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La chambre des Reines

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Peintures et pouvoirs au Qilā Mubārak, Patiala, Panjab, Inde du nord

Anne-Colombe ‘Sat Kaur’ Launois – historienne des arts asiatiques, enseignante à l’École du Louvre, Paris, en spécialité « Art et Archéologie de l’Inde et du monde indianisé » depuis 2001; conférencière et conteuse au musée national des Arts Asiatiques-Guimet depuis 2004, au musée des arts de l’Asie-Cernuschi de la Ville de Paris depuis 2005 et plus récemment au musée d’Ennery, Paris. doctorante en histoire et civilisations à l’EHESS, CEIAS, membre du projet de recherche ‘Autoritas’, CEIAS, 2016-2018

Le Qilā Mubārak (litt. « Fort Béni » en persan), construit à partir de 1763, a été le centre historique de la dynastie sikhe de Patiala depuis la seconde moitié du xviiième siècle, comme en témoignent encore aujourd’hui ses bâtiments décorés d’un vaste programme de peintures murales à la croisée des arts moghols, rajasthani et pahari. Depuis février 2003, ce fort accueille aussi le « festival du patrimoine de Patiala » dont le programme artistique est centré essentiellement sur la musique classique de l’Inde. Ce festival est principalement organisé par la Patiala Heritage Society fondée en 2002 sous la direction de Preneet Kaur, dernière grande reine (mahārānī) de Patiala, qui régna de 1964 à 1971, date de l’abolition des États princiers par le gouvernement indien. En croisant l’étude de diverses peintures murales de la Chambre des Reines (Shish Mahal) du Qilā Mubārak rappelant l’ancien pouvoir des reines de Patiala aux xviiième et xixème siècles, et l’observation du parcours politique de Preneet Kaur, il apparaît que l’ancien mécénat royal se transforme et s’adapte au monde contemporain. Ce patronage illustre la transposition de la fonction royale vers le pouvoir politique de la nouvelle Union Indienne durant la seconde moitié du xxème siècle et à l’aube du xxième siècle.

Introduction

Un festival des arts à Patiala

En février 2003 a été initié, au début du printemps indien, le festival du patrimoine de Patiala, au Panjab indien. Dans son monument le plus ancien, le fort appelé Qilā Mubārak (Fort béni), construit à partir de 1763, la ville accueille un programme artistique gratuit et varié, centré essentiellement sur la musique classique de l’Inde du nord. La présence de grands noms du chant classique de l’Inde du Nord, ancien (dhrupad) et plus moderne (khayāl), venus des deux côtés de la frontière du Panjab, attire les amateurs éclairés. Pendant dix jours, la musique réunit localement ceux que l’histoire et la politique ont séparés lors de la partition de 1947. À cette occasion, l’école ou gharānā de Patiala renaît à travers des concerts au sein du palais fortifié. C’est en effet à la cour royale de la dynastie de Patiala qu’Ustad Alī Bakhsh Jarnail (1850-1920) avait crée cette école mêlant avec talent les styles des gharānā de Delhi, de Gwalior et de Jaipur. Les soirées sont aussi ponctuées de danses classiques et populaires, de théâtre et de lecture de poésie. Ce festival se veut encore une manifestation pour toutes les générations par un grand concert final de musique pop et rock qui attire les jeunes Panjabis enthousiastes dans la grande cour intérieure du Qilā Mubārak, sous les murailles illuminées du Qilā Andarūn ou fort intérieur. D’autres manifestations animent la ville et son université, dont un salon d’artisanat avec les produits des artisans locaux du bazar, célèbre dans tout le Panjab, et diverses rencontres sportives de cricket, de polo, de courses équestres et de golf. Ce festival annuel s’est poursuivi jusqu’en 2007, puis a été suspendu pendant quatre ans avant de renaître en 2011.

La difficile préservation du patrimoine du Qilā Mubārak

Lors de ce festival du patrimoine de Patiala, des foules importantes entrent à l’intérieur de la cour d’entrée du Qilā Mubārak pour assister aux événements culturels devant l’esplanade du Darbār Hall, ancienne salle d’audiences publiques, construite en 1852 par le roi Narinder Singh (1824-1862), abritant aujourd’hui le musée du fort. La mise en place de spectacles, en partie diffusée sur la télévision régionale, a nécessité des adaptations, comme, par exemple, la coupe des arbres anciens de cette vaste esplanade. Cette transformation la plus visible de la première cour intérieure était-elle indispensable au bon déroulement du festival ?

La préservation et la conservation du patrimoine du Qilā Mubārak sont depuis des décennies régulièrement menacées, bien que ce fort soit depuis 1964 sur la liste des monuments historiques classés et protégés par l’État du Panjab, et depuis 1994 sur la liste de l’Archaeological Survey of India (ASI). Parmi les soixante-et-un monuments du Panjab de cette dernière liste, dix-sept dépendent du district de Patiala, et huit sont dans la ville même de Patiala. Alors même que ces ouvrages représentent plus du quart des édifices classés du Panjab, la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine soulèvent des problèmes embarrassants. S’il n’est plus question aujourd’hui de détruire le Qilā Mubārak, l’usure du temps, les effets du climat et la main de l’homme continuent d’affecter le fort et ses environs. Ainsi, en 2002, la grande maison familiale (havelī) d’un certain Kuwer Sāhib, fils d’un roi de Patiala du début du xixème siècle, selon la tradition, abritant des peintures murales ainsi qu’une salle d’audience couverte de miroirs, ou shish mahal, était rasée pour permettre la construction d’un centre commercial en contrebas des murailles du fort. En 2011, des restaurations architecturales du Rānīvās (Salon des reines), à l’intérieur du Qilā Mubārak, étaient réalisées par l’architecte Gurmeet Rai, connue pour sa défense du patrimoine architectural et ses restaurations d’édifices Panjabis. L’éventualité d’un projet de transformation du Rānīvās en hôtel historique d’exception ou heritage resort hotel, comme il en existe au Rajasthan, aurait même été discutée, selon l’équipe de conservation du fort. Entre 2011 et 2012, une miniature conservée dans les décors du Rānīvās aurait été volée. S’ensuivit un élargissement de la fermeture du fort au public et la suspension des travaux de rénovation du Rānīvās. Plus récemment, en février 2013, un mur d’une salle d’audience du même bâtiment s’effondrait au rez-de-chaussée de la première cour intérieure, menaçant l’équilibre architectural de cette dernière.

La visite en février 2013 de trois experts en architecture militaire, dont au moins un membre de l’International Scientific Committee on Fortification and Military Heritage (ICOFORT) de l’UNESCO, témoigne d’un intérêt scientifique grandissant pour le Qilā Mubārak, mais le chemin est encore long avant la mise en place d’un sérieux projet de restauration du fort à long terme.

