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État de nature et contrat sexuel dans le monde post-apocalypse de The Walking Dead (II)

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Keivan Djavadzadeh-Amini (Université Paris 8, LabTop)

Une communauté fondée sur le contrat sexuel : le corps féminin approprié

Dans Le contrat sexuel, paru en 1988 mais traduit tardivement en France, Carole Pateman énonce une critique féministe radicale des théories contractualistes : le contrat social qui fait passer les « hommes »[1] de l’état de nature à la société civile n’instaure pas une liberté et une égalité civiles pour l’ensemble de l’humanité. C’est en maintenant les femmes dans une position subalterne que les hommes s’élèvent politiquement. Le contrat social se fonde donc sur ce qu’elle nomme un contrat sexuel :

Le pacte original est un contrat sexuel autant qu’un contrat social : il est sexuel au sens où il est patriarcal – dans la mesure où il établit le droit politique des hommes sur les femmes – et au sens où il instaure un accès réglé des hommes aux corps des femmes. Le contrat originel crée ce que j’appellerai, à la suite d’Adrienne Rich, « la loi du droit sexuel masculin ». Loin de s’opposer au patriarcat, le contrat est le moyen par lequel le patriarcat moderne est constitué[2].

Ce qu’a organisé le contrat sexuel (« l’envers refoulé du contrat social »), c’est le partage (hiérarchique) classique dans la théorie politique moderne entre sphère privée et sphère publique, les femmes étant relayées dans la sphère privée tandis que les hommes occupent l’espace public valorisé. C’est ce partage qui instaure la subordination des femmes. Je vais dans cette seconde partie montrer que la sortie de l’état de nature (qui s’incarne ici dans le monde post-apocalypse sauvage) et l’entrée dans le monde politique (la communauté) se fait par le biais d’un tel contrat sexuel, organisé autour d’une économie domestique genrée. Cette partie sera donc consacrée à l’étude du sexage des femmes dans la communauté. J’emprunte ce terme à Colette Guillaumin qui l’introduit comme suit dans Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L’idée de nature :

Ce qui nous concernera ici est l’appropriation physique elle-même, le rapport où c’est l’unité matérielle productrice de force de travail qui est prise en main, et non la seule force de travail. Nommé « esclavage » et « servage » dans l’économie foncière, ce type de rapport pourrait être désigné sous le terme « sexage » pour ce qui concerne l’économie domestique moderne, lorsqu’il concerne les rapports de classes de sexe[3].

Ces rapports de sexage prennent les traits d’un certain nombre d’expressions particulières. Dans The Walking Dead, ces expressions s’articulent principalement autour de deux axes qui sont : (1) le travail domestique ; (2) l’appropriation du « ventre » des femmes.

Le travail domestique

Dans la communauté que nous suivons, une stricte division sexuelle du travail est observée. Les hommes ont pour travail de protéger les membres jugés « invalides » de la communauté (invalides par l’âge, les enfants, ou par le sexe, les femmes) tandis que les femmes assurent le travail domestique : elles font la lessive, préparent les repas, s’occupent des enfants et des infirmes… Autant de tâches peu gratifiantes et à ce titre, plus encore que dans le monde réel, invisibilisées dans la fiction. Car on ne montre pas ce qui par définition n’est pas intéressant. C’est pourquoi on ne voit finalement que très peu les femmes préparer à manger, faire la vaisselle ou encore s’occuper des enfants. Car ainsi que le remarquaient déjà Barbara Ehrenreich et Deirdre English en 1975, « personne ne remarque rien, jusqu’au moment où tout est en désordre ; nous voyons le lit défait, mais pas le parquet nettoyé et ciré »[4]. Et effectivement, les rares moments où sont évoqués le travail des femmes dans la communauté, c’est lorsqu’un raté se produit ou qu’un élément extérieur vient l’interrompre (le travail des femmes n’est jamais montré pour lui-même) : lorsqu’un enfant a été mal gardé par sa mère ou la femme qui s’en est vue confier la charge, lorsqu’une lessive est interrompue par un mari jaloux et violent… Pour illustrer l’invisibilisation du travail des femmes dans la série, je vais m’appuyer sur une scène du cinquième épisode de la deuxième saison. À ce moment de la série, la communauté a trouvé refuge dans la ferme d’un ancien vétérinaire, Hershel Greene. Cet épisode s’ouvre, après le générique, sur un dialogue entre Lori et Carol, sur fond de travail de lessive (l’un des deux seuls moments de la série où ce travail est filmé). Carol soumet à Lori l’idée d’organiser un vrai repas pour remercier Hershel de son hospitalité :

Carol : J’ai eu une idée que je voulais te soumettre.

