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Posture d’artiste et méthodologie scientifique

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Posture d’artiste et méthodologie scientifique

 

Philippe Sahuc, artiste jongleur de langues. Projet Carambolingue : carambolingue.over-blog.com. Chercheur sociologue, UMR EFTS, Université de Toulouse, Jean-Jaurès, Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole

Résumé

Partant d’une expérience d’artiste en résidence dans des fermes d’accueil, invitant les personnes présentes à des créations verbales, l’auteur, par ailleurs sociologue, en dégage la possibilité d’une connaissance des relations sociales et surtout de l’évolution du rapport à l’agriculture pour qui la pratique et veut la partager et les personnes qui viennent en visite dans les fermes. Ceci l’amène à revisiter des textes, tant d’auteurs ayant travaillé sur la méthodologie scientifique que de créateurs ayant pris de la distance par rapport à la création, notamment lorsqu’elle touche à la question de l’utopie.

Mots clefs : performance artistique ; méthodologie scientifique ; rapport à l’agriculture ; sonore ; interaction

Abstract

Living artist experiences, spending time in welcoming farms and inviting people there to take part to vocal creations, the author works, in another part of his life, as a sociologist. Thus, he points out a social relationship knowledge possibility, particularly the evolution of agriculture relationship for those who are farmers and want to share it and for people who come as farm visitors. This leads him to read again, on one way, texts about scientific methodology and, on the other way, texts thinking back to creation, especially dealing with utopia.

Keywords : artistic performance ; scientific methodology ; agriculture relationship ; sounding ; interaction 

Introduction

La visée de ce texte est méthodologique. Or, contrairement à la démarche de la plupart des textes de méthodologie scientifique, il ne pose pas l’objectif de connaissance avant le choix de la méthode et son perfectionnement, voire son raffinement. Il se saisit d’une manière de faire d’abord référée au champ de la création et pose la question de savoir si ce ne serait pas aussi une méthode pour connaître, creusant alors forcément la question du « que connaître ainsi ? « . Il finit même par proposer, avec audace, que cela puisse être une méthode privilégiée pour connaître certaines choses, tels certains aspects d’un réel non encore advenu au champ de la conscience collective, rejoignant la question de l’utopie.

Pour ce faire, son mouvement sera le suivant : trouver d’abord quelques repères sur ce qui a été nommé méthode dans le champ d’activité qui a donné aux discours sur la méthode toute leur importance : le champ scientifique ; se centrer ensuite sur une expérience que l’auteur a vécue en tant qu’artiste, prenant acte, au passage, de ce que la dimension interactive de la démarche de création en question apporte à la question centrale du texte ; puis apprécier ce qui a été créé et en quoi cela offre ou pourrait offrir une possibilité de connaissance nouvelle de ce qui se joue entre acteurs réunis dans le contexte particulier de l’accueil à la ferme ; prendre le temps d’examiner les critiques déjà adressées voire adressables à cette méthode pour la raffiner en tant que méthode de connaissance sans lui faire perdre sa visée première de création ; finir en campant une démarche devant justement garder son intégrité de visée artistique pour pouvoir être la méthode de connaissance que le texte aura tenté de faire reconnaître.

Présentation du positionnement personnel de l’auteur

L’auteur de cet article est quelqu’un qui gagne sa vie à travers une activité d’enseignant-chercheur de l’enseignement supérieur agricole. Son domaine scientifique officiel est la sociologie et ses champs, l’éducation et les dynamiques rurales. En parallèle d’un cheminement passant par des participations initiatiques à la recherche, une thèse et des opérations de recherche successives, il a suivi un cheminement artistique sur une durée encore plus longue mais n’ayant eu que pendant trois ans (et encore partiellement) la dimension du revenu pour vivre. Le plus souvent, les activités des deux ordres ont été séparées mais il a pu arriver qu’elles se rejoignent. Ce fut le cas à la fin de l’année 2017 où une action conduite officiellement en « résidence artistique » s’est avérée suivre une méthode travaillant à une certaine connaissance, celle des relations sociales que vise aussi le sociologue, pouvant peut-être même se revendiquer comme scientifique, ainsi que va tenter de le montrer ce texte. L’activité artistique se rattache aux arts de la scène, en créant, seul ou avec d’autres, des boucles sonores, jouant sur la diversité des langues et des façons de dire, au moyen d’un matériel d’enregistrement et de sur-enregistrement nommé station de boucle (plus fréquemment nommé looper ou loop station).

