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Wittgenstein et Loos : le souci de la correction et la dégradation du style

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Le contexte viennois, l’architecture, son lien avec la philosophie.

Si l’on esquisse un bilan de ce qui a été dit des rapports entre Wittgenstein et Loos, on s’aperçoit que trois grandes perspectives ont été adoptées. La première est l’étude du contexte viennois dans lequel Wittgenstein a grandi et dont Loos était une figure importante. B. McGuiness[1], R. Monk[2] ou encore C. Chauviré[3] ont montré, dans leur biographie respective de Wittgenstein, quels ont été les liens de ce dernier avec Loos, leur parenté intellectuelle et notamment leur admiration pour Kraus. De son côté, J. Bouveresse a cherché assez tôt à démêler ce que Wittgenstein avait réellement gardé de cette jeunesse viennoise, en soulignant par exemple, dans une critique assez serrée du livre de A. Janik et S. Toulmin, Wittgenstein, Vienne et la modernité[4], le fait que « Wittgenstein n’a pas fait ses études à Vienne et a passé la majeure partie de sa jeunesse en dehors de cette ville » [5]. Enfin, la parution des Lettres, rencontres et souvenirs de P. Engelmann[6], élève de Loos et ami de Wittgenstein, fournit un témoignage intéressant sur la relation entre les deux hommes et sur le contexte général dans lequel cette relation s’inscrivait. Sauf mise à jour de nouveaux faits, il nous semble difficile d’ajouter quelque chose de décisif sur le sujet.

La deuxième perspective adoptée est celle qui se focalise sur la maison construite par Wittgenstein dans les années 1920 et sur ses rapports avec la conception loosienne de l’architecture. P. Wijdeveld notamment, dans son Ludwig Wittgenstein. Architect[7], a mené une comparaison constante entre la construction du premier et celles de second. Mais pour lui comme pour B. Leitner[8] et J. Bouveresse[9], ce qui s’impose, c’est l’originalité de la maison de Wittgenstein, en dépit de ses ressemblances réelles avec celles de Loos. Cette conclusion est partagée par une majorité de commentateurs, et si l’on ajoute à cela qu’il est difficile de s’aventurer honnêtement sur le terrain de l’architecture quand on n’a pas la formation requise, il nous semble là encore difficile d’ajouter quelque chose de significatif sur le sujet.

Enfin, la troisième perspective se focalise davantage sur le rapport entre les conceptions de Loos à propos de l’architecture et celles de Wittgenstein concernant la philosophie[10]. Ainsi, on a pu mettre en avant l’influence de Loos, principalement sa critique de l’ornement, pour opérer un rapprochement entre la maison construite par Wittgenstein et son Tractatus. De manière plus générale, on a aussi souligné la présence de Loos dans la liste des dix noms que cite Wittgenstein et par lesquels il dit avoir été influencé[11]. C’est là par exemple le point de départ d’A. Janik dans son livre Assembling reminders[12] où chaque chapitre correspond à un des dix noms et où Loos a sa place.

C’est ce type de travail que nous entendons mener ici, mais il est nécessaire de faire deux remarques préliminaires. Tout d’abord, on peut, à la suite de J. Bouveresse, souligner les limites des tentatives[13] visant à faire de la maison construite par Wittgenstein un langage exprimant l’inexprimable, permettant de rompre le silence sur lequel se clôt le Tractatus. Il est peu probable en effet que « Wittgenstein aurait approuvé la transposition systématique des concepts linguistiques utilisés à propos de la langue ordinaire à un prétendu langage de la musique ou de l’architecture, sans autre justification qu’une analogie extrêmement naturelle et (partiellement) éclairante ou une incontestable “ressemblance familiale”. »[14] Et il aurait sans doute d’autant moins approuvé une telle transposition s’il avait appris le rôle qu’on veut lui faire jouer, à savoir : « exprimer ces connaissances qui sont acquises au-delà du langage »[15].

Ensuite, à supposer qu’on veuille élargir la recherche au-delà du seul Tractatus, on peut se demander si la question de l’influence de Loos sur la méthode philosophique de Wittgenstein est vraiment la plus féconde. Certes, le contexte semble indiquer que, quand Wittgenstein cite dix noms, dont celui de Loos, de personnes qui l’ont influencé, cette influence porte principalement sur sa manière de pratiquer la philosophie :

Il y a, je crois bien, une vérité dans ce que je pense parfois : qu’à proprement parler je suis simplement reproductif dans ma pensée. Je crois que je n’ai jamais inventé un chemin de pensée, mais qu’il m’a toujours été donné par quelqu’un d’autre. Tout ce que j’ai fait, c’est de m’en emparer immédiatement avec passion pour mon travail de clarification. C’est ainsi que m’ont influencé Boltzmann, Hertz, Schopenhauer, Frege, Russell, Kraus, Loos, Weininger, Spengler, Sraffa. Peut-on aller jusqu’à considérer Breuer et Freud comme un exemple de reproductivité juive ? – Ce que j’invente, ce sont de nouvelles comparaisons[16].