La destinée du festival des arts et du Qilā Mubārak dépend en partie des actions menées par la Patiala Heritage Society fondée par Preneet Kaur, dernière reine de Patiala. Ses visites au fort posent la question de la place des reines dans l’organisation du pouvoir, avec ce contexte d’une dynastie sikhe, et sa matérialisation ancienne dans l’enceinte palatiale. Celle-ci abrite notamment une chambre couverte de miroirs et de peintures murales, dite shish mahal des reines, dont l’art révèle la puissance féminine dans le contexte des cultures croisées du Panjab. C’est à l’étude de cette chambre des reines qu’est consacré le présent travail. Avant d’en aborder l’iconographie, je commencerai par revenir sur la Patiala Heritage Society et sa fondatrice, puis j’évoquerai ce que fut le pouvoir des femmes au Qilā Mubārak, en traitant tour à tour du quartier des femmes (zanānā) dans le Qilā Andarūn et des reines de la dynastie de Patiala.

La Patiala Heritage Society et sa fondatrice, Preneet Kaur, dernière reine de Patiala

Le festival du patrimoine de Patiala attire l’attention des populations et des médias dans la perspective officielle d’une mise en valeur du patrimoine de Patiala, selon son organisateur principal, la Patiala Heritage Society, fondée en décembre 2002 pour la mise en place de cet événement. De 2003 à 2007, l’Indian National Trust for Art and Cultural Heritage (INTACH), organisation non gouvernementale, coordonnait aussi cette manifestation, puis s’en retirait pour une raison inconnue : le festival, dont l’existence fut alors menacée, dut s’interrompre, avant de pouvoir finalement reprendre en 2011. En 2005, l’INTACH tenait une soirée à l’honneur du fort de Patiala au Nehru Cultural Centre de Londres, afin de sensibiliser l’opinion internationale, et particulièrement les Indiens expatriés au Royaume-Uni, susceptibles de faire des donations pour un projet de restauration. L’action conjuguée de l’INTACH et de la Patiala Heritage Society débouchait aussi sur la visite officielle du prince Charles au Qilā Mubārak en mars 2006 et à Patiala en octobre 2010.

Depuis sa création, la Patiala Heritage Society est dirigée par Preneet Kaur, dernière grande reine (mahārānī) de Patiala, qui régna de 1964 à 1971, date de l’abolition définitive des États princiers par le gouvernement indien. Avant de s’intéresser au parcours de Preneet Kaur, il est nécessaire de rappeler le contexte de la disparition de ces États princiers au cours du troisième quart du xxème siècle. Le concept de la royauté pour les états princiers a été remis en question dès 1947 par l’Inde indépendante, puis en 1950 par la jeune démocratie indienne. En effet, la constitution de l’Union Indienne entrée en vigueur en janvier 1950 pose dans son article trois le principe de formation de nouveaux États et l’altération des régions, des frontières et des noms des États existants. Plus loin, l’article dix-huit de ce texte fixe l’abolition des titres. Tandis que certains rois, dont celui de Patiala, Yādvinder Singh (1913-1974), participèrent activement au mouvement pour l’indépendance de l’Inde et à la construction de l’Union Indienne, les souverains d’autres États princiers comme ceux de Hyderabad et du Cachemire, refusèrent l’intégration dans l’Inde moderne et allèrent pour quelques uns jusqu’à entrer dans des conflits armés. Entre 1950 et 1971, si certains titres princiers perdurent dans les usages, le pouvoir des États princiers disparaît dans la réalité. Le gouvernement indien crée alors de nouveaux titres honorifiques, comme celui de « Rajpramukh » (chef de l’État), ou encore donne des postes de représentation à ces anciens rois. Ainsi, le neuvième roi de Patiala, Yādvinder Singh, beau-père de Preneet Kaur, devient le Rajpramukh du nouvel état indien dit PEPSU (Patiala and East Punjab States Union) jusqu’à sa dissolution en 1956. Par la suite, il fut membre de diverses délégations à l’Unesco et occupa le poste d’ambassadeur de l’Inde en Italie (1965-66) puis en Hollande (1971-74). Ces postes à l’étranger permettent d’éloigner de la scène politique nationale certains de ces anciens rois, pour qui la carrière politique devient la seule possibilité de se faire entendre. Certaines reines entrent elles aussi en politique et deviennent la voix de leurs époux dans les chambres du parlement indien et dans les partis politiques : ainsi la deuxième épouse de Yādvinder Singh, la mahārānī Mohinder Kaur née en 1922. C’est ainsi que le pouvoir royal s’adapte à ce nouveau paysage politique indien.

La carrière de Preneet Kaur illustre cette fréquente transposition de la fonction royale vers le pouvoir politique de la nouvelle Union Indienne durant la seconde moitié du xxème siècle. Née le 3 octobre 1944 dans une famille roturière lancée en politique, Preneet Kaur épouse en 1964 Amarinder Singh, né en 1942, dernier héritier de la dynastie de Patiala. Celui-ci, après un début de carrière militaire, entre en politique au sein du parti du Congrès National Indien et de 1980 à 1984, il est député du district de Patiala à la chambre basse (Lok Sabhā) du parlement indien, puis, après avoir occupé divers autres postes, il est Premier Ministre de l’État du Panjab de 2002 à 2007. Il a aussi été membre de l’INTACH de 1998 à 2001. Quant à Preneet Kaur, elle devient à son tour députée du district de Patiala en 1999. Durant de son troisième mandat, en 2009, elle entre au gouvernement du Panjab en tant que ministre des affaires étrangères. Ce couple princier habite encore sa résidence royale, le nouveau Motī Bāgh (Jardin de la Perle), alors que ses autres palais royaux, dont le Qilā Mubārak, ont été cédés à l’État indien dès l’indépendance. Cela n’a pas empêché le Qilā Mubārak d’être encore occupé par la famille royale pendant la première moitié du xxème siècle.

