2023Recensionsune

Compte-rendu critique – Les lois de l’esprit, Julien Benda ou la raison

Print Friendly, PDF & Email

Jean-Baptiste Le Bohec est professeur agrégé et docteur en philosophie. Il est l’auteur de Norberto Bobbio et la question internationale (Rennes, Pur, 2016) et de divers articles, dont « La responsabilité est-elle incompatible avec le déterminisme ? » (Archives de philosophie du droit, vol. 63, Paris, Dalloz, 2022) et « Norberto Bobbio et la crise du positivisme juridique dans l’Italie d’après-guerre » (Droit et Société, n°112, Paris, Lextenso, 2022/3).

Pascal Engel, Les lois de l’esprit, Julien Benda ou la raison, Paris, Eliott éditions, coll. Réflexions faites, 2023, 384 pp.

Le livre est disponible ici.

Résumé :

La réédition de Les lois de l’esprit de Pascal Engel est l’occasion de redécouvrir un personnage aussi fameux qu’incompris de la philosophie contemporaine, Julien Benda. Ce compte-rendu suit le fil d’ariane qui traverse le livre : de l’opposition acharnée de Benda à l’air philosophique de son temps – et du nôtre également –, en passant par la reconstruction de sa pensée, jusqu’à sa défense inconditionnelle des valeurs cognitives. En conclusion, nous confronterons le Benda d’Engel à celui de Norberto Bobbio, pour qui il a été un phare dans l’océan agité des idées du xxe siècle.

Mots-clés : Vérité – Raison – Littérature – Intellectuel engagé

Abstract:

The reissue of Pascal Engel’s book, Les lois de l’esprit, gives us the opportunity to rediscover a philosopher as famous as he is misunderstood in contemporary thought, Julien Benda. This account strives to follow the path that runs through the book, from Benda’s fierce opposition to the zeitgeist, through the reconstruction of his philosophy, as well as his unconditional defense of cognitive values. In conclusion, we will draw a comparison between Engel’s work and the writings of Norberto Bobbio on Benda, for whom he was like a beacon in the turbulent ocean of 20th century ideas.

Key-words : Truth – Reason – Literature – Committed intellectual


I. L’actualité paradoxale de Julien Benda

Les lois de l’esprit de Pascal Engel, qui vient d’être réédité[1], n’est pas une monographie sur l’un des plus célèbres des penseurs oubliés, Julien Benda. Même s’il présente l’intérêt de ne pas s’arrêter au Benda polémiste et de prendre au sérieux sa philosophie, son propos va bien au-delà. Il s’agit de confronter les argumentations de Benda à des problématiques très actuelles : le succès, dans la philosophie française et mondiale, du relativisme et du scepticisme ; la place de la raison et de la vérité dans les champs de la philosophie, de l’art et de la politique. En cela, Les lois de l’esprit constitue un livre très original, un livre non pas systématique, mais de réflexion et de combat.

Quelle place peut bien occuper Benda dans la philosophie française contemporaine ? Apparemment, aucune. D’après Engel, cette dernière a été dominée par trois idées principales que Benda n’a pas hésité à rejeter en bloc : l’idéalisme, ou l’idée que le monde n’existe qu’en tant qu’il est perçu et objet de jugements ; le volontarisme, ou l’idée que la volonté est supérieure à l’entendement ; l’intuitionnisme, qui clame que l’intuition est la plus haute forme de connaissance, et que le concept n’atteint jamais la vérité des choses. La philosophie qui en découle s’efforce d’assouplir les critères rigides de la raison, de fluidifier la pensée, de trouver l’inspiration lui permettant d’atteindre, dans une forme d’union mystique, son objet. Elle prend alors la forme, selon Engel, d’« une sorte de littérature qui n’a à rendre de compte qu’à elle-même » (p. 49). Or, c’est précisément cela que la philosophie de Benda n’est pas.

Pour nous introduire à cette philosophie, Engel, dans la première partie, revient sur le texte le plus célèbre et le plus mal compris de Benda, La trahison des clercs. Le clerc désigne non pas une « catégorie sociale et politique », mais une « condition spirituelle » (p. 57) : celle de l’être qui voue son existence à la recherche de la connaissance. La trahison des clercs ne résulte pas de l’engagement dans la vie publique – Benda a mené une vie d’engagements –, mais de la trahison de la vérité au profit de l’engagement. Épouser les passions politiques du moment, au lieu de leur résister lorsque la vérité l’exige, fait du clerc un traître. Cette mise au point nous est livrée par Benda lui-même, qu’Engel fait parler à cette occasion sous le pseudonyme d’Éleuthère – du nom du personnage du Dialogue d’Éleuthère (1911, rééd. Paris, Émile-Paul Frères, 1920).

Cette discussion « rêvée » permet de rappeler à la fois les faits d’armes de Benda (dreyfusard, démocrate, antifasciste, antinationaliste, opposant aux accords de Munich, au pacte germano-soviétique, et lucide très tôt sur le nazisme), mais aussi ses errements. Ainsi, Engel ne l’épargne pas en évoquant sa misogynie et son attitude déplorable contre László Rajk, communiste hongrois accusé à tort et victime d’un procès de type stalinien. Les réponses que Benda-Éleuthère fournit donnent lieu à une présentation très vivante de ses engagements et de sa pensée.