A propos de l’influence de Loos en particulier, A. Janik en tire la problématique suivante :

How can this help us to understand Wittgtenstein’s mature concept of philosophical method ? It is not an easy question to answer. In order to venture a response let us begin by considering Wittgenstein’s view about architecture and philosophy, proceed to examine his own contribution to architecture in the light of those remarks and conclude with some reflections upon the role of art and craftmanship in his understanding of what philosophy is all about.[17]

Mais faut-il vraiment conclure du passage des Remarques mêlées que ce que Wittgenstein a trouvé chez ces auteurs, ce sont des éléments de méthode lui ayant permis de dégager la sienne ? Et faut-il en conclure que le seul résultat de cette influence, c’est une certaine pratique de la philosophie chez Wittgenstein : un travail de clarification des concepts ? Ce n’est là qu’un aspect du problème, les auteurs mentionnés ayant aussi fourni une contribution beaucoup plus directe : des remarques, des analyses, etc. qui clarifient, effectivement, un certain nombre de concepts. Ce que nous nous proposons donc de faire dans cet article, c’est de retrouver ces analyses, remarques et exemples de Loos dans les écrits de Wittgenstein.

Or, cela suppose de ne plus voir en Loos seulement un architecte. En effet, que Wittgenstein ait construit une maison avec un élève de Loos fait qu’on s’est principalement intéressé à ce dernier en tant qu’architecte et qu’on en a oublié qu’il était aussi, plus généralement, un « critique ». Cela ne signifie pas qu’il était un critique des « beaux-arts », à l’image de Baudelaire commentant ce qu’il pouvait voir dans les Salons : peintures, dessins, gravures, eaux-fortes, sculptures. Par exemple, le premier livre de Loos, Paroles dans le vide[18], est un recueil de « chroniques écrites à l’occasion de l’Exposition viennoise du Jubilé » de 1898, complétées par d’autres chroniques parues dans les années 1897-1900. Or, le titre de ces chroniques est significatif : La mode masculine, Intérieurs, Les intérieurs de la Rotonde, Les sièges, Verre et terre, Les voitures de luxe, Les plombiers, Les chapeaux et la mode, Les chaussures, etc. Les beaux-arts ont peu de place dans ces chroniques (ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de valeur pour Loos, bien au contraire) et les Arts décoratifs y sont critiqués, Loos ne les considérant ni comme de l’art ni comme de l’artisanat, mais à la fois comme la prostitution de l’art dans les objets d’usage et comme la dégradation de l’artisanat sous prétexte d’y introduire une dimension artistique[19]. Par conséquent, nous nous intéresserons dans les écrits de Loos à ce qui ne relève ni de l’architecture ni des beaux-arts (ou en tout cas pas directement) et qui a exercé une influence très concrète sur Wittgenstein, notamment dans ses leçons sur l’esthétique.

« La mode masculine » : être mis correctement.

Dans cette perspective, le thème le plus évident que Wittgenstein a pu reprendre de Loos est celui de l’appréciation des vêtements. Dès la première partie des leçons sur l’esthétique, Wittgenstein relativise l’importance de l’adjectif « beau » dans les jugements esthétiques et souligne celle de l’adjectif « correct ». Il est vrai qu’il choisit d’emblée des exemples tirés du domaine des arts :

8. Il est remarquable que dans la vie réelle, lorsqu’on émet des jugements esthétiques, les adjectifs esthétiques tels que « beau », « magnifique » ne jouent pratiquement aucun rôle. Pour la critique musicale, employez-vous des adjectifs esthétiques ? Vous dites : « Faites attention à cette transition », ou [Rhees] « ce passage-ci n’est pas cohérent ». Ou, parlant d’un poème en critique, vous dites [Taylor] : « Son utilisation des images est précise. » Les mots que vous employez sont plus apparentés à « juste » et « correct » (au sens que ces mots revêtent dans le discours ordinaire) qu’à « beau » ou « charmant »[20].

Mais si les §9-12 continuent à se référer à la musique et à la poésie, le §13 en introduit un autre, la coupe des vêtements : « Un homme qui s’y connaît en vêtements bien coupés, que fait-il par exemple en cours d’essayage chez son tailleur ? « C’est la longueur correcte », « c’est trop court », « c’est trop étroit ». »[21] Nous soutenons non seulement que le choix de ce type d’exemple fait écho à ce que l’on trouve dans les textes de Loos, mais qu’il en est probablement tiré – que Wittgenstein l’ait lu dans Paroles dans le vide ou dans Malgré tout ou qu’il en ait parlé avec Loos lui-même. Après avoir critiqué les Allemands, « avides de beauté »[22], au profit des Anglais, exigeant « de chacun qu’il soit bien mis »[23], Loos affirme en effet :

Être bien mis, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie : être mis correctement.

Être mis correctement : il me semble qu’en écrivant ces mots je trahis le secret qui a entouré jusqu’ici notre mode vestimentaire. Des mots comme beau, chic, élégant, séduisant, piquant étaient censés exprimer la mode. Mais il ne s’agit pas du tout de cela.[24]

Contrairement aux apparences, beau, chic, élégant, séduisant, piquant ne sont pas les bons mots concernant la mode vestimentaire, ils n’appartiennent pas au bon « groupe de mots »[25] : la mode vestimentaire est une question de correction. Il est vrai que le propos de Loos n’est pas exactement du même registre que celui de Wittgenstein, puisqu’il fixe une norme (ce qui doit être recherché, plutôt que la beauté, c’est d’être bien mis) là où Wittgenstein montre que le jugement esthétique s’exprime en terme de correction bien plus que de beauté. En même temps, n’est-ce pas là un exemple de la manière dont Wittgenstein lui a emprunté un « chemin de pensée » et l’a utilisé pour son propre travail de clarification (du jugement esthétique) ? La distinction qui, chez Loos, sert à la fixation d’une norme, est réutilisée par Wittgenstein pour décrire, clarifier la nature du jugement esthétique.

