2022La méthode phénoménologiqueune

Le témoignage de la beauté. La phénoménologie à ses frontières selon Jean-Louis Chrétien.

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Rodolphe Olcèse est maître de conférences en esthétique à l’Université de Saint-Etienne. Il est membre du Laboratoire ECLLA.

Résumé

Ce texte s’efforce de montrer comment, dans la pensée de Jean-Louis Chrétien, l’excès et le surcroît de la beauté sont des opérateurs de la phénoménalité elle-même, en sorte que la phénoménologie ne peut aiguiser son regard sur les phénomènes qu’elle envisage qu’à se laisser instruire par des disciplines – poésie, mystique, théologie – qui tentent de répondre à un tel excès. La phénoménologie doit ainsi prendre sa part à l’effort inlassable pour traduire ce qui se dérobe constamment, ce qui lui confère un caractère de témoignage.

Mots-clés : excès, beauté, poésie, traduction, témoignage

Abstract

This text aims to show how, in the thought of Jean-Louis Chrétien, the excess of the beauty is an operator of the phenomenality itself. The phenomenology, in order to apprehend phenomena, need to be instructed by disciplines as poetry, mysticism, theology, which attempt to respond to such an excess. Phenomenology must thus play its part in the effort to translate what constantly evades, and can be understood as a form of testimony.

Keywords: excess, beauty, poetry, translation, testimony


Introduction

À l’entrée « phénoménologie », le Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’André Lalande propose la définition suivante :

étude descriptive d’un ensemble de phénomènes, tels qu’ils se manifestent dans le temps ou l’espace, par opposition soit aux lois abstraites et fixes de ces phénomènes ; – soit à des réalités transcendantales dont ils seraient la manifestation ; – soit à la critique normative de leur légitimité (Lalande 1926 : 768-769).

Cette définition de la phénoménologie, la plus générale qui soit et sans doute la plus extérieure à la discipline, suggère d’emblée qu’il n’y a rien qui échappe en droit à son champ d’application et semble dissiper d’emblée la question de ses éventuelles frontières. Il n’y a guère qu’en circonscrivant l’ensemble des phénomènes auxquels la phénoménologie peut et doit s’articuler qu’il est possible de borner son territoire d’intervention, ce qui revient, peu ou prou, à distinguer, dans l’ordre de l’expérience, ce qui est susceptible d’apparaître à la conscience, de ce qui lui échappe. Sans doute est-ce cette extensivité principielle de la phénoménologie qui conduit Jean-Luc Marion à remarquer, au seuil du recueil Réduction et donation, que « pour une part essentielle, la phénoménologie assume, en notre siècle, le rôle même de la philosophie » (Marion 1989 : 7), pour autant qu’elle a accompli définitivement le dessein de la métaphysique. Si tout ce qui se donne à la pensée appartient en droit à la philosophie, et partant, relève de la phénoménologie, comment en établir les frontières ?

Mais la question n’est pas tant de savoir quels phénomènes relèvent ou non de la phénoménologie que de comprendre à quelles conditions ces phénomènes, quels que soient leur ordre, peuvent être décrits, c’est-à-dire commencer à faire sens. Jean-Louis Chrétien, dans un entretien avec Camille Riquier, rappelle ainsi que « le fil conducteur de l’ensemble de [ses] écrits a été une phénoménologie de la parole, comme le lieu où tout sens vient au jour et se recueille » (Chrétien 2013 : 243). Tout ce qui nous apparaît, d’une certaine manière, le fait dans et depuis une manifestation de la parole, qui en supporte le poids et l’expression et fait que notre pensée peut s’y mouvoir, le décrire ou s’y mettre à l’épreuve. En cela, il n’y a pas d’archi-phénomène, de phénomène en deçà duquel la pensée ne pourrait pas se risquer et qui marquerait une limite à la phénoménologie. Il s’agit à l’inverse d’envisager la phénoménalité à partir d’une dimension d’ouverture de et par la parole elle-même. C’est au sein de cette ouverture que les phénomènes de tous ordres peuvent nous apparaître, c’est-à-dire être reçus, ou que les limites de la phénoménalité (l’il y a dans la pensée d’Emmanuel Levinas ou la vie dans la phénoménologie de Michel Henry) peuvent seulement être recherchées. S’il y a des frontières de la phénoménologie, elles s’éprouvent de l’intérieur et se manifestent comme des limites de la phénoménalité elle-même, atteintes au sein d’une expérience de la parole, qui peut seule les approcher et tenter de leur répondre.

