Politiqueune

Projet de paix perpétuelle et Charte des Nations Unies

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Laetitia Delamare – Membre associé LAIOS-IIAC (EHESS-CNRS)

  Résumé : le but de cet article est de circonscrire l’influence kantienne sur les principes et les valeurs de la Charte des Nations Unies. Près d’un siècle et demi après sa publication, le Projet de paix perpétuelle a-t-il pu inspirer l’écriture de la charte qui vise au maintien de la paix internationale ? Ou l’héritage des Lumières, mis à mal par la critique marxiste des droits de l’homme et les deux Guerres mondiales, a-t-il définitivement cessé d’éclairer l’horizon du pacifisme ?

Abstract: this article aims to define the kantian influence on the principles and values of the United States charter. Almost a century and a half after its publication could the Perpetual Peace: A Philosophical Sketch, have inspired the writing of the charter, whose the goal is to maintain international peace? Or did the Enlightenment legacy ̶ damaged by the two World Wars and the Marxist critic of the human rights ̶ definitely stop to light up the pacifist horizon?

Le XXe siècle a été le témoin d’une remise en cause des valeurs humanistes telles qu’elles avaient été posées par les Lumières et l’on entend aujourd’hui conspuer le « droit de l’hommisme » de certains hommes politiques. Mis à mal par la crise du positivisme et la naissance de la psychanalyse, la vision de l’homme comme être rationnel et autonome au principe de toutes ses décisions a connu tout au long de la vie intellectuelle du XXe siècle une remise en question fondamentale notamment chez des penseurs comme Arendt et Foucauld. Paradoxalement, les grandes institutions politiques et le droit international public n’ont eu de cesse de promouvoir les droits de l’homme dont le fondement est une conception de l’homme précisément issue des Lumières.

            Née de la volonté des États de permettre le règlement pacifique de leurs différends et de préserver la paix et la sécurité internationale, l’ONU (Organisation des Nations Unies) promeut dans ses principes les valeurs humanistes des Lumières. Si le champ d’action de cette Organisation est d’abord politique, juridique et culturel, il n’en reste pas moins qu’elle comporte également une dimension philosophique tant dans les buts qu’elle se propose que dans les moyens qu’elle se donne. Si ses sources d’inspiration sont multiples, de l’humanisme classique aux fondements de la SDN (Société des Nations) en passant par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, il nous semble essentiel de revenir à l’un des textes fondateurs de la construction de la paix universelle à savoir le Projet de paix perpétuelle d’Emmanuel Kant[1]. Ce texte vise en effet à établir les principes et les conditions de viabilité d’une paix internationale.

            Comme dans toute philosophie à visée systématique, cet ouvrage de Kant ne peut être considéré seulement en lui-même mais toujours aussi comme une partie de l’œuvre complète du philosophe. Si le Projet de paix perpétuelle est le texte traitant précisément du sujet qui nous intéresse, nous avons dû le contextualiser dans l’ensemble du corpus kantien. En effet, chaque thème abordé par celui-ci participe d’un ensemble plus vaste dont le fondement reste, en dernière instance, une certaine vision de l’homme et de l’inscription de celui-ci dans l’histoire globale de l’humanité. L’aspect politique de la philosophie kantienne ne peut être isolé de son pendant moral car tout participe d’une aspiration commune vers l’idéal régulateur du Royaume des fins. Kant traite directement de cette question dans l’appendice Sur l’opposition qui se trouve entre morale et politique du Projet. Il démontre dans ce texte que la morale n’est pas un supplément accessoire de la politique mais bien au contraire qu’il faut chercher

premièrement le règne de la pure raison pratique et sa justice ; et votre but (le bienfait de la paix perpétuelle) vous sera donné par-dessus. Car voici la prérogative de la morale, surtout dans ses principes du droit public (par conséquent dans sa politique a priori). Moins elle vise, dans la conduite, au but donné, c’est-à-dire à l’avantage physique ou moral qu’on a en vue, plus néanmoins elle y conduit. Car c’est la volonté générale réglée a priori qui détermine ce qui est de droit, soit dans un même peuple, soit dans les relations entre les peuples entre eux. Or, pourvu qu’on reste d’accord avec soi-même dans la pratique, cette unité des volontés de tous peut en même temps produire l’effet désiré d’après le mécanisme de la nature et contribuer à la réalisation de l’Idée du droit[2].