I. Lectures pionnières sur les questions de méthode

« Car il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et dont l’événement le doit punir bientôt après, s’il a mal jugé que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet, touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet (…)[1]. »

Ceci est bien sûr à prendre comme une invitation à toute forme de recherche qui s’ancre dans un « terrain », ce qui renvoie aux questions sur comment fréquenter un « terrain ». On peut aller plus loin et y trouver légitimité pour les démarches semi-directives de recueil de discours qui se veulent éviter de faire parler les gens sur ce qui ne les préoccuperait pas. Or, la dynamique réelle de tels entretiens, avec rendez-vous négociés, déplacement de chercheur.e.s, fait que souvent on prolonge l’entretien en allant chercher bien au-delà de ce qui viendrait spontanément et que c’est même parfois ce qui est recueilli là qui sera le plus analysé. Pour aller encore plus loin, imaginons donc un dispositif « de terrain » où des personnes peuvent donner à recueillir des choses dites ou criées ou chantées, directement suggérées par le lieu et le moment en train d’être vécu et où le silence a lui-même le statut d’être éloquent.

« Pour cela, nous devrons prouver que pensée abstraite n’est pas synonyme de mauvaise conscience scientifique, comme semble l’impliquer l’accusation banale (…).[2] » En extrapolant, on peut accorder de l’importance à une bribe de parole, voire un cri, voire un soupir. On s’éloigne donc de la concrétude la plus ordinaire de l’activité d’interlocution pour aborder l’abstraction du « bouquet ou de la guirlande de voix », perspectives de création rejoignant plus, dans le domaine sonore, l’art abstrait que l’art figuratif.

« Aujourd’hui, l’édifice du savoir contemporain s’élève comme une Tour de Babel qui nous domine plus que nous ne la dominons[3]. »  Justement, assumant cette position dominée par une Tour de Babel constituée non seulement du savoir mais encore des connaissances construites à travers des expériences de vie individuelles, au lieu de cultiver le langage unique, il s’agirait plutôt d’expérimenter quel « entendement » peut produire une telle diversité sonore et signifiante. Cela fait lien avec la théorie de la polyphonie de l’énonciation[4], ressource scientifique qui a été aussi source d’inspiration de ce cheminement artistique se proposant de faire saisir, en performance, ce que produit la rencontre des langues. Cette théorie laisse entrevoir que les relations sociales transparaissent dans la façon dont une personne, en l’occurrence un locuteur, dans son propre discours, convoque autrui, fait parler autrui ou réfute d’emblée les réticences supposées d’autrui. Ainsi une création polyphonique, où des fragments de discours de diverses personnes se répondent et s’entremêlent, pourrait correspondre à une sorte de dévoilement d’un nœud de relations sociales sous-tendant des représentations mentales.

II. Les prémices d’une expérience de création partagée

2.1 Un contexte de création qui aurait pu se présenter à un chercheur comme un « terrain »

Un projet de recherche aurait en effet pu partir de la formulation suivante : il sera organisé des séjours d’immersion dans des fermes pratiquant l’accueil touristique, au moment où des personnes y sont accueillies. Ces séjours se feront dans différentes régions, pour accéder à la variabilité des contextes d’organisation de cette forme d’accueil et dans des fermes aux productions variées pour accéder aussi à l’effet de cette variabilité sur l’accueil proprement dit.

A partir de là, on devine que pure observation, mais aussi pure demande de discours à recueillir, auraient pu être les modes de collecte de données requis. On imagine aisément qu’un recueil de discours pourrait procéder soit par entretiens individuels, soit par entretiens collectifs, à l’intérieur d’une gamme de diversité de degrés de directivité, de formes de support et de modes d’animation possibles.

Tout ceci pourrait légitimer un projet prenant pour objet l’accueil paysan tel qu’il existe aujourd’hui et faisant potentiellement se croiser plusieurs problématiques. En effet, ce serait l’occasion de voir comment coexistent la sphère privée de l’habitat paysan et la sphère professionnelle de l’activité agricole. Mais ce serait aussi l’occasion d’interroger le jeu croisé des représentations réciproques entre monde agricole (ou paysan, discussion sémantique alors possible) et… urbain (là, l’appellation ne saurait être qu’une première approximation, en partie fausse et donc appelant nécessairement à discussion). Et pourquoi ne pas mettre au centre la question du rapport à la nature dans son évolution, après avoir passé en revue les distinctions à faire entre le naturel et le cultivé, le sauvage et le domestiqué, etc. ?