Cette pensée repose sur une conception substantielle de la raison, « fixe, immuable en ses principes » et « propositions » (p. 83). La raison sait opérer des distinctions là où l’irrationalisme ne voit que des identités. L’« esprit », qui figure dans le titre de l’ouvrage d’Engel, n’a aucun sens religieux ou mystique, il n’est pas cette « vapeur éthérée » (p. 84) ivre de ses intuitions suprasensibles. Il est « l’expression de la pensée » et « il a des lois, celles de la raison » (idem). Si on oppose à cette fixité l’idée que « les structures de pensée changent d’une époque à l’autre », comme l’affirme le structuralisme, la réponse est que « Les systèmes, les classifications, les unifications » changent, mais pas « la tendance de l’esprit (…) à unifier son savoir » (p. 75). De ce point de vue, la science, dans son effort pour unifier rationnellement le divers, n’a pas d’histoire. Contre l’idée que « les lois de la raison sont contingentes », il faut affirmer « la réalité et la fixité des lois de l’esprit » (idem). Cette manière de concevoir la raison rend Benda encore plus inactuel aujourd’hui qu’il ne l’était en son temps. Paradoxalement, cette inactualité fait son intérêt : pourrait-il avoir, seul – ou presque – contre tous, raison ?

II. Contre Bergson, l’esprit de son temps et du nôtre

La deuxième partie de Les lois de l’esprit s’ouvre sur la critique du bergsonisme. Les textes consacrés par Benda à Bergson (Le Bergsonisme, ou une philosophie de la mobilité, Paris, Mercure de France, 1912 ; Sur le succès du bergsonisme, Paris, Mercure de France, 1914) témoignent parfois d’une fureur qui a pu desservir sa cause. On n’a pas saisi le sens de sa critique. Bergson est surtout, pour Benda, le représentant de l’un des maux de son temps : la tendance à l’irrationalité. En ramenant les idées à l’expression de sentiments, inévitablement, on n’exige plus de la pensée qu’elle enchaîne les raisons et tienne un discours cohérent. Pour Bergson, la philosophie doit penser la vie. L’entendement et les concepts n’y suffiront pas ; il lui faut l’intuition. Bergson soutient que cette dernière ne se réduit pas à un sentiment vague ou à la saisie immédiate d’évidences, mais qu’elle est une méthode censée saisir la vie et la durée qui la fonde. Cependant, l’intuition peut-elle être à la fois une méthode d’investigation et un moyen immédiat de connaissance ? Il y a là pour Benda une double confusion. En premier lieu, la pensée de la vie n’est pas la vie elle-même. N’est-il pas au contraire indispensable que la pensée ait des contours et une stabilité pour saisir son objet ? De même, comment le Moi peut-il se tenir dans la durée, constituée d’une variation continue d’états qui s’interpénètrent, et en même temps se percevoir comme acte, ce qui présuppose le contraire d’une variation indéfinie et continue, c’est-à-dire un commencement ?

Pour Benda, Bergson passe, dans ses écrits, de l’intuition intellectuelle (qui saisit les objets de la connaissance) à l’intuition créatrice (qui produit des concepts), puis à l’intuition téléologique (qui recherche le sens) et enfin à l’intuition biologique (que nous procure notre instinct), sans distinguer ces sens parfois incompatibles entre eux. Cette conception de l’intuition découle d’une théorie de la vérité comme identité. Le contenu du jugement ne serait vrai que s’il est identique aux objets qu’il exprime. Pour penser la fluidité ou le changement, il faudrait que nos représentations se fassent elles-mêmes fluides ou changeantes. Mais le concept de fluidité est-il lui-même fluide ? Il s’agit là pour Benda d’une absurdité : « comment ma pensée que César a franchi le Rubicon peut-elle être identique au fait que César a franchi le Rubicon ? » demande Engel (p. 109). On pourrait reprocher à Benda d’avancer ici contre la pensée de Bergson de « gros concepts» [2] selon l’expression de Deleuze, mais nous pouvons répondre avec Engel que « pour de grosses confusions, de gros concepts suffisent bien » (note 42, p. 116).

L’originalité de Benda est d’avoir suivi ce fil du renoncement aux principes rationalistes jusque dans la philosophie des sciences. Chez Brunschvicg ou Bachelard émergent des propositions d’après lesquelles la réalité est construite par l’esprit, la science invente son objet plutôt qu’elle ne le découvre, et les principes logiques sont fondés sur des règles linguistiques variables. De nouveau, pour Benda, ces conceptions résultent d’une série de confusions :  la confusion entre une faculté, la raison, qui est immuable, et ses produits, les connaissances, qui sont changeantes ; la confusion entre la tendance pérenne à unifier les savoirs et les classifications variables qui en découlent ; la confusion entre l’idée de vérité, qui est fixe, et les vérités scientifiques qui sont perfectibles ; et enfin la confusion entre les variations de la raison, qui s’affine sans changer de nature, et les variations de l’expérience.