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            Pour cette raison, nous nous devons d’aborder l’héritage kantien dans la Charte de l’ONU selon deux aspects complémentaires : d’une part selon les institutions qu’elle met en place et les objectifs qu’elle se donne, d’autre part selon les grandes idées philosophiques qu’elle met au principe, autrement dit selon une perspective non seulement prospective mais aussi fondatrice. Il nous sera également nécessaire d’étudier comment cet héritage kantien a pu s’affranchir tout à la fois de la critique marxiste des droits de l’Homme et des évènements tragiques du XXe qui sont une pierre d’achoppement de la philosophie des Lumières.

Les aspirations onusiennes

L’ONU a pour vocation de « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances[3]. » L’histoire du XXe siècle et l’implication de la quasi-totalité du globe dans le second conflit mondial conduisent les Alliés à rédiger dès 1945 un projet d’association qui évite que se reproduisent des conflits d’une telle ampleur. Forts des leçons qui ont pu être tirées de l’échec de la SDN et héritiers d’un progrès continu de coopération dans le droit international, les États parties posent dans la Charte de l’ONU les principes que nous nous proposons à présent d’étudier.

Un moteur essentiel : pacifier le monde

            Le principal enjeu de la création de l’ONU est d’empêcher les guerres. Dans ce but plusieurs moyens sont envisagés : règlement pacifique des différends[4], mesures coercitives pour les États qui violeraient les résolutions du Conseil de sécurité[5]… Si cette volonté d’empêcher les affrontements naît suite aux ravages causés par les deux conflits mondiaux, nous trouvons déjà dans le Projet de paix perpétuelle les arguments en faveur d’une alliance pacifique des États.

Cependant, du haut du tribunal suprême du pouvoir législatif, la raison condamne sans exception la guerre comme voie de droit ; elle fait un devoir absolu de l’état de paix ; et comme cette pacification ne saurait s’effectuer ni être garantie sans un pacte entre les peuples, il faut qu’ils forment une alliance d’une espèce particulière, qu’on pourrait appeler l’alliance pacifique (foedus pacificum) différente du traité de paix (pactum pacis), en ce qu’elle terminerait à jamais toutes les guerres, tandis que celui-ci n’en finit qu’une seule. Cette alliance ne tendrait à aucune domination sur les États, mais uniquement au maintien assuré de la liberté de chaque État particulier, qui participerait à cette association, sans qu’ils aient besoin de s’assujettir, à cet effet, comme les hommes dans l’état de nature, à la contrainte légale d’un pouvoir public[6].

L’ONU répond par la structure dont elle se dote à l’idéal kantien. Elle vise en effet à « maintenir la paix et la sécurité internationale[7] » et « être un centre vers lequel s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes [8] » tout en étant fondée sur « le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres » et le refus d’ « intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un États »[9]. Le double mouvement proposé par Kant d’une association à dessein pacifiste sans remise en cause de la souveraineté des États est donc, dès les premières lignes de la Charte, mis au principe.

            Pour ce faire il est nécessaire pour les États, comme il le fut pour les hommes, de sortir de l’état de nature. Le champ des relations internationales est en effet anarchique en ce sens que celles-ci ne sont régies que par les rapports de force : « le champ de bataille est le seul tribunal où les États plaident pour leurs droits[10]. » Le but que doit se donner une alliance pacifique est alors de mettre en place puis de faire appliquer un droit public. La comparaison entre individu et peuple constitué en États connaît ses limites. En effet, si

 le droit naturel […] oblige les individus […] à sortir de cet état de guerre, [les États], parce que ayant déjà une constitution légale comme États […], se sont soustraits à toute contrainte étrangère, qui tendrait à établir entre eux un ordre constitutionnel plus étendu[11].

            Cependant, l’ONU, si elle répond à l’exigence kantienne d’alliance pacifique, n’en demeure pas moins un pis aller, l’idéal étant dans la philosophie kantienne la création d’un État de nations :

Au tribunal de la raison, il n’y a qu’un seul moyen de tirer les États de cette situation turbulente, où ils se voient toujours menacés de la guerre, savoir : de renoncer, comme les particuliers, à la liberté anarchique des sauvages, pour se soumettre à des lois coercitives, et former ainsi un État de nations (civitas gentium) qui embrasse insensiblement les peuples de la terre. Or comme les idées qu’ils se font du droit public les empêchent absolument de réaliser ce plan, et leur font rejetter dans la pratique ce qui est vrai dans la théorie, on ne peut substituer (si l’on ne veut pas tout perdre) à l’idée positive d’une république universelle que le supplément négatif d’une alliance permanente, qui empêche la guerre et s’étende insensiblement pour arrêter le torrent de ces passions injustes et inhumaines, qui menacent toujours de rompre cette digue[12].

