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Moishe Pipik et le nombril du rêve

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Moishe Pipik et le nombril du rêve

 

Jacob Levi. Doctorant, Université Johns Hopkins (U.S.A.). Jelevi@jhu.edu

 

Résumé

Le roman Opération Shylock : Une Confession, paru en 1993, marque l’entrée de Philip Roth dans la « métafiction », où s’estompe le seuil entre la réalité et la fiction, la vie et le rêve. Cette fausse « confession » explore les contradictions et les fractures propres à l’identité juive, qui demeure irréductible à toute essence unifiante. Roth est confronté à l’apparition de son double, son « doppelgänger », qu’il dénomme Moishe Pipik, Moïse Petitnombril. Le double fait écho à ce que Freud nomme dans L’Interprétation du rêve le Nabel des Traums, le « nombril du rêve », indiquant le seuil infranchissable dans l’analyse du rêve. Telle est l’existence de Moishe Pipik : un phénomène du nombril du rêve, qui existe dans la zone ténébreuse entre le cauchemar et la réalité. Pour Roth, l’identité juive échoue à jamais pouvoir se débarrasser de son double : le nombril du rêve demeure inépuisable.

Mots-clefs: Philip Roth, psychanalyse; judéité; metafiction; sionisme; Freud; Derrida

Abstract

Philip Roth’s 1993 novel Operation Shylock: A Confession marks his entry into the domain of “metafiction,” it blurs the limits separating reality and fiction, waking life and dreams. This false “confession” explores the contradictions and fractures of Jewish identity, which is irreducible to any unified essence. Roth is confronted by the appearance of his double, his “doppelgänger,” who he names Moishe Pipik, Moses Bellybutton. The double recalls what Freud calls in The Interpretation of Dreams the Nabel des Traums, the “dream’s navel,” which identifies the unbreachable limit of the analysis of the dream. Such is the existence of Moishe Pipik, a phenomenon of the dream’s navel that exists in the murky zone between nightmare and waking life. For Roth, Jewish identity is never rid of its double, and the dream’s navel is never overcome.

Keywords: Philip Roth, psychoanalysis; Judaism; metafiction; Zionism; Freud; Derrida

 

I. Introduction

Depuis Portnoy et son complexe de 1969, Philip Roth emploie souvent les motifs freudiens du désir et du refoulement dans l’expérience du juif-américain. Or, c’est surtout dans Opération Shylock : Une Confession, paru en anglais en 1993 (1995 pour la traduction française de Lazare Bitoun), que Roth plonge au sein des paradoxes et des contradictions inhérentes à cette identité contestée. Pour Freud tout comme Roth, le brouillage de l’identité juive rend celle-ci irréductible à une quelconque unité, prise sans cesse au piège de ses propres contradictions. Dans Opération Shylock, cette identité prend la forme du « double » incarné, le « doppelgänger » de Philip Roth, dénommé Moishe Pipik. Tandis que son prénom renvoie au prophète menant le peuple juif hors d’Égypte, le terme « Pipik » provient du yiddish, désignant le nombril, et par extension celui qui se croit important bien qu’il soit sans valeur, aussi inutile qu’un nombril. Le double usurpe alors l’identité de Roth, qui craint d’être tombé au sein de l’un de ses propres romans. Moishe Pipik perturbe ainsi la frontière entre la fiction et la réalité, le rêve et l’expérience éveillée. Or, le thème du nombril suscite également l’intérêt de la psychanalyse. Dans L’Interprétation du rêve, Freud identifie un seuil infranchissable dans l’analyse du rêve, la limite sensée au-delà de laquelle ce dernier devient proprement inconnaissable : le Nabel des Traums, « le nombril du rêve[1]. » Nous proposerons ici de considérer le double dans Opération Shylock comme un phénomène provenant du nombril du rêve.

II. Freud, le judaïsme et l’ombilic du rêve

Freud a souvent souligné l’ambivalence de son affiliation personnelle au judaïsme. Au début de son étude autobiographique de 1925, il écrit : « Mes parents étaient juifs. Je suis également resté juif[2]. »  Pourtant, Freud se déclare athée et se désigne ailleurs comme un « juif infidèle[3]. » En effet, la psychanalyse en tant que science doit s’écarter de toute religion. Bien qu’il s’avouât athée, Freud a tout de même conservé un lien avec la religion de ses pères. Dans sa préface à l’édition en hébreu de Totem et Tabou de 1934, Freud se décrit comme étant « totalement détaché de la religion de ses pères », cependant qu’il s’avoue en même temps être quelqu’un qui « n’a pourtant jamais renié l’appartenance à son peuple, qui ressent sa nature [Eigenart] comme juive et ne voudrait pas en changer »[4]. La psychanalyse ayant souvent été accusée d’être une science « juive », Freud demande avec beaucoup d’ironie dans une lettre à son ami Oskar Pfister de 1918 : « Pourquoi la psychanalyse n’a-t-elle pas été créée par l’un de tous ces hommes pieux, pourquoi a-t-on attendu que ce fût un juif tout à fait athée [einen ganz gottlosen Juden] ? »[5] De même, il faut un juif non-croyant et américanisé tel que Roth pour se confronter aux paradoxes de l’identité juive contemporaine.