Lori : Qu’est-ce que c’est ?

Carol : Leur grande cuisine m’a fait réfléchir. Ça ne me dérangerait pas de me remettre aux fourneaux dans une vraie cuisine. Peut-être qu’on pourrait tous s’y mettre et faire un vrai repas pour Hershel et sa famille[5].

De la préparation du repas, l’épisode ne montre rien. Néanmoins, si « tous » sont préposés à l’organisation du repas, on apprend par l’intermédiaire de la fille de Hershel que « Carol et Lori préparent le dîner ce soir ». Du dîner, nous ne verrons pas la préparation par les deux femmes, seulement le résultat final, sa consommation. Travail invisible donc. On observe bien une stricte division sexuelle du travail. Seul un personnage féminin ne se conforme pas à ce partage hiérarchique des tâches. Il s’agit d’Andrea, seul personnage féminin à porter une arme et, qui plus est, à savoir s’en servir aussi bien, voire mieux, que les hommes. Dans la division sexuelle du travail à l’œuvre dans la communauté, Andrea a donc le même travail valorisé que les hommes. Pourtant, pour avoir dérogé à son statut de subalterne et pour s’être fait « homme » dans le travail, Andrea s’expose au mépris de Lori. Alors qu’Andrea expose son expérience des tentations suicidaires, elle est rappelée à l’ordre (patriarcal) par Lori :

Andrea : Je suis passé par là [les pensées suicidaires] !

Lori : Et tu es devenue un membre tellement actif dans le groupe ! […]

Andrea : Je contribue. J’aide à garder cet endroit sûr !

Lori : Les hommes peuvent se débrouiller tous seuls pour ça. Ils n’ont pas besoin de ton aide !

Andrea : Pardon ? Tu voudrais que je fasse quoi ?

Lori : Oh, il y a plein de choses à faire ici !

Andrea : T’es sérieuse ? Tout s’écroule, et tu en as après moi pour la lessive ?

Lori : Tu fais porter un fardeau inutile au reste du groupe. A moi, à Carole, et Patricia, et Maggie. On fait à manger, on fait le ménage, on s’occupe de Beth… Toi tu ne te soucies que de toi-même. Tu t’assieds sur ce camping car toute la journée et tu bronzes avec un pistolet dans la poche[6].

Dans ce dialogue, on voit clairement que le reproche adressé à Andrea est de ne pas savoir « rester » à sa place. Si les hommes protègent la communauté, Andrea est perçue comme étant incapable d’en faire de même (elle ne fait pas le guet, elle bronze) : car dans la série, une femme ne saurait assurer sa propre protection, et on comprend alors qu’elle serait encore moins à même de protéger les autres. Sa contribution est par conséquent minimisée : les hommes n’ont pas besoin d’une femme pour assurer la protection de la communauté, puisque de toute façon elle en serait bien incapable. Ainsi, Andrea n’est pas un membre actif de la communauté, elle est une « tire-au-flanc ». On observe donc que le seul personnage féminin actif[7] de la série est rappelé à l’ordre par Lori, qui assure la fonction de police du genre : fais à manger, fais le ménage, et laisse les hommes assurer notre protection. C’est justement autour du personnage de Lori que se joue l’autre expression privilégiée du sexage dans The Walking Dead.

L’appropriation du « ventre » des femmes

L’une des intrigues principales de la saison 2 est la grossesse de Lori, qu’elle dissimule au reste de la communauté, à son mari Rick compris. On apprend la grossesse de Lori dans l’épisode 4, lorsque cette dernière, suspectant quelque chose, entreprend un test de grossesse. Le seul au courant est alors Glen, qui lui a ramené le test de grossesse. À partir de ce moment, il ne cessera d’enjoindre Lori à avouer sa grossesse au reste du groupe, à commencer par Rick. Il ne cessera de se montrer insistant à ce sujet. Si Lori a toujours occupé une position subalterne en raison de son genre, sa grossesse la place définitivement du côté des infirmes. Lori a perdu le droit sur son corps, qui revient désormais de droit sinon à Rick :

Glen : T’es enceinte ! Il te faut des vitamines, des médicaments, un bon oreiller… Tu peux avoir ma ration.

Lori : Je ne veux pas de ta ration, ok ? Manges !

Glen : Tu dois manger, tu es trop maigre ! Si tu ne laisses pas Rick s’occuper de toi, quelqu’un devra le faire. Lori, il te faut un entourage médical[8].

