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Appel à contributions – Le méchant. De la compréhension à la fascination.

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Appel à contributions :

Le méchant

De la compréhension à la fascination

 

Revue Implications philosophiques

Coordination du dossier : Yoann Malinge

 

En première analyse, la notion de « méchant » semble recouvrir celles de « délinquant », de « criminel » aussi bien que celle renvoyant aux personnages négatifs voire aux « anti-héros » dans les fictions. Le méchant serait celui qui fait le mal. Le méchant et les actes méchants existent à la fois dans notre réalité quotidienne et dans la fiction. Ce dossier de la revue Implications philosophiques entend mettre en parallèle et croiser les réflexions anthropologiques, de philosophie morale, juridique et sociale avec les réflexions esthétiques sur les fictions.

La psychologie du méchant

 Si une personne est dite méchante, c’est qu’elle fait souvent le mal. La répétition des actions mauvaises constituerait une habitude, voire une seconde nature. L’intériorité du méchant, sa motivation devrait alors être examinée. Devient-on méchant parce qu’on possède en soi une énergie qui pousse à faire le mal ou bien est-ce la répétition d’actions mauvaises qui rend méchant ? Corrélativement, le méchant est-il libre de faire le mal ou est-il condamné à agir méchamment ? De Socrate aux Pères de l’Église, la question du mal a suscité des thèses opposées : les hommes et les femmes peuvent-ils vouloir faire le mal ou est-ce une condamnation originelle ?

Plus récemment, la thèse d’un déterminisme biologique, en particulier génétique, a pu sembler apporter une explication causale forte. Il serait possible de trouver le(s) gène(s) responsable(s) de la méchanceté. Dans l’histoire des sciences, la recherche d’une cause biologique absolue a conduit à des impasses. Pourquoi une recherche des causes biologiques conserve-t-elle un tel attrait ? Quelle anthropologie philosophique peut expliquer la méchanceté des méchants ?

Les fictions n’hésitent plus aujourd’hui à mettre en scène un héros comme personnage principal permettant ainsi aux lecteurs et aux spectateurs de suivre sa psychologie : des Liaisons dangereuses de Laclos au Batman: The Killing Joke d’Alan Moore en passant par le film Joker de Todd Philipps ou Dexter de James Manos Jr. Les méchants ou anti-héros de fiction sont des personnages passionnants : leurs motivations, leur parcours suscitent à la fois de la crainte et de la fascination.

Le jugement moral et le jugement pénal

 Même s’ils fascinent, les méchants font peur. Pointés du doigt, ils sont considérés comme anormaux. Le jugement moral qui les désigne ainsi ne vise pas tant leurs actions que leur personnalité, pas tant ce qu’ils font que ce qu’ils sont. Pourtant, ce sont bien d’abord leurs actions qui ont été jugées moralement comme mauvaises. Comment passe-t-on du jugement moral et juridique des actions au jugement d’une personne ? Ce passage est-il légitime ?

Le « méchant » semble n’être qu’une catégorie morale qui juge la personne. En droit, seuls les actes sont jugés, ils sont qualifiés juridiquement par les magistrat(e)s. Pourtant, au cours du procès, la « personnalité » ou la « psychologie » de l’accusé sont l’objet d’une analyse. Il s’agit de comprendre les causes et les raisons de son acte. N’est-ce pas alors un moyen de juger la personne ?   Dans quelle mesure la récidive peut-elle être considérée comme une assignation à une identité de « méchant » ?

Cette perspective peut conduire à examiner la procédure judiciaire, la part de la psychologie dans le traitement judiciaire des actes délinquants et criminels ainsi que le traitement médiatique qui en est fait. Elle peut également orienter l’analyse vers des œuvres de fiction qui traitent de ces questions.

