2023Histoire des idéesune

Eternal Sunshine of the Spotless Mind : de Shakespeare à Cavell

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Tristan Chetrit est docteur en philosophie et chercheur associé au laboratoire PhiCo de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a soutenu sa thèse en décembre 2022 : Perfectionnisme et scepticisme dans le cinéma fantastique, rédigée sous la direction de Sandra Laugier.

Résumé

Cet article expose les liens entre le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry et deux classiques de la littérature, Le Conte d’hiver de Shakespeare et Maison de poupée d’Ibsen. Ces œuvres sont présentées par Stanley Cavell comme deux sources principales des films hollywoodiens appartenant au genre de la comédie du remariage. Je propose de montrer que ce film présente une visée perfectionniste puisque le couple sort de son expérience métamorphosé et apte à vivre une véritable vie de couple. Il remplit aussi la plupart des critères du genre du remariage. Nous verrons également comment Joel parvient surmonter l’épreuve de l’éternel retour.

Mots clés : Cavell, Ibsen, Shakespeare, mémoire, cinéma

Abstract

This article argues that the film Eternal Sunshine of the Spotless Mind by Michel Gondry can be considered as a new comedy of remarriage, a genre that Stanley Cavell analyzes in his book Pursuits of Happiness. For this purpose, I show the links between the film and two main sources of the comedy of remarriage: Shakespeare’s Winter’s Tale and Ibsen’s Doll’s House. I propose to show that this film delivers a perfectionist teaching because the couple in the end has changed and can live a true union. We find in this film the main features of the remarriage genre. We will see in which way Joel succeed to overcome the test of eternal recurrence.

Keywords: Cavell, Ibsen, Shakespeare, memory, cinema


I. Introduction

Dans son ouvrage À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage[1], Stanley Cavell analyse sept films américains des années 1930-1940 qui constituent un genre cinématographique qu’il a nommé comédie du remariage. Dans son autobiographie, Si j’avais su…[2], il écrit être allé voir Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry. Les critiques d’alors avaient établi un lien entre le film et les comédies du remariage. Dans ses mémoires, Stanley Cavell écrit : « Je ne sais pas si le rapport avec ma théorie est plus visible dans ce cas que dans d’autres exemples récents, tel dans Brad Pitt/Angelina Jolie Mr and Mrs Smith, mais il est plus intéressant, parce que le film en soi est plus intéressant »[3].

On peut également déceler dans le film l’influence de No Smoking (1993) d’Alain Resnais, où Michel Gondry et Charlie Kaufman semblent avoir puisé sur la forme comme sur le fond même s’ils s’éloignent de son pessimisme pour renouer avec l’esprit des comédies du remariage. Eternal Sunshine of the Spotless Mind peut prétendre être un héritier de ce genre, voire une nouvelle comédie du remariage ou pour le moins appartenir à un genre adjacent à l’instar de North by Northwest(La Mort aux trousses, 1959) d’Alfred Hitchcock. Nous verrons le rapport que le film de Michel Gondry entretient avec les sources classiques de la comédie du remariage. Dans cette optique nous explorerons comment la trajectoire de ce couple permet de tirer un enseignement perfectionniste, notamment en surmontant l’épreuve de l’éternel retour.

II. Une histoire qui rappelle les sources littéraires des comédies du remariage

Eternal Sunshine of the Spotless Mind est l’histoire de Joel Barish apprenant que sa compagne Clementine Kruczynski l’a effacé de sa mémoire par l’intermédiaire d’une nouvelle technologie proposée par la société Lacuna. Le couple n’étant pas heureux dernièrement, Joel décide à son tour de recourir aux services de cette société afin d’effacer Clementine de sa mémoire. La nuit où la procédure d’effacement a lieu, Joel dans son sommeil revit tous ses souvenirs avec Clementine avant que ceux-ci ne soient progressivement effacés. Durant le processus Joel change d’avis et veut désormais conserver ses souvenirs. Il veut sauver ce qui lui reste d’expérience de couple avec Clementine. Il s’emploie dès lors à résister à la procédure d’effacement. On assiste à la lutte de Joel avec la machine et les techniciens effaceurs ainsi qu’au dialogue intérieur que Joel entretient avec lui-même puis avec Clementine qui prend vie dans son esprit. Il en résulte une forme de conversation du remariage.

Le lendemain de l’effacement de ses souvenirs Joel rencontre fortuitement Clementine. Ils tombent de nouveau amoureux sans savoir qu’ils ont eu une vie de couple par le passé. Ils reçoivent ensuite l’enregistrement où ils expliquent les raisons pour lesquelles ils ont entamé une procédure d’effacement. Malgré le choc de ces révélations, ils finissent par décider de rester ensemble.
Le film a recours à une intrigue de science-fiction dont le but n’est pas seulement de nous mettre en garde contre une technologie future et son mauvais usage mais aussi un moyen original et ludique de nous interroger sur nos représentations de la vie, du bonheur, de notre rapport au passé, aux souvenirs. Un des critères principaux auquel doit satisfaire Eternal Sunshine of the Spotless Mind pour pouvoir prétendre faire partie des comédies du remariage est de se référer à une des deux sources shakespeariennes du genre, voire également à d’autres œuvres perfectionnistes qui ont inspiré les comédies du remariage. Dans l’introduction d’À la recherche du bonheur, Stanley Cavell explique que « la comédie romanesque shakespearienne [lui] fournit un premier exemple de la structure du remariage, et principalement Le Conte d’hiver»[4]. Et il écrit un peu plus loin, en rapport avec la pièce Maison de poupée d’Ibsen :

La description que j’ai proposée du genre du remariage, c’est qu’il entreprend effectivement de montrer […] comment la vie commune d’un couple cherchant à divorcer peut devenir un mariage. Maison de poupée pose ainsi une problématique et le genre du remariage constitue une des directions possibles pour y répondre ; et il pose les conditions ou les coûts d’une résolution de cette problématique.[5]

Ainsi les comédies du remariage proposent chacune une réponse possible à la pièce d’Ibsen. Michel Gondry et son scénariste Charlie Kaufman exposent en une scène de trois minutes l’élément déclencheur de l’intrigue du film avec une structure qui évoque deux sources principales au fondement des comédies du remariage : Conte d’hiver de Shakespeare et Maison de poupée d’Ibsen. Dès la scène II de l’acte I du Conte d’hiver, le spectateur apprend que Leontes soupçonne son épouse Hermione de le tromper avec Polixenes. Ce qui s’avéra très vite faux. Dans Eternal Sunshine…, environ trois minutes après le générique, nous assistons à une scène où Joel raconte que Clementine a feint de ne pas le reconnaître et le trompe. Il se rend vite compte que la réalité est différente. En fait, Clementine a effacé Joel de sa vie. L’autre élément que les deux œuvres ont en commun est une séparation qui semble définitive. Dans la pièce de Shakespeare, Hermione disparaît ne permettant pas à Leontes de se faire pardonner et de renouer avec son épouse. Quant à Joel, comment pourrait-il s’expliquer avec Clementine alors qu’elle ne se souvient plus de lui ? Les deux personnages masculins sont donc renvoyés à leur solitude et à l’échec de leur relation amoureuse. C’est ce dernier point qui fait le lien avec la fin de la pièce d’Ibsen. Sur Nora quittant la maison, Cavell écrit : « Par son action, elle n’oppose pas un obstacle au langage, elle abandonne le langage et la maison du langage »[6]. Son départ de la maison est une manière de rompre avec Torvald, le couple ne peut plus communiquer. C’est aussi ce qui se produit dans le film, Clementine quitte Joel mais en l’effaçant de sa mémoire, la rupture est radicale. La conversation n’est pas seulement interrompue mais désormais impossible.