On voit clairement ici que Lori n’est plus considérée comme s’appartenant. Elle est désormais responsable d’une autre « vie ». Son corps ne lui appartient plus, si tant est qu’il lui ait jamais appartenu dans le cadre de la communauté. Sitôt que sa « condition médicale » est identifiée, Lori nécessite une prise en charge médicale qui fonde sur elle un rapport de pouvoir, selon des modalités décrites par Michel Foucault dans La volonté de savoir[9]. Les demandes de Glen sont donc de plus en plus pressantes auprès de Lori pour qu’elle « confesse » sa grossesse au reste du groupe. Lori demande alors à Glen de faire un autre tour en ville pour lui ramener quelque chose de la pharmacie, en lui dissimulant qu’il s’agit de pilules du lendemain. Pourquoi des pilules du lendemain, qui n’ont aucune compétence en matière d’interruption de grossesse ? Aucune réponse n’est vraiment apportée dans la série, et on ne questionne que très peu ce choix. C’est à peine si un doute est émis par Glen. Ce dernier ramène quoi qu’il en soit ces pilules du lendemain, mais également des vitamines prénatales :

Glen : Les pilules du lendemain. Elles vont marcher ?

Lori : Je ne sais pas. Et je ne sais même pas si j’en veux.

Glen : J’ai celles-ci aussi, juste au cas où.

Lori : Des vitamines prénatales… C’est un sacré choix.

Glen : Je suis content que ce ne soit pas le mien.

Pourtant, si le choix n’est pas le sien, Glen fait clairement pression sur Lori pour qu’elle n’interrompe pas sa grossesse. Certes, le choix lui appartient mais Glen, en rapportant des vitamines prénatales, « juste au cas où », ne cache pas sa préférence. D’ailleurs, il lève partiellement cette ambiguïté quelques instants plus tard en rajoutant : « Je ne peux pas te dire quoi faire, je n’aurais jamais pu te dire un truc pareil. Mais ton choix, peut-être que tu ne devrais pas le faire seule »[10]. Ce n’est donc pas à Glen de choisir, mais pas tout à fait à Lori non plus. Cela parce que Lori ne s’appartient pas dans la communauté. Elle n’est jamais que l’épouse de Rick, donc sa propriété : première dame certes, mais propriété plutôt que sujet. Colette Guillaumin note à propos des femmes : « en tant que possessions, toute parole sur eux n’est convenable que dans la bouche du propriétaire »[11]. Lori est néanmoins une possession convoitée à la fois par Rick, le propriétaire légitime, et par Shane, qui en réclame la possession au nom de leur relation passée. C’est pourquoi l’une des intrigues secondaires est la lutte entre Rick et Shane quant à la possession de Lori. Une lutte qui se solde par la mort de Shane. Rick est désormais le seul propriétaire de Lori, et Lori garde « l’enfant ». L’ordre patriarcal est stabilisé, la communauté aussi.

 

Conclusion

Dans cet article, j’ai essayé de montrer que la fiction politique à l’œuvre dans The Walking Dead ne remplit qu’à moitié son rôle : certes elle nous plonge dans un monde post-apocalyptique, mais cette plongée dans l’état de nature ne s’accompagne pas d’une réflexion sur ce qui fonde une société. La série se contente de reproduire ce qu’elle juge être « la réalité », sans jamais l’interroger, d’où un positivisme jamais démenti au fil des épisodes. Or, le but d’une fiction est précisément de questionner cette réalité « objective », de la mettre en abyme ou encore de mettre en cause ses fondements. De cela, il n’est jamais vraiment question dans The Walking Dead. Pour illustrer cela, j’ai choisi dans cet article de centrer mon propos sur le contrat sexuel qui préside à l’entrée des hommes et des femmes dans la communauté de survivants. Ce sexage des femmes prend principalement deux formes : la division sexuelle du travail, qui réserve aux femmes les seules tâches domestiques, et ce que j’ai nommé l’appropriation du « ventre » des femmes. Dans le premier cas, les femmes sont invisibilisées car on ne filme que ce qui présente de l’intérêt pour le spectateur (on filme donc les attaques de zombies et les hommes qui s’en défendent, mais pas les femmes qui font la lessive ou préparent le repas). Ce qui explique les nombreuses critiques portées à l’encontre du personnage de Lori, jugé ennuyeux. C’est autour de Lori que j’ai présenté la seconde expression du sexage des femmes. En découvrant sa grossesse, Lori cesse de s’appartenir, elle est désormais responsable d’une autre « vie » (peu importe qu’elle souhaite la garder ou non). Et ses choix, elle ne doit pas les faire seule. Car Lori est une possession sur qui son mari Rick, le propriétaire, a le dernier mot. Ce qui est problématique, c’est que les fictions ne sont pas que des reflets du réel, elles contribuent également à le façonner. Et les identités sexuées offertes dans la série n’ouvrent pas de possibilité de réappropriation subversives. Dans son « Manifeste Cyborg », Donna Haraway note que « nous avons tous été colonisés par ces mythes de l’origine et leur espoir d’une apocalypse rédemptrice »[12]. Mais ici, la fin du monde ne signifie pas que de nouvelles règles seraient dessinées. Les normes de genre ont survécu à la fin du monde : les hommes sont morts (vivants), vive les hommes ! C’est à ce titre que The Walking Dead, en tant que mythe politique, est authentiquement conservateur.

