Ethique et normesl'éthique dans tous ses étatsune

Définition et éthique du paternalisme libertarien (2)

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Adrien Barton KTH Royal Institute of Technology, Stockholm

      III.         Evaluation éthique du paternalisme libertarien

Nous allons présenter dans un premier temps les avantages du paternalisme libertarien, puis les problèmes éthiques qu’il soulève (en montrant comment ceux-ci interfèrent avec l’autonomie des agents), et enfin évaluer comment limiter ces difficultés afin de rendre un nudge plus acceptable.

A.   Les bénéfices du paternalisme libertarien

Le premier bénéfice évident du paternalisme libertarien, celui que mettent en avant constamment Thaler et Sunstein, est le gain en bien-être (au sens classique du terme : la santé, la fortune…) des individus nudgés. Mais la mise en place de nudges peut entraîner un autre avantage, moins évident de prime abord, à savoir un gain en autonomie du sujet. Certes, les nudges interfèrent toujours avec la première dimension de l’autonomie (l’indépendance), car ils constituent une forme de manipulation (cf. Wilkinson, 2013 pour une analyse précise des rapports entre nudges et manipulation). Cependant, ils peuvent également bénéficier à la seconde dimension de l’autonomie (l’auto-régulation) des individus nudgés ; par exemple, un nudge pourra aider un agent à mieux réguler sa consommation, ses dépenses, ou ses projets, et donc à vivre en accord avec une règle qu’il s’est lui-même fixée. Si l’on considère cette deuxième dimension de l’autonomie comme plus importante que l’indépendance (cf. Barton, 2013), on peut conclure que certains nudges apportent un net bénéfice à l’autonomie des agents nudgés.

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B.    Les problèmes éthiques posés par le paternalisme libertarien

De manière évidente, un nudge constitue une forme de manipulation, et de ce fait interfère avec la première dimension de l’autonomie de l’agent – son indépendance. Toutefois, il pose également une gamme d’autres problèmes que nous allons maintenant examiner.

1)    Le choix des valeurs privilégiées

Rizzo & Whitman (2008) et Grüne-Yanoff (2012) remarquent qu’un architecte de choix est en situation d’imposer ses valeurs : en arrangeant l’environnement de manière à ce qu’il bénéficie aux agents, l’architecte de choix utilise (au moins implicitement) une certaine conception du « bien ». On peut donc craindre que la mise en place d’un nudge ne respecte pas le pluralisme et la subjectivité des valeurs. Il est vrai que les nudges suggérés par Thaler et Sunstein privilégient généralement des valeurs relativement consensuelles, telles que la santé ou la fortune des individus. Mais Mitchell (2005) remarque que même une valeur telle que la santé n’est pas un bien absolu. Ainsi, il n’est pas nécessairement irrationnel pour un individu de préférer mener une vie intense et insouciante durant sa jeunesse, même si ce mode de vie lui fait perdre quelques années d’espérance de vie. Un nudge qui inciterait une telle personne à « s’assagir » reviendrait à privilégier certaines valeurs (telle que la santé) aux dépends d’autres (le plaisir immédiat), d’une manière que l’on peut estimer à bon droit intrusive dans la vie de l’individu.

Ainsi, même si l’architecte de choix met en place un environnement poussant les individus dans une direction en accord avec les valeurs majoritairement acceptées, ces dernières peuvent aller à l’encontre des valeurs d’une minorité de la population. Pour les membres de cette minorité, de tels nudges interfèrent non seulement avec la première dimension de leur autonomie (l’indépendance), mais également avec la seconde dimension (l’auto-régulation), car ils les poussent dans une direction qui va à l’encontre d’une règle qu’ils se sont eux-mêmes fixée. Il s’agit là probablement du problème éthique le plus sérieux posé par le paternalisme libertarien. Dans la suite, nous allons exposer d’autres problèmes plus spéculatifs mais auxquels il convient néanmoins de prendre garde dès lors qu’un programme paternaliste libertarien est mis en place.