I. Parler à l’impossible

Si la parole est le lieu où émerge et commence à se recueillir le sens, la phénoménologie ne peut exprimer quelque chose de ses propres commencements qu’en se tournant vers des manifestations de la parole comme telle. D’une certaine manière, Jean-Louis Chrétien applique à la parole comme source de toute phénoménalité le principe phénoménologique selon lequel la déficience d’un phénomène est un moment de sa révélation, sinon le lieu même où il peut se montrer tel qu’en lui-même. C’est bien le sens de l’analyse, dans Être et temps de Martin Heidegger, de « l’outil endommagé » (Heidegger 1986 : 109) ou de l’intérêt porté par Henri Maldiney à la psychiatrie, discipline qui permet, rappelle Jean-Louis Chrétien en introduction à Regard Parole Espace, « d’éclairer le sens de l’existence, de la crise et de l’impossible depuis l’effondrement ou l’interdiction de certaines de leurs dimensions constituantes » (Maldiney 2012 : 26). C’est dans ce même paradigme que se situe Jean-Louis Chrétien lorsque, dans le premier chapitre de L’Arche de la parole (1998), il envisage l’écoute dans l’horizon d’un inouï qui gît au fond de toute prise de parole véritable. L’inouï surprend notre écoute et prend à revers les intentions éventuelles qui dirigent nos prises de parole, qui ne sont jamais tout à fait transparentes à elles-mêmes, mais sont au contraire toujours confrontées à un excès qui les éveille à elles-mêmes et les reconduit au plus vif de leur expression. Henri Maldiney, dans un texte écrit à charge contre la sémiotique de l’art, évoque en ce sens ce qu’il en est de parler – en l’occurrence de parler d’une œuvre d’art :

Que le parlant ait à dire implique que la langue en lui ne dise pas tout. L’erreur est de la considérer comme un stock. Le lexique est tout autre chose qu’un code. Les unités de puissance que sont les mots ne portent pas inscrits en elles-mêmes les clivages qui interviendront dans la constitution d’unités d’effet conjecturales (Maldiney 2003 :  31).

Le sens ne tient pas, pour Maldiney, à l’organisation du discours, mais à la situation même dans laquelle nous sommes engagés et qui est précisément ce qui nous donne la parole. « La parole n’est signifiante que parce qu’elle ne vise pas des signes-déjà-là ; mais elle veut avoir affaire à des choses par rapport auxquelles le parlant est en situation » (Maldiney 2003 :  31). Si la parole est le lieu où le sens peut seulement surgir et venir à lui-même, un tel surgissement ne peut se produire que sur le fond de ce qui échappe d’abord à toute élucidation discursive, ce que Maldiney désigne, dans ce même texte, par le concept d’« événement » (Maldiney 2003 :  32), autre terme pour désigner l’excès qui aiguise la parole en elle-même, et partant l’espace même au sein duquel la phénoménologie peut et doit être travaillée.

L’écoute commence toujours elle aussi par s’ouvrir à ce qui lui échappe, à ce qu’elle ne peut pas se donner à elle-même. « La perfection de l’écoute est d’être imparfaite » (Chrétien 1998 : 17) rappelle en ce sens Jean-Louis Chrétien, dans la mesure où « l’écoute commence par le vide et le dessaisissement, et non par la mise en branle et en œuvre d’un savoir écouter préalablement acquis et possédé » (Chrétien 1998 : 17). Envisager l’écoute à l’aune d’une technique qui lui serait propre, et lui donnerait une sorte de maîtrise anticipée sur les objets qui se donnent à elle, serait la faire déchoir dans un régime de l’obscène où l’intime devient interchangeable et le regard veut tout voir. À l’inverse, dit Jean-Louis Chrétien, l’écoute véritable commence par me faire rencontrer une question, qui ébranle ce que je croyais savoir et, dans ce dessaisissement même, par ce régime d’incertitude qu’ouvre la parole de l’autre du simple fait qu’elle vient à moi et m’adresse cette question, devient le moment d’une rencontre dans une « commune ouverture ». Cette forme de « docte ignorance », souligne encore Jean-Louis Chrétien, n’accuse pas seulement une carence en moi, mais fait apparaître cette carence pour ce qu’elle est : une capacité à apprendre. « Savoir qu’on ne sait pas, c’est savoir apprendre, savoir chaque fois apprendre. Et savoir chaque fois apprendre, c’est rencontrer, se laisser rencontrer, se laisser dire. Chaque fois : la précision est d’importance » (Chrétien 1998 : 17). En insistant sur la singularité, toujours vécue à nouveaux frais, de l’événement de la parole de l’autre, Jean-Louis Chrétien énonce de manière claire et simple ce qui peut apparaître comme une forme de la méthode phénoménologique. L’excès auquel je suis confronté, c’est d’abord celui qui structure la capacité de mon attention, qui peut se relancer constamment, et progresser quand j’ai moi-même le sentiment de ne pas avancer, ce qu’a montré Simone Weil de manière remarquable dans un opuscule que Jean-Louis Chrétien a d’ailleurs rapproché, dans les analyses éclairantes qu’il y consacre, de la méthode phénoménologique (Weil 2008 ; Chrétien 2004 : 185-188).