Ce « nouveau rationalisme » français, bâti sur ces confusions, n’a de rationaliste que le nom, car ses principes sont ceux de l’irrationalisme : apologie de l’action, hostilité à la logique, primat de l’intuition, recherche du syncrétisme au détriment des distinctions et des oppositions nettes. Par conséquent, entre le bergsonisme, le pragmatisme (de James et non de Peirce), le marxisme et l’existentialisme, Benda voit se dessiner une filiation. Lorsque Nizan (Les chiens de garde [1932], Paris, Maspero, 1965) renvoie Bergson comme Benda du côté des idéaux bourgeois que masquerait leur culte de l’esprit, Benda voit au contraire une parenté entre le marxisme et le bergsonisme à travers leur culte commun de l’action. De même, entre Bergson et Sartre, les points de convergence sont nombreux : l’affirmation que l’existence dépend de la conscience de soi, le caractère créateur de la vie, l’idée de liberté comme actualisation du réel et non choix entre des possibilités. À l’évidence, Benda surestime l’influence de Bergson, mais à travers la critique du bergsonisme et de ses avatars, la cible reste la même : c’est la philosophie conçue pour satisfaire une demande, et qui, à cette fin, adapte la vérité et la raison à l’air du temps, au lieu de faire l’inverse.

III. Que sont les lois de l’esprit ?

À cette tendance, Benda oppose l’idée qu’il existe des « lois de l’esprit », dont l’analyse occupe la troisième partie du livre. Cette expression peut avoir plusieurs sens. Elle peut désigner la nature fixe de la raison, les lois de la pensée qui conditionnent toute expérience possible. Elle peut aussi renvoyer aux principes normatifs qui doivent régler la conduite de la pensée (par exemple, le principe de non-contradiction). Enfin, elle peut signifier les principes moraux de vérité et de justice – avec cette idée, chez Benda, que bien souvent la seconde découle de la première, car « si l’on fait respecter la vérité, le reste prend soin de lui-même » (p. 139).

L’exercice de la pensée, pour Benda, nourrit les dispositions les plus nobles en l’homme comme le dévouement à un objet, l’élévation au-dessus de la condition animale, ou la maîtrise de soi à travers la poursuite du raisonnement. L’esprit ne se confond ni avec l’expérience, ni avec le réel, ni avec l’histoire. S’il dérive de la nature, il ne lui est pas soumis pour autant. Ses lois ne sont pas naturelles, mais elles ne sont pas relatives pour autant. Ses principes peuvent finalement être ramenés à quelques simples exigences : « la nécessité de penser par concepts, de raisonner correctement, de s’appuyer sur des lois admises par tous, et de suivre les règles du bon sens » (p. 148).

Cependant, comme tout défenseur de ces valeurs intellectuelles, Benda est confronté à une contradiction. Si la vérité existe bien en soi, pourquoi en demander le respect comme si elle était quelque chose à faire advenir ? Pour résoudre cette difficulté, Benda distingue l’existence de la vérité de l’attitude à tenir à son égard. Plus précisément, il considère trois choses : (i) la définition ou le concept de vérité, qui est selon Aristote le fait de dire de ce qui est qu’il est, et de ce qui n’est pas qu’il n’est pas ; (ii) la valeur épistémique de la vérité, qui à la différence de la précédente, n’est pas neutre, en ce qu’elle désigne l’attitude à adopter à son égard et peut être ramenée à deux principes fondamentaux : croire (ou être autorisé à croire) ce qui est vrai, et ne pas croire ce qui est faux ; (iii) la valeur morale de la vérité, c’est-à-dire le fait, pour la norme du vrai, de s’incarner dans des sujets et des actions, et de constituer un idéal à atteindre.

Or, on ne passe pas de la définition à la valeur épistémique de la vérité, puis à sa valeur morale, comme si chacune était la conséquence nécessaire de la précédente. Il n’est pas non plus acceptable de réduire les deux premières à la troisième, comme lorsqu’on juge les normes intellectuelles en fonction des avantages qu’elles procurent à l’individu, à la classe ou à la nation – ainsi que l’envisagent certaines formes de pragmatisme. Benda s’oppose à la soumission des normes intellectuelles à la pratique, et refuse toute moralisation de la science : elle reste étrangère à la recherche du bien et ses résultats n’ont pas à être conformes aux souhaits des hommes.

En revanche, la méthode scientifique est bien l’école de la vertu. Elle enseigne les « vertus de vérité », selon la formule empruntée à Bernard Williams[3]. Tout en étant autonomes, normes intellectuelles et valeurs morales se rejoignent donc sur un terrain commun. À ces vertus s’opposent des vices intellectuels : à la curiosité s’oppose le dilettantisme, au respect pour la vérité le manque de probité, à l’exercice de la réflexion la bêtise. Cette dernière représente le vice intellectuel au cœur de La trahison des clercs. C’est le figarisme incarné par le bel esprit ou encore, dans sa version contemporaine, le bullshitter, dont l’attitude, tendant à la curiosité stérile et au bavardage, consiste à se moquer de la vérité. Cette absence de respect pour la vérité résulte d’un renversement des valeurs auquel se sont livrés, selon Benda, ses contemporains.