Pourquoi Joel a-t-il perdu Clementine ? Sans doute à cause de ses insinuations sur son infidélité, un peu comme Leontes. Il dit à Clementine : « Je présume que tu as couché avec quelqu’un ce soir. Ce n’est pas comme ça que tu te fais apprécier ? ». C’est après ces paroles insultantes que Clementine quitte l’appartement et ne reverra jamais plus Joel. Il remet en cause sa vertu, apparemment sans fondement, comme Leontes le faisait avec Hermione. C’est aussi pour ce motif qu’elle quittera l’appartement de Joel après leur nouvelle idylle, elle entend la voix enregistrée de l’ancien Joel dire :

Clem pense que le seul moyen de se faire apprécier par les gens c’est de baiser avec, ou faire croire qu’elle se fera baiser devant eux. Je crois qu’elle est si désespérée et mal dans sa peau que tôt ou tard elle finit par baiser avec tout le monde.

Clementine réagit en disant « Je ne fais pas ça. […] Ça me vexe que tu aies dit ça car je ne suis pas comme ça ». Celui dont devient jaloux Joel ne s’appelle pas Polixenes mais Patrick. Dans les deux œuvres, les compagnons ne sont pas trompés. Clementine n’aura finalement entretenu qu’une relation superficielle avec Patrick. Sans doute parce qu’il n’est pas sincère, qu’il lui rappelle inconsciemment un passé douloureux et qu’il ne l’attire pas vraiment. En fait, elle ne le supporte pas. Dans le Conte d’hiver, le fils d’Hermione et de Leontes, Mamillius, meurt de chagrin, dans le film, l’enfant n’est pas encore né, Joel n’étant pas prêt à s’engager dans une relation durable et à être père.

Stanley Cavell faisait remarquer que Leontes se considérait parfois comme un enfant occupant la place de son fils. Pour Joel c’est un peu le cas aussi, il manque de maturité même s’il est plus sérieux que Clementine, il n’assume pas mieux ses responsabilités[7]. Il ne veut pas être père et accuse sa femme d’être infidèle, on retrouve le schéma de la pièce de Shakespeare.

Par ailleurs, si on se concentre sur les problèmes du couple dans Eternal Sunshine, – surtout si on garde en tête la pièce d’Ibsen, Maison de poupée – Joel, un peu comme Torvald, mésestime sa compagne à cause de son attitude fantasque et finit par y voir systématiquement une forme d’immaturité. Il la juge à travers des faits isolés oubliant qu’elle ne se résume pas à ces excentricités. Le souvenir où elle parle de sa poupée, de son mal être est révélateur. Il ne veut pas oublier ce souvenir qu’il trouve très beau, Clementine ne craint pas de se mettre à nu, de partager des pensées intimes, ce qui constitue en effet une très belle preuve d’amour. Cette scène donne une clé de compréhension sur la manière d’être de Clémentine.

En passant rapidement en revue la plupart des traits caractéristiques des comédies du remariage, le film de Michel Gondry les comprend tous ou presque. La femme doit avoir environ trente ans et avoir fait l’expérience d’une vie en commun. Clementine correspond à cette description, elle a notamment vécu deux ans avec Joel. Le couple, après une séparation, se remet ensemble. Le film doit présenter un certain nombre d’échanges, de conversations. On décèle un aspect féministe plus important qu’il n’y paraît dans la suite logique de l’égalité dans le couple prônée par ces comédies. Il doit y avoir éducation de la femme, création d’une nouvelle femme, après être passée par une mort et une résurrection. Il faut également qu’il y ait un pardon réciproque. Clementine et Joel se pardonnent leurs fautes passées et vont de l’avant. Il est nécessaire que le couple ait un rêve, une conception romantique ou utopique du mariage, ce qui semble être le cas. Enfin, le film doit présenter ce que Northorp Frye et Cavell nomment un « monde vert » (green world). Cavell le définit comme :

[…] un lieu où se déplace l’action après un début dans la grande ville ; le lieu dans lequel l’intrigue se complique pour finir par se résoudre ; un lieu au-delà du monde normal, où les lois du monde sont contrariées ; un lieu pour prendre du recul et recevoir une éducation.[8]

Le « monde vert » d’Eternal Sunshine semble en tous points correspondre à cette définition si l’on considère que ce lieu se trouve dans la tête de Joel[9]. C’est un lieu particulier car les souvenirs se réfèrent à beaucoup de lieux différents. C’est pour cette raison qu’il faut peut-être y voir un mélange du concept de « monde vert » et de ce que Cavell appelle être « sur la route », qui est ce qui remplace ce concept dans It Happened One Night (New-York – Miami, 1934). C’est-à-dire « qu’on y remplace un passé en commun par la raison de s’engager dans une vie aventureuse, autrement dit dans un avenir vécu en commun quoiqu’il arrive »[10]. C’est bien ce qui arrive, le couple vit des aventures. L’objectif de Joel est de sauver Clementine de son effacement programmé et de profiter de tous les moments de répit pour continuer à vivre avec elle. Dans l’espoir un peu vain de pouvoir au réveil entamer une nouvelle relation avec la vraie Clementine.

Le film ne relate donc pas seulement les souvenirs qu’un homme a de sa vie de couple, une prise de conscience de ses erreurs, une réflexion sur ses souvenirs et ses sentiments mais aussi de nouvelles expériences avec Clementine, une manière pour Joel de se réinventer un passé commun avec elle. Pour Clementine l’intimité consistait à « partager des choses » or Joel ne lui racontait rien de personnel, il ne permettait pas à leur relation de devenir une vraie union. Pourtant lorsqu’il risque de la perdre, il est prêt à la cacher dans ses souvenirs les plus intimes, ceux de son « humiliation » ou ceux de son enfance. Dans ces derniers, ils apprennent même à jouer comme frère et sœur, un peu comme les couples de It Happened One Night, de Bringing up Baby (L’Impossible Monsieur Bébé, 1938) ou de The Awful Truth (Cette sacrée vérité, 1937). Joel acquiert une expérience nouvelle et une complicité dans sa vie de couple à travers ses souvenirs et leur réinvention. Peut-être faut-il voir qu’à l’instar du couple de It Happened One Night, où l’homme permet à la femme d’entrer dans son rêve, tous les personnages rétifs à se (re)mettre ensemble doivent laisser la possibilité à l’autre d’entrer dans leur rêve. Stanley Cavell écrit :