Ne pourrait-on pas prolonger ce parallèle, si l’on regarde la manière dont Loos, dans cette chronique, développe et précise les critères de correction ?

Il s’agit d’être habillé de manière à se faire remarquer le moins possible. Un habit rouge se fait remarquer dans une salle de bal. Par conséquent, l’habit rouge n’est pas à sa place dans une salle de bal. Un haut de forme se fait remarquer sur une patinoire. Par conséquent, le haut de forme n’est pas à sa place sur une patinoire. Tout ce qui vous fait remarquer est une faute de goût dans la bonne société.

Ce principe n’est cependant pas applicable partout. Avec un habit qui passerait inaperçu à Hyde Park, on peut très bien se faire remarquer à Pékin, à Zanzibar, ou sur la place Saint-Étienne. C’est que l’habit est européen. On ne peut pas demander que l’homme civilisé s’habille à la chinoise à Pékin, à la manière est-africaine à Zanzibar ou à la mode viennoise sur la place Saint-Étienne ! C’est pourquoi nous devons introduire une restriction à notre principe : pour être bien mis, nous ne devons pas nous faire remarquer au centre de la civilisation.

Le centre de la civilisation occidentale est présentement Londres. Mais il pourrait se faire qu’en nous promenant de-ci de-là nous tombions dans des parages où notre tenue trancherait sur le milieu environnant. Devons-nous alors changer notre costume d’une rue à l’autre ? Non, ce n’est pas possible. Nous voilà donc en mesure de donner à notre principe sa formulation complète : un vêtement est à sa place lorsqu’il nous fait remarquer le moins possible au centre de la civilisation, dans une occasion déterminée, au sein de la meilleure société.[26]

Comme à la fin d’« Ornement et crime », ici Loos « prêche pour l’aristocrate »[27] : ce qui est correct en terme vestimentaire, ce n’est pas ce que l’on porte quand on est civilisé, mais quand on se trouve au cœur de la civilisation, ce n’est pas ce qui s’accorde avec une société, mais avec la meilleure société. Certes, Wittgenstein n’adhérait pas à ce type de conception de la civilisation, ne serait-ce parce qu’il la considérait comme une dégradation de la culture[28] et qu’il ne partageait pas non plus l’idée de Loos d’une supériorité de la culture moderne. En même temps, il est possible que la manière dont il décrit la fixation du goût doive quelque chose à ces passages de Paroles dans le vide :

16. Vous pourriez regarder les règles qui ont été établies quant aux mesures d’un vêtement comme l’expression de ce que veut une partie du public. Celui-ci s’est divisé sur la question de savoir quelles mesures devrait avoir un vêtement : Il y a eu des gens qui ne se souciaient pas qu’il fût large ou étroit, etc. ; d’autres au contraire qui s’en souciaient considérablement.[29]

En elle-même, l’idée ne justifie pas vraiment un rapprochement avec Loos, mais l’essentiel, dans notre perspective, se trouve dans une note annexe de R. Rhees à ce paragraphe :

Mais oui, c’est un fait que le public a établi telle ou telle règle. Nous disons « le public », mais en réalité, c’était une classe particulière… Nous disons « le public » alors que c’étaient certaines gens.[30]

On peut alors se faire une idée de ce « public » quelques paragraphes plus loin, quand Wittgenstein prend l’exemple de la musique :

Pour décrire le goût musical, il vous faut décrire si les enfants donnent des concerts, ou les femmes, ou si seuls les hommes en donnent, etc., etc. Dans les cercles aristocratiques de Vienne, les gens avaient [tel ou tel] goût, puis celui-ci se répandait dans les milieux bourgeois où les femmes participaient aux chœurs, etc. C’est là un exemple de ce qu’est la tradition en musique.[31]

Nous ne voulons pas dire par là que Wittgenstein soutient l’idée selon laquelle ce qui est correct, c’est ce que les aristocrates disent être tel, et qu’il fait de cette idée une norme. Mais là encore, on peut se demander s’il ne réutilise pas ce que Loos dit de la fixation du goût par la partie aristocratique du public et de sa diffusion dans les autres couches de la société pour clarifier ce que signifie « décrire le goût », qu’il soit musical ou vestimentaire.

La simplification de l’habillement.

L’exemple vestimentaire, au §34 de la première partie des leçons sur l’esthétique, nous semble aussi provenir de certains passages de Malgré tout et de certaines chroniques de Paroles dans le vide, même si les conséquences que Wittgenstein en tire ne doivent pas être confondues avec celles de Loos :

34. Notre habillement est d’une certaine façon plus simple qu’au 18e siècle et est mieux adapté à certaines activités violentes, telles la bicyclette, la marche, etc. Supposez que nous constations un changement analogue dans l’architecture et dans la façon de se coiffer, etc. Supposez que j’aie parlé d’une dégradation du style de vie. Si on me demande : « qu’entendez-vous par dégradation ? », je fais une description, je donne des exemples. Vous utilisez le mot « dégradation » d’une part pour décrire un type particulier de développement et d’autre part pour exprimer une désapprobation. Je puis l’associer aux choses que j’aime, et vous à celles que vous n’aimez pas. Mais il est possible d’employer ce mot sans aucun élément affectif ; vous l’employez pour décrire un type de chose particulier qui est arrivé. Je l’employais plutôt comme un terme technique – et il est possible, mais pas du tout nécessaire, qu’il y ait eu un élément dépréciateur en celui-ci. Quand je parle de dégradation vous pouvez protester : « Mais c’était très bien. » Je dis : « Soit. Mais ce n’était pas cela dont je parlais. J’employais ce mot pour décrire un type particulier de développement.[32]

Qu’il y ait une simplification de l’habillement depuis le 18e siècle est en effet une des thèses que défend Loos, par exemple dans « Architecture », et qui est d’une grande importance pour lui puisqu’il en fait l’origine et le modèle de la simplification de l’architecture, plus précisément de la critique de l’ornement :

Et j’ai trouvé surtout l’essentiel : c’est qu’entre le style de l’an 1900 et le style de l’an 1800 la différence est exactement la même qu’entre l’habit de cérémonie de l’an 1900 et l’habit de l’an 1800.