Le méchant et la société

En se focalisant sur l’individu méchant, ne néglige-t-on pas les conditions matérielles et sociales dans lesquelles il agit. Si le méchant est désigné comme tel par les autres, dans quelle mesure la société détermine-t-elle les comportements du méchant ? Si « nul n’est méchant volontairement », n’est-ce pas parce qu’elle y est contrainte par la pauvreté ou par l’exclusion qu’une personne commet des délits ou des crimes ? Y a-t-il lieu alors d’excuser le méchant ?

Pourquoi le méchant est-il stigmatisé et mis au ban de la société ? La stigmatisation doit être cernée et interrogée. S’il met en danger la société, est-ce par son immoralité ou par sa capacité à remettre en cause les normes ? Quel est alors le rôle du méchant dans la société ? La perspective du méchant comme bouc émissaire n’est-elle pas réductrice ? Quand les hommes et les femmes politiques utilisent des expressions comme « empire du mal » ou « axe du mal », quelle est leur intention politique ? Les méchants ne sont-ils pas toujours ceux qui ont des intérêts politiques opposés aux nôtres ?

Par ailleurs, si les actes méchants se multiplient, peut-on parler d’une vie sociale méchante ? Le harcèlement virtuel ou non, les commentaires désagréables, racistes, sexistes ou homophobes sur les réseaux sociaux, révèlent-ils une méchanceté intrinsèque ou bien sont-ils la réalisation d’une complète liberté d’expression ?

Enfin, jusqu’ici, il a été question de la figure du méchant comme une personne de genre masculin. Pourtant, il est évident que les personnes de genre féminin peuvent être méchantes. La société traite-t-elle de la même manière les méchants et les méchantes ?

Le rôle esthétique, politique et moral du méchant dans les fictions/les séries

Sans les méchants, les héros n’auraient que peu d’intérêt, faute de pouvoir exprimer leurs qualités. Ils sont les ennemis redoutables qui justifient l’intervention du super héros ou de la super héroïne. A l’inverse, les méchants semblent pouvoir exister de manière autonome, ils surgissent pour assouvir leur soif de mal. Ce sont des personnages que l’on déteste mais que l’on aime détester. Quelle est la nature de cette ambivalence ? Peut-elle être réduite à la catharsis que procurerait le spectacle des passions moralement condamnées ? Ces personnages remettent en question l’ordre moral de la société. Comment comprendre alors l’attrait esthétique et moral que les spectateurs éprouvent pour ces personnages de méchant(e)s ? Ces personnages sont-ils le reflet d’une idéologie sous-jacente des studios de production ? On peut penser par exemple à de nombreux films de super-héros des univers Marvel ou DC notamment, mais aussi à des films comme Scarface de Brian De Palma, à American Psycho de Brett Easton Ellis ou à Orange Mécanique de Stanley Kubrick par exemple.

La durée des fictions, en particulier des séries, permet de suivre l’évolution des méchants, de suivre leur psychologie, leurs choix. Pourtant si ces choix sont toujours portés vers le mal, pourquoi les spectateurs aiment-ils de tels personnages ? Est-ce que les séries mettant en scène des méchants pourraient nous apprendre quelque chose sur notre propre morale ?

De nombreuses séries pourraient être citées, par exemple Game of thrones de Weiss et Benioff, House of cards de Gibson, Willimon et Pugliese, Succession de Jesse Armstrong.

Ce dossier de la revue Implications philosophiques entend rassembler des contributions en philosophie morale et sociale, en anthropologie philosophique, en esthétique pour questionner la figure du méchant.

 