Pourquoi ne peut-il pas laisser la femme de ses rêves entrer dans son rêve ? […] La reconnaître comme cette femme serait reconnaître que c’est quelqu’un de vrai, quelqu’un de vivant », de chair et de sang, quelqu’un de distinct de son rêve qui doit donc, pour y être, y entrer ; et il a l’impression que c’est une menace contre son rêve, et donc une menace contre lui. Avancer dans la direction de notre rêve, c’est nécessairement hasarder le rêve. Nous pouvons considérer que son problème est d’avoir à réunir la perception qu’il a de cette femme et la vision imaginaire qu’il s’est faite d’elle. […] Le genre du remariage nous invite à parler de réunir vision imaginaire et perception comme s’il s’agissait de réunir la nuit et le jour -disons les rêves et les responsabilités. Chacun des films composant le genre présente sa mise en œuvre de ce projet.[11]

Dans Eternal Sunshine, on peut considérer les instants de vie revécus pendant le processus d’effacement et l’invention de nouveaux moments de complicité comme une manière pour Joel de faire coïncider le rêve et la réalité. D’un côté, il doit abandonner l’image idéalisée de Clementine comme devant le sauver y compris de lui-même et comprenant qu’il doit suffisamment lui faire confiance pour la laisser entrer véritablement dans sa vie. Pour cela, il doit également l’accepter telle qu’elle est, pas comme il voudrait qu’elle soit.

Ce jeu avec le temps et les souvenirs n’est pas si éloigné du Conte d’hiver. Certes, l’originalité de la pièce consiste surtout à proposer une ellipse de seize ans au début de l’acte IV. Cependant d’autres éléments de la pièce entrent en résonnance avec la structure du film. Dans Le Conte d’hiver, le récit improbable de la fin est qualifié par un seigneur ainsi : « Je vous rapporte un récit par pièces et morceaux (a broken delivery) »[12]. Or c’est bien en morceaux que nous est présentée l’histoire de Clementine et Joel. Sur la réaction de Leontes et Polixenes, il est dit : « on aurait dit qu’ils entendaient parler d’un univers racheté, ou d’un monde détruit » (a world ransomed, or one destroyed)[13]. Dans le monde mental de Joel, il est aussi question des deux : il est à la fois racheté par sa nouvelle expérience avec Clementine et en même temps détruit puisque ses souvenirs avec elle et son aventure pour la sauver de l’oubli ont disparu. Enfin, la nouvelle rencontre inespérée entre Joel et Clementine est digne d’un vieux conte, or c’est bien à un « old tale » (vieux conte) qu’est comparée la scène des retrouvailles par un des seigneurs dans la pièce de Shakespeare.

En fait, la différence majeure dans la structure du film par rapport à celle du Conte d’hiver de Shakespeare, est qu’il n’y a pas deux couples, un vieux et un jeune à réunir dans le long métrage mais un seul qui se rencontre deux fois. Autrement dit, Perdita, la fille perdue, c’est Clementine, une version plus jeune de la première Clementine dans la mesure où elle a oublié les moments vécus avec Joel. Dans la chanson Oh my darling Clementine, il est d’ailleurs bien dit de Clementine : « You are lost and gone forever » (Tu es perdue et t’en es allée à jamais), et Clementine se définit à deux reprises comme « une fille paumée (fucked up girl) qui recherche sa propre paix intérieure ». C’est donc bien la fille perdue que l’on croit ne jamais retrouver. Dans ce même ordre d’idée Joel, une fois ses souvenirs effacés, tiendrait le rôle de Florizel. Les deux jeunes gens dans la pièce de Shakespeare tombent amoureux, sans que Florizel connaisse l’identité de Perdita. Il croit que c’est une bergère et elle-même ignore être une princesse perdue, lui est un prince se faisant passer pour un berger. Dans le film, Clementine et Joel, une fois leur mémoire vierge de leurs souvenirs conjugaux, retombent amoureux. Ce n’est que lorsqu’ils apprennent leur passé commun, blessés par la rupture qui a eu lieu, qu’ils deviennent symboliquement Leontes et Hermione se retrouvant seize ans plus tard. Afin de pouvoir regagner l’amour d’Hermione, la condition sine qua nonest de ramener Perdita. Seulement pour retrouver la fille perdue il faut comme dans la pièce voyager, aller dans un autre royaume familier. Perdita se trouvait en Bohème, royaume voisin de celui de Leontes. Dans le film ce lieu s’appelle Montauk, au bord de la mer, Joel y rencontre Clementine et c’est également là qu’ils se retrouveront.

III. Similitudes et différences avec No Smoking d’Alain Resnais

No Smoking (1993) d’Alain Resnais, adaptation de la pièce Intimate Exchanges (1982) d’Alan Ayckbourn, semble avoir influencé Eternal Sunshine…. Le film conte une histoire de couple et de ses cinq fins alternatives. Le long métrage, à travers son dispositif, montre les résultats de l’expérience consistant à imaginer ce qui se serait passé si on avait agi différemment. Généralement on se dit : « je n’en serais pas là » ou « ma vie aurait été meilleure ». Certes, les changements de décision des personnages peuvent avoir d’énormes répercussions sur leur vie, mais ne leur permettent jamais de résoudre leurs problèmes de manière satisfaisante. En effet, tous les destins alternatifs sont décevants voire tragiques, certains protagonistes s’en sortent mieux en fonction des événements. Sur la forme, on voit les personnages vivre plusieurs destins, chacun provoqué par un choix intervenant à un moment de leur histoire. On joue donc avec le passé du couple et sur les variantes de leur relation, un peu comme dans le film de Michel Gondry et Charlie Kaufman.Sur le fond, le couple Coombes, sur lequel se concentre le film de Resnais, semble avoir inspiré le couple Clémentine/Joel. Ainsi, Rowena Coombes à l’instar de Clementine, a une personnalité originale, extravertie et une grande franchise. Miles est quelqu’un de sérieux, gentil, un peu lâche, passif dans son couple, à l’image de Joel. Le couple Coombes pourrait ressembler à celui de Clementine et Joel après plusieurs années de mariage. Joel fait les mêmes reproches à Clementine que Miles à Rowena : elle est immature, bête ou inculte, et a des relations sexuelles avec n’importe qui. Une scène clé est celle où Miles et Rowena font une promenade. Soudain, elle décide d’aller fouiner dans le jardin des Teasdale, Miles essaie de l’en dissuader arguant que ça ne se fait pas de pénétrer chez les gens en leur absence. Finalement, quand il se mettra à pleuvoir, Miles se réfugiera un instant avec Rowena dans la remise des Teasdale. Le début de la scène rappelle fortement celle d’Eternal Sunshine où Clementine entre par effraction dans une maison de Montauk située en bord de mer. Joel la suit un peu malgré lui et demande à plusieurs reprises à Clementine de repartir avec lui, sans succès. Dans la scène dans le jardin des Teasdale dans No Smoking sont évoqués les problèmes de communicabilité du couple. Durant leur conversation, Rowena répond à Miles qu’elle sait très bien qu’elle ne trouvera l’amour avec aucun de ses nombreux amants, mais souhaite qu’on lui accorde au moins un semblant d’intérêt, ce que Miles ne fait même plus. C’est ce qui est au cœur des problèmes de couple dans les deux films. L’homme ne veut pas ou ne veut plus s’engager dans le couple et se désintéresse de la femme. Il brocarde l’infidélité de la femme alors qu’elle semble être la résultante de l’inconséquence de l’homme dans le couple, de la fuite de ses responsabilités. Parmi les nombreux autres éléments que l’on peut relever dans le film, Miles est attiré par deux autres femmes (Celia et Sylvie) qui sont jouées par la même actrice, comme tous les autres rôles féminins. La différence physique la plus notable est la couleur de leurs cheveux et leur coiffure, ce qui a peut-être inspiré la lubie de Clementine de changer régulièrement de couleur de cheveux. Dans une scène, Miles est celui qui accompagne Sylvie Bell sur l’autel, le jour de son mariage. Miles évoque avec elle le moment où ils étaient partis en excursion, la seule nuit où elle fut Madame Coombes, le lendemain où ils étaient coincés dans un abri, elle dit ne se souvenir de rien mais est bel et bien émue. C’est une dure séparation, un peu comme celle du dernier souvenir de Joel avec Clementine, le genre de moment où les personnages éprouvent des regrets. Autre similitude, les paroles prononcées par Rowena lors de sa dispute avec Miles dans la scène intitulée L’école en fêteoù elle se plaint d’une vie de famille trop banale et déclare : « Je me sens tellement piégée. Piégée et vieille ». Et un peu plus loin : « Je meurs, Miles, je me dissous, je disparais ! ». Presque les mêmes répliques que celles de Clémentine déboussolée disant à Patrick : « Je suis perdue, j’ai peur, j’ai l’impression de disparaître. Ma peau se décompose, je vieillis, rien n’a de sens ». Et plus tard, la réplique de Clementine expliquant à Joel : « Je finirai par m’ennuyer et me sentir piégée car je suis comme ça ». On relève ainsi dans ces deux films des correspondances comme des airs de famille.