La différence n’est pas grande. L’un était en drap bleu avec des boutons dorés, l’autre est en drap noir avec des boutons noirs. L’habit noir est exactement dans le style de notre temps : personne ne dira le contraire. C’est qu’il a échappé aux soins des réformateurs qui n’ont pas daigné s’occuper de lui. C’est pourquoi nous avons des habits dans le style de notre temps, nous qui n’avons pas de maisons modernes.

Lorsque j’ai eu l’honneur d’être appelé à construire une maison, je me suis donc dit : une maison, depuis cent ans, ne peut pas avoir changé beaucoup. Juste autant et pas plus que la forme de nos habits. Et j’ai regardé comment on bâtissait autrefois et j’ai constaté que de siècle en siècle on s’émancipait davantage de l’ornement. Je devais donc renouer à l’endroit où on avait brisé la chaîne. Et pour rester dans la ligne de l’évolution, je devais simplifier très fortement l’ornementation. Je devais remplacer les boutons dorés par des boutons noirs. Une maison moderne ne devait pas se distinguer, forcer l’attention. N’avais-je pas formulé cette règle : l’homme le mieux habillé, le costume le plus moderne est celui qui attire le moins l’attention ?[33]

D’autre part, ce sont précisément la marche à pied et la bicyclette, en tant qu’elles déterminent un certain type d’habillement, dont Loos décrit l’histoire dans « Les chaussures », une chronique du 7 août 1898. Dans un premier temps, il y décrit comment, au cours de l’histoire, alternent déplacement à cheval et marche à pied, de sorte que le pied change et que le cordonnier doit en permanence s’adapter pour proposer des chaussures conformes à la pratique et au pied qui en résulte. Il insiste notamment sur l’augmentation de la vitesse de la marche, que ce soit dans la vie ordinaire moderne ou à l’armée[34], et sur ses conséquences quant au gros orteil et à la longueur du pied, paramètres essentiels pour un cordonnier ! De manière plus succincte, dans un deuxième temps, il décrit comment l’invention de la bicyclette fut suivie de l’invention d’un habit adéquat, c’est-à-dire d’un pantalon, de chaussettes et de chaussures adaptés[35]. Et là encore, c’est le mouvement particulier, violent, du vélocipédiste qui détermine le nouvel habillement.

S’il n’y avait que cela, le rapprochement entre Loos et Wittgenstein ne serait pas d’un grand intérêt. Il est pourtant plus profond qu’il n’en a l’air, puisqu’en réalité, il en va de la question importante, chez l’un comme chez l’autre, de la dégradation du style. Dans les leçons sur l’esthétique, la simplification de l’habillement et son adaptation à des mouvements violents servent de point de départ pour la clarification de la « théorie de la dégradation », qui est introduite au paragraphe 33 et dont la signification est précisée au paragraphe 34. Le but de Wittgenstein dans ces paragraphes est de montrer, premièrement, que l’on peut se servir du terme de « dégradation » soit pour décrire un type particulier de développement, soit pour exprimer une désapprobation à l’égard de ce développement, et, deuxièmement, qu’il l’utilise dans le premier sens, c’est-à-dire en un sens technique, sans aucune désapprobation. Décrire la simplification de l’habillement et son adaptation aux mouvements violents de la vie ordinaire comme une dégradation du style, ce n’est pas, pour Wittgenstein, désapprouver cette évolution mais simplement la décrire.

Ce faisant, il s’oppose aussi bien à ceux qui la désapprouvent qu’à ceux qui la défendent. Or, Loos est justement celui qui pourrait dire à Wittgenstein, à propos de la simplification de l’habillement : « Mais c’était très bien ». En effet, si Loos s’oppose à ceux qui désapprouvent cette simplification des vêtements et de la culture en général, ce n’est pas pour en faire une description neutre, sans jugement de valeur, mais parce que, pour lui, cette évolution est un progrès et le retour de l’ornement une régression. On pourrait objecter que les concepts de progrès et de régression peuvent eux aussi avoir un sens neutre, n’exprimer aucune désapprobation. Mais Loos est sans ambiguïté sur ce point : l’ornement est un crime voire une faute morale et l’absence d’ornement est le signe d’un haut degré de culture.