Preneet Kaur, ancienne mahārānī, regarde de nouveau vers ce fort. Héritière de la lignée royale depuis son mariage, elle visite régulièrement le Qilā Mubārak lors de fêtes religieuses et des dates anniversaires pour se rendre au Burj (litt. en persan et panjabi « bastion, tour »), alors que son époux, Amarinder Singh, semble ne s’y rendre que très occasionnellement. Le Burj est situé au deuxième étage du Qilā Andarūn, à l’opposé de l’unique entrée de ce fort intérieur. Il abrite le cœur religieux du fort et il est toujours en activité depuis sa fondation, réservé à l’usage de la famille royale et de ses proches. Quatre salles autour d’une petite cour abritent deux temples sikhs (gurdwārā) et un temple hindou (mandir). Dans l’angle nord, la quatrième salle relie le temple hindou au gurdwārā principal. Un feu sacré (dhuna) de bois de hāk (Butea frondosa) et de plak (Ficus infectoria) ainsi qu’une flamme (jot) provenant du temple hindou de Jvālāmukhī, dédié à la Grande Déesse, au Nord du Panjab dans l’ancien royaume de Kangrā, y auraient été placés par Ālā Singh (1695-1765), fondateur de la lignée de Patiala, sur le conseil d’un sage nommé Jirīvālā Sant. Ce saint homme avait donné au roi un morceau de bois sacré à conserver dans un endroit caché de tous. Vers 1763, Ālā Singh le mit dans un puits sec qui se trouverait actuellement sous le Burj. Ainsi personne ne pourrait vaincre son royaume. Cependant, le feu et l’eau pouvaient le menacer. Le remède devait être une flamme sacrée du temple de Jvālāmukhī qui devrait briller éternellement, ainsi que des offrandes immédiates à l’eau en cas d’inondation. Le temple hindou, bien que n’étant pas destiné à une divinité particulière, présente un caractère viṣṇuïte par ses statuettes de Kṛṣṇa, seul ou en compagnie de Rādhā. Ces statuettes ont appartenu à des rois et à des reines de Patiala qui les auraient reçues de saints personnages ou les auraient rapportées de pèlerinage. Ainsi, par ses visites régulières au Burj, Preneet Kaur entretient la stabilité du pouvoir de la famille royale de Patiala dans le temps. Par sa position à la tête de la Patiala Heritage Society, elle perpétue le traditionnel mécénat royal.

L’ancienne répartition du pouvoir féminin au Qilā Mubārak

Alors même qu’il n’y a pas de véritable documentation sur le rôle des reines en Inde, il est clairement attesté durant toute l’histoire de ce pays que des reines ont partagé le pouvoir avec leur époux royal, ont reçu à ce titre d’importants revenus personnels ou ont hérité directement du trône paternel. Cela souligne l’ambiguïté du statut de la reine, autrefois considérée tantôt comme mineure devant la loi, au même titre que toute femme indienne, et tantôt comme étant au-dessus des lois grâce au statut royal d’origine divine de son époux. Malgré l’abondance de portraits féminins dans la peinture indienne, les images de reines identifiables sont rares et souvent cachées derrière des conventions picturales et des noms d’héroïnes légendaires. De même, il reste peu de traces historiques des reines de Patiala et parmi les mille-quatre-vingt-dix peintures murales du Qilā Mubārak, seules quinze décrivent des reines idéales. En croisant ces informations et l’observation des plans du fort, un quartier des femmes (zanānā), centre naturel d’un pouvoir féminin, se distingue de l’espace public accessible aux hommes et aux étrangers (mardāna).

Le quartier des femmes (zanānā) du Qilā Andarūn

L’enfermement des femmes dans des appartements particuliers (zanānā) et le port d’un voile couvrant la chevelure, voir la tête ou même l’intégralité du corps, correspond au système du pardā (réclusion des femmes, litt. « rideau »), répandu dans l’ensemble du Nord de l’Inde – sans pour autant y être adopté par tous – durant la période musulmane, à partir du xiiième siècle. Chez les Moghols, la pratique du zanānā semble plus souple qu’en Iran, probablement du fait de l’origine hindoue de certaines des épouses des empereurs moghols. L’espace domestique est divisé en deux zones, l’une privée et intime habitée par les femmes, l’autre publique et habitée par les hommes. Le zanānā est ainsi le lieu d’habitation de toutes les femmes d’une famille très élargie : les épouses et leurs enfants, les concubines et leur descendance, les veuves du côté paternel, les tantes et cousines non mariées, accompagnées de leurs servantes. Dans le cas de familles royales, les habitantes du zanānā sont en grand nombre, car cette partie de l’espace domestique constitue une sorte de refuge pour toutes les femmes qui ont perdu leur protecteur naturel, mari, frère ou fils. Le zanānā demande alors une véritable administration avec une hiérarchie précise et une organisation fiscale, d’autant plus qu’y sont généralement conservés les trésors dynastique et étatique. Ce quartier est aussi le lieu de repos du roi, et parfois celui de vie de ses héritiers. Il nécessite une surveillance spéciale avec des enceintes successives, ainsi que des gardiens intérieurs et extérieurs. Il devient un centre naturel de pouvoir, même s’il reste peu de traces de cette pratique officieuse.

Au Qilā Mubārak, les bâtiments situés entre le Qilā Andarūn et les murailles extérieures sont organisés selon un plan très espacé, conformément au modèle moghol. Un espace réellement privatif et intime pour les femmes ne se distingue pas.

Mais au Qilā Andarūn influencé par la planification massive et asymétrique du Rajasthan, le zanānā occupe plus du tiers de la surface. Au rez-de-chaussée de ce fort intérieur, un mur épais sur la droite sépare nettement quatre cours : le Palais du Diamant (Hīrā Mahal), le Palais de la Prison (Jail Mahal), le Palais de la Reine Lune (Rānī Cand Mahal) et le Palais de la Reine Mère (Rājā Mātā Mahal) (Plan 1). Ce dernier palais possède sa propre entrée, non loin de celle du Qilā Andarūn, signe du statut élevé de la reine mère. L’accès principal à ce quartier séparé se fait par deux portes principales, proches de la cour centrale. Aux niveaux supérieurs, surtout au deuxième étage et sur les toits en terrasse, la circulation se fait plus librement d’un appartement à l’autre.

Dans l’angle sud-est du Qilā Andarūn se distingue une autre cour, Baghīcī Ghar (litt. « Maison au petit jardin »), unique par un jardin de plan moghol avec des fontaines. L’architecture des appartements est influencée par un style éclectique d’inspiration occidentale mêlant des arcatures et colonnes néogothiques à des cheminées victoriennes. Ces appartements, éloignés du premier zanānā, étaient destinés à la quatrième épouse du roi Rājinder Singh (1872-1900), Harnām Kaur, née Florence Bryan (1873-1896), fille aînée de Charles Bryan, responsable du haras royal de Patiala. À la suite de leur mariage, en 1893, naît au palais de l’ancien Motī Bāgh, le 20 août de la même année, un second héritier royal, Richard Rām Nārain Singh. Ce fils disparaît empoisonné en mars 1894, et sa mère meurt de tuberculose en 1896 au fort de Patiala. Dans ce contexte, l’éloignement du Baghīcī Ghar par rapport à l’ancien zanānā correspondrait à la fois à un isolement et une protection vis-à-vis des autres épouses, notamment de la première reine, mère de l’héritier officiel, Bhūpinder Singh, né en 1891. Cette reine résidait en réalité plus probablement dans l’ancien Motī Bāgh plutôt qu’au Qilā Mubārak.

