DissymétrieSciences et métaphysiqueune

Harmonie déformée. 1/2

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Kepler, Lacan et les questions ouvertes du structuralisme

Sommaire des articles de ce dossier

Michael Friedman et Samo Tomsic

Dr. Samo Tomsic a fait ses études à l’Université de Ljubljana (Slovénie). Il était chercheur à l’Institut de Philosophie (Ljubljana) at à Jan van Eyck Académie (Maastricht). Depuis 2014 il travaille dans le cadre du laboratoire interdisciplinaire « Image Knowledge Gestaltung » à l’Université Humboldt à Berlin. Il a publié notamment sur la psychanalyse freudienne et lacanienne, la philosophie française contemporaine et le structuralisme.

 

Dr. Michael Friedman a fait ses études à l’Université Tel Aviv et l’Université Bar Ilan (Israël). Il était chercheur à l’Institut de MPI (Bonn) et à Institut Fourier (Grenoble). Depuis 2013 il travaille dans le cadre du laboratoire interdisciplinaire « Image Knowledge Gestaltung » à l’Université Humboldt à Berlin. Il a publié plusieurs articles sur la géométrie algébrique et la théorie des groupes et aussi sur l’histoire des mathématiques.

L’article explore les fondements du structuralisme lacanien en revenant au modèle épistémologique de Koyré, et notamment au rôle de Kepler dans la révolution scientifique moderne. On sait que Lacan a pris au sérieux ce rôle, voyant dans le mouvement elliptique mathématisé par Kepler le modèle général du discours scientifique. Or, on peut retrouver chez Kepler un cas plus intéressant encore pour la réflexion sur les problèmes adressés par Koyré et Lacan. Ce cas concerne la symétrie naturelle de flocons de neige, où la structure apparemment correcte et stable apparait dans son devenir et traversé de contingence en révélant l’apparition d’une dis-symétrie fondamentale. C’étaient ces problèmes-la que Lacan a essayé d’importer dans le classicisme structuraliste et qui hantent même aujourd’hui la pensée des structures.

Kepler et la psychanalyse

« Il pleut » – c’est en ces mots qu’Althusser débute ses écrits consacrés au matérialisme de la rencontre (Althusser 1994 : 539), faisant ainsi référence à la chute des atomes qui scandalisa la philosophie. L’atomisme ancien s’avère en effet une orientation matérialiste surprenante qui, à l’instar d’Héraclite, interroge les axiomes fondateurs du discours philosophique : la correspondance entre la pensée et l’être et la tentative de délimiter de façon univoque l’être du non-être. Héraclite, prédécesseur de l’idée du devenir, et Démocrite, père fondateur du matérialisme, furent les premiers à remettre en question la prédominance des formes idéales dans les systèmes de pensée. Approfondi par l’école épicurienne au fil de son évolution, ce questionnement a trouvé son accomplissement dans la philosophie de Lucrèce qui attribue l’origine du monde à une déviation contingente des atomes par rapport à leur chute dans le vide. Dans ce scénario fantastique connu comme le clinamen, la multiplicité des objets et, en dernière instance, l’être en tant que tel sont traversés par l’aléatoire. La contingence et le vide deviennent ainsi des composantes essentielles de l’être en tant qu’être. À l’autre extrémité de la métaphysique, cette thèse fut reprise par Jacques Lacan. Par là, celui-ci reconnaissait chez les matérialistes anciens les anticipations des développements qui allaient marquer la modernité scientifique, la détermination d’un « réel radical » (Lacan 2001 : 494) appelé atomos aux premières heures du matérialisme, mais substitué plus tard par un examen de la relation entre la structure et le vide. Cette rencontre matérialiste rejette l’idée d’une plénitude ou d’une positivité de l’être et introduit un espace de réflexion décentralisé. C’est sans surprise que la pluie d’atomes contingente deviendra le lien le plus essentiel entre l’Antiquité et la modernité scientifique.