Pour Jean-Louis Chrétien, l’incertitude que me découvre l’écoute quand je suis vraiment à l’écoute est aussi le caractère propre de la parole quand je lui appartiens vraiment. Si ma parole vient toujours en effet répondre à d’autres voix qui lui préexistent et la sollicitent, je n’entends jamais clairement ce à quoi je réponds que dans cette réponse que je tente, et qui participe d’une élucidation dont je ne suis pas à l’origine, mais qui me requiert pour se manifester. Et il importe encore une fois que ce ne soit pas la transparence de la pensée ou de l’expression qui fixe les linéaments de cette manifestation du sens, dans une sorte de rigueur conceptuelle qui trouble le phénomène en s’imposant à lui extérieurement, mais au contraire que ce soient les incertitudes, les hésitations, les tentatives et les renoncements qui montrent que cette parole que je prends a à voir avec l’événement de ma présence aux choses. Jean-Louis Chrétien écrit en ce sens :

Nulle parole humaine n’est première, comme si elle se confondait avec l’origine et inaugurait le sens, mais toute parole digne de ce nom est pourtant matinale, et se lève en tremblant dans l’incertitude de l’aube. Elle s’avance, pour reprendre le beau titre d’Henri Michaux, ‘‘face à ce qui se dérobe’’. Ce que je dis, je ne sais pas le dire. La mesure de la parole est de parler à l’impossible (Chrétien 1998 : 18).

Ce que je dis, je ne sais pas le dire car c’est à ce qu’il y a à décrire qu’il appartient de me l’enseigner, souligne donc Jean-Louis Chrétien, dans une perspective proche des philosophèmes de la pensée de Henri Maldiney : dire quelque chose de singulier sur le sens de ce qui m’affecte – quel que soit du reste le régime de cette affection –, c’est toujours « dire ce à quoi je ne m’entends pas, ce qui a fait effraction en moi en me prenant au dépourvu » (Chrétien 1998 : 18), l’événement ou l’inouï qui ne peut m’advenir sans reconduire l’expérience que j’en fais à ses propres limites.

La parole se risque parce que c’est toujours l’inouï qu’elle veut dire quand elle veut dire en vérité. Ce qu’il y a de silencieux dans les événements, voilà ce que nous voulons porter à la parole. La voix se fraie ainsi une voie qui n’était pas tracée d’avance, une voie qu’elle ne peut d’aucune façon emprunter. Elle ne peut être forte que dans sa faiblesse. Sa seule autorité est d’être aventureuse, et donc que son tremblement garde toujours la signature du silence dont elle provient : parfois c’est une voix blanche qui seulement peut dire l’inouï (Chrétien 1998 : 18).

Comment mieux exprimer le fait que c’est d’abord intérieurement, dans des moyens qu’elle ne peut revendiquer que pour les perdre aussitôt, que la parole est reconduite à ses frontières ? Car c’est à ces frontières, dans cette épreuve de l’impossible, que le sens se manifeste, résistant à toute dilution ou disparition dans les usages d’un monde qu’il éclaire et rend possibles.

II. Responsivité de la parole phénoménologique

En quoi cette leçon sur la parole et l’écoute permet-elle de qualifier les objets et la méthode de la phénoménologie ? Il est clair, pour Jean-Louis Chrétien, que si cette dernière cherche à établir le sens des objets qu’elle prend en vue, elle ne peut y atteindre qu’en scrutant les réponses humaines qu’ils suscitent, réponses qui relancent leur sens en l’affectant d’une singularité qui peut elle-même confiner à l’inouï. Aussi est-ce de manière rigoureuse et conséquente que Jean-Louis Chrétien accorde une attention toute particulière à des formes de la pensée humaine qui excèdent le seul champ de la philosophie et de la phénoménologie. Cela tient à deux motifs spécifiques, qui se croisent intiment dans l’abondante production philosophique de Jean-Louis Chrétien : 1° la poésie, la mystique ou la théologie engagent des modalités singulières d’intelligence du sens de certains phénomènes (la nuit, la fatigue, la joie, etc.) ; 2° ces disciplines, en même temps qu’elles opèrent une particularisation du sens de phénomènes spécifiques en y répondant de manière singulière, nous donnent accès à ce qui constitue le phénomène des phénomènes, la parole manifestée comme source et horizon de tout sens, la parole en tant qu’elle ne porte les différents objets de la phénoménologie à leur propre clarté qu’en s’adressant elle-même comme le foyer unique de toute expérience du monde, des choses, des autres ou de Dieu. La place accordée à la poésie tient à ce qu’elle se situe originellement à la frontière même de l’expérience, et peut conduire la phénoménologie à sa propre condition de possibilité, dans la mesure où les lieux qu’elle ouvre sont autant de manières d’envoyer la pensée à cette nécessité, pour avoir une intelligence du monde, de parler de l’impossible et à l’impossible. En se confrontant à ces régimes poétiques d’expression et de manifestation de l’expérience, la phénoménologie est invitée à rencontrer ses propres frontières et à considérer que sa propre méthode consiste en un débordement de son espace d’expression : la parole elle-même que la phénoménologie ne donne que pour l’avoir reçue (de la poésie, mais aussi du roman, de la mystique, de la théologie, etc.). En se tournant vers la poésie, en prenant acte des réponses qu’elle apporte à des thèmes ou des phénomènes partagés, la phénoménologie se découvre ainsi doublement frappée de cette dimension « responsive ». Les frontières de la phénoménologie sont des frontières éprouvées et révélées en premier lieu par des réponses qui surgissent ailleurs et qui l’excèdent, et auxquelles elle doit répondre à son tour. La phénoménologie découvre ses propres limites en s’installant dans cette situation dialogique des confins. Car elle prend la parole en constituant le recueil de voix autres, qui donnent à voir le monde à la rencontre duquel elles se sont elles-mêmes brisées.