Les reines d’une dynastie sikhe

La dynastie de Patiala est de religion sikhe. Depuis le xviième siècle, les Gurūs sikhs ont béni à plusieurs reprises leurs ancêtres, si bien que sont encore conservées au Qilā Mubārak des reliques sacrées et vénérées, dont des armes du dixième Gurū, Gobind Singh (1666-1708) et une lettre signée de sa main. Dans le sikhisme, la coutume du pardā et la réclusion des femmes dans des appartements particuliers ont été clairement rejetées par le troisième Gurū, Amar Dās (1479-1574) : c’est ainsi que cinquante-deux des cent-quarante-six missionnaires (masand) qu’il forma pour le représenter au sein des communautés sikhes étaient des femmes. De plus, des femmes affiliées aux Gurūs, comme par exemple Nānakī, sœur aînée du fondateur du sikhisme Nānak (1469-1539) ou encore Jīto, seconde épouse de Gobind Singh, font aujourd’hui encore l’objet d’une vénération intense.

Sur plan religieux, le principe féminin tel qu’il se manifeste dans la Déesse occupe une place particulière dans la culture des Sikhs. Si le premier livre sacré des sikhs, l’Ādi Granth, compilé en 1604 par le cinquième Gurū, Arjan (1563-1606), ne fait pas allusion à elle, la situation change rapidement par la suite : un détour historique s’impose pour rendre compte de ce changement. Dès l’époque du troisième Gurū, Amar Dās (1479-1574), des Jaṭṭ, anciens éleveurs nomades, sédentarisés au Panjab comme agriculteurs-éleveurs mais ayant conservé leurs traditions martiales et égalitaires, avaient commencé à rejoindre en masse la communauté des Sikhs (Panth) et étaient en conflit avec le pouvoir moghol, notamment à propos de l’impôt sur les revenus de la terre. L’assassinat de Gurū Arjan sur ordre de l’empereur Jahāngīr à cause de son soutien au prince rebelle Khusrau, mais aussi à cause de la menace potentielle représentée par les Jaṭṭ sikhs, fut suivi d’une longue période d’affrontements entre ces derniers et les troupes impériales. Le fils et successeur d’Arjan, Gurū Hargobind (1595-1644), confronté à l’hostilité croissante des Moghols, institutionnalisa la militarisation du Panth. Il est représenté se tenant en armes sur son trône et fit construire, en face du Hari Mandir à Amritsar, l’Akāl Takht (Trône de l’éternel), siège du pouvoir spirituel (pīrī) et temporel (mīrī). En 1634, il décida de quitter les plaines pour le village plus sûr de Kartarpur, dans les collines des Sivaliks. Or, les Sivaliks étaient une place forte du culte de la Déesse à l’épée (Devī), qui influença alors fortement la culture sikhe, déjà marquée par l’idéologie martiale des Jaṭṭ. Ce changement est particulièrement évident dans les écrits attribués au dixième et dernier Gurū, Gobind (16666-1708) dans le Dasam Granth, second livre sacré des Sikhs. Dieu y est régulièrement appelé Sarab-loh (Tout-acier) et adoré sous la forme de l’épée, qui symbolise la Déesse, et surtout, trois longs poèmes attribués à Gobind traitent des exploits de la Déesse : Candī Caritra Ukti Bilās, Candī Caritra et Vār Srī BhagautīJīKī, fortement influencés par le modèle du Mārkandeya-Purāna, un texte hindou des vième-viième siècles. Dans ces trois poèmes, les dieux du panthéon hindou affrontent des démons sans pouvoir les vaincre. Ils s’en remettent alors à la Déesse qui, dans de sanglants combats longuement décrits, détruit toutes les forces négatives et sort victorieuse. Deux types d’émotions (rasa) sont utilisés pour créer une image littéraire radiante : essentiellement celle de la furie (raudra rasa) en jouant sur un rythme poétique à huit temps, un mètre court et des répétitions de sonorités évoquant le cliquetis des armes et la cadence des combats, et dans une moindre mesure, celle de la passion (shringāra).

Dans le Shish Mahal du Qilā Andarūn se trouve une peinture murale de la déesse Durgā à six bras, reconnaissable à sa monture, le tigre, et à ses attributs, le trident, le disque solaire, l’arc, la conque et le croc à éléphant (illustration 1). La Déesse tient aussi un collier de fleurs et un petit objet doré non identifié, proche de son visage. Telle une reine auréolée appartenant à la sphère divine, elle trône, impassible. Avec treize compagnes et musiciennes, elle assiste aux danses guerrières, effrénées et tournoyantes, de quatre suivantes, dont l’une au premier plan porte un sabre et un bouclier rond. Cette grande composition joue habilement sur des lignes de force et des points statiques ou dynamiques. Dans ce second quart du xixème siècle, l’ensemble rappelle l’esthétique des peintures dites pahari, c’est-à-dire « des collines », en référence à la localisation des écoles d’où elles proviennent, notamment pour cette peinture murale, dans les villes de Guler et Kangrā. Cette peinture murale illustre la porosité des frontières entre le sikhisme, dont l’identité récente se construit à la fin du xviième, aux xviiième et xixème siècles, et l’hindouisme millénaire, dans un Panjab peu à peu dominé militairement et politiquement par la petite minorité des Sikhs avant la colonisation britannique.

Dans le contexte chaotique du Panjab du xviiième siècle bouleversé par la guérilla des chefs de guerre sikhs (sardār) contre les pouvoirs moghol et afghan, les premières reines de Patiala comme leurs époux étaient formées par leur entraînement au maniement des armes, plus que par l’étude d’un quelconque traité sur l’art du bon gouvernement. L’histoire a retenu quelques noms de femmes énergiques, véritables icônes guerrières de cette dynastie, à l’instar des courageuses princesses rajputes défendant leurs forteresses et leur royaume au prix de leurs vies. Ainsi Fateh Kaur, épouse du fondateur de Patiala, Ālā Singh (1695-1765), fut-elle enterrée vivante dans un pot de terre après sa naissance, sa mère ayant été déçue de ne pas avoir de fils. Un mendiant passant par là interrogea la mère qui pleurait. Elle expliqua son méfait. L’homme lui dit de déterrer l’enfant qui survécut miraculeusement et prédit que cette petite fille serait à l’origine d’une grande lignée dynastique qui dominerait toute la région. Puis vinrent Rājinder Kaur de Phagvārā, première cousine du deuxième roide Patiala, Amar Singh (1748-1781), et Sāhib Kaur (1774-1799), sœur du troisième roi, Sāhib Singh (1773-1813), qui prirent toutes deux elles-mêmes les armes pour défendre Patiala et furent Premier ministre de ce royaume. De telles femmes n’étaient pas destinées à rester dans un zanānā qui peut-être n’existait même pas dans la forteresse initiale construite par Ālā Singh vers 1763.