Kant replace donc ici dans l’ensemble de sa philosophie ce qui n’est en fait qu’une étape sur le chemin vers le Royaume des fins.

La mise en place d’un droit international public

 

            Cette idée d’un droit international public a commencé à se concrétiser à la fin du XIXe siècle avec les conférences de La Haye (1899, 1907) qui tentent d’introduire une codification des relations internationales ; puis la création de la Société des Nations (SDN) en 1919, suivie par la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) en 1920. Ces différentes avancées ont permis de développer les deux aspects relatifs à la guerre dans le droit international : « le jus ad bellum, droit de recourir à la guerre et le jus bello, droit applicable en cas de conflit et notamment à la conduite des opérations[13]. »

            Comme le suggère Kant dans le Projet il s’agit pour l’ONU de « créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et de l’ordre international et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international[14]. » De plus, l’ONU participe grâce à deux instances au progrès de l’élaboration du droit international public. D’une part grâce à « la Commission du droit international [qui] ne se limite pas à une codification du droit international, mais s’étend également au développement de celui-ci[15] », d’autre part avec la Cour internationale de Justice qui est un des organes de l’ONU : « il est créé comme organes principaux de l’Organisation des Nations Unies : […] une Cour internationale de Justice[16] ». La Charte y renvoie d’ailleurs expressément : « d’une manière générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis par les parties à la Cour internationale de justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour[17]. »

            L’élaboration du droit international public a connu son avancée la plus significative selon la perspective kantienne avec les Quatorze points présentés par le Président des États-Unis Wilson en 1918. Celui-ci propose « une nouvelle diplomatie renonçant aux conventions secrètes (point 4) au profit d’une diplomatie ouverte, placée sous le contrôle d’une “Ligue des nations” (point 14)[18]. » L’ONU, héritière de la SDN, promeut cette transparence des accords internationaux, absolument nécessaire à la réalisation du projet kantien :

Quand je me représente, selon l’usage des jurisconsultes, le droit public dans tous ses rapports avec les relations des individus d’un État ou des États entre eux ; si je fais alors abstraction de tout le matériel du droit, il me reste encore une forme, qui lui est essentielle, celle de la publicité. Sans elle il n’est point de justice, puisqu’on ne saurait la concevoir que comme pouvant être rendue publique ; sans elle il n’y aurait donc pas non plus de droit, puisqu’il ne se fonde que sur la justice[19].

 La promotion d’un droit international selon lequel les accords ne peuvent être tenus secrets répond donc aux exigences de la philosophie kantienne.

            Ces avancées du droit international public répondent à la nécessité posée par Kant puisque selon lui

pour être à l’abri de tout acte d’hostilité, il ne suffit pas qu’il ne s’en commette point ; il faut qu’un voisin garantisse à l’autre sa sûreté personnelle ; ce qui ne saurait avoir lieu que dans un état de législation ; sans quoi l’on est en droit de traiter l’autre en ennemi, après lui avoir inutilement demandé cette garantie[20].

C’est dans cette voie que se place l’ONU qui « [encourage] le développement progressif du droit international et sa codification[21]. »

            La Charte de l’ONU réalise deux aspirations kantiennes. D’une part, la volonté de créer une alliance pacifique d’États dont le but est d’empêcher les conflits armés entre ses différents membres, d’autre part la mise en place d’une législation internationale qui permette de pallier à l’impossibilité de la création d’un État de nations. Dans ses visées, l’ONU est donc conforme aux idées kantiennes. Mais l’inspiration kantienne ne se cantonne pas aux buts de cette organisation, les principes fondateurs qu’elle promeut plongent également leurs racines dans les valeurs des Lumières.

Les valeurs onusiennes

            Si les structures et les aspirations de l’ONU répondent à l’idéal kantien, il en va de même pour les principes sur lesquels elle se fonde. En effet, l’ONU hérite du kantisme ses valeurs tant dans sa considération des individus que dans celle des peuples. Nous pouvons établir une dichotomie au sein de cette dernière établissant d’une part le droit à la démocratie (la « constitution républicaine » chez Kant), d’autre part le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est-à-dire le droit de déterminer la forme de leur régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.