Il est vrai, en même temps, que ce qui fonde ses jugements de valeurs, c’est toujours, semble-t-il, la description la plus neutre possible de cette simplification ou de cette adaptation de l’habillement. C’est notamment le cas dans la chronique « Les chaussures », dont la formule initiale, reprise à la fin, est significative :

« Tempora mutantur, nos et mutamur in illis. » Les temps changent, et nous changeons avec eux. C’est ce que font aussi nos pieds. Ils deviennent tantôt petits, tantôt grands, tantôt pointus, tantôt larges. Et le cordonnier fabrique des chaussures tantôt grandes, tantôt petites, tantôt pointues, tantôt larges.[36]

Mais cette formule est en réalité normative : d’un côté, certes, elle se développe dans cette chronique sous la forme d’une description de l’évolution des moyens de transports, mais, d’un autre côté, l’évolution qu’elle décrit est ce sur quoi le cordonnier doit se régler pour produire des chaussures correctes (et ce dont l’oubli peut être un crime). Cela signifie donc que Loos fait de cette description une norme technique (mais aussi une norme morale) qui permet d’apprécier la correction ou non de ce qu’un artisan réalise.

Par conséquent, le propos de Loos est évaluatif et normatif, même s’il semble descriptif, alors que le propos de Wittgenstein est descriptif, même s’il donne l’impression de désapprouver l’évolution vestimentaire en parlant de « dégradation ». On peut donc dire que, si Wittgenstein reprend en effet les exemples de Loos, il leur fait jouer un rôle tout différent : ils ne servent pas la formulation d’une norme, mais la description d’une évolution et, de manière réflexive, la clarification de deux usages du concept de « dégradation ».

La dégradation du style : qu’est-ce qui a réellement été perdu ?

Si Wittgenstein introduit une différence entre description et évaluation qui est absente des chroniques de Loos, il passe pourtant sous silence la différence que ce dernier faisait entre ornement et style. Or, cela n’est pas sans conséquence puisque, pour Wittgenstein, il y a bien une dégradation du style alors que, pour Loos, la dégradation de l’ornement n’est justement pas une dégradation du style de l’époque moderne :

La seconde moitié du XIXe siècle a été remplie du cri des incultes qui clamaient : nous n’avons pas de style. Quelle erreur, et quelle injustice ! Cette époque avait justement un style plus marqué, plus distinct que toutes les époques précédentes ; il s’était produit un changement unique dans les annales de l’architecture. Mais les faux prophètes confondaient, comme toujours, le style et l’ornement. Nous avions un style, mais nous n’avions plus d’ornements.[37]

Wittgenstein ne fait certes pas parti de ceux qui déplorent l’absence de style à l’époque moderne, puisqu’il dit justement décrire sa dégradation sans la juger. Mais cela n’empêche pas que, pour lui, la simplification de l’habillement est une dégradation du style. Or, pour Loos, si cette simplification est bien un cas de la dégradation de l’ornement qui devrait être, par ailleurs, la règle en architecture, elle n’est pourtant pas la dégradation du style moderne : elle en est au contraire l’expression.

En même temps, cette différence ne les empêche pas d’analyser dans les mêmes termes la réaction de ceux qui déplorent la disparition du style et les conséquences négatives de leur réaction. Ce que montre Loos, c’est que la perte apparente du style entraîna un besoin de style, qui prit deux formes successives :

Les gens des académies crurent que la disparition de l’ornement entraînait celle du style. Ils copièrent les ornements anciens jusqu’à ce qu’ils en fussent eux-mêmes dégoûtés. Alors ils se mirent à en inventer de nouveaux, ce qui est le comble de l’inculture. Et maintenant ils sont tout heureux d’avoir inventé « le style du XXe siècle »[38].

A ses yeux, cela eut une conséquence catastrophique : la dégradation de l’artisanat, dans la mesure où l’on « demandait [à l’ouvrier] de reproduire en un jour tous les styles de vingt siècles et de vingt peuples différents »[39] puis qu’on le plaça sous la domination des créateurs de formes nouvelles, les artistes et les architectes.

Or, c’est à ce type d’analyse qui lie imitation et dégradation de l’artisanat, que Wittgenstein fait appel dans le paragraphe 22 de la première leçon sur l’esthétique et dans la note correspondante :

22. Vous pouvez vous faire une image de ce qu’il vous est loisible d’appeler une très haute culture, p. ex. la musique allemande du siècle dernier et du siècle précédent, et de ce qui arrive quand celle-ci se dégrade ; une image de ce qui arrive en architecture lorsque vous voyez des imitations – ou lorsque des milliers de gens portent leur intérêt sur des détails infimes ; une image de ce qui arrive lorsqu’on choisit une chaise de salle à manger plus ou moins au hasard, alors que personne ne connaît son origine.

[Expliquez ce qui arrive lorsqu’un artisanat se dégrade. Une période dans laquelle tout est fixé une fois pour toutes et où on prodigue un soin extraordinaire à certains détails ; et une période dans laquelle tout est objet de copie et rien n’est repensé. – T.

Un grand nombre de gens sont particulièrement intéressés par le détail d’une chaise de salle à manger. Puis il y a une période où une telle chaise se retrouve dans le salon, et personne ne sait d’où elle est venue ni ne se rend compte que naguère des gens ont fait un immense effort de conception pour savoir comment la dessiner. – R.][40]

Il est vrai que Wittgenstein n’adopte pas ici le point de vue de la genèse à propos de la dégradation de l’artisanat, mais, comme Loos, il la caractérise par l’importance qui est accordée à l’imitation, à la copie, sans même que ce qui est imité redevienne familier. De la même manière, la solution ne réside pas non plus dans l’invention de formes nouvelles. On peut comprendre ainsi le projet de préface que l’on trouve dans les Remarques mêlées. Non seulement Wittgenstein se démarque de l’esprit de la civilisation moderne dont « l’activité consiste à construire une structure de plus en plus compliquée »[41], mais en plus il nie que « ce qui se donne aujourd’hui comme architecture [soit] en effet de l’architecture »[42]. La construction de structures nouvelles et de formes nouvelles en architecture est justement pour lui le signe d’une « époque de la non-culture »[43].