IV. La connaissance littéraire

La discussion des vices et des vertus intellectuels se prolonge dans la quatrième partie, peut-être la plus intéressante, sur la question de la connaissance littéraire. Benda a adressé des critiques virulentes à pratiquement tous les grands écrivains de son temps, mais ces critiques n’étaient pas gratuites. Elles visaient les conceptions sous-jacentes à leur écriture, leurs justifications pour engager la littérature dans ces voies. Par exemple, dans La France byzantine ou le triomphe de la littérature pure (Paris, Gallimard, 1945), Benda pose la question de sa conformité avec le réel : n’a-t-elle vraiment aucune importance ? L’hermétisme de Mallarmé, le subjectivisme de Proust, et plus généralement la fascination pour le pouvoir des mots, ne font pas de la littérature un règne à part. Bien au contraire, ces attitudes reflètent son adaptation à l’air du temps. Les critiques d’ordre esthétique de Benda sont liées aux formes que de telles idées engendrent : le rejet de la composition au profit du fragmentaire, le goût de l’hermétisme, de la préciosité. Mais ses reproches sont surtout d’ordre philosophique – la recherche de l’union mystique avec l’objet ou la tendance au particularisme qui conduit au scepticisme, au rejet de l’abstraction et de l’universel –, et peuvent être aussi scientifiques – la représentation erronée de la mémoire chez Proust, ou l’utilisation du rêve comme source fiable d’observations psychologiques chez Bachelard. En d’autres termes, Benda interroge la valeur cognitive des œuvres littéraires. Si l’on rejette ces critiques au motif que la littérature ne doit pas être jugé à cette aune, alors on admet la possibilité de faire des œuvres de grande valeur avec des idées fausses. C’est précisément ce que Benda, qui prend la littérature au sérieux, refuse.

La question de l’articulation, dans l’œuvre littéraire, des valeurs cognitives avec les valeurs morales et esthétiques, se pose néanmoins. Réduire les valeurs cognitives et morales aux valeurs esthétiques est pour Benda absolument inacceptable : c’est l’esthétisme qu’il reproche à Proust ou Valéry. Lorsque ces derniers parlent de vérité, il ne s’agit jamais de correspondance avec la réalité, mais d’une révélation subjective ou d’une union mystique avec la chose en soi. La position opposée, moraliste, qui réduit les valeurs esthétiques et cognitives aux valeurs morales, n’est pas plus satisfaisante. La tendance contemporaine à mettre la littérature au service d’une cause, théorisée par Sartre à travers l’écrivain engagé, en est une illustration.

Compte tenu de l’importance que Benda accorde aux valeurs cognitives, ne devrait-il pas dériver les valeurs esthétiques et morales de celles-ci ? Il n’en est rien. Certes, l’œuvre littéraire doit être jugée selon des critères d’adéquation avec la réalité, mais Benda ne professe aucun réalisme naïf. En littérature, le réel est nécessairement perçu à travers une subjectivité mais n’en est pas prisonnier. L’écrivain, à travers ses personnages, vise des types généraux qui rendent sensibles des idées, des caractères, des vertus et des vices, et la pertinence de cette construction peut être rationnellement évaluée. Mais son œuvre peut aussi être jugée selon des critères esthétiques (composition, harmonie, capacité à produire des émotions) qui ont une certaine autonomie. Les valeurs morales, comme la générosité, l’affirmation d’une certaine naïveté, la probité, ont également leur importance.

Lorsque les écrivains rejettent ces conceptions comme moralisantes, Benda leur rétorque que leurs œuvres recouvrent aussi des conceptions morales, et pas les meilleures : valorisation sans limites de l’ordre chez Maurras ; exaltation de la vie même indigne chez Giono ; prétention à tout justifier par l’art chez Valéry ; détachement de toute considération pour autrui chez Gide. En somme, s’agissant de l’idée que Benda se fait de la littérature, plutôt que d’intellectualisme, il faut parler de pluralisme. Dans une œuvre littéraire, les valeurs cognitives, morales et esthétiques ne s’opposent pas, ne se soumettent pas les unes aux autres, mais coexistent dans l’œuvre réussie et concourent à la formation de nos jugements à leur sujet.

Comment doit advenir ce mariage dans l’œuvre littéraire ? Que peut-on attendre d’une œuvre réussie et de son style ? Benda a bien perçu les exigences contradictoires de la conception française du style. En insistant sur l’autonomie du langage littéraire, elle fait de « la littérature un univers sans dehors en même temps qu’il est supposé toujours être en dehors de lui-même » (p. 235) écrit Engel. Selon Benda, au contraire, le style littéraire, doit être avant tout guidé par son contenu, la phrase par ses idées. Cette thèse classique est affirmée dans Du style d’idées (Paris, Gallimard, 1948). Il s’agit de rendre sensible les idées abstraites au moyen d’images et d’étendre notre compréhension de la réalité.