Observons en passant qu’un tel projet semblerait bien se donner les moyens de faire travailler à partir des « raisonnements que chacun fait à propos des affaires qui lui importent[5] ». En tout cas, dans son étayage bibliographique, l’équipe de recherche mobilisée (l’équipe est en effet la configuration la plus fréquente pour la recherche scientifique sur projet) se serait assurée que les thèmes pressentis pour le recueil de discours soient entérinés comme thèmes correspondant à une « demande sociale » (le plus souvent, en vérité, il s’agit à proprement parler de demande institutionnelle).

2.2 La réalité d’une proposition de participation artistique faite à un certain public

Dans la réalité, l’expérience qui a principalement nourri ce texte s’est d’abord présentée comme proposition artistique. Elle s’est adressée à un public accueillant et à un public accueilli dans des fermes. Le cadre a donc été celui d’espaces de production agricole, prenant des formes diverses (par la taille, l’environnement  – montagne, bocage etc. –  le type de production – formes diverses d’élevage, maraîchage).

Il a été proposé à l’ensemble de ces personnes de poser leur voix sur des pistes d’enregistrement lancées par des amorces sonores du genre : « travail paysan, travail, travail » ou encore « un bon accueil, c’est… », avec des plages de silence et la possibilité de sur-enregistrer quasiment à l’infini. Liberté a donc été donnée à la prise de distance avec l’expérience d’accueil à la ferme telle qu’elle pourrait être narrée, à s’abstraire d’elle, à l’irruption donc d’une certaine « abstraction »[6], supposée poïétique (au sens grec du terme, c’est-à-dire matérialisant ce qui a été fait, fabriqué, créé).

En somme, il a d’emblée été proposé ce qu’on peut appeler de l’ornement. Que cela ne nous fasse pas oublier la forme d’objet qu’a produit l’action artistique dont il est question ici : des voix enregistrées. Dit comme cela, on ne perçoit peut-être pas encore bien la différence avec les formes de recueil de discours « scientifiques ».

III. Etayage à partir d’écrits mêlant art et sciences sociales

3.1 Comment l’art peut mettre au centre l’un des objets de recherche privilégiés en sciences sociales : la relation

Il est presque trivial de se référer, dans cet ordre d’idée, à l’esthétique relationnelle, explicitée par le critique et théoricien de l’art Nicolas Bourriaud. De fait, ce dernier associe ce concept à :

« (…) la sensibilité collective à l’intérieur de laquelle s’inscrivent les nouvelles formes de la pratique artistique (…), du versant convivial et interactif de cette révolution (pourquoi les artistes s’attachent à produire des modèles de socialité, à se situer à l’intérieur de la sphère interhumaine (…)[7]. »

Comme toujours, l’inter- peut se comprendre de deux façons : une forme de liens pouvant s’établir entre des groupes sociaux représentant plusieurs formes d’humanité mais aussi deux dimensions différentes de l’humain qui peuvent être présentes au sein d’une même personne, voire de toute personne humaine. Ce pourrait être alors cette recherche de connaissance de l’acteur social complexe dont la science est investie et aussi cette activité d’expression à la fois urgente et dérangeante que l’art peut prendre en charge.

Dans un autre texte, Nicolas Bourriaud[8] confronte attentivement l’alchimie et la science, d’une part, et rapproche l’art moderne d’une activité attentive à ce qui se passe quand elle est en train de se faire, d’autre part. Il est alors tentant de se reconnaître à la fois en fondeur de sons, peu à peu amalgamés mais aussi en agent de rapprochement des personnes, devenant attentives au jeu des paroles des uns sur les autres.

La question de la présence, de la forme de présence, est sans doute centrale. Elle a souvent été travaillée par les scientifiques se recommandant de l’observation participante. Elle est aussi interrogée par un autre « acteur à double casquette » que l’auteur du présent texte, Serge Nail[9], à la fois comédien et en activité universitaire à Caen.

La question d’un travail particulier sur le son et, plus encore, sur le son produit par la voix humaine pose la question de l’oreille, celle de l’artiste qui travaille avec et celle du public, convoqué à recevoir tout autant qu’à participer. On peut voir là un lien avec une réflexion de Deleuze reprise par Saladin :

« « Il n’y a pas d’oreille absolue, le problème c’est d’avoir une oreille impossible  – rendre audibles des forces qui ne sont pas audibles en elles-mêmes » (Deleuze) (…) sens que Gilles Deleuze donne à cette expression dans la citation placée en épitaphe, soit une oreille paradoxale, donnant à percevoir ce qui pour de multiples raisons, échappe initialement à la perception. [10] »

On pourrait ajouter que le discernement demandé à cette oreille est de fait celui qui est nécessaire dans l’environnement polyphonique de la tour de Babel[11].