2)    La personnalité fragmentée

Examinons plus finement les différentes familles de changement de préférence auxquelles peut mener un nudge. Bovens (2009) illustre un premier type de changement par l’exemple du renard de la fable (Elster, 1983), qui, ne pouvant atteindre les raisins trop haut pour lui, ne souhaite plus les manger (il s’agit là d’un cas de dissonance cognitive) ; malgré ce changement de préférence ponctuel, le renard aime toujours manger les raisins, même s’il ne souhaite plus manger ces raisins-là. De manière similaire, même si un nudge me pousse occasionnellement à préférer consommer une salade, je peux rester une personne qui aime dévorer des hamburgers. Autrement dit, Bovens pointe le risque qu’un nudge nous mène à une situation de « personnalité fragmentée », dans laquelle la préférence modifiée ne coïncide plus avec notre schéma de préférences générales (remarquons que ce problème ne se pose pas lorsque les préférences des agents ne sont pas déterminées). Si un tel nudge peut nous aider à mieux nous réguler dans la situation en question, il ne change cependant pas nos préférences générales, et peut donc nous laisser dans un état de désorientation vis-à-vis de ce que nous voulons.

Bovens évoque cependant la possibilité que des nudges répétés modifient la structure générale de nos préférences : à force de voir des salades mises en avant dans une cafétéria, peut-être vais-je les choisir spontanément plutôt que les hamburgers, même dans une situation où elles ne sont pas mises en évidence. Dans ce cas, le problème de la personnalité fragmentée ne va pas se poser. Le nudge va permettre à l’agent de mieux s’auto-réguler s’il était par exemple sujet à un manque de self-control ou d’inertie, et sera donc bénéfique à la seconde dimension de son autonomie. Mais si son choix d’origine était raisonné et volontaire, le changement de cette préférence pose le problème d’imposition de valeurs exposé ci-dessus.

3)    L’infantilisation et la pente glissante

Un autre problème peut se présenter : en exploitant les failles décisionnelles des agents et en orientant leurs choix régulièrement, le régulateur risque de nuire non seulement à leur autonomie dans l’exercice d’un type de choix particulier, mais même à leur capacité générale ou à leur goût pour la prise de décision autonome (cf. Hausman & Welch, 2010). Bovens (2009) mentionne ainsi le possible effet d’« infantilisation » : accoutumé à être nudgé dans une certaine direction, l’individu risque de perdre l’habitude de prendre sa vie en main ; son sens de responsabilité concernant son propre bien-être peut alors s’émousser. Bovens remarque que l’existence ou l’inexistence d’un tel effet d’infantilisation reste une question ouverte – les études de psychologie cognitive ou de sociologie ne permettent pas d’apporter une réponse définitive à l’heure actuelle à cette question. Il faut cependant prendre en considération ce risque de l’utilisation trop systématique de nudges. Rizzo & Whitman (2008) ont quant à eux évoqué le problème apparenté de la « pente glissante » : des individus qui commencent à accepter un contrôle léger sur leur vie risquent d’accepter que cette emprise prenne peu à peu une ampleur démesurée.

Ces risques soulèvent par extension la question suivante : quel équilibre trouver entre nudges et éducation ? Considérons ainsi un exemple décrit par Thaler & Sunstein (2008) : le choix de la cotisation retraite aux États-Unis, dont l’ampleur est décidée par le salarié. Il s’avère qu’un certain nombre de travailleurs américains cotisent de manière insuffisante (selon leurs propres standards). Afin de pallier ce problème, certaines entreprises ont mis en place un programme d’éducation de leurs employés qui leur permettrait – en théorie du moins – de se rendre compte de la nécessité d’augmenter leurs cotisations ; mais alors que les personnes ayant suivi ce cours affirment avoir été convaincues, cette connaissance théorique n’est pas suivie d’effet : les cotisations restent à peu près au même niveau – un effet probable de l’inertie naturelle humaine. Thaler et Sunstein proposent donc de remplacer de tels programmes d’éducation par le nudge suivant : à chaque augmentation de salaire, une portion significative de cette paie supplémentaire sera dédiée aux cotisations retraites. Ce programme « Save More Tomorrow » est largement accepté par les salariés auxquels il est proposé, et permet d’augmenter efficacement leurs cotisations sans qu’ils se sentent dépourvus (puisque ce programme ne mène jamais à une diminution de leur salaire net).