Malheureusement, les fictions de Benda constituent de piètres illustrations de ses idées sur la littérature. Elles sont globalement ratées, et « ressemblent à s’y méprendre à des romans d’idées, au plus mauvais sens du terme » (p. 238). Engel souligne le caractère désincarné de ses personnages et l’absence de caractéristique romanesque dans L’ordination (Paris, Émile-Paul Frères, 1912) et Les amorandes (Paris, Émile-Paul Frères, 1922). Il réserve néanmoins une place à part pour ses mémoires dont il souligne la qualité : La jeunesse d’un clerc (1937), Un régulier dans le siècle (1938) et Exercice d’un enterré vif (1944, ces trois textes ont été réédités et rassemblés, Paris, Gallimard, 1969).  Par opposition à Proust ou Gide, et par-delà à Montaigne, on y trouve « une affirmation de la réalité et de la constance du moi » à travers ses engagements républicains, ses antipathies inextinguibles et son amour pour la raison. Alors même qu’il a dénoncé sans relâche le subjectivisme et la peinture du moi, « Le paradoxe est qu’il ne soit jamais aussi bon que quand il fait l’histoire de son propre esprit et se met lui-même en scène comme porteur de ses idées » (p. 243).

La suite de la discussion sur la valeur cognitive de la littérature va bien au-delà des thèses de Benda sur le sujet. Si la littérature produit des connaissances, de quel type de connaissances s’agit-il ? Sont-elles propres à la littérature ou peuvent-elles être produites par d’autres moyens ? Ou bien la littérature nous donne-t-elle accès à des expériences éthiques, des émotions qui sortent du champ de la connaissance ? Si l’on s’en tient à Benda, dans ce débat très riche retracé par Engel, nous pouvons avancer l’idée d’une dimension cognitive de la littérature, sans pour autant que cette connaissance lui appartienne exclusivement – par opposition à la thèse des littérateurs purs. Mais il rejette aussi le scientisme, qui réduit la littérature à sa fonction de mise à disposition de savoirs toujours accessibles par d’autres moyens. La littérature répond également à des critères esthétiques et moraux, et non exclusivement scientifiques, même si elle a indubitablement affaire à la vérité.

Le paradoxe, nous rappelle Engel, est que, d’un côté, la fiction s’oppose par définition à la vérité (au sens classique de correspondance), et que de l’autre, pour éviter cette difficulté, avancer d’autres définitions de la vérité (fictionnelle, cohérente, métaphorique, relative, subjective) revient toujours à nous faire perdre la possibilité de parler d’une authentique connaissance littéraire. La solution d’Engel dans Les lois de l’esprit consiste à retenir que l’intérêt de l’œuvre littéraire est peut-être moins d’apporter une connaissance directe que de se situer par rapport à des valeurs morales et intellectuelles, et ainsi de nous les faire connaître indirectement. La satire, par exemple, met en scène l’hypocrisie, la vanité, ou la fatuité de personnages fictionnels. Cela implique de se référer à des normes et des valeurs implicites mais bien réelles, que leurs comportements transgressent, et que le lecteur comme l’auteur sont supposés reconnaître. Parce que ce genre littéraire a souvent pris pour cible la bêtise, la discussion de cette hypothèse ramène le propos vers Benda.

En effet, Benda comprend la bêtise de manière classique : elle n’est pas un simple défaut de l’entendement, mais un manque de sensibilité à l’égard des valeurs intellectuelles (en ce sens, le terme de « sottise » lui convient mieux, car elle peut toucher des gens très intelligents). Il existe une autre conception de la bêtise, propre au romantisme, qui fait de la bêtise un objet fascinant plutôt que méprisable – un puits sans fond, un infini –, propre à tous les hommes et non simplement à quelques-uns, et qui traduit non pas un défaut mais au contraire un excès de raison – par exemple, l’incontinence dans l’usage de la tautologie et du principe d’identité. Cette conception est aux antipodes de celle de Benda : comme l’écrit Engel, la bêtise ainsi conçue, c’est « la raison statique et immobile, avec ses principes, ses concepts vides, ses vérités permanentes » (p.272). Bêtise comme insensibilité aux valeurs intellectuelles ou comme culte de la raison immuable, l’opposition ne peut être plus nette. La discussion sur la connaissance littéraire nous ramène donc au cœur du problème soulevé par l’ouvrage.

V. Politique de la vérité

Les désespérantes confusions autour de la pensée et des engagements de Benda ne semblent pas moins inamovibles que sa conception de la raison. La dernière partie des Lois de l’esprit s’efforce de nouveau d’en dissiper quelques-unes. Ainsi, son dreyfusisme était conforme à son idée de la justice, de même que son bellicisme (parti pris en faveur de la guerre de 14 et opposition aux accords de Munich) n’avait rien à voir avec du nationalisme, mais s’explique par la responsabilité de l’Allemagne dans l’entrée en guerre et sa conception charnelle puis raciale de la nation, incompatible avec l’universalisme et le cosmopolitisme de Benda.