Certaines reines de Patiala ont eu une telle soif de pouvoir qu’elles ont comploté contre le pouvoir royal. Ainsi Aus Kaur (m. 1823), épouse de Sāhib Singh et mère de son successeur, Karam Singh (1797-1845), complota-t-elle contre son époux, au point d’appeler en septembre 1807 le roi de Lahore, Ranjīt Singh (r. 1799-1839) pour résoudre leur conflit, ce qui faillit menacer l’autonomie territoriale. Après l’accession au trône de son propre fils en 1813, elle s’opposa à lui en tentant de conserver le trésor dynastique. Karam Singh dut ensuite faire face à un complot d’une de ses trois épouses, Parbāb Kaur, qui alla même se plaindre à Calcutta, centre du pouvoir britannique, pour en obtenir protection.

À partir du règne de Karam Singh, les noms de reines se font rares dans les sources, signe d’un changement de leur position. En 1837 et en 1858, les États dits « Phūlkīāṇ » de Patiala, Jīnd et Nābhā, obtiennent du pouvoir britannique l’exclusion de toute femme dans leur succession. Ils évitaient ainsi toute possibilité d’intervention diplomatique ou militaire de l’East India Company dans les affaires internes des familles royales, – une menace réelle sur leur autonomie déjà réduite. C’est peut-être à cette époque, vers le milieu du xixème siècle, que le mur de délimitation du zanānā a été prolongé dans la cour centrale du Qilā Andarūn, avec une épaisseur moins grande. Cette fermeture du zanānā, en complète contradiction avec la religion sikhe des rois de Patiala, aurait été accomplie pour des raisons d’ordre politique, dans l’oubli des actions valeureuses de certaines reines pour le royaume.

Le Shish Mahal des reines

Au deuxième étage du Qilā Andarūn, une chambre particulière dite Shish Mahal des reines avance sur les terrasses (plan 1). Elle tient son nom de deux petites pièces latérales décorées de miroirs aux formes géométriques sobres, incrustés dans une résille de plâtre doré sculpté, et d’une salle centrale, plus ouverte et plus grande, complètement peinte, durant le second quart du xixème siècle, de quarante-huit panneaux thématiques (plan 2). Ces peintures sont l’œuvre d’une équipe d’artisans, le maître se chargeant des sujets majeurs et ses meilleurs élèves peignant les personnages annexes, tandis que les apprentis s’attachaient aux paysages souvent plus schématiques.

En partie basse, des fleurs dorées, iris et œillets, interprétées dans le style moghol naturaliste, s’épanouissent dans des compositions symétriques sur fonds rouge et bleu. L’avatar du dieu Viṣṇu, le héros et amant idéal Kṛṣṇa, occupe les peintures supérieures. À hauteur des yeux, quatre panneaux principaux représentent des reines : une reine humaine et l’autre féérique apparaissent pour elles-mêmes ; d’autres sont des épouses légendaires en compagnie de leur roi. Toutes sont entourées des petites scènes évoquant des figures féminines d’héroïnes (nāyikā) ou des modes musicaux (rāga) non identifiés. L’atmosphère particulièrement féminine et la délicatesse d’exécution des peintures dans un style mêlant les influences rajasthani, avec de fortes réminiscences mogholes, et celles pahari, dans une moindre mesure, laissent penser qu’il s’agissait d’un salon destiné aux reines du Qilā Andarūn.

Pourtant, ce Shish Mahal des reines n’est pas situé dans le zanānā évoqué plus haut. Il est directement à sa gauche, séparé de lui par une paroi. Un cheminement indirect à travers diverses salles permet de rejoindre ce zanānā. La position particulière de cette chambre des reines permet d’observer, au rez-de-chaussée, la cour du Shish Mahal, où s’ouvre une grande salle d’audience du mardāna. De là, le roi pouvait par un large escalier latéral, fermé aux extrémités par des portes en bois, rejoindre le Shish Mahal des reines sans passer par la porte d’entrée du zanānā. Cette chambre unique en son genre aurait pu être à la fois un lieu d’observation des allées et venues dans le cœur du mardāna et un lieu de retrouvailles pour les couples royaux.

Reines sur terre et au ciel

La reine sur un trône aux lions

Sur la gauche du mur nord-ouest du Shish Mahal des reines (plan 2), une peinture murale couverte d’une couche de vernis représente une reine auréolée siégeant en majesté sur un imposant trône doré porté par quatre lions assis. Cette reine reçoit en audience publique une élégante princesse suivie d’un groupe de femmes (illustration 2). Derrière la reine, une suivante un peu plus grande, au visage sévère, peut-être plus âgée, évoque la surintendante du zanānā : la sadr-i anās à l’époque moghole, ou la barāne dans un contexte rājput du xixème siècle. Toutes ces dames sont vêtues, selon la mode de l’Inde du Nord, d’une longue robe (peshvāz) par-dessus un pantalon serré aux chevilles (īdār pājāmā) et couvrent leur chevelure d’un long voile (dupattā), parfois transparent.

Le cadre de cette scène d’audience traité géométriquement et sèchement est typique d’un palais de l’Inde du nord : une terrasse, bordée d’une balustrade ajourée, est protégée par un large dais ;un escalier descend vers un petit jardin de type moghol au premier plan ; dans le lointain de l’arrière-plan coule une large rivière devant un paysage de collines sous un ciel d’un bleu profond chargé de nuages. Malgré l’apparence de simplicité de cette composition centrée, des lignes de force obliques incitent le regard à se concentrer sur les visages de la reine et de sa visiteuse.

Cette reine, à peine parée de quelques bijoux, se distingue par une taille plus grande que celle des autres personnages, par la noblesse de son visage nettement individualisé et par le geste précieux de sa main gauche levée. Sur une large auréole bleue pâle à bord doré se remarque son profil aux traits fins, un grand front bombé accentuant la rondeur du visage, une petite bouche figée et le regard impassible au-dessus de l’agitation de la cour. Il se dégage de ce portrait une impression d’autorité et de noblesse soulignée par l’élégance du geste de sa main gauche. Sur le bout de ses doigts, deux oiseaux affrontés se sont posés, peut-être attirés par un petit objet doré (une mangeoire ?) au creux de sa paume.