Face à ce pari apparemment insensé de permettre à l’inaudible de se faire entendre, on a alors envie, car cela fait lien avec l’expérience artistique vécue, de rappeler ce qu’indiquait Marguerite Duras, le 20 février 1962, dans un entretien radiophonique :

« Ce qui me passionne c’est ce que les gens pourraient dire s’ils avaient les moyens de le dire et non ce qu’ils disent quand ils en ont tous les moyens. Il ne s’agit pas d’une étude parce que je ne vois pas sur quoi elle serait fondée. Il s’agit d’un travail. Le reproche qu’on me fait d’être abstraite et de fabriquer des dialogues vient de là, précisément. Quand on me dit que la bonne à tout faire du Square ne parle pas naturellement, bien entendu qu’elle ne parle pas naturellement puisque je la fais parler comme elle parlerait si elle pouvait le faire. Le réalisme ne m’intéresse en rien. Il a été cerné de tous les côtés. C’est terminé.[12] »

De fait, Marguerite Duras suggère l’intérêt d’un genre de contrainte. Une contrainte qui à la fois limite ce qu’on va dire (puisqu’on n’a plus alors « tous les moyens ») mais également offre la possibilité de sortir de ce qu’on dit d’ordinaire, c’est-à-dire lorsqu’on a juste les moyens de prendre la parole que les autres attendent de soi (on donnerait là, en plus, par l’abolition de toute attente, « les moyens de le faire »).

3.2 Le rapport à la création et à des expériences artistiques particulières :

Peut-être parce que cette activité occupe les temps de la vie d’un homme laissés libres par une activité de « sociologue », il est tentant de se référer au rapport parfois grinçant qu’entretenait Pierre Bourdieu avec le monde de l’art. Face aux élèves des Beaux-arts de Nîmes, en 1999, il l’aurait défini ainsi : « Le sociologue est un type embêtant parce qu’il passe son temps à vous enlever les estrades, les tabourets, les échasses, les cothurnes que vous avez sous les pieds, et parfois même le sol que vous foulez.[13] » Remarquons déjà que dans l’expérience qui a lancé le mouvement de ce texte, le sociologue confondu dans la même personne avec l’artiste n’a guère « embêté » celui-ci puisqu’il s’est d’abord totalement effacé derrière l’entreprise de création. Inès Champey, elle-même critique d’art, reprend la notion de « disposition scolastique » avancée par Bourdieu pour traduire ce que permet à la fois l’art mais aussi certaines formes de productions scientifiques, « mise à distance du réel directement perçu qui incline à la contemplation, à l’analyse ou à la spéculation intellectuelle (…)[14] ». Cette posture particulière associerait donc l’artiste et le scientifique. Couperait-elle les deux radicalement du statut de « l’humain ordinaire » ?

Or, on peut renverser les choses et imaginer que l’humain, dans sa plus grande diversité, puisse être invité à adopter, au moins pour un temps, une forme de « disposition scolastique », notamment en étant invité à l’ornement et non à ce que lui demandent la plupart de celles et ceux qui recueillent du discours, pour toutes sortes d’études, qu’elles soient de connaissance des modes de vie, des motivations ou de la structuration de la prétendue « opinion publique ». Offrir la possibilité d’une disposition scolastique, ce qui pourrait être ici la recherche pure et simple de l’ornement, pourrait alors rejoindre l’hypothèse de Marguerite Duras : « s’ils avaient les moyens de le dire[15] », tout autant que la distinction que David Lodge[16], à la fois romancier et universitaire, accorde à la littérature par rapport à la science : aborder l’impossible et pas seulement les possibles. Il est temps de réexaminer l’expérience artistique des boucles de voix en fermes d’accueil à la lumière de la proposition de Marguerite Duras.

IV. Analyse d’une expérience d’animation-création conduite par un sociologue

4.1 Un usage particulier de l’outillage musical de station de boucles

Fréquemment utilisé aujourd’hui par des musiciens, qu’il peut transformer en hommes ou femmes orchestres, il s’agit d’un appareil s’intercalant entre un micro et un amplificateur sonore. Le micro capte des sons. Dans l’usage particulier qui en a été fait, il s’est agi principalement de voix. Ces voix peuvent être diffuses mais l’usage d’un micro directionnel permet de capter principalement le son d’une voix qui se donne au micro, en quelque sorte. La station de boucles enregistre une première plage de sons (éventuellement intercalés avec des silences). Celui ou celle qui commande l’appareil choisit la durée de plage du premier enregistrement. A partir de là, la boucle définie tourne, incorporant les sons qui sont surajoutés à chaque passage. Cela veut dire que des paroles s’ajoutent à d’autres paroles et s’intercalent entre celle-ci si elles sont apposées pendant un temps de silence des enregistrements précédents ou bien se mélangent à des sons préalablement produits, avec effet de dominance possible dû à de possibles décalages de volume d’émission sonore ou de proximité avec le micro avec de possibles déformations de sens des mots, par surimposition d’un autre phonème par exemple. Cela veut dire aussi qu’on donne à réentendre presque aussitôt ce qui vient d’être dit et pourra être complété.