Les ressemblances entre le film de Resnais et Eternal Sunshine font d’autant plus ressortir ce qui les distingue : la vision que les personnages portent sur leur vie et leur incapacité à avoir une vie de couple apaisée. Dans No Smoking, Miles Coombes s’apitoie sur son sort, regrette que son épouse le trompe et soit trop fantasque mais ne se remet jamais en question et ne fait rien pour sauver son couple. Il reste là à espérer une autre vie possible, comme si aucun changement ne dépendait de lui, comme si la manière d’être de chacun était immuable, que nous étions les uns pour les autres une île. La vision de la vie développée dans le film semble être que nos vies nous échappent quoique nous fassions. Mais aussi que nous nous acharnons souvent sur les circonstances, les utilisons, pour trouver des excuses, et pensons souvent que si nos choix avaient été différents, notre vie aurait été meilleure. Pourtant les décisions des personnages tout en ayant de réelles conséquences sur leurs destins, ne permettent jamais à Miles de trouver le bonheur[14], sa vie oscille entre des parcours peu enviables. Il faut donc en déduire soit que nous ne sommes pas faits pour le bonheur et que nos regrets de ne pas avoir fait tel ou tel choix qui aurait changé notre vie ne sont que des illusions (une autre version du proverbe « l’herbe est plus verte ailleurs »), soit que ce n’est pas une décision ou un choix qui peut sortir nos vies de l’enlisement mais un changement profond. Chez Ayckbourn ou dans le film de Resnais peut-être que même cette option est une illusion et que même en changeant d’attitude nous sommes condamnés à être insatisfaits. Bref, quelle que soit la perspective que nous adoptons sur l’œuvre, elle nous apparaît désespérée et seule la forme comique désamorce quelque peu le pessimisme du constat.

Michel Gondry et Charlie Kaufman se sont complètement éloignés de cette perspective. Joel, qui se plaignait de la décision de Clementine de l’effacer de sa mémoire ainsi que du comportement général de Clementine, se rend compte dans son périple à travers ses souvenirs que la cause de leur séparation est liée à son propre comportement, à sa manière d’appréhender le monde et plus spécifiquement à sa relation amoureuse. C’est en réglant ses problèmes qu’il peut espérer ne pas commettre les mêmes erreurs.

Le procédé employé dans No Smoking ne permet pas aux personnages d’apprendre de leurs différentes vies puisque seul le spectateur en a connaissance, il met surtout en exergue les illusions des personnages sur eux-mêmes et sur leur capacité à changer en attribuant trop d’importance aux circonstances. Dans Eternal Sunshine, le processus d’effacement en faisant revivre des instants de la vie de Joel exactement tels qu’ils se sont déroulés et tels qu’il les a ressentis évoque la doctrine de l’éternel retour. Nietzsche la définit à travers une fiction où un démon nous annoncerait que notre vie devrait sans cesse recommencer à l’identique, ce serait un cauchemar ou, autre possibilité évoquée : « Ou bien as-tu vécu une fois un instant formidable où tu lui répondrais : « Tu es un dieu et jamais je n’entendis rien de plus divin ! »[15]. Pour supporter l’idée de l’éternel retour, Nietzsche considère qu’il faut avoir vécu au moins un instant extraordinaire qui permette d’accepter de revivre encore d’innombrables fois toutes les souffrances et les insuffisances de sa vie. Ce moment, le philosophe l’a trouvé : ce serait la découverte de l’éternel retour. Nul besoin que ce moment soit une grande découverte ou un événement extraordinaire, semblent indiquer Charlie Kaufman et Michel Gondry. Le souvenir sur Clementine et sa poupée, que Joel voulait conserver, est un moment de tendre intimité. Sans doute un aboutissement de la relation amoureuse où on ne craint pas de livrer ses pensées les plus intimes, de se mettre à nu. Un moment de partage rare par son émotion et ce qu’il signifie pour les amants, qui frappe par sa simplicité et son dépouillement. Si on laisse de côté les interprétations cosmologiques de l’éternel retour pour se focaliser sur l’apport éthique de cette expérience, on remarquera qu’elle s’approche beaucoup de l’amor fati. Il est essentiellement question d’accepter notre vie telle qu’elle s’est déroulée sans remord, et de la revendiquer dans tous ses aspects, de ne pas être en proie au ressentiment. On remarquera que Joel avant de revivre ce souvenir, ressassait ses griefs contre Clementine sous l’effet de passions tristes. Ce souvenir en particulier et d’autres heureux avec Clementine semblent justifier pour Joel de vouloir conserver dans sa mémoire cette relation et plus généralement justifie sa vie. C’est le début, d’un changement de perspective pour Joel, une première étape sur la voie du perfectionnisme, ce vers quoi doit mener l’épreuve de l’éternel retour si on est assez fort pour en sortir victorieux. Nietzsche écrit dans ses notes :

Une âme comblée et puissante ne vient pas seulement à bout de pertes, de privations, de frustrations, de mépris douloureux et mêmes terribles : elle sort de tels enfers avec une plus grande plénitude et puissance.[16]

A travers l’éternel retour, Nietzsche a un projet éthique perfectionniste, transformer le type homme. Reste qu’il nous faudra voir si malgré l’effacement des souvenirs de Joel ses prises de conscience influeront sur ses actions. Les amants sont-ils condamnés à une répétition du même ou auront-ils droit à un véritable recommencement ?