Cette condition singulière de la phénoménologie, qui ne peut circonscrire son espace propre de juridiction que dans son incessant dialogue avec des voix qui y échappent et la conduisent à en transgresser les limites, est caractéristique des premiers textes de Jean-Louis Chrétien. L’Antiphonaire de la nuit, dont la matière principale est fournie par des paroles poétiques adressées à la nuit, montre en ce sens que c’est dans sa propre invocation que la nuit devient saillante et nous ouvre un accès à un franchissement des limites, qui marque à la fois son origine et son achèvement. Le phénomène de la nuit se signale le plus nettement, non pas dans des paroles qui la décrivent, mais dans des paroles qui s’adressent à elle. Ces adresses forment les conditions de possibilité de la description phénoménologique de la nuit :

Quand la parole poétique nomme la nuit, elle la dédouble, elle la scinde, elle distingue et sépare deux nuits qui, à peine distinguées, alternent, s’échangent, passent l’une dans l’autre. Une nuit en appelle une autre, est appelée depuis une autre, comme deux demi-chœurs. Parler vraiment de la nuit, c’est parler à la nuit, s’adresser à elle. Pour s’adresser à elle, il faut être dans la nuit (Chrétien 1989 : 31).

Ces remarques montrent bien en quoi il y va, dans cette attention accordée à des paroles poétiques à la nuit, de la question de l’accès au phénomène lui-même, qui n’apparait finalement jamais que dans l’effort qui est fait pour le traduire, ce qui constitue l’une des intuitions les plus fécondes de la phénoménologie de Jean-Louis Chrétien. Si la traduction concerne éminemment la phénoménologie, c’est qu’elle est le lieu par excellence de ce renversement incessant de l’adresse dans l’écoute, où se décide et se noue cette appartenance intrinsèque de l’appel et de la réponse. Après avoir évoqué la traduction latine de la Bible par saint Laurent, considérée par le concile de Trente comme authentique et susceptible de tenir lieu d’original, Jean-Louis Chrétien souligne :

Les poèmes de la nuit en sont-ils la Vulgate ? Ils la traduisent en tout cas. La parole originale de la nuit, le poème de la nuit dans sa forme première, nous ne les entendons et ne pouvons les entendre qu’en les traduisant, qu’en les transcrivant, altérés, dans notre antiphonaire qui pourtant leur répond. Nous ne lui parlons qu’en l’écoutant, mais nous ne l’écoutons qu’en la traduisant (Chrétien 1989 : 32-33).

Ce rapport de traduction se comprend comme un « perpétuel accès à une nuit inaccessible » (Chrétien 1989 : 33), que chaque poème singularise différemment, tout en montrant dans le même temps que la nuit se rassemble « dans une respiration, dans une circulation » (Chrétien 1989 : 38) reposant à son tour sur un jeu de dédoublement : « La nuit traverse et elle est traversée » (Chrétien 1989 : 38). Image s’il en est d’un rapport indissociablement intérieur et extérieur à la nuit, d’un rapport au phénomène où le regard est à la fois contenu et débordé par ce qu’il cherche à atteindre. C’est ce qui fera dire à Jean-Louis Chrétien, quelques pages plus loin, que « la nuit est aux limites de la phénoménologie, et c’est pourquoi la parole poétique a l’irremplaçable charge, dans ses antiennes, de la dire » (Chrétien 1989 : 62). Si la phénoménologie veut à son tour en décrire un aspect, il faut qu’elle prenne place parmi ces antiennes poétiques, qu’elle les accueille et y réponde à son tour, prenant acte de cet adossement indéfectible entre le dit et le manifesté. « Ce que la nuit donne à voir et ce que la nuit donne à dire, sa clarté et son appel ne sont d’aucune façon séparables » (Chrétien 1989 : 63), affirmation qui vaut comme une récapitulation de la situation et de la méthode phénoménologiques selon Jean-Louis Chrétien.

Cette articulation du phénomène aux réponses qu’il suscite porte la phénoménologie aux confins de son propre territoire, ce qui tient d’une certaine manière à la structure de la phénoménalité elle-même. Dans L’Appel et la réponse, Jean-Louis Chrétien montre que regard et parole ne sont pas deux ordres que nous pouvons distinguer avec rigueur, car l’un et l’autre participent de l’apparition d’un seul et même monde, que nous ne pouvons appréhender que par notre être tout entier. L’écoute et le regard ne sont pas deux actes séparés, ce qui tient à une double détermination : d’une part les êtres qui viennent à nous sont toujours simultanément visibles et audibles, d’autre part la sensibilité, cette chair nôtre qui les accueille, est toujours aussi intelligence du murmure que ces êtres nous adressent, comme le montre une analyse serrée du toucher. Des voix visibles d’une part, un corps qui écoute et célèbre tour à tour d’autre part, convergent vers la même épreuve d’un monde qui, se donnant à entendre, confère, par le fait même de cette vocalité du visible, une « acuité phénoménologique » aux poètes qui « invite au questionnement » (Chrétien 1992 : 141).  Un titre de Paul Claudel, vertigineux par sa précision et sa concision, conduit au même constat : L’Œil écoute[1].