Ouvrages :

  • John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 1991, 202 p.
  • Judith BUTLER, Humains/Inhumains. Le travail critique des normes, Paris, Amsterdam, 2005, 154 p.
  • Michel de Certeau, L’invention du quotidien. Les arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, 347 p.
  • Elsa Dorlin, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La découverte, 2006, 308 p.
  • Colette GUILLAUMIN, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes, 1992, 239 p.
  • Stuart HALL, Identités et cultures. Politiques des cultural studies, Paris, Amsterdam, 411 p.
  • Thomas HOBBES, Léviathan, Paris, Gallimard, 2000, 1027 p.
  • Carole PATEMAN, Le contrat sexuel, Paris, La Découverte, 2010, 332 p.
  • Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Paris, Flammarion, 2006, 256 p.
  • Thibault de Saint Maurice, Philosophie en séries, Paris, Ellipses, 2009, 176 p.
  • Joan Scott, La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l’Homme, Paris, Albin Michel, 1998, 287 p.
  • Yvonne D. Sims, Women of Blaxploitation. How the Black action film heroine changed American Popular culture, McFarland & Company, 2006, 224 p.
  • Monique WITTIG, La pensée straight, Paris, Amsterdam, 20107, 119 p.

Articles :

Audiovisuel :

  • The Walking Dead (AMC, 2010-), Saisons 1 & 2.

[1] J’emploie le mot entre guillemets, car là réside toute l’ambiguïté du langage du contrat social. Qui est donc ce « nous les hommes » ? Derrière cet universalisme abstrait, il s’agit de montrer que les « hommes » ne désigne en réalité rien d’autre… que les hommes eux-mêmes (et seulement eux). Voir Joan Scott, La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l’Homme, Paris, Albin Michel, 1998, 287 p.

[2] Carole Pateman, op. cit., p. 23.

[3] Colette Guillaumin, Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L’idée de nature, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 19.

[4] Barbara Ehrenreich et English Deirdre, « The Manufacture of Houseworks » in Socialist Revolution, n° 26, vol. V, n° 4 (octobre-décembre 1975), p. 6. Cité in Angela Davis, Femmes, race et classe, Paris, Editions des femmes, 1983, p. 155.

[5] The Walking Dead, 2X05.

[6] The Walking Dead, 2X10.

[7] Par « actif », j’entends qu’Andrea est l’un des seuls personnages féminins dont on montre les actions dans la série. Comme je l’ai expliqué précédemment, on ne filme pas les scènes de lessive ou la préparation du repas, mais on filme la chasse aux rôdeurs : on montre « l’action ».

[8] The Walking Dead, 2X06.

[9] Michel Foucault, « Droit de mort et pouvoir sur la vie » in La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, pp. 177-211. Le savoir, médical notamment, est à la fois effet et instrument du pouvoir. Voir aussi Elsa Dorlin, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La découverte, 2006, 308 p. Dans cet ouvrage, l’auteure montre comment l’élaboration de discours médicaux sur certaines populations a conjointement construit des rapports de subordination.

[10] The Walking Dead, 2X06.

[11] Colette Guillaumin, op. cit., p. 26.

[12] Donna Haraway, « Manifeste Cyborg. Science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXème siècle » in Manifeste Cyborg et autres essais, Paris, Exils Editeur, 2007, 333 p.

1 Comment

  1. Bonjour,

    Il me semble que votre réflexion passe complètement à côté du sujet, pour ne pas dire qu’il porte en lui des intentions politiques.
    Les dernières saisons nous prouvent soit que TWD a rectifié le tir, soit que vous vous étiez trompé, mais je pencherais pour la seconde option, et vais vous expliquer pourquoi.