IV. La réconciliation du couple ou comment le miracle s’accomplit

La première objection qui pourrait conduire à exclure Eternal Sunshine of the Spotless Mind du genre de la comédie du remariage serait que Joel n’ait rien appris durant son périple, à part qu’il tenait toujours à Clementine. Deuxième objection : même s’il avait acquis une nouvelle expérience qui transforme sa relation de couple, cela n’aurait aucune importance puisque le personnage au réveil ne se souviendrait de rien. Enfin, quand bien même Joel aurait changé, Clementine semble être restée la même et en plus déclare lors de leur dernière conversation : « Je finirai par m’ennuyer et me sentir piégée car je suis comme ça ». Nous allons voir que ces difficultés peuvent aisément être surmontées.

La fin du film semble se référer particulièrement à Maison de poupée d’Ibsen, notamment dans deux scènes qui nous intéressent ici. On peut par ailleurs se demander si l’histoire que raconte Clementine sur sa poupée moche qu’elle appelait Clementine, ou si la présence de messieurs et mesdames Patates dans son appartement ne sont pas des indices à peine voilés au titre de la pièce d’Ibsen, suggérant un lien entre Clementine et Nora. La première scène est le dernier souvenir que Joel garde de Clementine lorsqu’il pénètre de nuit dans une maison en bord de mer à Montauk. Joel n’est pas resté avec Clementine, il a eu peur, il ne voulait pas s’engager, en fait il y avait déjà en germe les éléments qui allaient conduire leur relation à l’échec. Mais dans ce souvenir revécu, Joel parle de son regret de n’avoir pas pu rester et le modifie, il lui donne un baiser d’adieu. Je pense que l’image de cette maison détruite à la fin du souvenir illustre l’analyse que Cavell propose de la pièce d’Ibsen et son lien avec le genre du remariage.

Maison de poupée présente une forme dans laquelle une vie apparemment rangée se brise en mille morceaux qui à une vitesse vertigineuse se recomposent pour donner un argument touchant les concepts suivants : pardon, habitation, conversation, bonheur, jeu, devenir-humain, pères et maris, frère et sœur, éducation, scandale, capacité à enseigner, honneur, devenir-étranger, un changement miraculeux et la métaphysique du mariage. L’argument d’une comédie du remariage doit nécessairement comporter chacun de ces concepts et d’autres encore.[17]

Le philosophe ajoute également un peu plus loin :

L’enchaînement intellectuel ou spirituel de concepts qui met en morceaux la maison de poupée en a la qualité aussi sûrement que le geste […] par lequel Nora, faisant allusion à ses vêtements, dit qu’elle (s’) est changée.[18]

On retrouve ici la même image d’une maison qui s’effondre représentant autant l’effacement du souvenir que le délitement de la relation amoureuse de Joel. Le film permet une appréhension différente des concepts évoqués par Cavell, c’est ce nouveau regard qui va aider Joel à comprendre ses erreurs et à fonder par la suite sa relation amoureuse sur de nouvelles bases. Ce n’est pas seulement la fin d’une histoire comme dans Maison de poupée mais aussi la possibilité d’un nouveau commencement. Même si la vie en commun de Clementine et Joel chavire à ce moment-là, c’est aussi l’achèvement d’un voyage dans ses souvenirs qui conduit Joel à redécouvrir Clementine et à se remettre en question, à comprendre ce qu’il avait perdu. Stanley Cavell remarque aussi qu’« une des vertus de nos héros sera d’être disposés à subir une certaine indignité, comme si ce qui bloquait le changement, c’était d’un point de vue psychologique une fausse dignité »[19]. Cette question de la fausse dignité était aussi au centre de la pièce d’Ibsen. Torvald s’accrochait à ce semblant de dignité, il était nécessaire que l’homme ne paraisse pas faible, que son honneur soit sauf. Torvald disait : « Mais on ne sacrifie pas son honneur pour l’être qu’on aime »[20]. Sur ce, Nora répondait : « Des centaines de milliers de femmes l’ont fait »[21]. Or Joel a compris qu’il se drapait dans une fausse dignité. Il dit qu’il voulait revenir mais il a eu peur et il s’est senti humilié, il l’avoue, il ne voulait pas perdre la face et paraître ridicule, il avait sans doute déjà peur de s’engager. Plus tard, il comprend que c’était idiot, et c’est parce qu’il le reconnait que l’expérience l’a changé, et qu’il se rend compte de la personne formidable qu’est Clementine. Il a le droit que le miracle se produise, que Clementine désire lui donner une seconde chance, la possibilité de la retrouver, elle qui devenait la fille perdue et introuvable. Ce qui permet à Joel d’avoir droit à une autre fin que cette déliquescence de leur amour. Le souvenir en effet est fini mais une autre vie est encore possible, la réalisation d’un vrai mariage. Joel a compris beaucoup de choses lors de cette aventure. Quant à savoir s’il y a mort et résurrection de la femme, on constatera déjà que Clementine telle que Joel l’a connue autrefois meurt avec l’effacement de ses souvenirs et qu’une nouvelle Clementine lui sera rendue le lendemain.

L’autre « maison de poupée » c’est l’appartement de Joel lors de la scène où Clementine vient le voir alors qu’il écoute sa cassette. Cette troisième scène qui évoque la fin de la pièce d’Ibsen n’était possible que parce que Mary, une employée de Lacuna, a pris l’initiative d’envoyer leur dossier à tous les clients de l’entreprise. Ce dossier est un élément clé qui joue un rôle assez proche de la lettre que Krogstadt a envoyée à Torvald Helmer et qu’il n’essaie finalement pas de récupérer après que Mademoiselle Linde lui a dit : « Helmer doit tout savoir ; ce funeste secret doit être brisé ; il doit y avoir une explication entre eux, tous ces faux-fuyants et toutes ces cachoteries ne peuvent continuer »[22]. Dans la pièce d’Ibsen, Torvald Helmer apprend à ses dépens qu’il ne peut pas indéfiniment avoir une attitude infantile envers sa femme, qu’il se fait des illusions sur son rôle d’époux et sur la manière dont il perçoit Nora. Ces éléments sont présents différemment dans Eternal Sunshine, une reconnaissance est nécessaire de la part de l’homme envers la femme. Le Conte d’hiver, Maison de Poupée, No Smoking, traitent de mariages qui n’en sont pas vraiment et tournent mal. Ces œuvres interrogent sur la réalisation d’un véritable mariage où aucune des deux parties ne devrait se sentir lésée.

Certains universitaires et spectateurs considèrent que Clementine et Joel seraient condamnés à commettre les mêmes erreurs et qu’ils se remettraient ensemble seulement pour profiter des quelques instants d’insouciance que leur mémoire immaculée leur permet. Cette position est très bien résumée par David LaRocca :

Ce qui est remarquable dans la structure en ouroboros d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind – la manière dont le couple est revenu l’un vers l’autre afin d’avoir une nouvelle chance de faire fonctionner leur relation – est qu’ils ne risquent pas seulement de répéter les mêmes erreurs mais choisissent de se remettre ensemble tout en sachant qu’ils répéteront les mêmes erreurs.[23]

Ce constat semble partagé par Daniel Shaw, bien que celui-ci soit un peu plus ouvert dans sa formulation : « Joel et Clementine font tous deux preuve d’un courage remarquable en reprenant leur relation, sachant […] qu’il est probable qu’ils répètent plusieurs de leurs erreurs passées »[24]. Cette lecture relève toutefois d’une interprétation pessimiste qui correspond souvent à notre première vision du film. L’interprétation optimiste consisterait à penser qu’il n’y a pas de déterminisme et que les personnages auraient la possibilité de vivre cette fois-ci une histoire d’amour différente. Une lecture plus pertinente serait selon moi de considérer que même si le jeu des déterminismes pèse sur Joel et Clementine, leur expérience ultérieure, dont ils n’ont certes pas de souvenirs, les a néanmoins changés et leur donne la possibilité de vivre une histoire différente de la première.