Ce qu’il est important d’avoir en tête est que le maître de la boucle a un premier pouvoir qui est de décider de la durée de la première plage enregistrée et qu’ensuite, le pouvoir d’initiative est à quiconque demande le micro, en quelque sorte.

Dans un tel usage d’une station de boucles, la dernière décision importante est celle de l’arrêt d’enregistrement. Là encore, c’est le maître de la station qui a le pouvoir d’appuyer sur la pédale d’arrêt mais ce pouvoir peut facilement se partager avec le groupe présent par un jeu de signes pour convenir du moment où plus personne ne souhaite rien ajouter, voire du moment où tout le monde s’accorde à l’idée que la boucle est saturée de son.

4.2 Ce dont ces créations interactives parlent

Il s’agit donc d’enregistrements durant entre 14 secondes et 2mn15 et réunissant entre six et huit personnes (artiste-animateur inclus).

On peut y reconnaître, à la réécoute, des énumérations d’animaux (les animaux domestiques de la ferme et aussi les sauvages), de travaux agricoles (avec la dimension esthétique de l’exposé scolaire où il ne faut rien oublier), de saveurs (par exemple, des vins ou encore des fromages produits sur place), des mots d’appréciation positive qui se répondent en un jeu d’écho et de nuances pour recomposer en paroles un paysage (une ferme et ses abords, le cadre de vie et les soins aux animaux de la ferme, le déroulement d’un atelier de travail paysan) caractériser une expérience heureuse (l’accueil dans une ferme, la découverte par des enfants de soins donnés à de jeunes animaux, une promenade avec des animaux de trait, la confection de nourriture), jusqu’à des clameurs d’enthousiasme pour évoquer la ferme où on passe un temps heureux (peut-être avant tout parce qu’il s’agit d’un temps de vacances), des clameurs où s’autorise une forme de naïveté et peut-être une certaine incongruité (« A la [ferme] y a quoi ? Y a un veau qui grandit ! Y a un goût de pizza ! »), des appréciations vraies ou faussement critiques sur les propos précédents (exemple « ils n’ont pas parlé de l’Amour est dans le pré »), une énumération à ordonnancement inhabituel des composantes d’un « bon produit » (exemple, pour un bon fromage de morbier : « les vaches, un bon affinage, comme on mange les fleurs dans le pré, avec du lait cru, du savoir-faire, les fleurs dans le pré »), des indications jouant sur les contrastes (« un gîte et un endroit pour dormir, un coq pour vous réveiller le matin »), mais aussi ce qui peut apparaître comme pur jeu d’assonance (« paysan… jardinant.. rantanplan ! »). On pourrait même lire des transports métaphoriques dans l’évocation du travail (exemples : véritable séquence de beat-box[17] scandant les termes du travail ; évocation de la serpette qui aide à bien entretenir au milieu d’une plage sonore de réminiscence, avec rire étouffé d’une chanson-comptine évoquant vache et veau[18]).

Il y a eu l’étape de transcription, comme pour le genre de matériau sonore habituellement collecté par la recherche, mais avec une attention encore plus forte, en tout cas particulière, au non verbal (et pourtant, déjà, Vivian Labrie, le prenait en compte en analyse de recherche anthropologique[19]) et puis l’impression de ne pouvoir aller au-delà, si ce n’est pour en rendre compte dans un article de questionnement méthodologique. Peut-être parce qu’habituellement, la musique se transmet plus par l’offre d’écoute que par la lecture de partitions.

Evidemment, ce qu’on entend tout d’abord à l’écoute des boucles paraît un jeu d’opérette et de fermette : la grande majorité des appréciations y sont à la fois positives et concrètes et paraissent rester à la surface des choses. La ferme serait-elle juste un décor ?