    Tout d’abord, la place des personnages féminins est totalement modifiée. Rick Grimmes reste certes le personnage principal, le héros de la série, mais des personnages comme Micheonne, Carol, Maggie, Deanna ont fait plus qu’émerger.
    Carol a digéré la mort de son mari et peu à peu pris une emprise sur le groupe et sur certains de ses personnages (Daryl, puis Rick). Deanna dirige le fameux village d’Alexandria. Maggie a elle longtemps eu le dessus dans le couple qu’elle forme avec Glenn, décidant pour eux, et représentant le personnage fort du couple. Enfin, Micheonne n’a jamais eu besoin de personne pour se défendre.
    Je crois que votre analyse écarte d’emblée toute période transitoire. Le personnage de Rick par exemple a connu une évolution lente et constante pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui. Le rapport homme/femme et les normes de groupe également.

    La phase que décrit les saisons 1 et 2 est une phase post-apocalyptique, d’un groupe se formant pour se garantir protection (à l’image de ce que décrit Hobbes dans le Léviathan notamment). Le danger les guette néanmoins constamment, jusqu’à récemment.
    Il me semble que l’apocalypse justement, n’est pas une révolution féministe. La « prise de pouvoir » des rôdeurs n’a pas vocation à bouleverser la place de la femme dans la société, et ce groupe en quête de sécurité est aussi et avant tout en quête de repères sociaux, normatifs et sociaux.
    La solution de facilité est celle de se rapprocher des repères qu’ils avaient avant le début de l’infection, et c’est celle qui est choisie.
    Au fur et à mesure, les rapports individuels évoluent, chacun sachant manier une arme et « s’occuper des rôdeurs ». C’est ce critère là qui constitue le critère de respectabilité. Car oui, il y a deux groupes qui se constituent systématiquement au sein de la société dirigée par Rick : ceux qui savent se défendre par eux-mêmes, et ceux qui ne le savent pas. Ceux qui acceptent que les rôdeurs ne soient plus humains, et ceux qui ne le comprennent pas. Et c’est constamment sur cette opposition binaire que se fondent tous les rapports de pouvoir.

    Enfin, il me semble que vos exemples sont utilisés à dessein. En tout cas je n’en ai pas la même interprétation.
    Concernant la discussion que vous rapportez entre Andrea et Lori :
    Ce que démontre cette discussion ce n’est pas tant qu’Andrea n’est pas à sa place pour la production de TWD, c’est l’incompréhension totale par Lori du monde dans lequel elle vit. Au fond, TWD montre que c’est Andrea qui est dans le vrai.
    Dans cette même saison il y a ce moment où Hershel n’accepte pas que les rôdeurs dans la grande ne soient plus humains. Or Hershel n’est pas une femme, donc on ne peut pas dire que cette série soit sexiste sur ce point.
    De plus, vous dites que Lori fait fonction de police du genre, alors que dans la foulée vous faites état de sa volonté initiale de ne pas conserver le bébé, qui est précisément un signe d’insoumission, d’affirmation de soi, et d’autonomie, caractères que vous lui niez à chaque fois que vous faites mention de ce personnage.
    Dans ce comportement elle fait à mon sens preuve de raison, par opposition à la passion. Or, si comme vous nous le dites, les femmes n’existent que via ce fameux contrat sexuel au sein du couple qu’elles forment avec l’homme, elles ne sont donc pas capables de raison seules.

    En conclusion et pour reprendre l’ensemble je dirais que cette série n’a rien de sexiste. Elle démontre au contraire le sexisme de nos sociétés actuelles. En ses deux premières saisons, on voit une évolution lente mais constante des rapports de pouvoir au sein de groupes mouvants. Ces mouvements dans les groupes (morts, divisions, fusions) ralentissent le processus d’évolution des normes sociales, morales, politiques et proto-juridiques, mais nous sommes bien forcés de constater cette évolution, qui n’a absolument rien de sexiste, et ne repose plus depuis longtemps (je vous réponds avec un avantage de plusieurs saisons supplémentaires) sur ce fameux contrat sexuel, si tant est qu’il ait existé.
    Toute dernière chose, vous constaterez qu’au fil de l’histoire l’image du soldat masculin a été construite, entretenue, et demeure largement majoritaire tant dans les faits que dans l’imaginaire collectif. L’idée que la violence serait un caractère potentiellement attribué aux hommes – je vous laisse consulter les pourcentages d’actes violents en tous genres accomplis par les hommes et ceux accomplis par les femmes, prenez le taux d’homicide par exemple – n’a rien d’abstrait, et c’est ce qui est porté dans le début de la série, qui démontre simplement une adaptation plus aisée pour les personnes habituées à user de la violence légitime (Rick, Shane) ou non (Merle, Daryl,…). Dans cette adaptation là, l’existence d’une société antérieure qui en définit les traits est importante, et c’est à mon sens ce que vous oubliez principalement.

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