A la question ont-ils appris quelque chose malgré l’effacement de leurs souvenirs, je réponds donc par l’affirmative. En effet, les personnages, bien que ne se souvenant pas de leur relation amoureuse, réagissent à des souvenirs ou à des pensées qu’on leur a effacés. Clementine est systématiquement gênée quand Patrick utilise certaines phrases de Joel. Quant à Joel, il prend un train pour Montauk au lieu d’aller travailler, il dit : « Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas du genre impulsif ». La seule raison qui pourrait expliquer qu’il se rende là-bas est la scène imaginaire où Clementine à la fin de leur dernier souvenir effacé lui dit d’aller à Montauk. Or, cela aussi a été oublié[25]. Pour justifier l’action des personnages, on a envie de dire qu’ils agissent ou réagissent de manière inconsciente et c’est sans doute là que se trouve la solution. La machine n’a effacé que les souvenirs que Joel avait de Clementine mais elle n’a pu effacer les processus mentaux que les événements ont produit sur Joel, les changements de perception du monde ou les changements de comportement, les modifications de son idiosyncrasie. D’ailleurs une partie de cette expérience est peut-être localisée dans des souvenirs dans lesquels Clementine est absente. De plus, il paraît évident que nous sommes influencés par notre entourage même durant des actions où il n’est pas présent, il fait partie de notre vie psychique et donc de nos processus d’évolution, de nos apprentissages.

Toutefois, la principale question demeure : Est-ce que les deux amants ont changé et vont pouvoir prendre un nouveau départ où sont-ils condamnés à répéter leur passé ? Dans la séquence du train au retour de Montauk, Clementine veut renouer avec Joel, elle semble désirer poursuivre une conversation interrompue autrefois à cause de désaccords profonds. Désormais, elle veut que l’homme qui l’attire ou qu’elle aime s’engage, soit actif dans leur relation, pas juste gentil ou poli car ce n’est pas une preuve d’intérêt. L’évolution de Joel est perceptible, il propose de la déposer en voiture alors que chacun partait de son côté. Il s’implique, il n’est plus passif comme lors de la première rencontre. Elle dira, quand ils seront dans l’appartement : « Je vais me marier avec vous. Je le sais ». Elle cherche à fonder une famille, un « vrai mariage » comme le souhaitait Nora dans la pièce d’Ibsen. Quand Joel monte chez elle, il est mal à l’aise. Et sans doute comme à la fin de leur première rencontre se demande si cette fille n’est pas folle. Là aussi il décide de partir, mais cette fois il n’attendra pas le lendemain ou quelques jours pour revenir vers elle. Il la rappellera le soir même. Son expérience passée l’a changé, finalement, il surmonte sa peur de s’engager. Enfin, lorsque Clementine vient dans l’appartement de Joel, entend tout ce que le Joel dépressif de l’enregistrement disait d’affreux sur elle et notamment lorsqu’il remet en cause sa fidélité, non seulement elle n’accepte pas cela parce que c’est faux mais elle lui signifie implicitement : tu ne respectes pas la personne que je suis comme si je n’avais aucune dignité, je ne comptais donc pas pour toi. Ce qui se joue ici comme respectivement dans les pièces de Shakespeare et d’Ibsen, c’est le devenir d’une femme que le regard du compagnon a changé en statue ou en jouet. Comment peut-elle redevenir humaine ? Comment peut-elle ensuite pardonner et en même temps être ressuscitée par le changement de ce regard ? Clementine quitte donc l’appartement de Joel comme Nora quittait la « maison de poupée » se disant qu’il faudrait un miracle pour que cet homme puisse être celui qu’elle cherche et lui apporter ce dont elle a besoin. A la différence que cette fois Joel va la voir et pour une fois va prendre l’initiative. Il montre comme l’écrit Cavell qu’il a « survécu à sa chute. Afin de présenter une revendication correcte, pour réussir l’épreuve de sa légitimité, il doit montrer […] qu’il peut exprimer un souhait et donc se ridiculiser »[26]. Il sait qu’il n’est plus la même personne, il trouve le courage et la confiance en lui pour s’engager pleinement auprès de la femme qu’il aime. Il veut réessayer de vivre avec elle en sachant que cela n’a pas marché une première fois, qu’ils se sont peut-être détestés par le passé. Il veut avoir une seconde chance. Quand on voit le film pour la première fois, on peut croire que le couple est condamné à commettre les mêmes erreurs. Joel veut retenter sa chance parce qu’il est toujours attiré par Clementine et elle, un peu déboussolée, ressort la même réplique que lorsqu’ils s’étaient revus à la librairie lors de leur première relation : « Je suis juste une fille perdue (fucked up girl) qui cherche la paix intérieure » et lui redonne une chance comme à l’époque, tout en affirmant qu’elle ne changera pas. Le film joue sans doute habilement sur l’ambiguïté du jeu des ressemblances. La configuration a pourtant changé, Joel aime Clementine, peu importe ses défauts, il aime la personne avec tout ce que cela implique de bons et peut être de moins bons moments à passer ensemble. C’est la grande déclaration d’amour qu’elle attendait.

Une des résolutions de cette difficulté, à pouvoir reprendre une relation alors que la première avait échoué, avec ce jeu des ressemblances et des différences était déjà présente à la fin de l’analyse que Cavell consacre à The Awful Truth de Leo McCarey à propos du dialogue entre Jerry et Lucy :

Lucy : Oui, c’est drôle que les choses soient comme elles sont à cause de la façon dont tu ressens les choses.

[…]

Lucy : […] Les choses sont absolument les mêmes qu’elles ont toujours été, il y a seulement que toi aussi tu es absolument le même, aussi je pense que les choses ne seront plus jamais les mêmes.

[…]

Jerry : […] Tu te trompes quand tu dis que les choses sont différentes parce qu’elles ne sont pas les mêmes. Les choses sont différentes, sauf que c’est d’une manière différente. Tu es toujours la même, il y a seulement que j’ai été bête. Eh bien, plus maintenant. Alors, du moment que je suis différent, tu ne crois pas que les choses pourraient être les mêmes à nouveau ? Seulement un peu différentes.

Le « OK » de Joel veut dire implicitement la même chose que la réplique de Jerry, et la même chose que ce qu’il avait expliqué dans la dernière scène de souvenirs, qu’il aurait voulu rester, qu’il a peut-être eu peur comme un enfant, en somme qu’il a agi bêtement. Là il veut lui dire : « Je vois les choses clairement, tu n’as pas changé, c’est moi qui ai changé et cette fois cela ne se passera pas pareil car je sais que tu es celle que j’aime. Il est possible que notre relation amoureuse soit alors la même, juste un peu différente parce que j’ai changé et grâce à ce changement les problèmes de notre première relation seront de ce fait derrière nous ».