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Cette dernière nous propose une autre métaphore météorologique – et une autre chute singulière – qui aborde plus ouvertement les potentiels subversifs du régime moderne de la connaissance : « il neige ». Avec le flocon de neige, nous nous trouvons devant l’exemple paradigmatique d’une symétrie naturelle à l’apparition spontanée et une preuve empirique de l’affirmation de Galilée selon laquelle la nature parle le langage de la géométrie et des mathématiques. Cet objet naturel a attiré l’attention d’un acteur central de la révolution astronomique qui lui consacra tout un texte : Johannes Kepler. Mais la problématique apparaît ici inversée, du moins pour Kepler. À la différence de la pluie d’atomes marquée par la contingence et le caractère courbe de leur trajectoire sans nulle autre raison plus profonde, les flocons de neige, ou la pluie de structures mathématiques, semblent faire émerger dans le réel les apparences de la raison, de l’harmonie et de la symétrie. Alors que la chute des atomes contient un excès d’irrégularité si difficile à digérer par la philosophie, celle des flocons de neige semble présenter un excès de symétrie à même de susciter une nouvelle série de spéculations métaphysiques. Ce phénomène naturel placera Kepler devant un problème majeur revêtant une importance considérable pour les structuralistes et qui fut principalement thématisé par Lacan lui-même : la relation entre la structure et le devenir ou, en d’autres termes, la genèse des formes et la « contingence de la nécessité ». Nous constatons ici déjà que cette problématique abolit le transcendantalisme des structures fréquemment reproché aux structuralistes et déplace l’attention sur la relation entre la structure et le réel. En résulte une notion dynamique de la structure pour laquelle Kepler s’avère être une référence épistémologique majeure. Mais revenons un peu en arrière.

Le problème examiné par Kepler nous conduit directement aux ambiguïtés qui marquent son rôle dans l’histoire de la révolution scientifique moderne. Alexandre Koyré affirme que « sans Kepler, il n’y aurait pas eu de Newton » (Koyré 1961 : 120) – en l’occurrence sans son introduction de la dynamique qui permit l’avènement d’une nouvelle orientation révolutionnaire quelque peu différente de celle associée à Copernic. Néanmoins, Kepler était « à la fois en avance et en retard sur ses contemporains ; en avance, parce qu’il abolit la fondation du savoir astronomique sur les formes parfaites (sphères et cercles), mais aussi en retard parce qu’il s’oppose à l’idée de l’univers infini, restaurant ainsi la vieille notion de kosmos » (Koyré 1961 : 119). L’astronomia nova de Kepler se déploie ainsi dans la zone grise, entre révolution et régression, entre anticipation et rétrospection. Harmonices mundi, l’harmonie du monde, vient compléter la nouvelle astronomie. Lacan suit Koyré dans les débats épistémologiques et trouve en Kepler une référence essentielle pour aborder les problèmes fondamentaux du projet structuraliste. Il adopte deux thèses épistémologiques centrales défendues par Koyré : l’idée que le cœur de la révolution scientifique moderne consiste en un changement de l’usage des mathématiques, changement voyant Platon triompher sur Aristote : « Il s’agit, à proprement parler, d’expliquer ce qui est à partir de ce qui n’est pas, de ce qui n’est jamais. Et même à partir de ce qui ne peut jamais être. Explication du réel à partir de l’impossible (…) explication, ou mieux, reconstruction du réel empirique à partir d’un réel idéal » (Koyré 1966 : 206-207). Un curieux platonisme en effet, si l’on considère que pour Platon, les objets mathématiques et les idées éternelles sont nécessaires (donc le contraire de l’impossible) et ne peuvent qu’exister. Mais la révolution scientifique moderne actualise le platonisme en introduisant l’autonomie absolue des mathématiques qui, dans le nouveau régime de la connaissance, renverse la stratégie guidant la science aristotélicienne. Dans la pré-modernité, les mathématiques servaient encore à la géométrisation des apparences (sozein ta phainomena – « sauver les apparences », comme le répète souvent Koyré) et adoptaient ainsi comme mesure centrale la façon dont apparaît le réel à l’observateur humain, ou, en d’autres termes, à la conscience. En conséquence, l’hypothèse métaphysique de l’âme constituait l’axe central autour duquel s’articulaient la production de la connaissance et la mathématisation de l’expérience. Lorsque Freud déclara plus tard que la physique moderne a infligé au narcissisme humain sa première blessure (Kränkung) – suivie par celles relevant de la biologie et de la psychanalyse –, il envisageait tout simplement l’abolition de l’âme du régime de la connaissance et, par voie de conséquence, la décentralisation de la réalité, le remplacement du monde clos de la science antique et médiévale par l’univers infini et essentiellement sans âme des modernes. Avec l’abolition de l’âme, il était possible de découvrir progressivement la forme de subjectivité correspondant au nouveau régime de connaissance – pas le cogito cartésien qui, en réalité, produit une recentralisation de la réflexion, mais plutôt le sujet freudien de l’inconscient : « Pour être le langage le plus propice au discours scientifique, la mathématique est la science sans conscience dont fait promesse notre bon Rabelais, celle à laquelle un philosophe ne peut que rester bouché : la gaye science se réjouissait d’en présumer ruine de l’âme. Bien sûr, la névrose y survit » (Lacan 2001 : 453). La formulation exprime une thèse parfaitement claire : le sujet de l’inconscient – le névrosé qui survit à la ruine de l’âme métaphysique – est le véritable corrélat de la science moderne, qui, en conséquence, ne réclame aucun sujet de la connaissance, ou conscience centralisée, pour supporter le savoir. Le langage mathématique est autonome et peut rencontrer le réel sans se référer à la position d’un observateur neutre. Ainsi, Lacan radicalise la thèse de Koyré quant à la relation entre le réel (scientifique) et la modalité logique de l’impossible : l’impossible est le réel, ou, exprimé autrement, la brèche entre le réel tel qu’il apparaît à la conscience et le réel tel qu’il « apparaît » à l’autonomie discursive est insurmontable.