Ce qui est intéressant est toutefois ce qui transparaît des rapports entre une voix et une autre, de ce jeu de cohabitation sonore, qui se permet tantôt d’amplifier l’autre en lui faisant écho, tantôt de le titiller. C’est là que le séjour d’accueil paysan apparaît comme un cadre de création relationnelle et que l’activité de création collective proposée apparaît bien comme le moyen de faire sentir le jeu des interrelations à l’œuvre.

4.3 Raffinements de méthode à prévoir, à partir des critiques qui lui ont été adressées

La première objection critique qui s’adresse à une telle manière de faire de la science en même temps que de l’art est liée à la question de la visée et du manque d’affichage clair vis-à-vis de celles et de ceux qui deviennent en quelque sorte partenaires d’une opération de recherche sans le savoir. Nul doute que cela contrevient à une forme de déontologie de plus en plus reconnue au sein du monde de la recherche, résumée le plus souvent dans la formulation des « obligations vis-à-vis des personnes enquêtées « . Il y a certainement là à réfléchir sur la communication préalable. Pour autant, remarquons au passage l’insatisfaction ordinaire dans laquelle peut laisser la terminologie de « personnes enquêtées », voire de « terrain des chercheurs » et la faible considération qui est souvent perçue comme allant avec et qui est d’ailleurs de plus en plus déplorée (« on ne veut plus être un terrain » a pu être la réaction récemment entendue de personnes auxquelles on annonçait la perspective d’une enquête de sciences sociales).

Or, le souci du retour aux enquêté.e.s peut aussi se situer dans la restitution finale[20]. Et s’il y avait mieux à faire qu’une « restitution » finale ? Si la proposition était celle d’une création partagée dont chacun.e puisse ensuite s’emparer avec des visées qui lui soient propres ? Certain.e.s, pour se faire valoir de l’ornementation produite, d’autres pour travailler la compréhension de ce qui peut faire ornementation.

Une question-clé pour la qualité de recueil de discours est celle de la recherche du moment propice[21]. Les méthodes les mieux connues des sciences sociales préconisent d’attendre et d’observer ce qui, chez la personne enquêtée, révèle le moment le plus propice. Certes l’artiste-animateur va dans un premier temps ne guère pouvoir faire mieux. Inutile de proposer le temps d’atelier à un moment où les personnes potentiellement concernées « ont » autre chose à faire. Mais s’ajoute à cela la valeur d’une invitation particulière, celle à créer ensemble, qui a de quoi rendre ce moment propice à ce que quelque chose de particulier surgisse.

Une des questions les plus lancinantes qu’éveillent aussi bien les projets « de recherche de terrain » en sciences sociales que les projets artistiques interactifs est bien celle du partage. De quel projet y a-t-il partage ? Si un projet est affiché comme artistique et se donne dans un premier temps en partage comme tel, peut-il se révéler, par la suite, scientifique ? Cela paraît renvoyer à la question de la représentation collective de ce que serait un « projet scientifique ». Le monde de la recherche n’oublie-t-il pas parfois qu’il y a décalage, et c’est bien normal, entre la représentation professionnelle de son activité et la représentation sociale de celle-ci ? En invitant à l’expression partagée pour construire une sorte de « bouquet vocal », on invite bel et bien à une forme d’interconnaissance. Certes, la plupart des épistémologies de sociologie déterministes postulent qu’il n’y a pas d’accès direct à la connaissance et que celle-ci nécessite nombre d’étapes de déconstruction ou de traduction. Nous avons pour notre part plutôt choisi d’aider à faire se révéler la « divergence des flux de l’imaginaire »[22], tentant ainsi de s’inscrire dans le courant de pensée développé par le socioanthropologue Jean Duvignaud. Toutefois, l’impératif de transmission en retour de cette connaissance, tout en étant rappelé, n’est pas toujours repris avec les mêmes exigences que l’on pourrait appeler épistémologiques « en retour ». L’art ne décortique certes pas mais il emprunte des formes de traduction. Un atelier de création partagé fait opérer des formes de traduction en quelque sorte non professionnelles. Ne peut-on toutefois leur faire confiance pour être accessibles en retour à la plupart des gens ?

La principale critique porte sur un risque de « déformation » des données. Ce n’est pas pour rien si ce risque est souvent nommé, notamment en « science dure », « l’artefact ». Bien évidemment l’identification du processus de création d’œuvre à un risque repose sur l’idée que tout devrait se passer hors effet d’un « art », entendre par là de toute action humaine. Cela revient, en sciences sociales, à prétendre gommer l’interlocuteur scientifique de la situation qui conduit des êtres humains à produire des données de discours notamment. C’est précisément ce que dénoncent les tenants de l’anthropologie de l’ordinaire[23], affirmant à l’inverse la nécessité de rétablir dans l’analyse la réalité de l’interlocution. Pourquoi ne pas aller un cran plus loin et affirmer, dans certains cas, la nécessité d’une interlocution basée sur une perspective de création partagée ? 