Cet entrecroisement du regard et de l’écoute dans le tissu du monde auquel la sensibilité humaine appartient, et dont la phénoménologie ne peut rendre compte qu’à répondre à son tour aux paroles poétiques les plus à même d’arpenter la pointe de cet excès qui le déchire – excès par principe invisible, car en surcroît sur le visible – rend raison de la place centrale que la philosophie de Jean-Louis Chrétien réserve à la beauté. Car l’expérience de la beauté conjugue avec une évidence éprouvée cette réserve dialogique qui gît au fond du visible lui-même et fonde tout aussi bien la poésie que la phénoménologie. D’une certaine manière, pour Jean-Louis Chrétien, sans la beauté, la poésie ne pourrait rien dire, ni la phénoménologie rien décrire. Au détour d’un commentaire d’une page des Confessions de saint Augustin, Jean-Louis Chrétien rappelle que la beauté est par excellence le phénomène qui ne peut laisser sans voix.

Species, la beauté, appartient proprement à l’ordre du visible : le terme désigne d’abord l’acte même de vision comme aussi bien ce que la vision saisit d’une chose, son aspect, ce qu’elle offre au regard. Si cette beauté est la voix même des choses, l’essence du vis-à-vis par lequel la beauté nous saisit ne forme pas une contemplation soustraite au verbe, mais un dialogue. La beauté visible devient proprement visible quand elle nous parle et que nous l’interrogeons. Pour la voir en tant que belle, il faut qu’elle nous dise quelque chose. Son charme n’est pas séduction, fascination, captation paralysante par des formes qui luisent sans mot dire, mais parole et chant. Le visible n’atteint tout son éclat qu’en délivrant sa résonnance. La splendeur même est vocale. Non seulement l’œil écoute, mais il ne voit vraiment qu’en écoutant (Chrétien 1992 : 47).

Cette présence réciproque du regard à l’écoute implique de répondre à cet appel de la beauté, comme le précisent les premières pages de ce même livre (Chrétien 1992 : 20-22).

III. La phénoménologie comme témoignage

Cette attention centrale accordée à la beauté, loin de répondre à un intérêt d’ordre esthétique, est décidée par la densité phénoménologique que cette beauté même introduit dans le visible. C’est par la beauté que le visible accède à son éclat propre, par la beauté également qu’il manifeste ses dimensions les plus larges. Le paradoxe est bien qu’une forme d’impuissance à dire et à décrire soit corrélative de ce surcroît de manifestation. C’est la leçon de L’Effroi du beau, qui fait le constat que la louange est la seule manière possible de se tenir devant le beau (Chrétien 1987 : 73). Mais c’est pour demander aussitôt :

Oui, mais que faire, si c’est la vision même qui nous rend muets ? Toute vraie louange reste d’abord interdite. D’une beauté extraordinaire nous disons qu’elle nous coupe le souffle, mais une beauté plus commune, plus retenue et donc plus belle encore fait se briser notre voix, et notre seul silence expire comme une vague caressante aux rives du visible. Les mots ne sont disponibles que pour ce dont nous disposons déjà (Chrétien 1987 : 74).

