le projet d’écriture d’un référentiel semblent s’inscrire dans cette démarche. Lors de la RCP de juin 2019, un·e psychiatre préconisait que l’élaboration du référentiel consiste à « établir des critères négatifs. Nous pourrions ressortir les dossiers où on a eu une TS [tentative de suicide] après, ou une rupture scolaire ». Or, ne fonctionner qu’avec des critères négatifs, c’est partir du principe de l’acceptation par défaut de tout dossier. En regard du fonctionnement d’autres équipes française de prise en charge d’enfants ou d’adultes, s’opère ici une inversion de la charge de la preuve : pour refuser un traitement à un individu, il s’agit de pouvoir justifier d’un critère rédhibitoire, là où, ailleurs, c’est aux patient·es de prouver la vérité de leur identité trans pour asseoir la légitimité de leur demande de traitement. Chercher les raisons de douter dans un cas, celles de croire dans l’autre.

III. 3. Au-delà de la nature

Dans une perspective pathologisante de la transidentité, le développement estimé naturel du corps[19] – c’est-à-dire sans transition hormono-chirurgicale –, sera toujours à préférer. Cette perspective induit une précellence des démarches de prévention ou de guérison. La transition n’est que le dernier recours face à une souffrance intolérable que l’on n’a su apaiser autrement. Les techniques bio-médicales récentes offrent, certes, de nouvelles manières de répondre à cette souffrance, mais la finalité demeure toujours de se rapprocher au mieux d’un modèle désigné comme naturel. Ainsi, Colette Chiland (1997), une des figures pionnières de l’institutionnalisation de la prise en charge médicale des transidentités en France, écrit-elle en conclusion de son ouvrage Changer de sexe :

Ces changements techniques nous ont mis et vont nous mettre de plus en plus à même d’agir sur l’homme lui-même. Et notre capacité de réflexion éthique ne va pas aussi vite. Dans le cas du changement de sexe, on a utilisé une certaine capacité technique pour fabriquer un « pseudo », un leurre, dont l’usager se déclare assez satisfait, sauf exceptions. (246-247)

Cette perspective sur la transition vient en dramatiser la décision et, par conséquent, justifie les mesures envisagées par le corps médical pour en éprouver la fermeté. Le renoncement à la cis-identité, entendu comme perte de naturalité, est perçu comme irrévocable et tragique. Il doit reposer sur une certitude inébranlable. Par conséquent, de nombreuses études au sujet des enfants se consacrent à la question de la persistance du sentiment transidentitaire. Être en mesure d’évaluer quels sont les enfants susceptibles de devenir des adultes cisgenres est essentiel. Les raisons de douter tirent ici leur justification d’une conception antérieure sur la nature humaine, état normal, naturel et horizon régulateur pour la science.

Symétriquement, le renversement de la place du doute dans la démarche scientifique se répercute dans d’autres sphères, en témoigne la suite de l’échange avec l’endocrinologue, au sujet de la pertinence du maintien de la mention du sexe à l’état civil :

Est-ce qu’il y encore un réel intérêt ? Je me la pose souvent, mais c’est vraiment cette pratique qui m’a amenée à me poser cette question. Je pense qu’il y a 10 ans, je ne me posais pas cette question. […] Et finalement les premiers qui, d’un point de vue historique, ont franchi ces lignes là, c’est les biologistes de la reproduction. […] ils ont permis qu’on aille au-delà de la nature entre guillemets. Et du coup voilà : pourquoi on n’irait pas plus loin maintenant ? Mais c’est des réflexions, clairement, que je n’avais pas il y a 10 ans. Donc c’est vrai que le contact avec la diversité, avec les questionnements qu’on peut avoir sur les prises en charge etc. nous font, je pense tous, dans le groupe en tout cas, aller beaucoup plus loin dans la réflexion et aller au-delà du champ médical.

Finalement, la constitution d’un champ d’expertise scientifique au sujet de la médicalisation des enfants trans ne s’établit pas dans un espace autonome et hermétique qui en garantirait la validité. Les modalités concrètes d’exercice de la médecine sont intimement liées à des enjeux juridiques qui en délimitent les frontières légales et éthiques. La scientificité de la pratique, reposant ici sur le cadre de décision formel et collectif des RCP, représente un outil de protection face aux menaces juridiques. Cependant, étant donné une diversité de pratiques cliniques, les RCP n’instaurent pas un simple espace de décision protocolaire, mais aussi et surtout un espace de formation entre pairs. Alors, de la collectivisation, notamment autour de la précarité ou de l’insuffisance des connaissances scientifiques, émerge une mise en crise de certitudes sociales et politiques, qui implique elle-même en retour une refonte de la pratique médicale. La science répond au politique, la manière de faire science est politique, et la science, enfin, construit du politique.