Depuis l’Inde ancienne, le trône aux lions (gaddī), symbole d’autorité, est le siège privilégié des saints ou des rois, plus rarement des femmes. Parmi toutes les peintures murales du Qilā Mubārak, cette gaddī est la plus finement détaillée, soulignant la puissance de cette reine. Elle est d’autant plus exceptionnelle qu’elle est quasi identique à celle qui figure sur deux miniatures du Rajasthan : le portrait du roi Jagat Singh II (r. 1734-52) de Mewār en audience, œuvre de Sukha de l’école d’Udaipur vers 1750, conservé dans la collection Frits Lugt de la fondation Custodia à Paris, et le portrait du roi Mādhō Singh (r. 1751-68) de Jaipur, attribué à Rāmjī de l’école de Jaipur vers 1760, conservé dans les collections de la National Gallery de Victoria (Australie).

Or, il est attesté que le roi Karam Singh (1797-1845), qui règne à partir de 1813, a fait venir de Jaipur des charpentiers, des architectes et des peintres pour participer à un programme décoratif à Patiala et qu’il avait fiancé son fils Narinder Singh (1824-1862) à une princesse d’Alwar, vraisemblablement entre 1824 et 1845. Il y aurait eu aussi une reine de Patiala originaire de Mewār dans le Rajasthan, selon la tradition orale rapportée par Giri Dhar Sharma, brahmane desservant du temple hindou du Burj. Ces artistes et ces reines du Rajasthan avaient certainement apporté au Qilā des miniatures inspirant les décors du Shish Mahal des reines.

D’un autre côté, le visage de face d’une des suivantes de la reine rappelle certaines miniatures de l’école de Guler de l’atelier du peintre Nainsukh à la fin du xviiième siècle, où apparaît régulièrement un visage de face, masculin ou féminin, dans des groupes de personnages. Il rappelle la présence à Patiala des artistes pahari Gohī de Guler en 1843, de son frère Bībā en 1852 et de Devīdittā en 1866. Cependant il est possible que des artistes pahari formés au style de Guler soient venus à Patiala avant 1843 et aient travaillé dès le début du règne de Karam Singh.

Comme cette peinture murale se trouve au même niveau que les trois peintures suivantes à thèmes légendaires, la reine représentée pourrait être un personnage mythique non identifié. La pratique artistique d’attribution d’un nom d’héroïne légendaire au portrait d’une reine est attestée au moins dans la région de Jaipur à la fin du xviiième siècle. Elle permettait de protéger l’image d’une reine du regard d’un homme étranger en lui conservant son caractère privé réservé aux hommes de sa famille royale. Mais ce véritable portrait individualisé pourrait aussi être celui d’une reine historique de Patiala, sans qu’aucun élément permette de l’identifier.

La reine des fées ailées

Sur la droite de ce même mur nord-ouest, une deuxième peinture murale présente une autre reine auréolée siégeant en majesté sur un fauteuil doré, elle aussi en audience publique (illustration 3). L’exécution du dessin plus maladroit et la palette moins nuancée des couleurs indiquent le travail d’un élève plutôt que celui d’un maître. Bien que cette reine et ses suivantes se tiennent dans un jardin moghol protégé de hauts murs, elles appartiennent à une autre sphère. Elles sont en effet toutes ailées et leurs costumes sont différents des vêtements indiens habituels : une coiffe ou couronne ovale et dorée, avec un élément triangulaire à l’arrière (ruban ou pendeloque ?), ainsi qu’une large chemise évasée par-dessus la jupe plissée. Ce sont des fées ailées (parī) d’origine persane, décrites par la tradition orale, la littérature courtoise et les peintures comme des esprits ailés féminins bienveillants se montrant aux humains dans toute leur beauté. Au Qilā Mubārak, elles apparaissent pour elles-mêmes sur trois autres peintures murales du zanānā et d’une galerie du Khazānā (Trésor). Elles prennent uniquement la forme de génies féminins alors que, dans le contexte persan, les parī peuvent aussi être masculins sous l’apparence de farouches combattants incorporés dans les armées des anciens rois d’Iran. Ces parī immortelles résident dans un lointain pays montagneux accessible par un voyage ordinaire. Leur royaume est gouverné par un roi dont la fille est le personnage-clé de beaucoup d’histoires féeriques. Certaines d’entre elles épousent des hommes après avoir surmonté toutes sortes d’obstacles de nature magique. Elles apparaissent dans l’anonyme Iskandar-nâma, version médiévale en prose de la saga d’Alexandre, qui raconte un voyage dans une contrée gouvernée par la reine des fées, Arâkît vaincue par Alexandre. Elles interviennent aussi dans le Haftpaykar composé par Nezâmî en 1197, dont la première histoire est racontée par la princesse indienne du Pavillon Noir. Cette reine des fées ailées rappelle que la culture persane s’est imposée en Inde du Nord à partir du xiiième siècle et qu’elle s’est transmise au fil du temps par le persan, langue officielle des cours royales. À l’époque de la construction et de la décoration du Qilā Mubārak, de nombreuses légendes persanes étaient ainsi totalement intégrées aux formes littéraire et orale de la culture du Panjab.

Épouses légendaires

Sur le mur sud-est du Shish Mahal des reines (plan 2), deux peintures encadrant la porte décrivent des couples royaux : ces reines, identifiées ou non, trouvent leur place en tant qu’épouses royales.

La légende de Rūpmatī et Bāz Bahādur

Lors d’une chasse au faucon dans la campagne, un couple de cavaliers auréolés habillés de costumes verts galope à vive allure, sans pour autant se quitter du regard (illustration 4). Trois femmes, dont deux fauconnières, les accompagnent à pied et regardent aussi leur reine. Elles portent toutes la même coiffe dorée déjà observée sur la peinture précédente des parī d’influence persane. La robe étrangement bleue du cheval de la reine et les lignes de force de la composition concentrent l’attention sur la cavalière royale.

Le vaste corpus de miniatures comparables permet une identification claire du couple historique de Rūpmatī et Bāz Bahādur. Malgré le peu d’informations historiques sur Rūpmatī, la tradition la décrit comme une courtisane hindoue « célèbre dans toute l’Inde pour ses talents de danseuse » et une poétesse, parfois même élevée au rang de reine. Elle connut des amours légendaires avec Bāz Bahādur de 1554 à 1561, voire auparavant. Ce prince musulman d’origine paṭhān devint en 1555 le dernier sultan du Mālvā, au sud du Rajasthan, après la mort de son père, Shujā Khān, gouverneur de cette région. En patron de la musique, de la peinture et de la poésie, Bāz Bahādur connaissait le persan et l’avadhī, et aurait lui-même écrit des poèmes en hindī inspirés par ses sentiments amoureux. Malheureusement, ces poèmes galants pour Rūpmatī n’auraient pas été conservés, à moins que certains passages poétiques n’aient été repris dans des textes plus tardifs et/ou n’aient été intégrés dans des chants de bardes. Grâce au mécénat de Bāz Bahādur, une nouvelle école artistique mêlant des influences musulmane, hindoue et jaïne, émergea dans la capitale du Mālvā, Māndū, et les œuvres dans son style rayonnèrent dans tout le centre de l’Inde. En 1560-61, ce sultan dut abandonner Māndū devant l’avancée des armées mogholes. Rūpmatī se suicida pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi. Malgré quelques batailles victorieuses menées depuis son refuge dans les collines de Gondwāna, Bāz Bahādur se soumit à Akbar en 1570, devint l’un de ses généraux et mourut quelque temps après. Dès l’époque d’Akbar, les amours de Rūpmatī et Bāz Bahādur ont inspiré des poèmes lyriques, des chants bardiques et des miniatures.