4.4 Arguments ultimes en faveur d’une telle méthode

Pour répondre aux objections déontologiques sur le rapport aux « donneurs de données », en vérifiant que les personnes se reconnaissent dans ce qui est créé et acceptent que cela soit diffusé, l’essentiel n’a-t-il pas déjà été écrit ?

Pour faire face aux regrets sur la forme de l’élaboration, on peut faire remarquer la chose suivante : nous sommes, semble-t-il, à une époque où tout texte de recherche directement référé à un « terrain » prend le risque d’être apprécié à l’aune de la norme du document de communication, supposant que soit gommée toute potentialité critique. Le contraire fait encourir des risques de rejet, formes de rejet que l’auteur a déjà rencontrées à deux reprises dans la période récente. On peut alors imaginer écrire en anonymisant systématiquement les « terrains », ce qui prive d’une partie du « retour au terrain ». Une autre possibilité est de laisser enchâssée la potentialité critique dans un produit de création collective qui, en tant que tel ne sera pas rejeté. Le discours du chercheur devient éventuellement un discours de commentaire essayant de souligner, le cas échéant, ce qui conduirait à une potentialité critique.

Il est tentant de faire un rapprochement avec ce que Walter Benjamin a proposé sous la forme de l’utopie[24], autrement dit une forme de rêve collectif. Ce qui paraît nous y autoriser est cette mobilisation des corps parlants, les uns en rapport avec les autres, que suppose la sur-inscription de la parole au sein d’une séquence de boucle en même temps que la simplicité du geste de création que cela suppose. Le phénomène de réitération de l’expérience également, que Benjamin prônait comme moyen possible d’affronter la « catastrophe » et que la station de boucles inclut automatiquement dans sa modalité technique. Ainsi peut-on retrouver l’acte simple de dire un mot au micro dans : « « l’innervation créatrice du geste enfantin -apprendre à saisir avec la main- ne signifie pas pour autant une appréciation exacte de l’objet à saisir, ni de la distance à franchir pour y parvenir[25] ». On ne peut lever l’apparent doute sur sa capacité à poser une parole sur une boucle déjà garnie par les paroles des autres, voire la maladresse ressentie à le faire. Bien sûr, il pourrait paraître prétentieux de s’associer à l’affirmation suivante : « l’humanité dans ses tentatives d’innervation a envisagé, à côté des buts accessibles, d’autres qui ne sont d’abord qu’utopiques.[26] » Mais, en considérant par exemple que le XXIe siècle a troqué les ambitions révolutionnaires sociales des siècles passés contre d’autres, tout aussi révolutionnaires, mais passant plutôt par le renouvellement du lien de chacun.e à son environnement, alors, même l’affirmation naïve « y a un veau qui grandit » posée sur une boucle entre « Y a un tas de… » et « un goût de quoi ? Un goût de pizza », pourrait être le tremplin vers un idéal utopique. Il se trouve que cela s’exprime au moment où on est sur la sellette, telle la motte de terre glaise qui va être modelée par l’artiste, voire s’auto-modeler puisqu’on va offrir sa propre voix en ornement. D’autres registres que ce qui est dit d’ordinaire s’ouvrent alors à ce moment où on est, d’une certaine façon, cerné par les possibilités de blancs qu’offre la boucle, entre les voix des autres. On est bien dans la situation décrite par Marguerite Duras, celle « des moyens de le faire[27] », de dire enfin ce qui va avoir valeur d’ornement et de ne pas avoir tous les moyens qu’offre le quotidien mais qui ainsi fait toujours retomber dans l’ornière des choses infiniment répétées, infiniment ressassées.