Kepler tient le rôle privilégié dans ce développement historique, car il fut le premier qui parvint à mathématiser une forme « imparfaite » ou « mauvaise »[1] et à rejeter ce que Lacan appelle le « monocentrisme » (Lacan 2001 : 421) : « Introduire en effet la trajectoire elliptique, c’est dire que le corps planétaire vire à précipiter son mouvement (égalité des aires couvertes par le rayon dans l’unité du temps : deuxième loi de Kepler) autour du foyer occupé par le luminaire maître, mais s’en retourne à le ralentir du plus loin d’un autre foyer inoccupé, lui sans aucun feu à faire lieu » (ibid. : 422). La symétrie et la régularité apparentes sont altérées par un déséquilibre dans le mouvement et dans l’introduction du vide comme élément structurant des structures astronomiques. Il convient ici de rappeler que l’intérêt de Lacan pour Kepler se manifeste à une période bien précise. Les citations datent du début des années 1970, époque à laquelle Lacan élabore sa théorie des discours introduisant une notion dynamique de la structure qui se démarque du structuralisme classique, alors déclaré mort par tous les faiseurs d’opinons. Lacan reproduit le mouvement képlérien dans le contexte plus vaste du structuralisme et, thématisant l’équivalent linguistique des dynamiques structurelles, abolit la dichotomie opposant structures naturelles et structures linguistiques. En effet, avec sa théorie des discours, Lacan suit exactement la même démarche que Kepler, dans le sens qu’il s’efforce de mathématiser ce qu’il appelle dorénavant le « pas-tout », l’incomplétude ou la déclosion structurelle.

            En lieu et place d’un monocentrisme, modèle structurant les relations autour d’un centre unique – le « luminaire-maître » ou, comme on peut également l’appeler, le « Roi-Soleil » –, la notion de structure, désormais rebaptisée « discours » et « pas-tout », est élaborée à travers la relation entre la position occupée par le signifiant-maître et la pseudo-position d’un vide où est détectée une déclosion structurelle. Ce foyer vide dans le mouvement elliptique d’une planète est en réalité un non-point, un non-lieu, qui signale une non-relation dans l’apparente relation et une non-symétrie dans l’apparente symétrie. Ainsi, la problématique de la forme mauvaise se rapproche de celle du clinamen – la déviation – dont la position est tout aussi impossible à localiser. Elle est immanente au dispositif topologique déterminant tant la nature que la chute des atomes. La déviation est partout et nulle part.