La chevauchée diurne de ce couple légendaire se retrouve à l’identique dans la galerie du Khazānā. Une autre peinture murale de cette galerie pourrait être une troisième représentation guerrière de ce couple amoureux ne cessant de se regarder : les deux cavaliers portent des armures, et leurs chevaux sont caparaçonnés. Cependant, même si l’histoire du Mālvā est marquée par la résistance aux Moghols et le suicide final de Rūpmatī, la tradition littéraire et artistique ne garde pas le souvenir d’une Rūpmatī guerrière. Enfin, une quatrième image de Rūpmatī et Bāz Bahādur est peinte dans la grande salle d’audience de la cour d’entrée du Qilā Andarūn, avec un style plus maladroit, vraisemblablement tardif, peut-être de la main d’un élève. La répétition de ce thème à plusieurs endroits du mardāna montre son importance dans la culture royale de Patiala, alors que ce récit amoureux ne semble pas s’être réellement intégré à la culture du Panjab, malgré la proximité de nombreuses miniatures sur ce thème iconographique dans les collines voisines des Pahari.

Une reine persane en compagnie de son roi-héros

Sur la droite du mur sud-est du Shish Mahal des reines (plan 2), une peinture murale unique au Qilā Mubārak présente un couple jouant à une sorte de jeu d’échecs (chaupar) avec une reine des parī auréolée, entourée de ses suivantes ailées, sur une large plateforme ou un trône sous un dais (illustration 5). Ce couple auréolé n’est pas habillé à l’indienne, au contraire, sur la droite, de leurs deux suivantes portant le dupattā. L’épouse auréolée porte la coiffe dorée ovale d’influence persane, et le roi auréolé, une armure, des protections couvrant les bras jusqu’aux mains, de grandes bottes bleues, et un casque à tête de félin sans équivalent dans les armures indiennes des xviiième et xixème siècles. Ses armes, un arc et un carquois, sont posées devant la plateforme, sur la terrasse.

Ce roi et les parī indiquent un contexte légendaire persan. En effet, Rustam, souverain du Sīstān entre l’Iran oriental et l’Afghanistan occidental, est caractérisé dans la peinture persane par une peau de bête portée sur la tête. Cette dépouille, appelée dans les textes babr-i bayān ou palanjīna, serait celle d’un castor, ou d’un guépard, ou d’un tigre. Les exploits de ce héros guerrier sont racontés dans le Livre des rois persan, le Shāhnāma de Firdausī (c. 940-1020), dont il est une figure centrale et qui a connu une fortune considérable dans toute l’Inde musulmane. Cependant, les enluminures persanes décrivent souvent Rustam entouré d’une nature sauvage dans des scènes de combats, ce qui n’est pas le cas ici. Si, parfois, il apparaît dans une scène de banquet royal avec libation de vin, il n’y a jamais ni femme, ni parī, et l’atmosphère n’est pas celle des plaisirs du jeu, comme au Qilā Mubārak.

Une autre hypothèse consisterait à voir dans cette peinture murale un autre roi légendaire, d’origine arabo-persane, Sulaimān, en compagnie de la reine de Saba, Bilkīs. Bien que ce souverain ne porte jamais de casque à tête de félin dans les miniatures persanes et indiennes, il est représenté entouré de parī dans un cadre royal et raffiné d’audience, dont l’atmosphère correspond tout à fait à la peinture murale du Shish Mahal des reines. Cette rencontre entre un couple royal humain et des parī célestes rappelle que Sulaimān a la réputation dans les contes d’être un magicien. Ainsi transporte-t-il le trône de Bilkīs de Saba à Jérusalem en un clin d’œil. Sulaimān a aussi des pouvoirs ésotériques comme la connaissance du langage des oiseaux et des animaux et la capacité de soumettre des démons qui se mettent alors à son service. Cependant, la composition de la peinture murale met sur le même plan le couple royal et les parī, ce qu’est le cas ni dans l’art persan, ni dans l’art moghol inspiré par les modèles persans

Ainsi n’existe-t-il pas, pour cette peinture murale du Shish Mahal des reines de corpus comparatif important de miniatures indiennes, comme pour la légende de Rūpmatī et Bāz Bahādur. Cette reine et son roi-héros ne semblent pas s’être intégrés à la culture du Panjab. L’identification iconographique des personnages reste donc incertaine à ce jour. Pourtant, cette quatrième peinture met encore en évidence un croisement d’influences persane et indienne qui se retrouve par ailleurs au Qilā Andarūn dans d’autres représentations de légendes amoureuses : celle de Shīrīn et Farhād, reflet du couple historique du roi sassanide Khusrau II Parviz (590-628) d’Iran et de son épouse chrétienne favorite, Shīrīn « la Douce », peinte à deux reprises, et celle arabo-persane de Lailā et Majnūn, représentée à trois reprises. Au zanānā ancien du Qilā Andarūn se rencontrent enfin des légendes d’amour abondamment traitées dans la poésie classique en panjabi, celle de Hīr et Rājhā, couple d’amants panjabis, et celle de la sindhī Sassī et du balūc Punnū.