Plus encore, au sujet des enfants trans, la recherche peut prendre la forme d’une enquête sur l’origine, sur les causes physiologiques ou psychologiques de la transidentité. Or, poser cette question au sujet d’une catégorie de la population caractérisée avant tout par son rapport déficient à la norme, c’est prendre le risque de fournir des outils pour éliminer les conditions de son apparition. La théorie comme la pratique médicales semble donc conditionnées par un questionnement auquel la science seule ne saurait répondre : la transidentité serait-elle, en dernier lieu, à éviter ?

 

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[1] Parmi d’autres, le film Tomboy de Céline Sciamma de 2011 a participé de la visibilité croissante autour de cette question.

[2] « « L’humain est contraint, il ne peut pas tout » : la tribune de pédiatres et psychiatres sur le documentaire « Petite fille » », Marianne, Tribune collective, 05/01/2021.

[3] https://www.observatoirepetitesirene.org/.

[4] https://www.observatoirepetitesirene.org/appel.

[5] On pourra, par exemple, se rapporter au champ des épistémologies féministes (Collins, 2000 ; Harding, 1986 ; Puig de Bellacasa, 2012), des études décoloniales (Quijano, 1991 ; Spivak, 1988), ou encore à celui de la sociologie et de la philosophie des sciences (Daston et Galison, 2012 ; Hacking, 2001 ; Latour, 1991).

[6] https://www.observatoirepetitesirene.org/appel.

[7] Pour une critique de cette conceptualisation finaliste du développement des enfants, voir l’article d’André Turmel (2006).

[8] Mes enquêté·es représentent, au sein des professionnel·les du soin, un groupe restreint et facilement identifiable. La polémique récente a, de plus, contribué à visibiliser certaines équipes et parmi elles, certains individus. Afin de renforcer leur anonymisation, je choisis ici de les genrer au neutre.

[9] Les travaux de Tal Piterbraut-Merx (2020), qui proposent une analyse de ce couple de notions enfant/adulte en philosophie, ont largement contribués à ma réflexion.

[10] https://www.judiciary.uk/wp-content/uploads/2020/12/Bell-v-Tavistock-Judgment.pdf

[11] Aujourd’hui la consultation de la Fondation Vallée n’existe plus mais une équipe s’est constituée au sein du Centre Intersectoriel d’Accueil pour Adolescents (CIAPA).

[12] https://epath.eu/resources/publications/

[13] La tangibilité de ce risque fut attestée lors de la condamnation de deux médecins, le 18 janvier 2021, par la Chambre Disciplinaire de l’Ordre des Médecins d’Occitanie, à des peines d’interdiction de la médecine d’un et trois mois, à la suite d’une plainte déposée par les parents d’un homme trans majeur. Un communiqué de l’association Fierté Montpellier Pride à ce sujet et une copie de la décision du conseil régional sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.montpelliergay.com/communiques/

[14] Il existe, depuis 2013, un Diplôme Universitaire dont la légitimité est largement contestée par les personnes et associations trans. Pour une analyse détaillée de sa première édition, voir Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas et Arnaud Alessandrin : « Sofect, du protectionnisme à l’offensive institutionnelle » :  https://www.observatoire-des-transidentites.com/2013/10/04/article-sofect-120403312/

[15] Pour une recension des différentes études menées et en cours, voir de Vries et al. (2020).

[16] Pour une analyse détaillée des limites méthodologiques et épistémologiques liés à l’utilisation dans la littérature médicale de la catégorie de « dysphorie de genre » du DSM 5, voir l’article de Davy et Toze (2018).

[17] La résidence est le stage post-doctoral que doivent suivre les médecins pour obtenir le droit de pratiquer.

[18] Je traduis, ici et pour le reste des citations issues de cet article.

[19] L’idée que le corps des personnes cis (c’est-à-dire qui ne sont pas trans) est « naturel » est largement contestable. Ainsi, de nombreuses femmes cis prennent un traitement hormonal (contraceptif). La qualification des corps trans comme factices en regard des corps cis semble donc surtout signaler une transgression sociale, par le biais de techniques médicales et donc délégitimer certains corps (Claire Grino, 2016).

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