« Old Map. Historical Ohio. » Soozums. Creative Commons

Roth est de fait un auteur juif-américain, un amalgame qui est pour lui une source d’inspiration inépuisable. Pourtant, dès ses premières publications, certains lui reprochent de peindre une image prétendument dédaigneuse des juifs dans ses textes. Non seulement Roth dispute cette caractérisation, mais il rejette également la supposition selon laquelle ses livres seraient des exemples représentatifs de l’expérience du juif-américain, comme s’il occupait le rôle de porte-parole littéraire du peuple juif. Au contraire, Roth n’a jamais réclamé une telle position. Or, dans Opération Shylock : Une Confession, le double fictif de Roth risque de pénétrer dans sa réalité, et de prendre la relève de la vie de l’auteur. Comme l’écrit John Updike à propos du roman de Roth : « Sa quête de la judéité est inséparable de sa quête de lui-même, qui a rempli tant de pages et épuisé tant d’alter-egos suppliants, moqueurs et moqués[6]. » Pour Roth, la réalité et la fiction se fondent l’une dans l’autre, tout au long du livre. Le roman s’ouvre avec une préface qui déclare que certains des noms et des faits ont été modifiés en raison des activités de Roth au sein du Mossad, l’agence secrète israélienne. Le titre et la préface encadrent ce livre et le situent dans le genre du mémoire ou de l’autobiographie, un procédé qui sert de faire-valoir à la réalité apparente de son contenu. Roth ajoute également une « Note au Lecteur » à la fin du livre, où il insiste au contraire sur l’idée inverse : « Ce livre est une œuvre de fiction », « Toute ressemblance avec des événements s’étant effectivement produits, des lieux existants ou des personnes vivantes ou décédées, est une pure coïncidence. Cette confession est un faux »[7]. Roth accumule ainsi les pirouettes, naviguant entre le vrai et le faux, la réalité et la fiction, au point où le lecteur, une fois arrivé au terme du livre, ne sait plus si le récit est en effet confessionnel ou fictionnel. Même dans les interviews qui ont suivi la publication du livre, Roth reste évasif, maintenant l’ambiguïté d’un clin d’œil à propos de ces ruses textuelles et de sa confession supposée.

Dans Opération Shylock, le lecteur est plongé dans le territoire de l’Unheimlich freudien, où le seuil entre l’onirique et l’éveillé se brouille, sans possibilité de secours. Dès le départ, le récit entre dans le registre de l’absurde, avec l’apparition du double. Tout juste sorti d’une cure de désintoxication pour une addiction aux somnifères ayant déclenché chez lui des hallucinations, le narrateur et personnage principal, Philip Roth, apprend qu’il s’est fait voler son identité par un imposteur qui lui ressemble et se présente en public sous son nom :

J’ai appris l’existence de l’autre Philip Roth en janvier 1988, quelques jours après le Nouvel An, par un coup de téléphone de mon cousin Apter. Il m’appelait à New York pour me dire que la radio israélienne avait annoncé que je me trouvais à Jérusalem et que j’assistais au procès de John Demjanjuk, l’homme dont on pensait qu’il était Ivan le Terrible, le bourreau de Treblinka.[8]

Le livre s’ouvre donc avec une rapidité digne d’un Gregor Samsa, lorsque celui-ci se réveille transformé en insecte : l’absurde s’impose en deux phrases, tel un cauchemar, sans explication. Roth se trouve ainsi pris au piège par cette étrange situation lorsque son double apparait à Jérusalem. Il craint immédiatement d’être retombé dans la psychose provoquée par le somnifère Halcion, qui ferait de son double une simple projection hallucinatoire de son ego. Quoi qu’il en soit, malgré ses immenses talents de romancier, la fiction semble ici avoir pris le pas sur la réalité. Le double force les limites entre la fiction, la vie de Roth et ses rêves fantasmés, à s’estomper.