            Selon Lacan, la révolution scientifique associée à Kepler réside par conséquent dans la mathématisation d’une forme mauvaise aboutissant à la décentralisation de l’univers (plus précisément à la décentralisation du système solaire, Kepler rejetant l’idée d’un univers infini), attribuée à tort par Freud à Copernic qui s’inscrivait encore dans l’héritage ptoléméen. Il formule cette thèse ainsi :

« La subversion, si elle a existé quelque part et à un moment, n’est pas d’avoir changé le point de virée de ce qui tourne, c’est d’avoir substitué au ça tourne un ça tombe. Le point vif (…) c’est un peu plus Kepler, à cause du fait que chez lui ça ne tourne pas de la même façon – ça tourne en ellipse, et ça met déjà en question la fonction du centre. Ce vers qui ça tombe chez Kepler est en un point de l’ellipse qui s’appelle le foyer, et, dans le point symétrique, il n’y a rien. » (Lacan 1975 : 43)

À la différence de l’astronomie et de la cosmologie pré-modernes, basées sur le modèle topologique de la sphère mobilisée en tant que représentation idéale de la totalité et de l’harmonie, l’astronomie moderne opère la mathématisation du pas-tout ; ce faisant, elle abolit finalement la vieille notion de kosmos et réoriente le paradigme sur l’univers infini et déclos. Comme déjà mentionné, le mouvement elliptique abolit la finitude du kosmos sans avoir recours à une simple réorientation du paradigme sur l’univers infini. Pour Kepler, l’univers est déclos sans être infini, et il ne peut plus être sphérique car le monocentrisme, dont est encore empreint le modèle cosmologique copernicien, est aboli pour de bon par la mathématisation des contingences et des irrégularités propres aux mouvements des corps célestes. Le même polycentrisme trouvera écho dans la topologie freudienne de l’appareil mental où l’ego conscient ne s’avère être que la façade imaginaire du jeu de forces décentralisé marquant les processus inconscients. C’est avec trop de précipitation que, dans sa thématisation minimaliste de la révolution scientifique, Freud a attribué le potentiel révolutionnaire à Copernic – ce dernier persiste en effet dans le modèle cosmologique fini monocentrique :

« La révolution copernicienne n’est nullement une révolution. Si le centre d’une sphère est supposé, dans un discours qui n’est qu’analogique, constituer le point-maître, le fait de changer ce point-maître, de le faire occuper par la terre ou le soleil, n’a rien en soi qui subvertisse ce que le signifiant centre conserve de lui-même. » (Lacan 1975 : 42 ; voir aussi Koyré 1961 : 121)

Copernic reste inscrit dans un espace de réflexion qui perpétue le vieux discours du maître, une structure que Lacan associe aux ontologies philosophiques pré-modernes reposant tout autant sur le monocentrisme des sphères, ce qui nous renvoie à Aristote. Il existe donc une étroite connexion entre la géométrisation de l’espace dans la science moderne et la construction d’une topologie matérialiste. À travers la mathématisation progressive des contingences, des déviations et des irrégularités présentes dans le mouvement des corps, la science moderne dépasse la simple exploration d’un espace imaginaire et idéalisé. Elle introduit et systématise progressivement une nouvelle topologie de la pensée, l’espace réel, dans laquelle opèrent la pensée et le discours. De cette manière, la topologie recoupe peu à peu la science des structures. Le remplacement de la rotation par la chute mentionné par Lacan reflète cette nouvelle orientation prise par la science moderne. Alors que Copernic demeurait enraciné dans l’idéal de la forme parfaite qui orientait la pensée scientifique, philosophique et politique depuis Aristote, Kepler est parvenu à faire reposer la science sur une autre forme de discursivité que celle du discours du maître.