Bibliographie indicative

  • Arendt H., Du mensonge à la violence : essais de politique contemporaine, trad. Guy Durand, Paris, Presses Pocket, 2004.
  • Augustin, Les Confessions, Paris, Gallimard, 1998.
  • Beauvoir S., Faut-il brûler Sade ?, Paris, Gallimard, 1972.
  • Becker H., Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985.
  • Brunet L. et Casoni D., La psychocriminologie, Montréal, PUM, 2003.
  • Canguilhem, G. Le normal et le pathologique, Paris, P.U.F, 2005.
  • Castel P.-H., Pervers, analyse d’un concept. Suivi de Sade à Rome, Paris, Ithaque, 2014.
  • Chollet M., Sorcières, Paris, La Découverte, 2018.
  • Croizet, J.C., Leyens, J.P., Mauvaises réputations Réalités et enjeux de la stigmatisation sociale, Paris, Armand Colin, 2003.
  • Elias, N. La société des individus, Paris, Pocket agora, 1998.
  • Fanon F., Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, 2015.
  • Fassin D., Punir, une passion contemporaine, Paris, Seuil, 2017.
  • Foucault M. Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
  • Girard R. La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972.
  • Hobsbawn E., Les bandits, Paris, Zones, 2008.
  • Honneth A., La lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard, 2013.
  • Jost F., Les nouveaux méchants : quand les séries américaines font bouger les lignes du Bien et du Mal, Bayard, 2015.
  • Jost F., La méchanceté en actes à l’ère numérique, CNRS Éditions, 2018.
  • Laugier S., Nos vies en séries, Paris, Flammarion Climats, 2019.
  • Machiavel N., Le Prince, Paris, Gallimard Folio, 2008.
  • Merker A., Une morale pour les mortels. L’éthique de Platon et d’Aristote, collection L’Âne d’or, Les Belles-Lettres, Paris, 2011.
  • Mucchielli L. , Sociologie de la délinquance, Paris, Colin, 2014,
  • Nietzsche F., Par-delà bien et mal, trad. P. Wotling, Paris, GF, 2022.
  • Platon, Protagoras, trad. F. Ildefonse, Paris, GF, 1997.
  • Revault D’Allonnes M., Ce que l’homme fait à l’homme. Essai sur le mal politique, Seuil, 1995.
  • Rousseau, J.-J., Discours sur l‘origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, GF, 2018.
  • Sade DAF, La Philosophie dans le boudoir, Paris, GF, 2017.
  • Sartre J.-P., Saint Genet, comédien et martyr, Paris, Gallimard, 2008.
  • Sottocasa V. (dir.), Les Brigands.Criminalité et protestation politique (1750-1850), Presses Universitaires de Rennes, 2013.
  • Spinoza B., Lettres sur le mal, correspondance avec Blyenbergh, Paris, Gallimard, 2006.
  • Tsikounas M., Cadiet L., Chauvaud F., Gauvard C., Figures de femmes criminelles de l’Antiquité à nos jours, Publications de la Sorbonne, 2010.
  • Wolff F., « Le mal », Notions de philosophie III, Denis Kambouchner (dir.), Paris, Gallimard Folio, 1995.

 

Informations pratiques

Responsable du dossier : Yoann Malinge (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Calendrier

Date limite d’envoi des propositions : 01 juillet 2022

Date limite d’envoi des articles : 31 octobre 2022

L’appel à contributions fonctionne selon une double logique de sélection sur propositions et d’évaluation d’articles complets.

Ainsi, nous accepterons des propositions de contributions jusqu’au 1er juillet 2022.

Les résultats de la sélection seront communiqués aux auteurs et autrices d’ici le 15 juillet 2022.

Les propositions sélectionnées devront être envoyées avant le 31 octobre 2022.

Il sera néanmoins possible de nous transmettre des articles complets qui n’auraient pas été présélectionnés sous forme de proposition à la même date du 31 octobre 2022. Les personnes ayant vu leur proposition refusée en juillet ne pourront pas présenter le même projet, mais pourront nous communiquer un article complet sur un sujet différent.

La publication est prévue courant 2023, vraisemblablement au début du printemps.

Envoi des propositions

Les auteur.e.s sont invité.e.s à soumettre des propositions de 750 mots maximum (format .doc) qui seront accompagnées du nom de l’auteur.e, de son statut, de son affiliation institutionnelle, ainsi que d’une adresse mail.

Les articles respecteront les normes de format et de présentation de la revue, voir : https://www.implications-philosophiques.org/soumettre-un-article/ .

 

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Yoann Malinge, yoann.malinge@hotmail.fr

 

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