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AAC – Les Jeux Vidéo

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LES JEUX VIDÉO : TERRAIN PHILOSOPHIQUE?

Présentation

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On ne doute plus du fait qu’il y a quelque chose de sérieux qui se joue dans les jeux vidéo, même quand ceux-ci ne sont pas des « serious games ». Les dizaines de milliers de personnes remplissant des stades pour les finales mondiales de jeux comme le désormais célèbre League of Legends ne permettent plus d’en douter.

Le jeu lui-même est un objet philosophique ancien, qu’Aristote souhaitait empêcher d’être une « fin en soi », craignant qu’il puisse concurrencer l’activité vertueuse, qui seule devrait n’avoir d’autre fin qu’elle-même[1]. Toutefois, l’ambition de ce dossier n’est pas de reproduire des réflexions passées, déjà riches, sur le « jeu » en général, sa portée politique, son utilité ou son lien à l’apprentissage entre autres perspectives. Au contraire, il nous semble nécessaire de soulever les enjeux proprement philosophiques et contemporains des jeux vidéo eux-mêmes, sans réduire la spécificité des problématiques qu’ils posent à d’autres domaines comme celui de l’éducation. Cela ne signifie pas que la question du contenu proprement philosophique des jeux vidéo ne nous intéressera pas. Il s’agit cependant d’éviter qu’elle soit centrale dans ce dossier, afin de ne pas se contenter de faire des jeux vidéo l’illustration d’une philosophie, ou un simple moyen d’apprendre des contenus philosophiques. Cela se traduira par une méthode qui fera avant tout des jeux vidéo un terrain d’élaboration philosophique, plutôt qu’un objet où la philosophie ne chercherait qu’à illustrer, qu’à mettre à l’épreuve des idées ou des théories préexistantes.

Axes problématiques

Prendre les jeux vidéo pour un objet philosophique implique donc de s’interroger précisément sur ce que signifie pour le « joueur » de s’engager dans l’univers des jeux vidéo ou d’un jeu vidéo en particulier. L’expérience d’un jeu vidéo commence dès qu’un utilisateur, le joueur, interagit avec une forme ou une autre d’interface, et qu’il obtient un retour visuel sur un dispositif vidéo. Ainsi, toutes les actions du joueur passent par l’intermédiaire de périphériques, qui lui permettent d’agir ; actions dont les conséquences sont ensuite répercutées sur le support visuel, l’écran. Cette définition générale, qui recouvre les jeux vidéo les plus modernes comme les plus anciens, permet donc de dégager les axes problématiques suivants, non limitatifs, qui sont évidemment ouverts aux contributions provenant d’autres disciplines que la philosophie, dans l’esprit de l’interdisciplinarité :

les jeux vidéo questionnent avec une grande acuité le rapport corps/esprit ; ce rapport change-t-il quand il passe par l’intermédiaire d’une machine et ne se déploie plus dans une apparente immédiateté ? Quid par exemple du « vécu » phénoménologique de cette relation dans le cadre des jeux vidéo ? Le corps disparaît-il ou bien sa matérialité est-elle toujours omniprésente ? Quel rapport à la mort se cache dans les jeux vidéo, lorsqu’on est en possession d’un nombre infini de « vies » ? Aussi, quel peut être notre rapport au corps, à l’esprit, et à la mort « d’autrui » dans un jeu vidéo ?

– liée au corps, la question du plaisir et des addictions est évidemment prégnante, et en lien avec notre atelier consacré aux addictions. Comment une addiction apparaît-elle dans une activité où le corps est censé disparaître ? Est-elle liée aux différentes formes de plaisir que l’on peut retirer des jeux vidéo ? Quelles sont justement ces formes de plaisir, et comment les jeux vidéo les suscitent, et répondent à des désirs particuliers ?