Faut-il donc préférer dans certaines circonstances la mise en place d’un nudge à un programme d’éducation ? Même le plus dogmatique des paternalistes libertariens ne suggérerait pas que quelques nudges bien choisis puissent remplacer l’école ou l’université. Mais dans des domaines spécifiques de la vie courante, tels que l’éducation à une meilleure santé alimentaire, ou le choix du niveau de cotisations retraites (dans les pays concernés), cette question peut se poser. Privilégier des nudges à un programme d’éducation présente cependant le sérieux danger d’infantiliser les individus en diminuant leur capacité à la prise de décision autonome, comme mentionné ci-dessus.

4)    Marginalisation des minorités

Un autre risque posé par l’utilisation de nudges est celui de la marginalisation de certaines minorités. Ainsi, les choix par défauts peuvent envoyer un signal implicite à propos de l’option préférée par l’architecte de choix (Grüne-Yanoff, non publié) : « nous vous recommandons de manger des salades », « nous vous recommandons de donner vos organes après votre mort », etc. De tels signaux peuvent marginaliser l’individu qui, en connaissance de cause, fait un choix contraire ; Sunstein et Thaler en sont d’ailleurs conscients, et revendiquent explicitement la tendance de l’individu au conformisme. Certains nudges exploitent ainsi directement cette tendance, comme ceux qui informent les individus de la consommation moyenne d’électricité de leur entourage, afin de les inciter à limiter leur consommation individuelle (Nolan et al., 2008). Cette méthode n’est pas systématiquement problématique ; mais il faut prendre en compte le risque que la société dans son ensemble exerce une pression active – impliquant, par exemple, une forme de discrimination – sur le choix de l’individu. Or, être incité à réaliser une certaine action par une architecture de choix est une chose, se voir discriminer par la société parce que l’on choisit un mode de vie alternatif en est une autre, sérieusement plus problématique. De nouveaux problèmes éthiques apparaîtraient ainsi dès lors que ce n’est plus simplement une architecture de choix, mais la société dans son ensemble qui interfère avec l’autonomie des individus.

5)    La dissimulation sociale des nudges

Enfin, nous pouvons mentionner ici un dernier problème posé par les nudges, à savoir leur aspect insidieux : il peut être plus difficile de contrôler les influences de choix que de repérer et critiquer des politiques ouvertement coercitives (Hausman & Welch, 2010). Des lois annoncées publiquement sont en effet aisément repérables, et peuvent être dénoncées publiquement (dès lors que la liberté d’expression est assurée) ; au contraire, des groupes de citoyens auraient plus de mal à recenser, caractériser et dénoncer des nudges trop intrusifs. Autrement dit, le caractère insidieux des nudges rend leur interférence avec l’autonomie des citoyens plus difficilement contrôlable par la sphère publique qu’une simple loi.

C.    L’acceptabilité éthique des nudges

Nous avons recensé les bénéfices des nudges et quelques-uns des problèmes éthiques qu’ils soulèvent ; nous pouvons maintenant considérer la question centrale : peut-on, en prenant en compte ces difficultés, justifier l’emploi des nudges ? Et si oui, à quelles conditions ?

1)    L’interférence avec l’autonomie est-elle acceptable ?

Le problème principal des nudges est leur interférence avec l’autonomie de l’agent. Selon une approche éthique déontologiste stricte, qui verrait l’autonomie du sujet comme un bien absolu et inviolable, de telles interventions seraient par conséquent injustifiables. En revanche, elles pourraient être acceptées dans certaines théories conséquentialistes, qui jugent de la moralité d’une action en fonction de ses conséquences : le gain en bien-être d’une grande partie de la population pourrait justifier une interférence modique avec son autonomie. Remarquons cependant qu’il peut être difficile de mettre en balance un gain en bien-être au sens classique (santé, fortune…) et une perte d’autonomie : comment pondérer deux biens essentiellement hétérogènes ? En revanche, la balance entre gains et pertes peut être plus facile à justifier dans les cas où un nudge bénéficie à l’autonomie (via sa seconde dimension, l’auto-régulation) d’une majorité d’individus. En effet, Mill affirmait que « l’autonomie est l’une des composantes du bien-être » (voir Christman, 2011) : dans cette perspective, il n’est pas absurde de considérer qu’une petite perte d’autonomie pour une minorité d’individus puisse être compensée par un gain plus important d’autonomie pour la majorité.