De manière générale, Benda distingue deux raisons pour l’intellectuel d’intervenir dans la sphère publique : intellectuelle (son devoir envers la vérité) et morale (son devoir envers une « mystique », un idéal de justice). L’adhésion à une mystique de gauche pour Benda (la justice plutôt que l’ordre) n’implique pas non plus l’adhésion à une pratique de gauche (les intérêts partisans). Dans les deux cas, l’engagement de l’intellectuel se justifie d’un point de vue métaphysique, et peut le conduire à intervenir dans la sphère publique ou au contraire à s’abstenir.

Quelle situation concrète incarne-telle un conflit de valeurs exigeant l’engagement de l’intellectuel ? Si, comme le note Engel, Benda fut le plus souvent lucide et ses engagements cohérents, le fait d’avoir été un compagnon de route du parti communiste et plus encore d’avoir justifié la condamnation de Rajk contredit complètement le reste de ses engagements. Au-delà des explications par sa biographie (son âge avancé au moment des faits, ou le fait de devoir sa survie aux partisans communistes pendant la guerre), Benda a estimé que le parti communiste a été, dans sa pratique, le plus souvent du côté de la justice. Les multiples trahisons de la bourgeoise envers ses propres valeurs auraient fait du communisme un meilleur candidat pour défendre certains idéaux démocratiques, comme la fin des privilèges de la naissance. Le communisme n’accomplira d’après Benda aucun de ces idéaux, mais il a le mérite de les désirer sincèrement. Cette position, contraire aux principes de La Trahison des clercs, ne sacrifie-t-elle pas la vérité sur l’autel de la justice ?

Ces difficultés à reconnaître l’instanciation de l’universel ne constituent pas un argument contre l’existence des valeurs abstraites de vérité ou de justice. Le fait qu’elles produisent des effets, désirables ou non, ne nous impose pas de les réduire à ces effets. Opposer à la justice abstraite jugée illusoire une justice en situation, imparfaite, revient, comme avec la vérité, à confondre l’idée et son application. Cela nous expose, contrairement aux apparences, à la vider de son sens. Si l’apparition de ces valeurs ne tenait qu’à des circonstances historiques, alors le changement de ces circonstances pourrait aussi bien les faire disparaitre. Pour Benda, c’est la conscience humaine qui impose ces valeurs à l’histoire, et non le contraire. Et c’est un fait qu’elle y est déjà parvenue.

Parmi les idéaux défendus par Benda se trouve la démocratie. Contrairement aux lieux communs qui insistent sur la nécessité de la rendre plus concrète, c’est pour son abstraction qu’il la loue. Inspiré par Charles Renouvier (Manuel du républicain et du citoyen, Paris, Pagnerre, 1848), Benda pense la démocratie comme fondée sur des principes de vérité, de justice et de raison, que la conscience reconnaît comme des commandements a priori, par opposition à ce qui lui est transmis par la nature ou l’histoire. Toutefois, le fait qu’elle s’inspire de principes abstraits n’en fait pas une abstraction. Régime radicalement individualiste, la démocratie refuse que la partie se fonde dans le tout, et proclame pour s’en défendre le caractère sacré des droits de la personne. Contre ses ennemis, nombreux, qui s’en prennent aux principes qu’elle regarde comme sacrés (liberté, égalité en droit, justice, souveraineté), elle est en droit de pratiquer une certaine intolérance.

Sa défense de l’idéal européen est également originale, puisque l’intérêt de cette unification est d’opposer au sentiment incarné par les provinces et les nations la raison ennuyeuse et scientifique d’un État supranational. Sa proposition d’adopter le français comme véhicule de cette unification, « par égard pour sa rationalité » (Discours à la nation européenne [1933], Paris, Gallimard, 1979, p. 83), peut prêter à sourire. Elle prend néanmoins son sens lorsqu’on l’oppose à la thèse relativiste de Herder qui réduit la langue à l’esprit d’un peuple, et elle n’est certainement pas plus absurde que celle de Fichte ou Heidegger, d’après laquelle l’allemand est la langue la plus apte à la philosophie.

Des analyses qui précèdent, nous pouvons conclure deux choses. La première est que les engagements de Benda, parfois excessifs ou surprenants, ont presque toujours eu un sens conforme à sa philosophie. La seconde est que notre difficulté à saisir ce sens est peut-être moins liée à l’originalité de ses engagements, fidèles à l’universalisme des Lumières, qu’à la distance avec les figures de l’intellectuel engagé promues depuis plus d’un siècle. Engel en distingue quatre principales, qui sont, dans l’ordre chronologique : « l’intellectuel organique » de Gramsci, qui met son savoir au service d’une cause ou d’un parti ; « l’intellectuel engagé » de Sartre, qui intervient sur tous les sujets à partir d’une vérité située et selon des valeurs créées à  cette occasion ; « l’intellectuel spécifique » de Foucault, qui rejette les « grandes vérités », et mène, selon ses compétences, une guérilla pour démasquer le pouvoir dans des espaces localisés ; « l’intellectuel médiatique » d’aujourd’hui, dont le travail consiste à commenter l’actualité et à épouser les préjugés de son temps. Derrière ces figures se dessine un processus bien identifié par Benda : « le mouvement de dévaluation de la vérité » (p.337). Le philosophe en prit conscience lorsque les antidreyfusards admirent publiquement qu’ils plaçaient la vérité de l’innocence de Dreyfus en-dessous de l’intérêt national et du principe de conservation de l’ordre. Une nouveauté se fit jour : « le mépris glorifié pour la vérité en soi, la volonté proclamée de ne la respecter que dans la mesure où elle tient compte des intérêts de la Société ; de la flétrir, de lui refuser son nom, si elle repousse cette attention – si elle n’est pas sociale » écrit Benda (ibid.).