Conclusion

Le Qilā Mubārak a été le centre historique de la dynastie sikhe de Patiala depuis la seconde moitié du xviiième siècle, comme en témoignent encore aujourd’hui ses bâtiments décorés d’un vaste programme de peintures murales. Il illustre la richesse du patrimoine culturel du Panjab : dans les arts qui fleurissent à l’époque moghole (xvième-xviiième siècles) et dans les royaumes sikhs (fin xviiie siècle et première moitié du xixème siècle), dans ces plaines indiennes, entre les vertes collines pahari et paysages arides du Rajasthan, se mêlent traits indiens et styles d’origine persan. Le Shish Mahal des reines illustre bien la spécificité de l’identité culturelle panjabi. Cette chambre a été construite et peinte pour des reines vivant dans un univers raffiné, où les femmes, loin d’être soumises et enfermées dans le zanānā, pouvaient exercer subtilement leurs pouvoirs, et même si les souveraines n’ont pas été les commanditaires directs de ces peintures murales, elles en ont d’évidence été les inspiratrices. La cohérence de ce programme iconographique dépasse le simple discours culturel et prend une portée politique qui conforte notre étude des estrades royales du Qilā Mubārak. Certes, l’évocation des amours de Kṛṣṇa, de Bāz Bahādur et des jeux d’un héros persan, Rustam ou Sulaymân, donne à l’ensemble une tonalité galante. Mais, selon la tradition, la bien-aimée de Bāz Bahādur, Rūpmatī, a été jusqu’au suicide plutôt que de tomber dans les mains de l’ennemi moghol. La reine sur un trône aux lions rayonne d’un prestige naturel et sa représentation picturale dialogue avec celle d’une reine des parī. Au-delà d’une apparente légèreté, les valeurs morales de l’engagement, du sacrifice, du détachement, valeurs censées animer les reines de Patiala, sont ainsi exposées aux visiteurs de ce Shish Mahal. Les arts servent le pouvoir autant que ce dernier les sert.

Aujourd’hui encore, ce processus est à l’œuvre au Qilā Mubārak de Patiala, à travers l’action de la Patiala Heritage Society et sa directrice, l’ancienne mahārānī, Preneet Kaur. Avec le festival des arts, c’est l’ancien mécénat royal qui se transforme et s’adapte au monde contemporain. La prise en charge de la direction de la Patiala Heritage Society par Preneet Kaur en 2002 correspond au début tardif de sa carrière politique en 1999. Au contraire de son époux, le capitaine Amarinder Singh, qui n’intervient pas officiellement dans cette société, Preneet Kaur attire l’attention sur Patiala. Le choix du Qilā Mubārak, ancien foyer de l’autorité de cette famille royale, comme centre principal du festival des arts initié en 2003 est éminemment symbolique d’un processus de développement politique dont il serait possible de questionner le réel intérêt en termes de préservation, de conservation et de restauration du patrimoine. Il n’est même pas évident que la directrice de la Patiala Heritage Society connaisse tous les aspects du programme décoratif du fort, et en particulier ceux des peintures murales de reines ici étudiées. Tout laisse plutôt à penser que l’art architectural et pictural du Qilā Mubārak serait simplement instrumentalisé au service d’une nouvelle forme de pouvoir. Mais n’en était-il pas déjà ainsi au temps de la royauté ?

Je remercie la Direction des Affaires Culturelles, de l’Archéologie et des Musées du Panjab (Chandigarh) pour m’avoir régulièrement permis d’accéder au Qilā Mubārak depuis 1999, d’étudier les relevés architecturaux de ce monument, d’en obtenir des copies et pour m’avoir autorisé la publication gracieuse des photographies que j’en avais prises au cours de mes différents séjours.

Mes remerciements vont aussi à Denis Matringe, directeur de recherche au CNRS, Paris, pour sa relecture de l’article, et à Chirdeep Singh Chauhan pour la réalisation des photographies et des plans.

Les photographies ont été classées et cotées par l’auteur.

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Tod, James, Annals and Antiquities of Rajasthan or the Central and Western Rajpoot States of India (vol. I : 1829, vol. II : 1832 ; 1914 ; 1923), Londres, Routledge & Kegan Paul, 1950

Topsfield, Andrew, Paintings from Rajasthan in the National Gallery of Victoria, Melbourne, National Gallery of Victoria, 1980

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Zetterstéen, Karl Vilhelm et Lamm, Carl Johan, The story of Jamâl and Jalâl. An illuminated manuscript in the Library of Uppsala university, Uppsala, Almqvist & Wiksells, 1947

Liste des 2 plans et 5 illustrations/figures

2 PLANS :

plan 1

Plan 1 : Qilā Andarūn, plan du rez-de-chaussée, avec superposition d’espaces du 2e étage:

(D’après le plan de l’architecte Parminder Kaur, Ministère des Affaires Culturelles, de l’Archéologie et des Musées, Gouvernement du Panjab, Chandigarh)

Aa & Ab Shish Mahal central, rez-de-chaussée

G Shish Mahal des reines, 2e étage

La Terrasses du Prabodhachandrodaya, 2e étage

Lb Terrasses du Prabodhachandrodaya, 2e étage

 plan 2

Plan 2 : Plan schématique du Shish Mahal des reines, Qilā Andarūn, 2e étage :

(D’après les plans conservés au Ministère des Affaires Culturelles, de l’Archéologie et des Musées, Gouvernement du Panjab, Chandigarh)

Lettres des différents espaces de cette salle :

Ga & Gc Espaces avec des miroirs incrustés dans les murs, ou shish mahal

Gb Espace avec des peintures murales

Numéros de peintures murales et leur emplacement signalé par un trait rouge :

6. La légende de Rūpmatī et Bāz Bahādur : leur promenade cavalière diurne

7. Une légende étrangère d’origine persane : couple royal jouant à une sorte de jeu d’échecs (chaupar) avec une reine des fées ailées (parī)

30. Reine en audience publique

31. Reine des fées ailées (parī) en audience devant un jardin moghol

5 ILLUSTRATIONS/FIGURES

 ill 1

Illustration 1 : La déesse Durgā regardant des danses martiales

Shish Mahal central, rez-de-chaussée du Qilā Andarūn,

Photographie (P/A.I/C& L.QM-SM.1999-49.16)

(107,5 x 97,5 cm)

Environ second quart du xixème s.

 ill2

Illustration 2 : Reine en audience publique

Shish Mahal des reines, 2e étage du Qilā Andarūn,

Peinture murale n° 30

Photographie (P/A.I/C& L.QM.1999-4.24)

(108,75 x 43,75 cm)

Environ second quart du xixème s.

 Ill 3

Illustration 3 : Reine des fées ailées (parī) en audience

Shish Mahal des reines, 2e étage du Qilā Andarūn,

Peinture murale n° 31

Photographie (P/A.I/C& L.QM.1999-4.26)

(110 x 35 cm)

Environ second quart du xixème s.

Ill4

Illustration 4 : Rūpmatī et Bāz Bahādur

Shish Mahal des reines, 2e étage du Qilā Andarūn,

Peinture murale n° 6

Photographie (P/A.I/C& L.QM.1999-4.30)

(110 x 43,75 cm)

Environ second quart du xixème s.

 Ill6

Illustration 5 : Couple royal d’origine étrangère (?) jouant une partie de chaupar avec une reine des fées ailées (parī)

Shish Mahal des reines, 2e étage du Qilā Andarūn,

Peinture murale n° 7

Photographie (P/A.I/C& L.QM.1999-4.32)

(112,5 x 37,5 cm)

Environ second quart du xixème s.

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