L’incertitude du seuil entre le réel et l’onirique rappelle la réflexion de Freud sur les limites de l’analyse du rêve. Dans l’Interprétation du rêve, Freud identifie le problème inévitable de l’analyse des rêves, qui rend possible l’interprétation, mais impossible sa vérification : tout dépend de la reconstitution du rêve offerte par le patient en analyse. L’interprétation des rêves est bornée par l’explicitation du Traumwerk, le travail du rêve, qui se déroule dans l’analyse. Mais même dans le cas d’une interprétation réussie, l’analyse atteint un point au-delà duquel le rêve demeure inconnu. Comme Freud l’explique, « chaque rêve a au moins un point où il est insondable, en quelque sorte un ombilic [Nabel] par lequel il est en corrélation avec le non-connu[9]. » Que veut dire Freud lorsqu’il utilise cette étrange expression, « l’ombilic » ou « le nombril » du rêve ? Comment se fait-il que le Nabel du rêve s’impose comme une limite à l’analyse ? L’ombilic représente à la fois la trace du cordon ombilical qui attache le fœtus à la mère, ainsi que la coupure et la séparation instaurées par la naissance. Entre la sécurité de la mère et la cicatrice qui marque son absence, l’ombilic est le point liminal du corps qui n’est ni extérieur, ni intérieur. Le nombril est ainsi le lieu d’une étrange trace. Comme l’explique Jacques Derrida dans Résistances de la psychanalyse, « l’ombilic, le lieu omphalique est le lieu d’un lien, un nœud-cicatrice gardant la mémoire d’une coupure et même d’un fil tranché à la naissance[10]. » Dans le passage célèbre de L’Interprétation du rêve où Freud mentionne l’ombilic du rêve, celui-ci marque le point aveugle du rêve, résistant nécessairement à l’interprétation :

Dans les rêves les mieux interprétés, on doit souvent laisser un point [eine Stelle] dans l’obscurité, parce que l’on remarque, lors de l’interprétation, que commence là une pelote [Knäuel] de pensées de rêve qui ne se laisse pas démêler, mais qui n’a pas non plus livré de contributions supplémentaires au contenu de rêve. C’est alors là l’ombilic du rêve [der Nabel des Traums], le point, où il repose sur le non-connu [dem Unerkannten aufsitzt]. Les pensées de rêve auxquelles on arrive dans l’interprétation doivent en effet, d’une manière tout à fait générale, rester sans achèvement [ohne Abschluss] et déboucher de tous côtés dans le réseau inextricable [in die netzartige Verstrickung] de notre monde de pensée. D’un point plus dense de cet entrelacs s’élève alors le souhait de rêve, comme le champignon de son mycélium.[11]

Pour Freud, tout rêve contient donc ce point obscur qui résiste à l’analyse. Ce nombril est tel le point de fuite du rêve, il « repose sur le non-connu » et reste nécessairement dans l’obscurité. Lorsque l’interprétation du rêve se heurte à cette « pelote de pensées de rêve qui ne se laisse pas démêler », il n’y a plus de contenu intelligible à déchiffrer. Au-delà de l’ombilic, l’interprétation se poursuit « sans achèvement », elle tourne en rond sans pouvoir fournir de « contributions supplémentaires ». Comme Derrida l’ajoute, « la cicatrice est un nœud contre lequel l’analyse ne peut rien[12]. » Le nombril marque ce point primordial du rêve qui émane mystérieusement d’un « réseau inextricable » de contenu qui n’est pas encore encodé comme réel ou irréel, sensé ou insensé, tel le champignon qui émerge du mycélium. Le nombril marque donc la limite au-delà de laquelle l’interprétation ne saurait pénétrer, tout en indiquant la source mystérieuse du rêve et de sa construction.

Que signifie ce trou noir de l’interprétation que l’on rencontre dans le nombril du rêve ? Dans ses Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Lacan décrit l’ombilic comme « le centre d’inconnu – qui n’est point autre chose, comme le nombril anatomique même qui le représente, que cette béance dont nous parlons[13]. » Si le nombril est une béance, il est abyssal, insensé, et vide. Il semble que pour Lacan, le nombril mette fin à l’interprétation du rêve dans une analyse décisive et finale. Dans son livre La Légende de Freud, Samuel Weber conteste la lecture lacanienne du nombril. Il explique que la « pelote » du rêve esquissée par Freud n’est pas l’objet statique que Lacan désigne comme une « béance, » mais plutôt un mouvement dans lequel on est emmêlé, qui « s’élève » comme le champignon de son mycélium, et déborde ses propres limites. En effet, comme Weber l’explique : « La pelote emmêlée [Knäuel] des pensées du rêve ne reste pas en place, elle se met à envahir les pensées qui constituent la lumière du jour de notre vie consciente, éveillée[14]. » Il faut donc imaginer le « réseau inextricable » dans lequel le rêve est enchevêtré non pas comme un filet, mais comme si l’on y était pris au piège. Résistant à l’analyse, l’ombilic du rêve devient le parasite de la vie éveillée. En effet, comme Weber l’explique, « la division nette entre pensée du rêve et pensée éveillée commence à se brouiller », et dans le mouvement interminable d’une interprétation sans fin, « nous laisse incapable de les départager aussi clairement qu’auparavant »[15]. Tandis que Lacan décrit le nombril comme « le centre de l’inconnu », l’image freudienne est celle d’un point insaisissable qui ne cesse de se déplacer, qui « repose sur le non-connu ». Alors que le nombril du rêve est abyssal pour Lacan, Freud le décrit comme étant sursaturé de contenu, sans interprétation finale, parasite sur la vie éveillée.