Les droits de l’homme

            Kant établit comme deux droits inaliénables la liberté et l’égalité :

 L’inviolabilité de ces droits innés et imprescriptibles[22] de l’homme se manifeste plus glorieusement lorsqu’on se représente l’homme en relation avec des êtres d’une nature supérieure, comme citoyen d’un monde d’intelligence. Car, en commençant par ma liberté, les lois de Dieu même, qui ne peuvent m’être révélées que par la raison, ne sont obligatoires pour moi, qu’autant que j’ai pu concourir à leur formation, puisque je ne parviens pas à connaître la volonté de Dieu, que par la loi que ma propre raison impose à la liberté, en m’élevant au-dessus de la nécessité de la nature. Quant au principe d’égalité, quelque relevée que soit la nature d’un être fut-il le plus grand après Dieu (comme le grand Aeon des gnostiques), si je fais mon devoir dans le poste qui m’est assigné, comme lui dans le sien, il n’y a pas de raison pour laquelle j’aie uniquement le droit d’obéir, et lui le droit de commander[23].

            La formulation adoptée par la Charte, empreinte de références à la dignité et à la valeur de l’être humain, résonne à nos oreilles comme un écho : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes[24]. »

            Le respect de ces droits fondamentaux n’est pas seulement une fin en soi mais la Charte de l’ONU considère que « le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » est une des « conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales. »[25]

La constitution républicaine

            Pour Kant, la constitution d’une alliance pacifique nécessite que chacun des États membres adopte une constitution républicaine puisqu’elle seule permet au peuple de décider de ses lois et surtout de sa participation ou non à une guerre. De plus, elle seule promeut les principes fondateurs que nous venons d’évoquer.

La seule constitution qui résulte de l’idée du pacte social, sur lequel doit se fonder toute bonne législation d’un peuple, est la constitution républicaine. Elle seule est établie, sur des principes compatibles, I°, avec la liberté qui convient à tous les membres d’une société, en qualité d’hommes ; 2°, avec la soumission de tous à une législation commune, comme sujets ; et enfin 3°, avec le droit d’égalité, qu’ils ont tous, comme membres de l’État[26].

            Certes, les pays de l’ONU n’ont pas tous, loin s’en faut, une constitution républicaine, nombre d’États étant fédéraux ou monarchiques. Cependant, l’idéal promu par Kant se retrouve dans l’essor de la démocratie représentative. Même si la Charte ne comprend pas le mot « démocratie », l’ONU la pose implicitement comme valeur fondamentale[27], or c’est cela que vise Kant lorsqu’il parle de constitution républicaine. Il distingue ainsi les différentes formes que l’État peut revêtir soit selon

les personnes qui jouissent du souverain pouvoir, soit d’après le mode d’administration dont use le chef quelconque du peuple. La première forme s’appelle la forme du souverain (forma imperii) et il ne peut y en avoir que trois : l’autocratie […], l’aristocratie […], la démocratie […]. L’autre forme est celle du gouvernement (forma regiminis) ; c’est le mode constitutionnel suivant lequel la volonté générale du peuple a décidé que s’exercerait son pouvoir ; et sous ce rapport, elle est ou républicaine ou despotique. Le républicanisme est le principe politique, selon lequel on sépare le pouvoir exécutif (le gouvernement) du législatif. […] Et cependant la forme du gouvernement est bien autrement importante pour un peuple que la forme du souverain, quoique le plus ou le moins de rapport de cette dernière avec le but dont je parle, ne soit rien moins qu’indifférent. Or pour être pleinement conforme au principe du droit, il faut que la forme du gouvernement soit représentative. Elle seule permet le républicanisme ; sans elle le gouvernement est arbitraire et despotique, quelle que soit d’ailleurs la constitution[28].

 Nous pouvons conclure, d’après cette définition, qu’en promouvant la souveraineté du peuple l’ONU ne trahit pas l’idéal kantien mais que les évolutions sémantiques ont, depuis le XVIIIe siècle, modifié la compréhension du terme « républicain ». Si le Royaume-Uni est par exemple une monarchie, il n’en reste pas moins que la représentation du peuple ainsi que la séparation du législatif et de l’exécutif sont assurées, ce qui permet de le considérer comme répondant aux exigences kantiennes de républicanisme.