C’est encore sous le signe d’une impossibilité que se trouve placée la phénoménologie quand elle se tourne vers un visible conduit à son faîte par l’expérience de la beauté qui s’y délivre. Mais convient-il de s’arrêter à cette impossibilité, et de congédier toute tentative de décrire l’inédit qui se joue dans cette épreuve de la beauté ? Que nous ne puissions pas dire, dans une transparence à nous-mêmes, ce à quoi notre pensée s’affronte dans une expérience ou dans une autre, loin de conduire à une sorte d’abandon devant l’ineffable, peut à l’inverse être envisagé comme un mode d’accès privilégié à ce qui se dérobe. Reconnaître et porter à l’expression l’affection d’une beauté elle-même en surcroît sur nos capacités de l’appréhender, ce que font la poésie ou la louange, c’est une manière de dire quelque chose de cette beauté elle-même, dont il a été souligné qu’elle n’est en rien extérieure ou étrangère à la manière dont notre regard se laisse saisir par les choses ou se tourne vers elles. En ce sens, la relation à la beauté peut être envisagée selon l’accentuation par laquelle Søren Kierkegaard caractérise notre rapport à la vérité dans le Post-scriptum définitif et non scientifique aux Miettes philosophiques. S’efforçant de dégager les implications de la thèse, centrale dans sa philosophie de l’existence, selon laquelle la subjectivité est la vérité, Kierkegaard écrit : « Quand on s’informe subjectivement de la vérité, la réflexion porte subjectivement sur le rapport de l’individu ; pourvu que le comment de ce rapport soit fondé dans la vérité, l’individu est alors aussi dans la vérité, même s’il se rapporte ainsi à la non-vérité » (Kierkegaard 1977 : 185). Ainsi, poursuit Kierkegaard, si la question concerne la connaissance de Dieu, objectivement cette question demande d’élucider s’il s’agit du vrai Dieu, subjectivement au contraire, il s’agit de faire apparaître si « l’individu se rapporte à un certain quelque chose de façon telle que son rapport est vraiment un rapport avec Dieu » (Kierkegaard 1977 : 185). Il convient donc de distinguer le quoi et le comment de notre rapport à la vérité. Que le quoi de la connaissance de Dieu soit objectivement inaccessible, comme l’a montré Kant de manière définitive dans la Critique de la raison pure, ne signifie pas qu’il faille renoncer au comment de ce cette connaissance, qui implique non seulement de se mettre en relation avec Dieu, mais de se rapporter vraiment à lui. Loin de conduire à renoncer à Dieu, l’indétermination initiale selon laquelle il est envisagé – Kierkegaard parle d’un « certain quelque chose » – crée les conditions pour que la relation qu’il appelle puisse s’intensifier dans l’existence, ce qui conduit finalement, comme le montrera Kierkegaard par la suite, à révéler que c’est bien avec Dieu que l’existant est en relation. En ce sens, pour Kierkegaard, c’est le comment du rapport à la vérité qui en détermine le contenu et non l’inverse.

Pour Kierkegaard, cette efficience du comment, qui me fait sortir de la sphère de ma subjectivité à mesure que je m’y approfondis, implique en premier lieu que je me décide simultanément pour moi-même et pour la vérité, là où Jean-Louis Chrétien insiste au contraire sur le fait que la beauté devance toujours mes initiatives, me surprend et vient me trouver là où je suis pour m’ouvrir à des dimensions de mon existence qui sans cette épreuve du beau n’auraient pas pu surgir ou m’apparaître. Les considérations de Jean-Louis Chrétien sur le beau invitent ainsi à moduler autrement cette articulation du quoi et du comment opérée par Kierkegaard, laquelle n’est pas étrangère à la phénoménologie elle-même, qui enseigne également l’impossibilité où nous sommes de décrire un objet donné sans inclure dans cette description la situation qui nous permet d’y accéder. S’agissant de l’épreuve de la beauté et du réel que cette beauté conduit à son acmé, les insuffisances de notre voix pour la restituer constituent déjà, par elles-mêmes, une manière d’en délivrer le sens et d’y répondre. Car ces insuffisances nous introduisent directement, sans préparation, dans une louange qui ne se confronte pas seulement à l’impossible, mais reçoit de cet impossible l’exigence de le dire malgré tout. « Seul ce qui nous laisse d’abord sans voix est digne d’être dit » (Chrétien 1987 : 74). Car cet impossible ne se donne pas comme un objet qui serait à identifier et à mesurer. Loin d’interdire la louange, le surcroît qui s’ouvre avec la beauté conduit la parole de louange à témoigner de son origine impossible, une source qu’elle ne peut elle-même éclairer, mais qui l’introduit pourtant à sa propre clarté et la mène à son incandescence. « Il appartient à l’essence de la louange qu’elle ne puisse circonscrire ce qu’elle loue. Elle ne va vers lui qu’à en provenir. Lui seul est son horizon » (Chrétien 1987 : 76). Et il n’y va pas, dans cette assomption du caractère toujours défaillant de notre parole la plus urgente, d’un aveuglement ou d’une abdication de la pensée devant le monde qui s’offre à elle. Jean-Louis Chrétien souligne à l’inverse, dans la lignée de toute une tradition mystique qui habite souterrainement L’Effroi du beau, que cette épreuve de la beauté ouvre à un discernement spécifique, qui doit être compris, non pas dans l’horizon étroit de nos capacités sensibles et intellectives, mais à l’aune de cette démesure de la beauté elle-même : « Le discernement que réclame la beauté n’est jamais que le discernement qu’elle donne, et il ne saurait fonder la louange, puisqu’il fait corps avec elle » (Chrétien 1987 : 76). Discernement lui-même excessif, débordant, qui conjugue ma voix à « toutes les voix du monde » et l’accorde à une intelligence du beau qu’elle ne peut pas se donner par elle-même, et qu’il lui appartient pourtant de transmettre à son tour. Une page de L’Appel et la réponse exprime de manière claire et précise cette possibilité d’une voix transie par sa propre impossibilité, qui peut devenir le fait de la phénoménologie elle-même, dès lors qu’elle est envisagée comme une manière d’interroger les choses :

Les choses mêmes nous appellent et nous invitent à les interroger. Leur beauté appelle en répondant et répond en appelant. Être en peine de verbe, être en souffrance du verbe, c’est déjà être au verbe, devancé par lui dans le mouvement par lequel il est anticipé. L’imminence de la voix, dans le silence exténué de porter tant de paroles à venir, est voix déjà, ou voix encore (Chrétien 1992 : 49).