Quoi qu’il en soit, que nous considérions le bien-être au sens classique, ou bien comme comprenant également l’autonomie des agents, la question qui se pose dans le cas général devient alors : à quelles conditions peut-on accepter qu’un gain en bien-être d’une partie de la population compense une perte d’autonomie d’une partie (éventuellement la même) de la population ?

2)    Contrecarrer le pouvoir du marketing

Un argument en faveur du paternalisme libertarien consisterait à évoquer, comme ci-dessus, la similitude entre les nudges et les techniques de marketing classique. Or, nous vivons dans un monde où le marketing omniprésent nous pousse sans cesse à prendre des décisions mauvaises pour notre bien-être – que ce soit notre santé (par exemple en nous incitant à manger trop) ou notre fortune (par exemple en nous manipulant pour acheter des produits dont nous n’avons pas l’utilité). On pourrait alors voir comme un juste retour des choses l’utilisation par l’État des mêmes armes afin de nous pousser dans des directions qui nous seraient plus bénéfiques. Selon Grüne-Yanoff, cela ne justifie pas nécessairement pour autant l’emploi massif de nudges : en effet, l’État jouit d’un monopole de pouvoir dans certaines sphères, ce qui peut rendre les nudges plus envahissants et dangereux à long terme que les techniques classiques de marketing. On pourrait également soutenir que l’influence du marketing est éthiquement problématique car elle interfère avec notre autonomie, et devrait être limitée (à l’image par exemple de l’interdiction de la publicité sur les murs de la ville de São Paulo depuis 2006) ; et que de la même façon, les nudges étatiques ne devraient pas être autorisés. Ainsi, l’utilisation massive des techniques de marketing classique dans nos sociétés ne permet pas de justifier automatiquement l’emploi de nudges par l’État.

3)    Nudges démocratiquement choisis

Une justification plus prometteuse du paternalisme libertarien passerait par un argument politique : on pourrait soutenir que si des nudges sont acceptés à l’issue d’un processus démocratique, la minorité qui n’y était pas favorable doit les accepter – de la même manière qu’une loi votée démocratiquement doit être respectée par ceux qui s’y opposent (même s’ils ont le pouvoir d’utiliser leur liberté d’expression pour exprimer leur désaccord). Cependant, le fait que l’État puisse limiter notre liberté (à travers des lois) n’implique pas nécessairement qu’il puisse limiter notre autonomie (via des nudges). Par ailleurs, les nudges constituant une forme de manipulation, l’opposition de la minorité qui les refuse risque d’être plus virulente. Ainsi, même dans le cas où certains nudges seraient acceptés par la majorité, il serait souhaitable de minimiser l’interférence avec l’autonomie des minorités qui s’y opposent. Une caractéristique potentielle des nudges peut aider à ce but : la transparence.

4)    Transparence

Un nudge est dit transparent si les individus peuvent reconnaître que ce nudge est mis en place. De manière plus fine, Bovens (2009) établit une différence entre la « transparence de type » (type transparency), et la « transparence d’instance » (token transparency). La première se rapporte à la manière dont l’architecte de choix met en place l’environnement pour influencer l’agent – autrement dit, il s’agit d’une transparence concernant le type de nudge mis en place. La seconde transparence, de manière plus exigeante, concerne chaque instance de nudge mise en place à un endroit et à un moment bien déterminés. Ainsi, dans l’exemple de la cafétéria, on pourrait mettre en œuvre la transparence de type en annonçant publiquement par communiqué que toutes les cafétérias d’une certaine entreprise seront désormais arrangées de manière à mettre en évidence les aliments les plus sains. Pour permettre une transparence d’instance, il faudrait indiquer, à l’entrée de chaque cafétéria, que les aliments sont arrangés de telle manière. Cette seconde variante de transparence permet donc à chaque agent concerné de savoir exactement quand et comment son environnement est mis en place de manière à orienter ses choix.