Dans la réinvention du projet structuraliste par Lacan, la référence à Kepler reste le nom générique associé à l’identification de la structure et du réel. La topologie dans ce contexte devient l’orientation matérialiste privilégiée pour la pensée : « La structure, c’est le réel qui se fait jour dans le langage. Bien sûr, n’a-t-elle aucun rapport avec la « bonne forme » » (Lacan 2001 : 476). La structure peut désormais désigner le réel du langage et être pensée aussi bien en termes d’une idéalisation impossible (Koyré) qu’en tant que réel (Lacan). Répétition de la révolution scientifique moderne dans le champ du langage, le structuralisme prive ce dernier de son propre monocentrisme que la philosophie pragmatique du langage, remontant aussi loin que la notion aristotélicienne d’organon (langage en tant qu’outil et organe de communication), avait perpétué à travers l’histoire. Selon l’orientation prise par Lacan dans sa radicalisation du programme de recherche structuraliste, la structure n’a rien à voir avec la « bonne forme » et, en conséquence, le langage ne connaît aucun centre. Le célèbre axiome de « l’inconscient structuré comme un langage » établit clairement l’association entre le sujet de l’inconscient et la structure du langage, association constituant l’argument essentiel de l’abolition du monocentrisme dans la science du langage.

La topologie asphérique fournit l’orientation nécessaire, non pas tant pour ce qu’il en est de la notion de structure mais pour ce qui concerne la pensée en général : « La topologie n’est pas « faite pour nous guider » dans la structure. Cette structure, elle l’est – comme rétroaction de l’ordre de chaîne dont consiste le langage. La structure, c’est l’asphérique recelé dans l’articulation langagière en tant qu’un effet de sujet s’en saisit » (ibid. : 483). L’asphérique dans le langage est la rétroactivité que Lacan expose à travers l’articulation des signifiants (différences) dans une chaîne. Mais cette rétroactivité est dotée du pouvoir de causalité, et ce qu’elle cause est précisément le sujet : il n’y a pas de structure sans sujet, et c’est justement cela qui a permis à Lacan de déclarer que le sujet est « réponse du réel » (ibid. : 459). La topologie asphérique contient toujours-déjà une théorie matérialiste du sujet. Toutefois, en tant qu’effet de causalité du signifiant, ce sujet n’est manifestement ni psychologique, ni individuel, mais matérialise plutôt l’effet décentralisant du langage. Pour Lacan, le sujet émerge de la brèche qui caractérise la structure et la maintient dans un état de déclosion permanente. Mais alors, ce sujet est l’inversion de la symétrie, la distorsion minimale dans ce qui apparaît comme étant un ordre correct et régulier, tant sur le plan linguistique qu’épistémique. Cette émergence du sujet de la science n’a été ni thématisée, ni prise en considération par Kepler. Et précisément pour cette raison, « l’exagération » de Lacan, ou plutôt sa décision quant au statut ambigu de Kepler est habitée d’une démarche critique qui souligne une certaine « amnésie » dans le domaine scientifique, le fait que « la science […] n’a pas de mémoire. Elle oublie les péripéties dont elle est née, quand elle est constituée, autrement dit toute la dimension de la vérité que la psychanalyse met là hautement en exercice » (Lacan 1966 : 869). En réunissant la structure que Kepler permet de penser et le sujet que Freud rencontre dans les formations de l’inconscient, la démarche de Lacan explore les envers de la révolution scientifique moderne.

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 [1] Bien sûr, cette remarque se rapporte uniquement à l’idéalisation pré-moderne du cercle et de la sphère. En réalité, une ellipse est une section conique dont la connaissance peut être attestée jusqu’en Grèce antique. Il serait donc trompeur, d’un point de vue mathématique, de suggérer qu’une ellipse est une forme mauvaise ; au contraire, le cercle représente un cas particulier d’ellipse. Il est possible de définir une ellipse sans aucune référence à ses foyers (à partir de son équation : ) ou en déclarant qu’il s’agit du lieu géométrique de tous les points d’un plan dont la somme des distances à deux points fixes (dits « foyers ») est constante. Sous cet angle, nul vide ne peut être intégré à la structure. Nous ne cherchons toutefois en aucun cas à saper la proposition de Lacan concernant Kepler ; nous souhaitons plutôt suggérer (dans la seconde partie) que la série de questionnements accompagnant la réflexion de Kepler sur le flocon de neige constituerait un objet plus adapté à la reconceptualisation du structuralisme. On pourrait également conclure que Lacan exagère quelque peu l’importance de la mathématisation du mouvement elliptique par Kepler, précisément parce qu’il l’adopte comme un modèle du modus operandi des structures discursives.

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