L’obscurité du concept du nombril rend difficile une analyse de sa structure. Derrida se demande si le nombril est « une résistance à l’analyse » ou s’il est plutôt lié, « de façon irréductible et anhistorique »[16], à la structure du rêve. Tandis que la première possibilité suppose un progressisme qui conserve l’espoir d’une émancipation possible de cette obscurité, la deuxième renforce un fatalisme où les limites du rêve sont imposées par la nature de l’esprit. Plus loin, Derrida se demande ensuite « si le nœud in-solvable, l’ombilic, est une étoffe de sens ou s’il reste radicalement hétérogène, dans son secret même, au sens signifiable[17]. » Quel savoir pouvons-nous tirer de l’analyse du nombril ? L’ombilic du rêve révèle les limites interprétatives du rêve, et sa mutabilité dans l’analyse.

III. Roth et la hantise du double

Or, c’est précisément ce drame du nombril du rêve qui se déroule dans Opération Shylock, avec l’arrivé du double de Philip Roth. Afin de dépouiller son doppelgänger de tout pouvoir, Philip Roth le dénomme Moishe Pipik. L’analyse que fait Roth de cette expression issue du yiddish vaudrait facilement une analyse de Freud :

Moishe Pipik ! Ce nom désobligeant, drôle et absurde que l’on peut littéralement traduire par Moïse Petitnombril et qui devait sans doute avoir des connotations légèrement différentes dans chacune des familles juives de notre rue – le petit bonhomme qui veut faire l’important, le gosse qui fait pipi dans sa culotte, quelqu’un d’un peu ridicule, un peu bizarre, un peu bébête, le comique à l’ombre duquel nous avons tous grandi, celui qui payait les pots cassés à la fin de toutes les histoires et dont le nom désignait cette chose qui, pour la plupart des enfants, n’avait aucune importance, qui n’était ni un membre ni un orifice, d’une certaine manière à la fois concave et convexe, ni du haut ni du bas, ni obscène ni tout à fait respectable non plus, assez près des organes génitaux pour que l’on s’en méfie, et qui pourtant, malgré cette intrigante proximité, malgré sa centralité manifestement étrange, ne devait pas avoir grand sens puisqu’il n’avait pas d’utilité, c’était le seul vestige archéologique du conte de fées de nos origines, la marque durable d’un fœtus qui était déjà quelqu’un sans être vraiment encore personne, sans aucun doute la ligne des hautes eaux la plus bête, la plus insignifiante et la plus idiote que l’on ait pu inventer pour une espèce affublée d’un cerveau comme le nôtre. Cela aurait aussi bien pu être l’Omphalos de Delphes, vu l’énigme que le pipik présentait.[18]

Ici, Roth ne fait pas de référence explicite à l’ombilic du rêve freudien, un parallèle qui n’est pas remarqué non plus dans les divers commentaires sur Opération Shylock. Il demeure tout de même difficile d’imaginer que Roth, ayant circulé autour des idées freudiennes tout au long de sa carrière d’écrivain, ne connaisse pas cette image du nombril. Quoi qu’il en soit, Moishe Pipik constitue bel et bien le nombril du rêve de Philip Roth. Il est le petit bonhomme qui sort de l’univers onirique et pénètre dans la vie éveillée. Son existence surgit de l’inconnu, en l’absence totale de raison d’être. L’apparition de Moishe Pipik dans la vie de Philip Roth perturbe ainsi les divisions entre vérité et fiction, rêve et vie éveillée, tout comme le nombril freudien déborde les limites du rêve.

Le doppelgänger de Philip Roth se rend à Jérusalem afin d’assister au procès de John Demjanjuk, lui-même l’objet d’une histoire de double présumé. Né en Ukraine et fait prisonnier par les Nazis pendant la guerre, John Demjanjuk émigra aux États-Unis en 1951, où il mena une vie normale dans l’état de l’Ohio en tant que mécanicien automobile chez Ford. En 1986, il fut déporté des États-Unis vers l’Israël, ayant été accusé d’avoir commis des crimes de guerre au camp d’extermination de Treblinka, sous le nom d’« Ivan le Terrible ». Lors du procès, des survivants accusèrent Demjanjuk d’être cet homme reconnu pour sa cruauté, responsable de plus de 27.900 meurtres. Demjanjuk fut condamné à mort par le tribunal israélien en 1988. Et pourtant, Demjanjuk fit appel de ce verdict, et la décision fut renversée par la cour suprême israélienne en 1993. Le motif de la révocation fut qu’Ivan le Terrible était probablement un autre homme, Ivan Marchencko. Opération Shylock se déroule au moment de l’appel de Demjanjuk, avant que le verdict ne soit connu. Après la révocation de sa condamnation en Israël, celui-ci fut rapatrié aux États-Unis. Puis, suite à la révélation de nouvelles preuves, il fut accusé à nouveau d’avoir commis des crimes contre l’humanité, cette fois-ci par l’Allemagne. Demjanjuk fut donc condamné à nouveau lors de son procès en Allemagne en 2011, mais mourut en 2012, l’appel de la décision toujours en cours. Ayant échappé à la justice jusqu’à ses derniers jours, Demjanjuk est donc mort innocent aux yeux de la loi.