Quel type de transparence doit-on exiger des nudges pour qu’ils soient éthiquement acceptables ? Remarquons déjà que la transparence de type permet de minimiser le risque de dissimulation sociale des nudges : elle permet à des groupes de citoyens d’être mieux informés des nudges mis en place par l’État et de pouvoir critiquer ceux qu’ils jugeraient inappropriés. Elle n’est cependant pas suffisante : la transparence d’instance est nécessaire pour que les minorités dont les valeurs diffèrent, ou celles qui refusent ce type d’interférence avec leur autonomie, puissent repérer les nudges mis en place et les éviter s’ils le souhaitent (Bovens, 2009). Autrement dit, même si la majorité des individus autorise via un processus démocratique un nudge interférant avec son autonomie pour son bien-être, la transparence d’instance permet à quiconque qui le souhaiterait de l’éviter. Ceci peut rendre plus acceptable un programme de nudges pour un partisan d’une approche déontologique, les agents concernés pouvant éviter l’interférence avec leur autonomie s’ils le désirent.

La transparence d’instance pose néanmoins un problème d’efficacité : il est probable (même si cette assertion mériterait d’être étudiée empiriquement de plus près) que la plupart des nudges agissent plus efficacement lorsqu’ils restent cachés, comme l’a remarqué Bovens (2009) ; mais on peut soutenir qu’il s’agit là du prix à payer pour un emploi éthiquement justifié des nudges.

    II.         Conclusion

Nous avons vu comment, en interagissant avec les facultés non délibératives des individus (au sens de Kruglanski & Gigerenzer, 2011), les nudges peuvent interférer avec l’autonomie des agents – alors que le paternalisme classique interfère avec leur liberté. Ce type d’intrusion très particulier peut justifier qu’un programme de nudges, même démocratiquement accepté, doive s’accompagner de mesures permettant aux individus qui le souhaitent de les éviter ; la transparence d’instance semble pour cela nécessaire, même si la transparence de type peut suffire pour contrer la dissimulation sociale des nudges. Il existe cependant d’autres risques que la transparence ne permet pas de faire disparaître, tels que la personnalité fragmentée, l’infantilisation (et la pente glissante), ou encore la marginalisation des minorités. Si ces risques ne sont pas à l’heure actuelle empiriquement avérés, ils demanderaient néanmoins une attention vigilante dès lors qu’un programme paternaliste libertarien viendrait à être mis en place.

Plus généralement, la variété des problèmes soulevés met en évidence la nécessité d’une étude individualisée de chaque nudge. Un jugement sur l’éthique du paternalisme libertarien dans son ensemble semble impossible sans passer auparavant par de telles analyses particularisées. Certaines de ces études pourront ainsi se consacrer à une famille particulière de nudges (comme les choix par défaut, cf. Grüne-Yanoff, non publié), ou à des nudges touchant à des domaines ayant d’importantes spécificités propres (comme les messages dissuasifs sur les paquets de cigarette, dont on peut considérer qu’ils sont éthiquement justifiés en raison de l’addiction très forte causée par le tabac, cf. Barton, 2013). De telles études devront notamment porter une attention particulière aux théories éthiques sous-jacentes (approches déontologique ou conséquentialiste, par exemple), aux caractéristiques propres du nudge et aux singularités des différentes populations concernées. Plutôt que de s’intéresser au paternalisme libertarien dans son ensemble, il est temps pour l’éthique appliquée de se consacrer à l’étude particularisée des nudges dans toute leur diversité.

Remerciements

L’auteur tient à remercier Christophe Heintz pour les discussions stimulantes sur le sujet, ainsi qu’un relecteur anonyme pour ses nombreuses suggestions pertinentes.

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