D’après Engel, cette dévaluation dénoncée par Benda conduit toujours les penseurs qui y contribuent aux mêmes impasses. Lorsque, comme Foucault, ils ramènent la vérité à des dispositifs dont le but réel est le pouvoir, ils présupposent nécessairement l’existence de vérités empiriques qu’ils mettent à jour. Lorsque, comme Derrida, ils démythologisent la vérité, cela doit se faire au profit d’une vision plus vraie. Lorsque, comme Bourdieu, ils expliquent que l’affirmation de valeurs désintéressées a pour fonction d’asseoir l’autorité de ceux qui les incarnent, c’est avec l’espoir que cette prise de conscience amènera les dominés à endosser malgré tout ces valeurs, afin de créer une société plus juste. Comment y parvenir si ces valeurs sont illusoires ? Pour sortir de ces impasses, Engel propose au contraire d’assumer une politique de la vérité, orientée par les vertus de vérité. Il s’agirait non pas de parler au nom de la vérité, mais de commencer par la respecter.

VI. Le Benda d’Engel et celui de Bobbio

Il est toujours possible d’adresser quelques critiques à ce livre remarquable. Très peu est dit, dans Les lois de l’esprit, des valeurs de justice ou de liberté, que Benda invoque sans cesse à côté de la vérité et de la démocratie. On aurait aimé en apprendre davantage à ce sujet. Cela semble néanmoins conforme à sa philosophie, qui, malgré son pluralisme des valeurs, semble placer la vérité au-dessus des autres, comme Platon plaçait l’Idée de Bien au sommet du Ciel des Idées. Ce choix de conduire sa critique du point de vue des valeurs intellectuelles la rend aussi très actuelle, et nous interroge sur l’avenir du rationalisme.

De ce point de vue, l’intérêt de la pensée de Benda n’est pas seulement critique. Dans l’optique d’un renouvellement du rationalisme, Engel souligne que Benda a bien perçu le caractère complexe de la raison. Il a distingué, parmi les valeurs qu’elle porte, les intellectuelles des morales et des esthétiques, en s’abstenant de réduire les unes aux autres. Son combat, compris comme moralisateur, se plaçait en réalité essentiellement sur le plan cognitif, et avait pour cible la bêtise plus que les vices moraux ordinaires. La bêtise, en tant que manque de respect envers la vérité, s’est traduit, écrit Engel, par « L’une des plus grandes impostures du xxe siècle » (p. 368) : faire croire que la vérité et la raison étaient au mieux des concepts vides, au pire les masques de l’oppression, alors même que pour les gens ordinaires « ces valeurs sont les seules qu’ils peuvent avoir pour résister à l’oppression » (idem).

Les lois de l’esprit illustre bien le fait que cette imposture persiste. Hier, Benda devait défendre la raison contre les tentatives de la rendre plus « souple », plus « fluide » ; tentatives qui pourraient lui être fatales. Aujourd’hui, ne peut-on constater un parallèle frappant avec la stratégie qui consiste à vouloir assouplir, « pluraliser », « contextualiser » des notions comme celles d’universel, ou encore de laïcité, assaillie, comme l’écrit Henri Pena-Ruiz, par « la prolifération d’expressions qui la relativisent sous prétexte de la « rénover », d’en « dépoussiérer le concept », comme les notions polémiques de « laïcité plurielle », « laïcité ouverte », « laïcité délibérative », etc. »[4] ? La force de Benda, face à ces assauts contre la raison, est d’avoir su habilement et par avance retourner le stigmate, en se présentant avec le costume dont ses ennemis l’affublaient : un clerc – alors qu’il a vécu au milieu du monde -, un régulier investi d’une mission divine – alors qu’il était athée –, un homme du ressentiment – alors qu’on peut s’interroger sur le ressentiment de ses adversaires contre l’héritage des Lumières.