Roth quant à lui se trouve dans l’impossibilité de se libérer de son double, Pipik. Deux citations sont mises en exergue dans Opération Shylock, où figurent deux exemples de doubles inavouables et inéluctables. La première provient de la Genèse 32,24 : « Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore ». La seconde est un mot de Kierkegaard dans Répétition : « Mon être tout entier hurle en contradiction contre lui-même. L’existence est à coup sûr un choix…[19] » Harold Bloom suggère que ces citations, l’une des auteurs inconnus des premiers mots bibliques et l’autre de Kierkegaard, identifient les « deux grands maîtres ironiques de l’ambivalence primaire[20]. » D’une part, Jacob craint la revanche de son frère aîné Esaü, et sa lutte avec l’ange représente cette menace. Selon l’interprétation de cet épisode par Rachi, l’adversaire de Jacob est l’ange gardien de son frère. Comme Bloom l’explique, « peut-être qu’après tout Pipik est un Esaü, et représente une menace similaire pour Philip Roth ». D’autre part, la contradiction interne au sujet qu’identifie Kierkegaard est au cœur de la pensée de Roth. Bloom remarque en effet que « l’expression ‘contre lui-même’ correspond à la lecture que Roth fait de sa propre nature, de son art, et de la vie[21]. » Le double est évidemment un motif littéraire célèbre, trouvant de nombreux exemples chez Dostoïevski, Maupassant ou bien Poe. Or, à la différence des personnages qui dans les œuvres de ces auteurs sont confrontés à leurs doubles, dans Opération Shylock le personnage de Philip Roth a lu tous ces textes et comprend le dispositif littéraire du double. En théorie, il est donc bien préparé pour gérer cette situation. Tandis que Goliadkine de Dostoïevski ou Monsieur Hyde de Stevenson représentent l’émergence de l’alter-ego imposant, chez Roth, le grand auteur trouve dans son double la figure du petit bonhomme ridicule. Roth n’en reste pas moins perturbé par l’infiltration du littéraire dans sa vie réelle, et refuse que son double soit, en effet, son double :

Je savais tout de ces histoires de moi divisé pour les avoir moi-même décodées avec finesse, comme tous les petits malins de mon espèce, à l’époque où j’étais étudiant, il y a près de quarante ans de cela. Mais cette fois, il ne s’agissait pas d’un livre que j’étais en train de
lire ou d’écrire, et ce double n’était un personnage que dans le sens populaire du terme.[22]

Roth refuse de croire qu’une telle expérience littéraire puisse arriver dans sa vie réelle—le double, c’est le matériau de la littérature. Tout se passe donc comme si les personnages de l’œuvre de Roth devenaient vivants afin de prendre leur revanche contre leur auteur :

C’est Zuckerman, me dis-je, espérant follement et bêtement m’en tirer par une pirouette, c’est Kepesh, Tarnopol et Portnoy – ils ne font plus qu’un, ils sont sortis des livres et, pour se moquer, ils se sont incarnés en un fac-similé caricatural de moi-même. En d’autres termes, si ce n’est ni l’Halcion ni un rêve, c’est forcément de la littérature. [23]

Le double représente l’expérience « unheimlich » qui existe dans cette zone indéterminée, au seuil entre la réalité et la fiction. Il s’agit du nombril freudien, où la fiction vient percer la réalité, le rêve perturber le bon ordre de l’expérience éveillée. Lorsqu’elle se met à envahir sa réalité, Roth craint que la fiction ne prenne sa revanche contre lui.

Pourtant, Pipik n’est pas l’unique double dans Opération Shylock. Dans le roman, Roth esquisse une véritable ontologie du double, où celui-ci n’est pas un phénomène isolé mais plutôt la condition générale du monde. Le texte présente en effet un véritable défilé de doubles – même les doubles ont des doubles, qui se réfractent et se croisent les uns les autres. Par exemple, Roth l’auteur est le double de Roth le narrateur-personnage, Moishe Pipik est le double de Roth, Pipik est le double du vrai double-agent américano-israélien Jonathan Pollard. Nous avons aussi Demjanjuk et son fils, Demjanjuk le retraité de l’Ohio et Ivan le Terrible de Treblinka, Demjanjuk et Ivan Marchenko, George Ziad (ami de Roth et agent de l’OLP) et Smilesburger (agent du Mossad), puis, l’écrivain israélien Ahron Appelfeld a son double dans le cousin de Roth, Apter, survivant de la Shoah. Apter est lui-même le double de David Supposnik, survivant, vendeur de livres anciens et agent du Shin Beth. Le phénomène du double s’étend même jusqu’aux personnages mineurs et à la structure du roman : Opération Shylock comme confession, et Opération Shylock comme récit fictionnel. Le double fait partie intégrante de la structure du monde décrit par Roth. Il désigne une expérience intrinsèquement littéraire. Enfin, Supposnik signale que le double de chaque juif n’est autre que Shylock du Marchand de Venise de Shakespeare. Chaque juif est ainsi confronté à la possibilité omniprésente de se transformer en celui qui dit « trois mille ducats », à qui l’on refuse l’égalité avec les goyim et que l’on accuse de n’être qu’un usurier. Ainsi, comme le remarque Supposnik, « Cinq syllabes anglaises rondes et sans aucune beauté, et le Juif de théâtre atteint son apothéose sous la plume d’un génie ; il est catapulté dans la célébrité éternelle par ce ‘Trois mille ducats’[24]. » Il s’agit bel et bien de Shylock, le double qui hante chaque juif.