            Parallèlement à la souveraineté du peuple et à la séparation des pouvoirs, l’ONU se donne pour visée l’émancipation des peuples colonisés, suivant une fois de plus les préceptes kantiens.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

            Si Kant n’a pu se faire un chantre de la décolonisation puisque les Empires n’ont pas encore au XVIIIe siècle l’ampleur qu’ils pendront par la suite. Il n’en demeure pas moins qu’il développe un argumentaire que les Nations Unies ont pu reprendre à leur compte. Le développement de Kant porte à la fois sur le droit qu’ont les étrangers d’être bien accueillis dans un pays et sur l’attitude que doivent adopter les nouveaux arrivants dans un pays.

Il s’agit dans cet article, comme dans les précédents, du droit, non de la philanthropie. Hospitalité signifie donc uniquement le droit qu’a chaque étranger de ne pas être traité en ennemi  dans le pays où il arrive. […] On ne parle que du droit qu’ont tous les hommes de demander aux étrangers d’entrer dans leur société, droit fondé sur celui de la possession commune de la terre. […] [Les] droits de la nature, qui néanmoins, en ordonnant l’hospitalité, se [contentent] de fixer les conditions sous lesquelles on peut essayer de former des liaisons avec les indigènes d’un pays. De cette manière des régions éloignées les unes des autres peuvent contracter des relations amicales, sanctionnées enfin par les lois publiques, et le genre humain se rapprocher insensiblement d’une constitution cosmopolitique[29].

            A contrario, Kant dénonce de manière virulente les tentatives d’exploitation et l’attitude des Occidentaux :

À quelle distance de cette perfection ne sont pas les nations civilisées et surtout les nations commerçantes de l’Europe ! À quel excès d’injustice ne les voit-on pas se porter, quand elles vont découvrir des pays et des peuples étrangers ! (Ce qui signifie chez elle les conquérir). L’Amérique, les pays habités par les nègres, les îles des épiceries, Le Cap, etc., furent pour eux des pays sans propriétaires, […] [ils] y répandirent la famine, la rébellion, la perfidie et tout ce déluge de maux qui afflige l’humanité[30].

            La Charte des Nations Unies reprendra cet idéal selon lequel un État ne doit pas établir de domination sur un autre en promouvant le droit à l’indépendance des peuples colonisés. Un chapitre est consacré à cette ambition sous forme de déclaration relative aux territoires non-autonomes 

Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité […] et à cette fin : a) d’assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus ; b) de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement[31].

            Les Nations Unies tentent, en mettant au principe le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la libération du joug née de la violation du principe d’hospitalité, non seulement de réhabiliter l’idéal kantien mais de corriger les abus nés de l’égarement loin de celui-ci. Ainsi

[les] Membres de l’Organisation reconnaissent aussi que leur politique doit être fondée, autant dans les territoires auxquels s’applique le présent chapitre que dans leur territoire métropolitain, sur le principe général du bon voisinage dans le domaine social, économique et commercial, compte tenu des intérêts et de la prospérité du reste du monde[32].

Les Nations Unies mettent donc au principe des valeurs kantiennes : au niveau des individus avec la promotion des droits de l’homme, au niveau des peuples en favorisant le droit de ceux-ci à disposer d’eux-mêmes, d’une part dans le choix de leurs institutions politiques, d’autre part dans la reconnaissance de leur droit à s’affranchir d’une domination étrangère. Si nous avons étudié jusqu’ici un aspect essentiellement politique, les Nations Unies considèrent comme essentiel au maintien de la paix et de la sécurité internationales le développement économique et social : cet aspect n’étant pas directement abordé par Kant, doit-on alors le considérer comme une infidélité ou comme un complément à la philosophie kantienne ?

L’ajout d’une dimension sociale : trahison ou accomplissement ?

            Dès le préambule de la Charte des Nations Unies émerge une dimension que nous ne trouvons pas, ou de manière détournée, dans le corpus kantien. En effet, les Nations Unies accordent au volet économique et social une grande part au sein de la Charte : « Nous, peuples des Nations unies, [sommes] résolus […] à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie[33]. » Comment placer cette dimension dans l’héritage kantien ? Deux éléments nous semblent plaider en faveur d’un accomplissement plutôt que d’une trahison : d’une part, Kant ne laisse pas de côté la dimension économique des échanges entre peuples ; d’autre part, cette dimension économique et sociale reste dans la Charte au service des idéaux kantiens que nous venons de décrire.