En nous plongeant dans les deux siècles qui précèdent, l’ouvrage nous rappelle que les attaques contre le rationalisme ont commencé bien avant les catastrophes du xxe siècle, et qu’elles se sont poursuivies après. Ainsi, dans leur célèbre Dialectique de la Raison[5], « Adorno et Horkheimer penchaient pour une filiation entre les Lumières et le nazisme »[6], ce qui, d’après Zeev Sternhell, « fausse entièrement aussi bien l’esprit des Lumières franco-kantienne que celui des Lumières anglaises et écossaises »[7]. Le travail d’Engel sur Benda prolonge les analyses de Sternhell, en suggérant que les sources intellectuelles du totalitarisme se trouvent probablement bien davantage dans le relativisme, l’historicisme, un certain pragmatisme et son culte de l’action, et l’irrationalisme plutôt que du côté du rationalisme. On pourrait objecter ici que Benda, le rationaliste, a été un compagnon de route d’un parti qui s’est largement compromis avec le totalitarisme. L’objection est recevable, mais rappelons que ce compagnonnage très tardif était de circonstance, et que Benda a toujours affirmé en même temps la fausseté du marxisme et les échecs auxquels devaient inévitablement mener ses applications[8].

Les analyses d’Engel sur Benda rejoignent aussi très largement celles du philosophe, juriste et résistant italien Norberto Bobbio. D’après ce dernier, la responsabilité « de ce déluge irrationaliste qui a envahi peu à peu toutes les terres émergées de la culture européenne, de la philosophie à l’art, de l’esthétique à la théorie politique » [9]  ne fait aucun doute[10]. Or, pour avoir échappé à cette contagion qui semblait ne devoir épargner personne, Benda est à ses yeux un modèle : « Je pense que c’est une figure remarquable de notre temps, plus remarquable que beaucoup de ses opposants et peut-être plus que certains grands qu’il a combattus. Je crois surtout que, pour l’âpreté de ses jugements et la sévérité de sa discipline, c’est un écrivain salutaire. Et il mérite d’être lu. »[11] La comparaison avec Benedetto Croce, figure de l’antifascisme, s’impose tout naturellement. À la même époque, il fut l’un des rares qui, comme Benda, a fustigé « les savants qui se soustraient à leur devoir envers la vérité pour endosser grâce à leur autorité les mensonges de la propagande de guerre »[12].

Comme Engel, Bobbio admire la rigueur argumentative des essais polémiques de Benda, apprécie ses écrits autobiographiques, et goûte assez peu ses romans. Mais plus que ne le fait Engel, il reconnaît les défauts de sa pensée parfois simplificatrice et unilatérale, dont « le culte de la justice absolue peut se changer en absence de pitié et indifférence inhumaine, et l’intransigeance en aridité de cœur »[13]. Néanmoins, ces défauts sont largement compensés par des qualités exceptionnelles, comme celle d’avoir été « l’un des plus intrépides inquisiteurs (…) de toute forme d’impérialisme matériel et spirituel, où qu’il se cache »[14]. Ne s’agit-il pas là de la véritable vocation de toute pensée authentiquement émancipatrice et universaliste ? À ce titre, Les lois de l’esprit, comme cet essai de Bobbio, nous rappellent pourquoi il est urgent de relire Julien Benda.

 

[1] Pascal Engel, Les lois de l’esprit, Julien Benda ou la raison, Paris, Éliott, 2023.

[2] É. During, « Trois lettres inédites de Bergson à Gilles Deleuze », Critique 732, 2008 ; G. Deleuze, Deux régimes de fou, Éditions de Minuit, Paris, 2003, p.15 et p.127.

[3] Vérité et véracité, Essai de généalogie [2003], Paris, Gallimard, 2006.

[4] Pena-Ruiz, H., Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Gallimard, 2017, p. 15.

[5] Adorno, T., Horkheimer, M., Dialectique de la Raison, Fragments philosophiques (1944), trad. É. Kaufholz, Paris, Gallimard, 1974.

[6] Zeev Sternhell, Les anti-Lumières, Paris, Gallimard, 2010, p. 78-79.

[7] Ibid., p. 79.

[8] Voir Benda, J., La grande épreuve des démocraties, Paris, Éditions du Sagittaire, 1945, p. 116-117. Cf. également la critique, dans la Préface de 1946 de La trahison des clercs, des intellectuels qui « en adhérant à l’idéologie communiste, trahissent l’enseignement qui faisait leur raison d’être » (Paris, Grasset, 1975, p. 96-102).

[9] « Julien Benda » [1956], in Il dubbio e la scelta, Intelletuali e potere nella società contemporanea, Roma, Carocci, 2006, p.52, traductions de l’italien par l’auteur de l’article.

[10] Cf. Jean-Baptiste Le Bohec, « Les sources intellectuelles de l’idéologie fasciste », in Droit & philosophie, vol. 7, Dalloz, Paris, déc. 2015, p. 193-220 ; http://www.droitphilosophie.com/article/lecture/les-sources-intellectuelles-de-l-ideologie-fasciste-167 .

[11] Bobbio, op. cit., p. 52.

[12] Ibid, p. 44.

[13] Ibid, p. 51.

[14] Ibid, p. 52.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

More in:2023

Emergence

Réponses d’émergence

Maurizio Ferraris. Depuis la parution d’Émergence en 2018, Maurizio Ferraris a eu l’occasion de reprendre, ...
Next Article:

0 %