IV. Entre l’onirique et la synchronicité

Le double chez Roth n’est pas une copie conforme de l’original, mais plutôt l’une de ses modalités différentes, celle d’un autre monde possible. Pipik, pour sa part, mime l’apparence de Roth mais a les idées tordues, basées sur une interprétation excentrique de l’œuvre de Roth. Admirateur devenu idéologue convaincu, Pipik prend la tête d’un mouvement nommé « Diasporisme », une doctrine qu’il présente sous le nom de Roth auprès de la presse internationale, lorsque celle-ci appelle les juifs israéliens à abandonner leur pays en faveur d’une réinstallation massive en Pologne :

Aussi atroce qu’ait pu être notre expérience de l’hitlérisme, elle n’a jamais duré que douze ans, et que représentent douze ans pour les Juifs ? L’heure est venue de retourner en Europe qui fut pendant des siècles, et qui est encore aujourd’hui, la patrie la plus authentiquement juive qui ait jamais existé, le berceau du judaïsme rabbinique, du judaïsme hassidique, du judaïsme laïque, du socialisme, etc. Et aussi, bien sûr, le berceau du sionisme. Mais le rôle historique du sionisme est terminé. L’heure est venue de reprendre dans la diaspora européenne la tête des mouvements spirituels et culturels.[25]

L’absurdité de la doctrine du « Diasporisme » va de soi, mais Pipik la justifie à partir de l’œuvre littéraire de Philip Roth. L’ambivalence de Roth par rapport à Israël, en tant que juif-américain, est à la source de l’idéologie antisioniste de Pipik. Celui-ci met en effet l’accent sur le lien historique entre l’Europe et les juifs, ainsi que la menace imminente posée aux juifs Israéliens par le monde Arabe qui les entoure. Pipik se rend avant tout à Jérusalem au moment du procès de Demjanjuk pour solliciter des dons pour son mouvement. En l’occurrence, Pipik a créé un groupe d’entraide, Anti-Sémites Anonyme, et s’est rendu en Israël avec son amante, également membre du groupe, Jinx Possesski.

Pipik est donc l’incarnation cauchemardesque de la critique selon laquelle Roth ne soutiendrait pas son peuple dans l’action, et qu’au contraire, il se cache derrière ses écrits. Tandis que Roth s’exprime par la plume, Pipik représente l’homme d’action qui prend en charge sa responsabilité pour agir au nom du peuple juif. Dans une lettre écrite à Roth, Pipik l’accuse ainsi d’ignorer sa responsabilité d’agir, et il déclare « JE SUIS CELUI DE VOUS QUI N’EST PAS DES MOTS[26]. »  En ce sens, Pipik représente un Roth privé de mots, un alter-ego faible et mortel. John Updike note en effet que « pour un écrivain, se retrouver sans mots c’est se retrouver sans défenses, sans immortalité. Philip II [Pipik] n’est pas le bon côté de Philip mais son côté malade, mortel, doté d’une réalité fantasmagorique par la magie projective de la fiction[27]. » Depuis ses débuts littéraires dans Goodbye, Columbus (1959)et surtout, dans Portnoy et son complexe (1969), Roth a souvent été accusé de propager le stéréotype de la haine de soi juive. Dans Opération Shylock, cette accusation est incarnée dans son double, dans une sorte de retour du refoulé. La possibilité que cet imposteur soit pris pour le vrai Philip Roth est cauchemardesque : Pipik est plus méprisant que la pire image de Roth que puissent présenter ses détracteurs. Dans le roman, Roth vit ce cauchemar lorsqu’il singe son double, par exemple en couchant avec Jinx, la copine antisémite de Pipik, ou lorsqu’il défend le Diasporisme auprès de son ami George Ziad à Ramallah. Ces moments de chiasme brouillent le seuil entre le vrai et l’imposteur, malgré les efforts du narrateur pour assurer leur séparation. Roth se trouve pris au piège de son double.