De l’esprit de commerce

            Selon Kant

la constitution républicaine, la seule qui soit totalement conforme aux droits de l’homme, se trouve précisément être la plus difficile à établir et à maintenir ; jusque-là qu’il faudrait, comme on l’a dit des anges, et non des hommes dominés par des penchants intéressés, pour réaliser une forme de gouvernement si sublime. Et c’est ici que la nature se sert de ces penchants intéressés eux-mêmes, pour donner à la volonté générale, avec le respect qu’elle doit à la raison, sur laquelle elle est fondée, l’efficace pratique qui lui manque[34].

            Si l’idéal kantien semble destiné à n’être que régulateur, c’est compter sans la nature qui est « le garant de ce traité [et dont] la marche mécanique annonce évidemment le grand but de faire naître parmi les hommes, contre leur intention, l’harmonie au sein même de leurs discordes[35]. » Si les hommes ne sont pas mus par la raison, la nature emploie d’autres moyens pour atteindre ses fins :

elle se sert, au contraire, de l’esprit d’intérêt de chaque peuple pour opérer entre eux une union, que l’idée seule du droit n’aurait pas suffisamment garantie de la violence et des guerres. Je parle de l’esprit de commerce qui s’empare tôt ou tard de chaque nation et qui est incompatible avec la guerre. La puissance pécuniaire étant celle de toutes qui donne le plus de ressort aux États, ils se voient obligés de travailler au noble ouvrage de la paix, quoique sans aucune vue morale ; et quelque part que la guerre éclate, de chercher à l’instant même à l’étouffer par des médiations, comme s’ils avaient contracté pour cet effet une alliance perpétuelle[36].

            L’ONU ne soutient pas explicitement l’esprit de commerce même si elle recommande « le principe général du bon voisinage dans le domaine […] commercial[37] ». Son approche est même renversée : le commerce n’est pas ici considéré comme vecteur de paix mais comme un domaine particulier nécessitant l’application du principe étudié ci-dessus d’hospitalité. L’ONU va en effet développer une autre approche que celle proposée par Kant en faisant du progrès économique et social un des ferments nécessaires à un progrès de la paix et de la sécurité internationales.

Les moyens de la paix

            Malgré cette nouveauté, nous pensons pouvoir prouver que cette dimension n’altère pas l’idéal kantien dans la mesure où la dimension économique et sociale n’est invoquée que comme condition nécessaire mais non suffisante à la diffusion de la paix et de la sécurité internationales. Le chapitre traitant de la coopération économique et sociale[38] le souligne expressément :

En vue de créer les conditions de sécurité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront a) le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social ; b) la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation ; c) le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion[39].

Le progrès économique et social n’est donc qu’un instrument au service de visées politiques, il est de plus intéressant de noter qu’au sein même du volet économique et social nous retrouvons les droits de l’homme comme principe fondamental.

            Nous devons nous arrêter sur cette appréhension des droits de l’homme comme condition au développement économique et social. Nous voyons ici instituer un double rapport entre les droits de l’homme et le domaine économique et social par rapport au but premier de l’Organisation à savoir l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous avons déjà souligné la double approche des droits de l’homme à la fois comme fin en soi et comme moyen de parvenir à ces buts. Cette polymorphie se reproduit dans le champ économique et social : le respect des droits de l’homme passe par un développement économique et social et ce développement doit se faire dans le respect des droits de l’homme. La mise en place de ce cercle vertueux peut certes paraître contradictoire puisque le but avoué (le respect des droits de l’homme) est paradoxalement le cadre dans lequel doit se faire le développement économique et social. Cependant cette contradiction disparaît si nous nous plaçons dans la perspective kantienne d’un idéal régulateur, elle devient même nécessaire, les moyens devant alors être conformes à la fin.

Non seulement l’idéal kantien n’est pas trahi mais l’Organisation ne se contentant pas de mettre au principe les éléments de la théorie kantienne y greffe les conditions effectives nécessaires à son avènement tout en respectant la perspective kantienne d’idéal régulateur.

            L’ajout d’une dimension économique et sociale qui pourrait sembler au premier abord, sinon une trahison, du moins une disgression par rapport aux principes kantiens, renvoie finalement à la fois aux principes de ce dernier et au modèle théorique développé dans l’ensemble de son œuvre, à savoir celui de l’idéal régulateur qui n’a pas pour fin ultime la réalisation du but mais la mise en œuvre des moyens conformément à la fin visée. S’il y a trahison à quelque niveau de la pensée kantienne, elle n’est donc pas à chercher dans la perspective théorique que propose la Charte des Nations unies.