Ne pas trouver les mots, sentir avec urgence la nécessité de les chercher, ce n’est pas être soudain exilé du verbe mais éprouver intensément, dans et par cette déficience même, que nous y sommes intimement accordés.

Ces méditations sur la rencontre avec la beauté et le mode toujours défaillant de la parole de louange, qui se donne comme la seule description possible d’une telle rencontre, ouvrent sur une pensée de la phénoménologie comme témoignage. La rencontre de la phénoménologie avec la parole poétique, dans une même exigence de traduire le monde et d’en éprouver le sens, permet déjà de donner sens à cette analogie. Les pages que L’Arche de la parole consacre à la beauté réaffirment qu’elle est le lieu d’un entrelacs du voir et de l’entendre, et qu’en ce sens, elle est l’épiphanie même du visible. La parole du poète y est décrite, dans le même constat de sa défaillance inéluctable et irréparable, de son déséquilibre intrinsèque :

La beauté dit adieu quand le surcroît de sa manifestation appelle, en notre propre voix qu’elle frappe de défaillance et saisit d’exigence, un nom plus haut que tous les noms, qu’il revient à nous seuls, fût-ce en tremblant, de prononcer. Cet adieu est envoi : nous ne saurions en Dieu contempler la beauté des choses créées, car de cette beauté nous sommes l’unique lieutenant et l’unique porte-parole (Chrétien 1998 : 133).

Il est remarquable que Jean-Louis Chrétien, dans Neuf propositions sur le concept chrétien de témoignage, décrive la figure du témoin dans des termes comparables. Le témoin, qui lui-même est envoyé à son témoignage, entretient avec ce dernier un rapport de disproportion et de déséquilibre impossibles à résorber : « La déhiscence et l’infériorité indépassables du témoin vis-à-vis de ce dont il témoigne appartiennent à l’essence du témoignage et sont seules sources de sa grandeur et de sa véracité » (Chrétien 2008 : 121). Jean-Louis Chrétien réaffirme que là « où il s’agit d’un témoignage rendu à la vérité ou à la lumière elles-mêmes, la disproportion est essentielle et principielle, strictement irréductible » (Chrétien 2008 : 121). Le paradigme du surcroît et de l’excès est constant, qui permet tout aussi bien de comprendre dans toute leur singularité la parole poétique, la parole de louange et la parole du témoin, mais en les unifiant dans une commune adresse à une altérité qui résiste à toute assomption. Finalement, ces différentes modalités de la parole sont le lieu d’une seule et même tâche, qui est d’exprimer que le centre de gravité de notre existence n’est pas en nous, mais hors de nous, dans le vis-à-vis que nous offrent les autres, le monde et Dieu. Ce qui est dit spécifiquement de la figure du témoin : « Le centre de gravité du témoin ne se situe pas en lui, mais en dehors de lui-même, dans l’objet de son témoignage, et c’est pourquoi il y a en lui, comme témoin, un essentiel déséquilibre et une essentielle fragilité » (Chrétien 2008 : 122). Et dans la même page, se donne à lire encore l’idée, décidément insistante, que le tremblement, l’essoufflement, la fragilité de la voix du témoin déterminent intégralement « la teneur de sens » de son témoignage, car celui qui montre ce qui est plus grand que lui, comme le fait le poète, d’abord abattu par une beauté qui le requiert directement, « montre aussi que c’est plus grand que lui » (Chrétien 2008 : 122). Encore une fois, si je ne peux pas exprimer directement le quoi de ce qui me déborde, je ne peux pas ne pas exprimer, en exposant ma propre défaillance, le comment de ce débordement. À ce titre, la topique du témoignage est sans conteste présente d’un bout à l’autre de l’œuvre de Jean-Louis Chrétien, qui formule lui-même, dans la page ultime de L’Effroi du beau, une exigence de filiation entre l’œuvre d’art prêtant allégeance à la beauté et la figure du témoin : « Si l’œuvre a pour but non pas d’engendrer des esthètes, mais d’éveiller des témoins pour ce que nous ne suffîmes pas à veiller, et d’appeler à d’autres chants pour porter ce qui dans le nôtre resta sans voix, plus haute est sa tâche de se savoir toujours finie devant l’infinie beauté » (Chrétien 1987 : 93).

Mais en quoi le concept de témoignage reste-t-il opérant pour penser la phénoménologie elle-même ? Si le moindre corps humain, comme le dit une page de L’Appel et la réponse, « forme d’emblée l’ostensoir de l’invisible » (Chrétien 1992 : 101), la phénoménologie ne peut pas élucider le sens de cette forme de présence sans être confrontée à son tour à une dimension qui la transgresse et l’outrepasse de toutes parts. Camille Riquier le souligne justement :

La phénoménologie avec Jean-Louis Chrétien doit abandonner son titre de science, se faire nescience, car ce n’est que dans le dénuement de soi et le tremblement de notre voix que nous retournons aux choses mêmes, que nous sommes prêts à les accueillir toutes, en réapprenant notre langue à travers ce qu’elles nous disent, qui se laisse dire en nous (Riquier 2013 : 202-203).