D’après Freud, « chaque rêve a au moins un point où il est insondable, en quelque sorte un ombilic [Nabel] ». Avec l’apparition de Moishe Pipik, Roth identifie ce point indéchiffrable sorti de ses rêves et qui hante ses jours. Le double Pipik a toute la profondeur d’une vraie personne, aussi ridicule soit-il. La ressemblance de cet homme avec Roth n’est jamais expliquée, et si l’on apprend au final que l’imposteur est un homme ordinaire, ayant simplement une ressemblance inouïe avec l’auteur, un vaurien qui mène une vie pitoyable et souffre d’un cancer, la possibilité que le double soit une apparition hallucinatoire ou un phantasme sorti droit de la littérature n’est jamais éliminée une fois pour toutes. Lorsque Roth confronte son double à Jérusalem et lui demande de justifier son existence, Pipik se défend à l’aide d’une explication psychanalytique farfelue :

Vous êtes freudien et je suis jungien. […] En bon freudien, vous croyez à la toute-puissance de la causalité. Dans votre univers, il n’y a pas d’événements sans cause. Pour vous, les choses impensables en termes intellectuels ne valent pas la peine d’être prises en considération. Il y a beaucoup de Juifs intelligents qui pensent comme vous. Les choses impensables en termes intellectuels n’existent même pas. Comment est-il possible que j’existe, moi, un autre vous ? Comment est-il possible que vous existiez, vous, un autre moi ? Vous et moi, nous sommes un défi au principe de causalité. Bon, lisez ce que dit Jung sur la “synchronicité”. Il existe des phénomènes dont la finalité est inexplicable par le principe de causalité, et il s’en produit tout le temps. Nous sommes un cas de synchronicité, un phénomène synchronique. […] Bon, il vous faut de la causalité ? Je vais vous en donner. Oubliez cette histoire de vous et de moi – une cinquantaine d’autres petits Juifs de notre âge auraient pu grandir et nous ressembler si certains événements tragiques ne s’étaient produits en Europe entre 1939 et 1945. Est-il impossible qu’une demi-douzaine d’entre eux aient été des Roth ? Notre nom de famille est-il si rare ? Est-il impossible que deux de ces petits Roth aient porté le nom d’un grand-père Fayvel, comme vous Philip, comme moi ? Vous, du point de vue de votre carrière, vous trouvez sans doute atroce que nous soyons deux, de ne pas être unique. De mon point de vue de Juif, je dois avouer que ce que je trouve atroce, c’est qu’il n’en reste que deux.[28]

L’explication pseudo-jungienne que propose Pipik est bien évidemment déraisonnable. En mettant de côté toute causalité, Pipik propose au fond que la synchronicité permet la coexistence de plusieurs mondes possibles au sein d’un monde unique. Or, la logique du rêve – et comment peut-on expliquer l’existence de Pipik sinon par le recours au rêve ? – suit une certaine rationalité. Le double dans Opération Shylock est un phénomène modal : soit le livre est une confession, soit il est fiction ; soit Pipik existe, soit Roth rechute dans l’hallucination ; soit Demjanjuk est Ivan le Terrible, soit il s’agit d’Ivan Marchencko. Ici Pipik propose une sorte de théorie des mondes possibles, où la synchronicité est censée permettre la coexistence de plusieurs modalités d’une personne à l’intérieur du même monde. Selon la logique du rêve, il est plus surprenant qu’il n’existe que deux Philip Roth et non pas quarante-sept itérations. Sans l’histoire de l’oppression du peuple juif, il se peut qu’il y ait un Philip Roth mécanicien, ainsi qu’un Philip Roth cardiologue. La synchronicité est un défi lancé à la raison, elle résiste à l’analyse. Pour la psychanalyse, c’est précisément le fait de réciter le rêve au sein de la situation analytique qui transforme le contenu inconscient – synchronique, mal défini, et inachevé – en récit structuré. C’est la récitation du rêve qui forme la structure du Traumwerk, et permet ensuite l’interprétation. Si Pipik représente la synchronicité qui résiste à l’interprétation, il confirme son statut de nombril du rêve, cette « pelote de pensées de rêve qui ne se laisse pas démêler[29]. »

V. Conclusion

Rajoutant un doute supplémentaire quant à la vérité de sa « confession », Roth interrompt le récit d’Opération Shylock au chapitre onze, qui contient, dit-il, les détails de ses activités avec le Mossad à Athènes. En guise de conclusion, l’auteur rajoute un épilogue qui donne à Pipik « une fin ni plus ni moins incroyable que tout ce qui se rapportait à ce mensonge qui le constituait tout entier[30]. » Au bout du compte, Roth est convaincu que Pipik est une taupe du Mossad cherchant à l’attirer en Israël par la ruse. Lorsqu’il pose la question à Smilesburger, ce dernier répond : « Qui a recruté Pipik ? C’est la vie qui a recruté Pipik », il fait partie « des nudnicks sans importance qui travaillent à leur compte et dont le but est tout simplement le balagan, sans raison, de faire du grabuge, de semer la pagaille », dont l’existence est sans raison parce qu’« aucune explication n’est nécessaire »[31]. Suivant son instinct de romancier, Roth ne cesse de chercher le sens de l’apparition de son double. Smilesburger insiste, au contraire, sur le fait que l’explication de l’existence de Pipik est sans importance :