les jeux vidéo posent aussi dans de nouveaux termes la question de l’identité : quels sont les rapports entre le « jeu » et le « je » dans les jeux vidéo ? Les jeux vidéo sont-ils le lieu de création d’identités numériques ? En quoi peuvent-ils rendre possible une écriture voire une récriture de soi, par exemple lors de la constitution d’avatars ? Une question parmi d’autres a ainsi parfois pu être suggérée : celle du rapport à l’identité de genre dans les jeux vidéo.

la façon dont les jeux vidéo mettent leurs joueurs face aux conséquences de leurs choix est un formidable outil pour la philosophie de la morale et de l’action. Les jeux vidéo peuvent-ils être le lieu d’apprentissage de certaines théories morales ? Les jeux vidéo sont-ils des laboratoires en puissance pour la philosophie de l’action? Quel type d’agent moral et/ou rationnel est à l’œuvre dans les jeux vidéo ? Au lieu de s’interroger sur la « moralité » des jeux vidéo, ce qui tendrait à réduire le jeu vidéo à des problématiques extérieures, on pourra s’interroger sur la façon dont certaines valeurs investissent les jeux vidéo.

-les jeux vidéo soulèvent nécessairement des questionnements politiques et sociaux, comme le montre les craintes immédiatement exprimées par Aristote et Platon[2] face au caractère subversif du jeu. Toutefois, on s’intéressera d’abord à la façon dont les jeux vidéo reproduisent un ordre social ou politique avant d’y voir une entreprise de subversion. Parce qu’ils puisent dans une culture visuelle, symbolique, politique, historique, la neutralité des jeux vidéo est à mettre en question. Par exemple, comment quelles représentations de la « ville » peut-on trouver dans les jeux vidéo ? On ne se limitera pas nécessairement aux contenus et aux intrigues des jeux vidéo : ce qui entoure socio-économiquement les jeux vidéo peut faire l’objet de réflexions. À partir de ces questionnements, on pourra se demander comment les jeux vidéo peuvent, au contraire, favoriser une remise en cause des cadres et des hiérarchies traditionnels.

on se rend ainsi compte que les jeux vidéo forment des « mondes » dont il faut peut-être interroger l’ontologie sous-jacente ; les « beugs » et les « failles » des jeux vidéo sont-ils par exemple le signe d’une forme d’ontologie non-clôturée, qui peut s’exprimer dans un mode de développement « ouvert » ? Aussi, quelles matérialisations « concrètes » peuvent découler de ces mondes virtuels ? Les limites du monde virtuel sont-elles poreuses ? Quel rapport à « l’image », à la représentation et à l’illusion la culture des jeux vidéo entretient-elle ?

enfin, on se pose peu la question de ce qui entoure les jeux vidéo, le développement, leurs « périphéries » et de leurs « déchets » : Quelle forme d’esthétique et de culture du « design » est à l’œuvre dans le développement des jeux vidéo ? Qu’est-ce qu’un jeu vidéo obsolète ? Comment au contraire l’esthétique d’un jeu vidéo « ancien » devient-elle classique ? Que sont le progrès et la tradition dans le monde des jeux vidéo ? Quid des « archives » des jeux vidéo, de leur histoire globale mais aussi de tout ce que les individus ont pu créer, et qui ne disparaît pas nécessairement tout en tombant dans l’oubli ?

 Informations pratiques

 Coordination éditoriale :

-Marc Goetzmann

-Thibaud Zuppinger

Contact :

marc.goetzmann@unice.fr

Calendrier :

Date limite de réception des propositions : 15 février 2016

Notification de la première phase de sélection : 1er mars 2016

Soumission des articles complets : 1er mai 2016

Acceptation définitive des articles : 1er juillet 2016

Publication : mi-juillet 2016

Remise des fichiers :

Les propositions ne devront pas dépasser une page et peuvent être accompagnées d’une bibliographie et d’une courte notice biographique.

Elles devront être soumises au responsable de la coordination (marc.goetzmann@unice.fr).

Les articles devront compter entre 15 000 et 35 000 signes.


[1] Aristote, Éthique à Nicomaque, XI.

[2] Platon, Les Lois.

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