Joel lorsqu’il propose à Clementine de reprendre leur histoire d’amour tout en sachant que la première avait été un fiasco, considère que le bonheur d’être en compagnie de Clementine, de la découvrir mérite de prendre le risque d’un éventuel nouvel échec. Il est de fait même prêt à payer le prix de l’éternel retour car pour lui cela vaut mieux que de ne pas la connaître, comme l’écrit Nietzsche dans un fragment posthume :

La question primordiale n’est pas de savoir si nous sommes contents de nous, mais si en général nous sommes contents de quelque chose. A supposer que nous disions Oui à un seul instant, du même coup nous avons dit Oui non seulement à nous-même mais à l’existence toute entière.[27]

Le fait de tenir à un moment passé ensemble, à une personne ici, change la perspective de Joel sur la vie. Rien ne sera plus comme avant parce qu’il accepte d’être moteur dans leur relation d’en assumer la réussite comme l’échec, de devenir l’artisan de son bonheur au lieu de déléguer cette tâche à Clementine et de la blâmer si elle ne peut le sauver. Le plus dur c’est d’accepter le passé, de ne plus souffrir à cause de celui-ci, afin de profiter du présent et se projeter dans l’avenir (il est vrai que sans mauvais souvenirs c’est plus aisé). Nietzsche écrit à propos de l’éternel retour : « Si cette pensée s’emparait de toi, elle te métamorphoserait, toi, tel que tu es, et peut-être t’écraserait ; la question, posée à propos de tout et de chaque chose, “veux-tu ceci encore une fois et d’innombrable fois ?” ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd ! »[28], une modification dans la perception de notre vie a lieu et d’une certaine manière soit nous ployons sous le poids d’une vie gâchée, de nos erreurs, de nos souffrances passées sans espoir d’une amélioration de notre condition soit nous en ressortons plus forts. Si l’on parvient à surmonter l’épreuve, non seulement on se déleste de nos regrets, d’une partie de nos douleurs, on est davantage tourné vers le présent et vers l’avenir mais aussi plus attentif à ne pas perdre de temps, on essaie d’agir au mieux en imaginant que ce moment pourrait être revécu à l’identique d’innombrables fois. A la fin du film lorsque Joel dit qu’il veut recommencer une histoire d’amour avec Clementine, il ne fait pas que digérer les événements passés et n’est pas que dans l’amor fati, il assume les responsabilités qu’impliquent ses décisions et le poids qui pèse sur chacune de ses actions. C’est parce que cette manière de concevoir sa vie le transforme que leur histoire d’amour ne sera plus la même. La révélation de Mary sur leur histoire effacée permet au couple, de profiter d’une véritable seconde chance, d’en être conscient et donc vigilant dans l’évolution de leur relation.

Il me semble que le film évoque avec une certaine acuité les problèmes de couples contemporains : la peur de s’engager dans une relation, la peur de l’échec ou d’être blessé, l’inhibition qu’entraine le désir de contrôle ou le fait de trop réfléchir, qui empêche la spontanéité. L’individualisme qui conduit à ne plus se remettre en question, à croire que si une relation ne fonctionne pas c’est la faute de l’autre, ou de penser qu’il n’y a rien de bon à tirer d’un échec, à rechercher la facilité, à être insensible aux autres. Une partie de ces réflexions sur le couple et sur la société moderne enrichit le genre de la comédie du remariage car comme Cavell le précise « il faut qu’un genre reste ouvert à de nouvelles œuvres, […] s’ensuit que la nouvelle œuvre doit apporter à son arrivée un ou plusieurs nouveaux traits »[29].

V. Répétitions, souvenirs, bonheur et éternel retour

Que représente la scène de jeu dans la neige qui revient en boucle trois fois ?
Si ce moment est un des moments formidables d’une relation, est-ce que cela signifie qu’il vaudrait mieux revivre toujours ce même bonheur débarrassé de tout ce qui peut le ternir, et donc de toute expérience ? Pour Carole Lyn Piechota les images revenant en boucle « symbolis[ent] probablement la répétition passée, présente et future de leur relation »[30]. Pourtant, ce ne peut pas être le sens de la fin car cela impliquerait que tout le processus d’amélioration des personnages serait vain. Ce serait croire que dans une histoire d’amour seuls les débuts comptent ou qu’ils sont les meilleurs moments, ce qui heureusement dans bien des cas s’avère faux.

Peut-être est-ce une réponse au dispositif nietzschéen de l’éternel retour ? Je pencherais plutôt pour cette interprétation. La répétition des mêmes événements qui était une crainte, un cauchemar dans le film comme dans l’exposition de l’éternel retour avant d’en avoir triomphé, s’évanouit. Une fois que l’on profite pleinement du présent sans être encombré de regrets et que l’on assume ses actions, le souvenir devient source de joie, on sort de la malédiction de la répétition et de l’illusion d’un bonheur sans mémoire pour goûter au bonheur de l’instant toujours susceptible d’être remémoré par le souvenir. Cette séquence de fin n’est plus le souvenir de Joel avec Clementine évoquant sa poupée. Les dernières secondes du film n’ont même plus cet aspect singulier, l’événement auquel la mise en scène semble conférer une valeur particulière s’apparente à un bonheur du quotidien, un bon moment de jeu et de complicité. Ce qui tend à revaloriser notre expérience et à ne pas rechercher forcément l’exceptionnel. Bien que l’épreuve de l’éternel retour soit surmontée ici en revalorisant l’ordinaire et non pas un moment extraordinaire, elle demeure pertinente et la logique qui permet d’en triompher est la même, changer notre manière de concevoir nos actions pour ne pas regretter notre vie et parvenir à l’amor fati. Ne pas attribuer de la valeur seulement à ce qui est hors du commun mais plutôt savoir apprécier ce qu’il y a de précieux dans chaque moment agréable que la vie nous offre. Emerson, en voulant changer de perspective sur le monde et nous apprendre à voir différemment, écrivait :

Je ne demande pas le grand, le lointain, le romantique ; ce qu’on fait en Italie ou en Arabie, ce qu’est l’art Grec, ou la poésie de ménestrels provençaux : j’explore le familier, le bas, et suis assis à leurs pieds.[31]