Dans cette situation, que faire si l’on refuse à la fois l’imitation des formes anciennes et l’invention de formes nouvelles ? Wittgenstein décrit ainsi la possibilité qu’il a choisie :

On peut restituer en quelque sorte un ancien style dans une nouvelle langue ; on peut, pour ainsi dire, le jouer à nouveau dans un tempo qui soit à la mesure de notre époque. Dans ce cas l’on est, à proprement parler, simplement reproductif. C’est ce que j’ai fait en architecture.

Mon idée cependant n’est pas de rafraîchir un ancien style. Il ne s’agit pas de prendre d’anciennes formes et de les ordonner selon les exigences du goût nouveau. Ce dont il s’agit en réalité, c’est de parler, peut-être inconsciemment, la langue ancienne, mais de la parler de telle manière qu’elle appartienne au monde nouveau, sans pour autant appartenir nécessairement au goût de celui-ci.[44]

Restituer l’ancien style dans la langue de l’époque nouvelle, parler la langue ancienne mais de telle sorte qu’elle appartienne à cette époque, ce n’est évidemment pas inventer de nouvelles formes, puisque l’ancien style les fournit et que l’époque nouvelle a sa langue. Mais ce n’est pas non plus imiter les anciennes formes, puisque ce serait, pour Wittgenstein, simplement les remettre au goût du jour. Il s’agit au contraire de les inscrire véritablement dans le monde nouveau, mais malgré ce monde nouveau ou quoi qu’il en soit de ses goûts.

En cela Wittgenstein rejoint Loos, au sens où ce dernier cherchait à défendre l’époque nouvelle contre elle-même, contre son goût pour l’imitation ou l’invention de formes nouvelles. Il semble même qu’on puisse rapprocher la volonté de Wittgenstein de restituer un ancien style avec celle de Loos de renouer avec la tradition :

En lieu et place du type d’architecture qu’on enseigne dans nos hautes écoles – architecture qui consiste pour une part à adapter les styles passés à nos nouveaux besoins, pour une autre part à chercher un style nouveau –, au lieu de ce programme donc je propose mon propre enseignement : la tradition.

Au début du XXe siècle nous avons abandonné la tradition. C’est à ce point que j’entends renouer.[45]

Mais s’agit-il vraiment de la même chose ? Dans le cas de Wittgenstein, que s’agit-il d’inscrire dans l’époque nouvelle, et quelle relation temporelle cela entretient-il avec elle ? Si l’on suit Jean-Pierre Cometti et P. Wijdeveld, sa maison, par la forme et la hauteur des fenêtres de façade, s’apparente aux « édifices baroques »[46], et si l’on suit J. Bouveresse, elle ressemble davantage « à une sorte de demeure princière d’un classicisme grandiose »[47]. Notons surtout que dans les deux cas, cette maison restitue un ancien style, et qui plus est un ancien style artistique. Or, ce n’est justement pas ce avec quoi Loos veut renouer. Que signifie en effet « renouer avec la tradition » ? Citons la suite du passage dans lequel Loos se moquait des gens des académies, heureux d’avoir inventé « le style du XXe siècle », après s’être lassé de l’imitation des anciennes formes :

Mais le style du XXe siècle est tout autre chose. Il y a autour de nous quantité d’objets qui sont du plus pur XXe siècle. Ce sont tous les objets que fabriquent les artisans libres, les artisans qui n’ont pas été mis en tutelle. Par exemple les tailleurs, et aussi les cordonniers, les bourreliers, les constructeurs de voitures, les fabricants d’instruments de précision, bref, tous ceux qui ont échappé au déracinement général, parce que leurs métiers n’ont pas paru assez distingués aux réformateurs pour être appelés à bénéficier de leurs réformes. Ce sont d’heureuses exceptions. Avec ces restes que m’abandonnaient mes confrères les architectes j’ai pu reconstituer, il y a douze ans, la menuiserie moderne, la menuiserie que nous aurions, si les architectes n’avaient jamais fourré leur nez dans les boutiques des menuisiers.[48]

Ce que Loos oppose à l’imitation des styles passés ou à l’invention de styles nouveaux, ce n’est pas la restitution et la réinscription dans l’époque nouvelle d’un style ancien de nature artistique, mais la redécouverte de traditions qui sont de nature artisanale (1), qui n’appartiennent pas au passé mais qui sont la modernité-même (2), qui sont le style de notre époque (3)[49]. Sur le premier point, il est vrai que Wittgenstein a fait preuve dans sa construction de ce sens artisanal, mais il nous semble aussi que le « style ancien » dont il parle dans les Remarques mêlées est de nature artistique. Le deuxième élément nous semble par contre marquer bien davantage la différence entre Loos et Wittgenstein. Alors que Wittgenstein se réfère à un style ancien, qui n’est plus, Loos se réfère à des traditions qui sont celles de l’époque moderne et que l’on reconnaîtrait comme telles si les artistes ne les avaient pas masquées et dégradées avec l’imitation de formes anciennes ou l’invention de formes nouvelles. Renouer avec ces traditions, ce n’est donc pas les reproduire et les faire revivre dans le présent, mais découvrir la modernité de notre époque. Enfin, il ne s’agit pas pour Loos d’imiter, d’inventer ou encore de restituer un style pour l’époque moderne, mais de redécouvrir ce qu’elle a, puisque « Le style de notre temps, nous l’avons déjà »[50]. En effet :

Seules les productions de ces artisanats représentent le style de notre temps. Elles sont si bien dans le style de notre temps que nous ne les considérons pas comme des objets de style, ce qui est le seul critère décisif d’appartenance à une époque. Ils sont intimement mêlés à notre pensée et à notre sensibilité. Nos voitures, nos verres, nos instruments d’optique, nos parapluies et nos cannes, nos valises et nos selles, nos étuis à cigarettes, nos bijoux et nos vêtements sont modernes [51].