Pipik n’est pas le produit du sionisme. Pipik n’est même pas le produit du diasporisme. Pipik est le produit de ce qui est peut-être le plus puissant des courants qui influe sur les affaires des hommes, c’est-à-dire le pipikisme, cette force antitragique qui dédramatise les choses – qui transforme tout en farce, qui banalise et superficialise tout –, y compris nos souffrances en tant que Juifs. Ça suffit avec Pipik.[32]

La discussion entre Roth et Smilesburger au sujet de l’existence de Pipikreproduit la différence entre Freud et Lacan à propos du nombril du rêve. Smilesburger, avec Lacan, affirme que l’existence de Pipik est une béance, un non-sens, rien de plus qu’une coïncidence élaborée. Mais Roth, du côté de Freud, ne peut s’empêcher de chercher le sens de ce phénomène, la causalité de son double. Pour Freud, l’interprétation du nombril du rêve est « sans achèvement », elle ne cesse de « déboucher de tous côtés dans le réseau inextricable de notre monde de pensée ». L’ultime vérité de Moishe Pipik demeure finalement inconnue, dans la zone ténébreuse du nombril, dans les limbes entre le cauchemar de son auteur et la possibilité de son existence. L’identité juive ne peut se réduire définitivement à une identité fixe, et Philip Roth ne peut se débarrasser de son double une fois pour toutes. S’il s’agit d’une fausse confession, Opération Shylock contient néanmoins une vraie confession de la part de son auteur, celle de son rapport au Judaïsme, à son identité propre. « Juif serait l’autre nom de cette impossibilité d’être soi » écrit Jacques Derrida ; « le Juif est brisé et il l’est d’abord entre ces deux dimensions de la lettre : l’allégorie et la littéralité »[33]. Pour Roth, cette confession est vraie dans la mesure où Moishe Pipik existe.


Bibliographie

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Jacques Derrida, L’Écriture et la différence, Paris, Seuil, 1968.

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 —, L’Interprétation du rêve. trad. Janine Altounian, Pierre Cotet, René Lainé, Alain Rauzy et François Robert, Paris, PUF, 2010.

—, Sigmund Freud présenté par lui-même, trad. Fernand Cambon, Paris, NRF, 1984.

—, Totem et Tabou,trad. Marielène Weber, Paris, Gallimard, 1993.

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Jacques Lacan, Quatre Concepts Fondamentaux de la Psychanalyse, Paris, Seuil, 1973.

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Samuel Weber, The Legend of Freud, Stanford, Stanford UP, 2000.


[1] Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, trad. Janine Altounian, Pierre Cotet, René Lainé, Alain Rauzy et François Robert, Paris, PUF, 2010, p. 578.

[2] Sigmund Freud, Sigmund Freud présenté par lui-même, trad. Fernand Cambon, Paris, NRF, 1984, p. 14.

[3] Sigmund Freud, « Une expérience vécue religieuse », in Œuvres complètes XVIII : 1926-1930, trad. Anne Balseinte, Eike Wolff, Paris, PUF, 1994, p. 202.

[4] Sigmund Freud, Totem et Tabou, trad. Marielène Weber, Paris, Gallimard, 1993, p. 67.

[5] Sigmund Freud, Correspondance avec le pasteur Pfister, 1909-1939, trad. Lily Jumel, Paris, Gallimard, 1966, p. 104.

[6] John Updike, « Recruiting Raw Nerves », in The New Yorker, Mar 15, 1993, p. 111. Ma traduction.

[7] Philip Roth, Opération Shylock : Une Confession, trad. Lazare Bitoun, Paris, Gallimard, 1995.

[8] Ibidem.

[9] Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, op. cit., p. 146 n2.

[10] Jacques Derrida, Résistances à la psychanalyse,Paris, Galilée, 1996, p. 23-24.

[11] Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, op. cit., p. 578.

[12] Jacques Derrida, Résistances à la psychanalyse, op. cit., p. 24.

[13] Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 26.

[14] Samuel Weber, The Legend of Freud, Stanford, Stanford University Press, 2000, p. 114. Ma traduction.

[15] Idem.

[16] Jacques Derrida, Résistances à la psychanalyse, op. cit., p.29.

[17] Idem.

[18] Philip Roth, Opération Shylock : Une Confession, op. cit.

[19] Ibidem.

[20] Harold Bloom, « Operation Roth », The New York Review of Books, April 22, 1993. Ma traduction.

[21] Idem.

[22] Philip Roth, Opération Shylock : Une Confession, op. cit.

[23] Ibidem.

[24] Ibidem.

[25] Ibidem.

[26] Ibidem.

[27] John Updike, « Recruiting Raw Nerves », op. cit., p. 111.

[28] Philip Roth, Opération Shylock : Une Confession, op. cit.

[29] Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, op. cit., p. 578.

[30] Philip Roth, Opération Shylock : Une Confession,op. cit.

[31] Ibidem.

[32] Ibidem.

[33] Jacques Derrida, « Edmond Jabès et la question du livre, » L’Écriture et la différence, Paris, Seuil, 1968, p. 112.

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