La Charte des Nations Unies s’inspire donc de la philosophie kantienne et en particulier des thèmes développés dans le Projet de paix perpétuelle. Le but commun visé par ces deux textes est de mettre fin aux guerres qui déchirent l’humanité et de développer un droit international public qui mette fin à l’anarchie régnant dans les relations internationales. Ce domaine reste en effet, contrairement aux relations des individus vivant au sein d’un même États, à l’état de nature. Si les aspirations sont communes, les valeurs prônées le sont aussi. Tout d’abord, dans la reconnaissance des droits fondamentaux de l’homme, à savoir la liberté et l’égalité, ensuite dans leur droit à vivre dans un régime politique dont ils ont décidé la forme, enfin dans le droit des peuples à ne pas être soumis à une nation étrangère. Si l’harmonie entre les deux textes semble évidente sur les plans politique et philosophique, même l’ajout d’une dimension économique au sein de la Charte n’altère pas l’idéal kantien, Kant ayant évoqué l’importance du commerce pour apaiser les relations entre nations d’une part, la référence aux dimensions économiques et sociales se faisant d’autre part dans le cadre des valeurs évoquées ci-dessus et ayant pour but pour l’avènement de ces dernières. Le progrès économique et social ne vaut que par elles et pour elles.

            Cependant, nous trouvons cette trahison, non pas dans les principes, mais dans leur application. Kant développe en effet une théorie qui n’accepte pas d’exceptions, or certains articles de la Charte font des Nations Unies l’Organisation des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, ainsi « [aucune] disposition de la présente Charte n’affecte ou n’interdit, vis-à-vis d’un État qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente Charte, une action entreprise ou autorisée, comme suite de cette guerre, par les gouvernements qui ont la responsabilité de cette action[40]. » De plus est considéré comme « “État ennemi” […] tout État qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente Charte[41] » Or, dans le cadre d’une alliance pacifique, encore plus que dans celui d’un traité de paix, il apparaît contraire aux principes kantiens de mettre en place une paix des vainqueurs. Kant avait mis en garde contre cette perversion : « [on] ne regardera pas comme valide pour traité de paix, [celui] où l’on se réserverait tacitement la matière d’une nouvelle guerre[42]. » Nous pourrions penser dans un premier temps que les États fondateurs des Nations Unies n’ont pas tiré les leçons de l’entre-deux-guerres. Mettre en place une paix des vainqueurs en désignant dans la Charte même des « États ennemis » et en donnant un rôle prédominant aux États membres permanents du Conseil de sécurité ne risquait-il pas de mettre en danger la mise en place d’une alliance pacifique ? L’entorse aux principes kantiens, non pas dans les principes mais dans la prise en compte des données objectives historiques, n’a cependant pas mis en danger l’objectif d’une paix et d’une sécurité internationales au regard de l’extension et de la coopération toujours plus grandes qui existent entre les États.

            D’autres critiques peuvent bien sûr être émises quant au fonctionnement effectif de l’ONU, quant à sa gestion des crises et des guerres qui se sont déroulées dans les années 90 notamment dans le cas d’atteintes graves aux droits de l’homme (nous pensons ici notamment aux conflits de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda), ou quant à la prolifération d’acteurs non-étatiques qui minorent son action. Cependant, nous étant proposé d’étudier non pas la pratique mais le texte fondateur de l’Organisation, nous ne pouvons nous permettre de discuter ici les actions de l’ONU mais les principes fondateurs qui les sous-tendent.

Bibliographie

Œuvres d’Emmanuel Kant 

Observations sur le sentiment du Beau et du Sublime (1764), traduit par M. David-Ménard, Paris, Garnier Flammarion, 1990.

Remarques touchant les observations du sentiment du Beau et du Sublime (1764), traduit par B. Geonget, Paris, Vrin, 1994.

Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique (1784), in Opuscules sur l’histoire, traduit par S. Piobetta, Paris, Garnier Flammarion, 1990.

Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? (1784), in Critique de la faculté de juger, traduit par H. Wismann, Paris, Gallimard, collection Folio essais, 1985.

                        Fondation et Introduction à la Métaphysique des mœurs (1785), in Métaphysique des mœurs tome 1, traduit par A. Renaut, Paris, Garnier Flammarion, 1994.