Concluons en soulignant qu’à côté des approches privilégiant le contexte viennois, l’architecture ou encore la méthode philosophique, celle qui se focalise sur la matière des leçons sur l’esthétique a sa fécondité. Elle permet de montrer dans des détails la contribution de Loos à l’esthétique et à la philosophie de la culture de Wittgenstein, c’est-à-dire à la clarification de la nature du jugement esthétique, de la dimension sociale des critères permettent de juger et de la solidarité du jugement avec un certain état de la culture et son style. Or, c’est sans doute dans cette solidarité du jugement avec la culture que réside la différence entre Loos et Wittgenstein. Ce n’est pas que l’un défend cette solidarité et que l’autre la nie, mais qu’ils jugent différemment l’état de l’époque moderne. Pour Loos, il y a bien un style moderne qui est masqué et dégradé par ce besoin de style qui s’exprime aussi bien dans l’imitation des formes anciennes que dans l’invention de formes nouvelles. Et décrire ce style – le dépouillement progressif des ornements – c’est décrire ce qui doit être, sur ce sur quoi l’on doit se régler pour être mis correctement, pour produire des meubles corrects… La question qu’on peut poser à partir des remarques de Wittgenstein est alors : à supposer que le style mais aussi l’artisanat, la culture, les pratiques artistiques, se dégradent, comment être mis correctement ? Comment même juger correctement ?

Pierre Fasula (Université Paris 1 – Phico/ExeCo)
ATER et doctorant à Paris 1, sous la direction de Christiane Chauviré (Paris 1) et sur le sujet suivant : « Le sens du possible chez Musil et Wittgenstein ».
-Bouveresse J., Essais I : Wittgenstein, la modernité, le progrès et le déclin, Marseille, Agone, 2000.
-Chauviré C., Wittgenstein, Paris, Seuil, 1989.

-Engelmann P., Lettres, rencontres, souvenirs, tr. fr. F. Latraverse, Paris, L’éclat, 2010.

-Gebauer G. et al., Wien-Kundmanngasse 19, Bauplanerische, morphologische und philosophische Aspekte des Wittgenstein-Hauses, Munich, Wilhem Fink Verlag, 1982

-Janik A. et Toulmin S., Wittgenstein, Vienne et la modernité, tr. fr. J. Bernard, Paris, PUF, 1978.

-Janik A., Assembling reminders, Studies in the genesis of Wittgenstein’s concept of philosophy, Stockholm, Santérus Academic Press, 2006.

-Leitner B., The Architecture of Ludwig Wittgenstein, London, Academy Editions, 1995.

-Loos A., Paroles dans le vide (1897-1900), tr. fr. C. Heim, Paris, Ivréa, 1994.

-Loos, Malgré tout, tr. fr. C. Heim, Paris, Ivréa, 1994, dans le même volume que Paroles dans le vide.

-McGuiness B., Wittgenstein. Les années de jeunesse : 1889-1921, tr. fr. Y. Tenenbaum, Paris, Seuil, 1991.

-Monk R., Wittgenstein. Le devoir de génie, tr. fr. A. Gerschenfeld, Paris, Odile Jacob, 1993.

-Poisson C. (éd.), Penser, dessiner, construire. Wittgenstein et l’architecture, Paris, L’éclat, 2007.

-Wijdeveld P., Ludwig Wittgenstein. Architect, Amsterdam, The Pepin Press, 2000.

-Wittgenstein L., Remarques mêlées, tr. fr. G. Granel, Paris, Flammarion, 2002.

-Wittgenstein L., Leçons et conversations, tr. fr. J. Fauve, Paris, Gallimard, 1992.


[1] B. McGuiness, Wittgenstein. Les années de jeunesse : 1889-1921, tr. fr. Y. Tenenbaum, Paris, Seuil, 1991, notamment les chapitres 7 et 8.

[2] R. Monk, Wittgenstein. Le devoir de génie, tr. fr. A. Gerschenfeld, Paris, Odile Jacob, 1993, notamment la 1ère partie.

[3] C. Chauviré, Wittgenstein, Paris, Seuil, 1989, pp. 108-116.

[4] A. Janik et S. Toulmin, Wittgenstein, Vienne et la modernité, tr. fr. J. Bernard, Paris, PUF, 1978.

[5] J. Bouveresse, « Les derniers jours de l’humanité », in : Critique, n°339-340, 1975, p. 753-805, reproduit dans Essais I : Wittgenstein, la modernité, le progrès et le déclin, Marseille, Agone, 2000, pp. 1-51.

[6] P. Engelmann, Lettres, rencontres, souvenirs, tr. fr. F. Latraverse, Paris, L’éclat, 2010.

[7] P. Wijdeveld, Ludwig Wittgenstein. Architect, Amsterdam, The Pepin Press, 2000.