En phénoménologie, le philosophe se tourne vers le monde en étant lui-même frappé de ce déséquilibre, de cet essoufflement du témoin qu’il devient à son tour. Car il ne peut scruter les choses en vérité sans voir comment elles résistent à son emprise. Ce qui se tient à portée de nos mains les déborde pourtant, nous vient de loin et ne peut que retourner subrepticement à ce lointain, comme le montre la fine dialectique du premier chapitre de Promesses furtives. La phénoménologie ne peut se saisir de ce qu’elle approche sans laisser sourdre aussi le lointain auquel le proche se conjugue et sans quoi il ne pourrait tenir sous le regard, ce qui implique aussi de faire cas de l’épaisseur historique des phénomènes et d’envisager les ruptures qui ont contribué à les établir, dans les divers ordres de la pensée et de l’expérience humaines qu’ils ont suscités. En cela, la phénoménologie ne peut jamais être qu’à ses frontières, car c’est au contact de ces frontières qu’elle reçoit ses objets.

Si la question des frontières est essentielle à la phénoménologie, c’est qu’elle consiste essentiellement en actes de parole, et qu’à ce titre, elle est toujours en dehors d’elle-même, au contact du monde. Ce n’est donc pas une distanciation studieuse qui conditionne la capacité de la phénoménologie à traduire les voix des phénomènes qu’elle y rencontre. Le surcroît et le déséquilibre auxquels elle est confrontée sont les marques de sa capacité à accueillir ce qui est plus grand qu’elle, et qu’elle partage avec les disciplines auprès desquelles elle se laisse enseigner. Il convient donc, pour finir, de souligner la fécondité remarquable de cette phénoménologie de la parole développée par Jean-Louis Chrétien, et de prendre acte de son tour proprement aventureux. Interrogé sur son rapport à la théologie, Jean-Louis Chrétien rappelle en ce sens que « franchir une frontière, c’est reconnaître son existence, et non pas la nier comme telle ! » (Chrétien 2013 :245-246). La reconnaître, mais aussi la faire apparaître. La phénoménologie en ce sens ne peut guère être qu’à ses frontières, et se tenir dans cet échange permanent avec des régimes de la parole qu’elle doit recevoir, en prenant sa part de cet unique témoignage qui décide de leur spécificité, pour pouvoir elle-même dire ce sens qui la traverse de part en part. « Les modes de la parole, seraient-ils des réponses au même appel, sont irréductiblement pluriels » (Chrétien 2013 : 243). La part poétique de l’œuvre de Jean-Louis Chrétien, ses excursions constantes dans les champs de l’art, de la mystique ou de la théologie, si elles se tiennent en vis-à-vis de sa production proprement philosophique, participent ainsi de la cohérence d’un même territoire, un territoire dilaté aux limites fuyantes et dont l’unicité n’est pas trahie mais soutenue au contraire par la variété des êtres et des formes qui s’y donnent à explorer.

Bibliographie

Jean-Louis Chrétien, L’Effroi du beau, Paris, Cerf, 1987.

Jean-Louis Chrétien, L’Antiphonaire de la nuit, Paris, L’Herne, 1989.

Jean-Louis Chrétien, L’Appel et la réponse, Paris, Minuit, 1992.

Jean-Louis Chrétien, L’Arche de la parole, Paris, PUF, 1998.

Jean-Louis Chrétien, Promesses furtives, Paris, Minuit, 2004.

Jean-Louis Chrétien, Sous le regard de la Bible, Paris, Fayard, 2008.

Jean-Louis Chrétien, « Essayer de penser au-delà de la subjectivité », in Camille Riquier (dir.), Le Patient questionnement de Jean-Louis Chrétien, Critique n°790, Paris, Minuit, 2013, p. 241-253.

Martin Heidegger, Être et temps, Paris, Gallimard, 1986.

Søren Kierkegaard, Post-scriptum définitif et non scientifique aux Miettes philosophiques, in Œuvres complètes, T.X, Paris, Éditions de l’Orante, 1977.

André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie [1926], Paris, PUF, 2018.

Henri Maldiney, Art et existence, Paris, Klincksieck, 2003.

Henri Maldiney, Regard parole espace, Paris, Cerf, 2012.

Jean-Luc Marion, Réduction et donation, Paris, PUF, 1989.

Camille Riquier, « Jean-Louis Chrétien ou la parole cordiale », in Camille Riquier (dir.), Le Patient questionnement de Jean-Louis Chrétien, Critique n°790, Paris, Minuit, 2013, p. 196-211.

Simone Weil, « Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu », in Ecrits de Marseille, Œuvres complètes, T.IV vol. 1, Paris, Gallimard, 2008, p. 255-262.

 

[1] Jean-Louis Chrétien propose une modulation tout aussi éloquente de ce titre : « La chair écoute » (Chrétien 1992 : 153).

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