                        Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine (1786), in Opuscules sur l’histoire, traduit par S. Piobetta, Paris, Garnier Flammarion, 1990.

                        Critique de la raison pratique (1788), traduit par L. Ferry et H. Wismann, Paris, Gallimard, collection Folio essais, 1985.

                        Sur l’expression courant : il se peut que ce soit juste en théorie mais en pratique cela ne vaut rien (1793), in Théorie et pratique, traduit par L. Guillermit, Paris, Vrin, 2000.

Projet de paix perpétuelle (1795) in Œuvres philosophiques, tome III, traduction d’un auteur anonyme (1796) revue par Heinz Wismann, Collection La Pléiade, Gallimard, 1986.

Doctrine du droit (1796), in Métaphysique des mœurs tome 2, traduit par A. Renaut, Paris, Garnier Flammarion, 1994.

                        Doctrine de la vertu (1797), in Métaphysique des mœurs tome 2, traduit par A. Renaut, Paris, Garnier Flammarion, 1994.

                        Anthropologie du point de vue pragmatique (1798), traduit par A. Renaut, Paris, Garnier Flammarion, 1993.

Le conflit des facultés (1798), traduit par J. Gibelin, Paris, Vrin, 1997.

Logique (1800), traduit par L. Guillermit, Paris, Vrin, 1986.

Réflexions sur l’éducation (1803), traduit par A. Philolenko, Paris, Vrin, 2000, Biblio.

Références historiques et juridiques

Charte des Nations Unies

http://www.un.org/fr/charter-united-nations/index.html

Histoire

Patrice Touchard, Christine Bermond, Patrick Cabanel, Maxime Lefevre, Le siècle des excès, de 1870 à nos jours (1992), Paris, collection Major, PUF, 2002.

Droit

Jean Combacau et Serge sur, Droit international public (1995), Paris, Montchestien, 2001

David Ruzie, Droit international public, Paris, Dalloz, 2002,


[1] Emmanuel Kant,  Projet de paix perpétuelle (1795) in Œuvres philosophiques, tome III, traduction d’un auteur        anonyme (1796) revue par Heinz Wismann, Collection La Pléiade, Gallimard, 1986.

[2] Ibid., pp. 373-374.

[3] Charte des Nations Unies, Préambule.

[4] Ibid., chapitre VI.

[5] Ibid., chapitre VII.

[6] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 348.

[7] Charte des Nations Unies, chapitre I, article 1.

[8] Ibid.

[9] Charte des Nations Unies, chapitre I, article 2.

[10] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 347.

[11] Ibid.

[12] Ibid, p. 349.

[13] Jean Combacau, Serge Sur, Droit international public (1995), Paris, Montchrestien, 2001, p. 620 et plus largement le chapitre XI, « Droit de la paix et de la sécurité internationale », pp. 615-698.

[14] Charte des Nations Unies, Préambule.

[15] David Ruzie, Droit international public, Paris, Dalloz, 2002, p. 3.

[16] Charte des Nations Unies, chapitre III, article 7.

[17] Ibid., chapitre VI, article 36.

[18] Patrice Touchard, Christine Bermond, Patrick Cabanel, Maxime Lefevre, Le siècle des excès, de 1870 à nos jours (1992), Paris, collection Major, PUF, 2002, p. 145.

[19] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 377.

[20] Ibid, p. 340.

[21] Charte des Nations Unies, chapitre IV, article 13.

[22] « la liberté légale et […] l’égalité légale », Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p.341.

[23] Ibid.

[24] Charte de l’Organisation des Nations Unies, Préambule.

[25] Ibid., chapitre IX, article 55.

[26] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., pp. 141-142.

[27] « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics », article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale en 1948.

[28] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., pp. 343-345.

[29] Ibid., pp. 350-351.

[30] Ibid., p. 351.

[31] Charte des Nations Unies, chapitre XI, article 73.

[32] Ibid., article 74.

[33] Ibid., Préambule.

[34] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 359.

[35] Ibid., p. 353.

[36] Ibid., p. 362.

[37] Charte des Nations Unies, chapitre XI, article 74.

[38] Ibid., chapitre IX.

[39] Ibid., chapitre IX, article 55.

[40] Charte des Nations Unies, chapitre XVII, article 107.

[41] Ibid., chapitre VIII, article 53.

[42] Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 334.

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