[8] B. Leitner, The Architecture of Ludwig Wittgenstein, London, Academy Editions, 1995.

[9] J. Bouveresse, « Wittgenstein et l’architecture », reproduit dans Essais I, op. cit., pp. 125-137.

[10] Cf. notamment les articles d’A. Janik et G. Hagberg in : C. Poisson (éd.), Penser, dessiner, construire. Wittgenstein et l’architecture, Paris, L’éclat, 2007.

[11] L. Wittgenstein, Remarques mêlées [désormais RM], tr. fr. G. Granel, Paris, Flammarion, 2002, p. 74.

[12] A. Janik, Assembling reminders, Studies in the genesis of Wittgenstein’s concept of philosophy, Stockholm, Santérus Academic Press, 2006, chapitre 7.

[13] Nous pensons à G. Gebauer, « Die Syntax der Sprache » et à L. Rentschler, « Das Haus Wittgenstein : ein morphologische Interpretation », in : G. Gebauer et al., Wien-Kundmanngasse 19, Bauplanerische, morphologische und philosophische Aspekte des Wittgenstein-Hauses, Munich, Wilhem Fink Verlag, 1982, pp. 219-238 pour le premier, pp. 77-163 pour le second.

[14] J. Bouveresse, « Wittgenstein et l’architecture », op. cit., p. 133.

[15] G. Gebauer, « Die Syntax der Sprache », op. cit., p. 221.

[16] RM, p. 74.

[17] A. Janik, Assembling reminders, op. cit., p. 174.

[18] A. Loos, Paroles dans le vide (1897-1900) [désormais PV], tr. fr. C. Heim, Paris, Ivréa, 1994.

[19] A. Loos, Malgré tout [désormais MT], tr. fr. C. Heim, Paris, Ivréa, 1994, dans le même volume que Paroles dans le vide, p. 191 : « Donc, ils [les membres du Deutscher Werkbund] ont fini par se réunir et ont siégé à Munich. Une fois de plus, ils ont rappelé à nos industriels et à nos artisans à quel point ils étaient importants. Pour justifier leur existence, ils ont commencé par raconter – il y a de cela dix ans – qu’ils devaient introduire l’art dans l’artisanat. L’artisan, en effet, ne s’en souciait pas. Il était beaucoup trop moderne pour cela. L’homme moderne voit dans l’art une divinité de haut rang ; à ses yeux, c’est lui porter atteinte que de la prostituer dans les objets d’usage.

[20] L. Wittgenstein, Leçons et conversations [désormais LC], tr. fr. J. Fauve, Paris, Gallimard, 1992, p. 19.

[21] Id., p. 22.

[22] PV, p. 17.

[23] Ibid.

[24] Id., p. 18.

[25] LC, p. 15.

[26] PV, pp. 18-19.

[27] MT, p. 206.

[28] Cf. le projet de préface dans les Remarques mêlées, p. 58, où Wittgenstein oppose la civilisation européenne et américaine contemporaine et la culture véritable.

[29] LC, pp. 23-24.

[30] Ibid.

[31] Id., p. 28.

[32] Id., p. 32.

[33] MT, p. 224.

[34] PV, p. 63 : « Il nous est devenu impossible de marcher aussi longtemps que nos ancêtres ; nous sommes devenus trop nerveux. Au XVIIIe siècle encore, les soldats marchaient à un rythme qui nous ferait penser à une succession de stations sur un pied et qui nous fatiguerait vite. L’accélération de la marche apparaît clairement lorsqu’on sait que l’armée de Frédéric II de Prusse faisait 70 pas à la minute alors qu’une armée moderne en fait 120. »

[35] Id., pp. 65-66 : « Le vélocipédiste est l’ascensionniste de la plaine. C’est pourquoi il s’habille comme ce dernier. Il n’a que faire des bottes et du pantalon long. Il porte un pantalon qui s’élargit aux genoux et se termine par des bandes élastiques que les chaussettes retroussées viennent recouvrir (elles sont retroussées dans les Alpes aussi bien qu’en Écosse, afin de ne pas tomber). Aussi le genou a-t-il suffisamment de jeu sous le pantalon, pour qu’il devienne possible de tendre et de fléchir la jambe sans difficultés. […] Les pieds du vélocipédiste se chaussent de souliers à lacets comme ceux du montagnard. »

[36] Id., p. 62.

[37] MT, p. 223.

[38] Ibid.

[39] Id., p. 220.

[40] LC, pp. 26-27.

[41] RM, p. 59.

[42] Id., p. 58.

[43] Ibid.

[44] Id., pp. 127-128.

[45] MT, pp. 231-232.

[46] RM, p. 193, note 7.

[47] J. Bouveresse, Essais I, op. cit., p. 130.

[48] MT, p. 223.

[49] Pour Loos, c’est von Scala, le directeur du Musée autrichien, qui a montré la voie (et qui choqua effectivement les autrichiens) : copier les meubles anglais. Cela peut paraître étonnant après le refus de l’imitation des styles anciens, mais regardons les deux principes à respecter selon Loos : « Il est permis de copier, à condition de copier rigoureusement » et « En matière de meubles modernes, c’est le style anglais qui donne le ton. » (PV, p. 86). Il ne s’agit donc pas de réutiliser un style ancien pour des meubles modernes, ni même de copier des meubles anciens, mais de copier des meubles modernes.

[50] Id., p. 195.

[51] Id., p. 193.

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