Mais ce jeu sous la neige ne représente-t-il pas plutôt une scène que l’on peut revivre aisément, un petit bonheur du quotidien que l’on doit s’efforcer de retrouver tout au long de sa vie ? Toutefois on objectera que dans ce cas la séquence ne serait pas répétée à l’identique. Mais au fait l’est-elle vraiment ? Elle ne l’est pas tout à fait puisqu’elle n’est pas découpée exactement au même endroit, ainsi dans la première répétition on ne voit que les huit dernières secondes et pas le début, dans la seconde on ne voit plus la fin, enfin chaque répétition intensifie le voile blanc qui enveloppe le paysage et le couple. De toute façon, même en effaçant la mémoire et en retombant amoureux on ne peut revivre un événement de manière identique et quand bien même le déroulement serait identique comme dans cette répétition de la fin, on ne le revit pas à l’identique, notre perception de ces secondes diffère, nos pensées évoluent au cours de ces répétitions. Finalement cela est assez proche d’un souvenir que l’on repasserait plusieurs fois en revue. Comme l’écrit Épicure : « Il faut guérir les malheurs par le souvenir reconnaissant de ce que l’on a perdu, et par le savoir qu’il n’est pas possible de rendre non accompli ce qui est arrivé »[32]. Pouvoir se souvenir des joies passées, de ce qu’on a accompli et en éprouver de la gratitude est une sorte de seconde joie. Dans le présent, nous sommes toujours à la recherche de ce bonheur, de l’amour ou d’autre chose et parfois sans pensée heureuse à laquelle nous raccrocher. Ainsi, Joel est profondément déprimé après la procédure d’effacement, il est seul, pense qu’il est voué à être balloté au gré du hasard. Son monde lui apparaît d’autant plus vide que les deux dernières années il pense les avoir passées seul, un peu comme si on lui avait volé du temps, il a le sentiment de passer à côté de sa vie. En vivant des instants agréables et en s’en souvenant, on se rend heureux pour le reste de sa vie. Jean Salem propose la synthèse suivante :

C’est que le cours des biens passés n’est pas perdu : qui n’a pas laissé « couler » les plaisirs entre ses doigts a su goûter l’instant qui passe, sans se projeter au-devant de lui-même. Ce qui a été ne pouvant ne pas avoir été, rien n’est plus en lieu sûr que le plaisir qu’on a su prendre. Le sage sait donc user de sa mémoire comme d’une réserve de bonheur.[33]

Afin de profiter de nos vies, il nous reste à en apprécier les divers instants et à modifier notre manière de voir. Reprenant les fondamentaux de la philosophie du langage ordinaire, Sandra Laugier résume les choses ainsi : « L’ordinaire n’existe que dans cette difficulté propre d’accès à ce qui est juste sous nos yeux, et qu’il faut apprendre à voir »[34]. C’est ce que Joel semble avoir appris.

 

Bibliographie

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SHAKESPEARE, William, Conte d’hiver/A Winter’s Tale, trad. Maurice Castelain, Paris, Aubier, 1947.

 

[1] Stanley Cavell, À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, Paris, Vrin, 2017.

[2] Stanley Cavell, Si j’avais su…, Paris, Cerf, 2014.

[3] Stanley Cavell, Sixième partie. 24 avril 2004, dans Si j’avais su…, déjà cit., p. 298.

[4] Stanley Cavell, Introduction, dans À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 50.

[5] Ibid., p. 53-54.

[6] Ibid., p. 55.

[7] J’entends par sérieux qu’il est plutôt stable et a les pieds sur terre, là où Clementine est plus impulsive, vit surtout dans l’instant et plus dangereusement. Sur l’immaturité présumée de Clementine, il est difficile d’avoir un avis tranché. On peut toutefois remarquer que Clementine devrait peut-être faire les choses de manière un peu plus réfléchie sans perdre sa spontanéité, à l’inverse Joel trop dans l’introspection, se perd en hésitations et en cogitations, manque de maturité à un autre niveau en ne prenant pas son destin en main, en attendant désespérément que la personne qu’il aime le sauve. Son pessimisme et son regard angoissé sur la vie ne font pas de Joel quelqu’un de supérieur et la discussion qu’il a avec Clementine lors de leur rencontre après son effacement, sur la crainte de passer à côté de sa vie montre qu’elle n’est sans doute pas indifférente aux pensées qui le hantent mais plutôt qu’elle gère ou exprime son malaise différemment de lui.

[8] Stanley Cavell, À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 243.

[9] Pour un plus long développement voir William Day, « I Don’t Know, Just Wait. Remembering Remarriage in Eternal Sunshine of the Spotless Mind », dans David LaRocca (dir.), The Philosophy of Charlie Kaufman, Kentucky, University Press of Kentucky, 2019, p. 140-141.

[10] Stanley Cavell, À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 63.

[11] Ibid., chap. 2, p. 153.

[12] William Shakespeare, Conte d’hiver/A Winter’s Tale, acte V, scène II, Paris, Aubier, 1947, p. 240.

[13] Ibid., p. 240-241.

[14] Le bonheur tel qu’il faut le concevoir ici et dans le reste de l’article correspondrait au concept allemand de Glückseligkeit, c’est-à-dire à un état de satisfaction durable, immanent, qui serait le moins possible dépendant de la chance, ce qui le distingue du terme allemand glück. C’est une conception assez proche du concept aristotélicien d’eudaimonía mais ici le bonheur est plus intériorisé. Par la suite je cite Épicure qui concevait le bonheur comme ataraxie, mais les arguments philosophiques évoqués peuvent parfaitement se concevoir pour d’autres conceptions du bonheur.

[15] Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, livre IV, § 341, Paris, Flammarion, 2007, p. 280.

[16] Friedrich Nietzsche, Œuvres complètes, vol. XII, FP 7 [39], Paris, Gallimard, 1979, p. 298.

[17] Stanley Cavell, Introduction, dans À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 53.

[18] Ibid., p. 55.

[19] Ibid., p. 34.

[20] Henrik Ibsen, Maison de poupée, acte III, dans Les douze dernières pièces, vol. 1, Paris, Imprimerie nationale, 1991, p. 270.

[21] Ibid., p. 270.

[22] Ibid., p. 246.

[23] David LaRocca « Inconclusive Unscientific Postscript », dans id. (dir.), The Philosophy of Charlie Kaufman, Lexington, University Press of Kentucky, 2019, p. 289.

[24] Daniel Shaw, « Nietzschean Themes in the Films of Charlie Kaufman », dans David LaRocca (dir.), The Philosophy of Charlie Kaufman, déjà cit., p. 263.

[25] Sur ce passage du souvenir qui n’en est pas vraiment un puisqu’il est inventé par l’esprit de Joel pour dire adieu à Clementine, on peut supposer que cette pensée « en rêve », ait été conservée à l’état de désir, une volition dont le motif restera inconscient pour Joel.

[26] Stanley Cavell, Introduction, dans À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 67.

[27] Friedrich Nietzsche, Œuvres complètes, vol. XII, déjà cité, FP 7 [38], p. 298.

[28] Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, livre IV, déjà cité, § 341, p. 280.

[29] Stanley Cavell, Introduction, dans À la recherche du bonheur : Hollywood ou la comédie du remariage, déjà cit., p. 62.

[30] Carole Lyn Piechota, « Once More and Innumerable Times More. Nietzsche’s Eternal Sunshine of the Spotless Mind », Film and Philosophy, n° 11, 2007, p. 181.

[31] Ralph Waldo Emerson, « Le Savant américain », Critique, n° 541-542, 1992.

[32] Épicure, Lettres et maximes, « Sentence vaticane », 55, Paris, PUF, 2003, p. 261.

[33] Jean Salem, Les Atomistes de l’Antiquité. Démocrite, Épicure, Lucrèce, Paris, Flammarion, 2013, p. 154.

[34] Sandra Laugier, Conclusion, dans Recommencer la philosophie. Stanley Cavell et la philosophie en Amérique, Paris, Vrin, 2014, p. 266.

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