Conclusion

Au long d’une expérience qui n’est sans doute pas unique, l’artiste et le sociologue cohabitaient finalement en la même personne. L’artiste a profité de son cheminement de jongleur de langues et de façons de dire pour inviter d’autres personnes à orner une station de boucles à partir de leur vécu d’accueillants et d’accueillis dans des lieux particuliers que sont des fermes, où s’incarnent fortement certaines angoisses et certains espoirs de notre société, dans sa problématique du rapport à l’idée de nature et aux réalités d’évolution de l’environnement non humain. Au moment où l’artiste se dévoile aussi sociologue, il court sans doute le risque d’être accusé, voire de s’auto-accuser d’ « empirisme poétique[28] », ainsi que cela s’est passé entre Walter Benjamin et Theodor Adorno. Comme alors, il pourra être rétorqué que les ornements recueillis par la station de boucle contiennent potentiellement aussi bien leur part d’enfer que leur part d’Arcadie. « Y a un veau qui grandit » peut suggérer aussi bien l’émerveillement devant le développement d’un être vivant que l’interrogation lancinante sur ce que la société fait du vivant marchandisé. Mais, plus important encore que cela, l’ornement pourrait être pris au pied de l’enluminure, en quelque sorte, parce que là, les personnes qui s’expriment ont les moyens de s’exprimer en prétention du beau, alors la façon même de dire « y a un veau qui grandit », la matière même des vibrations de la voix, du soupir de césure et du lancement final de gorge, pourraient suggérer le trouble profond face à la séparation des lieux, séparation qui existe ou qui n’existe plus, devrait exister de nouveau ou ne devrait plus exister entre l’humain et le reste du monde vivant.


Bibliographie

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[1] René Descartes, Discours de la Méthode. Paris : Nathan, 1637, réédition 1981, p. 40.

[2] Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique. Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 1938, reprise 1993, p. 6.

[3] Edgar Morin, La méthode 3. La Connaissance de la Connaissance. Paris : Seuil, 1986, p. 14. 

[4] voir Oswald Ducrot, Le dire et le dit. Paris : éd. de Minuit, 1980.

[5] René Descartes, Discours de la Méthode, op.cit., p. 40.

[6] voir Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, op.cit., p. 6.

[7] Nicolas Bourriaud, Postproduction. Dijon :Les Presses du réel, 2003, p. 6.

[8] voir Nicolas Bourriaud, Formes de vie – L’art moderne et l’invention de soi. Paris : Denoël, 1999.

[9] voir Serge Nail, « Le métier d’acteur est-il toujours un art ? », in André Helbo, Catherine Bouko, Elodie Verlinden (dir.), Interdiscipline et arts du spectacle vivant. Paris : éd. Honoré Champion, 2013, pp. 193-199.

[10] Tacet, Sound in the arts – Sounds of Utopia / Sonorités de l’utopie. Strasbourg : Haute école des arts du Rhin, 2015, p. 17. 

[11] voir Edgar Morin, La méthode 3. La Connaissance de la Connaissance, op.cit.

[12] Marguerite Duras, Romans, cinéma, théâtre : un parcours, 1943-1993. Paris : Gallimard, 1997, p. 459.

[13] voir Inès Champey, « L’art et le sociologue », in Isabelle Kutosz (dir.), Art et savoir – de la connaissance à la connivence. Paris : L’Harmattan.), 2004, p. 59-89.  

[14] Idem.

[15] Marguerite Duras, Romans, cinéma, théâtre : un parcours, 1943-1993, op.cit., p. 459.

[16] voir David Lodge, A la réflexion. Paris : Payot (traduit de l’anglais), 2004.

[17] Il s’agit d’une technique vocale de bruitage avec la bouche, sortant ainsi totalement du registre de la parole, en quelque langue que ce soit.

[18] Il s’agit de la comptine d’Anne Sylvestre, « C’est un veau », album Les fabulettes, 1962.

[19] voir Vivian Labrie, Précis de transcription de documents d’archives orales. Québec : Institut québécois de recherches culturelles, 1982.

[20] voir Philippe Sahuc, « Don au chercheur et contre-don à de jeunes enquêtés » in ¿Interrogations?, 2011, no 13, 1/12/2011.

[21] d’après les notes de Brigitte Mimart, prises au cours du séminaire de l’entrée 4 de l’unité mixte de recherche Education, Formation, Travail, Savoirs, à Toulouse, le 15 mars 2018.

[22] voir Jean Duvignaud, « Pour une autre épistémologie de l’imaginaire », in Anamnèse et Mana, n°9 2014, p. 163-175, p. 167.

[23] voir Eric Chauvier, Anthropologie de l’ordinaire – une conversion du regard. Toulouse : Anacharsis, 2011.

[24] voir Miguel Abensour, L’utopie de Thomas More à Walter Benjamin. Utopiques III, sens&tonka, 2000.

[25] Ibidem, p. 98.

[26] Idem.

[27] Marguerite Duras, Romans, cinéma, théâtre : un parcours, 1943-1993, op.cit., p. 459.

[28] Miguel Abensour, L’utopie de Thomas More à Walter Benjamin, op.cit., p. 80.

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