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Recension – Existence et Psychanalyse de G-F. Duportail

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L’esprit de la topologie

À propos d’Existence et psychanalyse de Guy-Félix Duportail[1]

 

Christian Fierens, docteur en psychologie, psychiatre, psychanalyste membre de l’Association Lacanienne Internationale.

 

Depuis de nombreuses années, Guy-Félix Duportail poursuit une réflexion croisée entre la phénoménologie et la psychanalyse[2] à propos du corps. Le corps est en effet tout à la fois central dans la conception phénoménologique de l’existence et dans la conception psychanalytique de l’inconscient. Son dernier ouvrage Existence et psychanalyse approfondit la spatialité : l’enjeu de la psychanalyse se précise par « la spatialité de la psyché, affirmée à la fois par Freud et par Lacan », tandis que l’existence phénoménologique se focalise avec Merleau-Ponty sur « la spatialité corporelle de l’être au monde » (EP p. 10). La « spatialité » en question n’est pas statique. Le corps et la psyché ne sont jamais inertes et ils n’existent comme tels que s’ils sont toujours déjà pris dans un mouvement généralisé, dans un « tourbillon », qui s’explique tout à la fois dans la phénoménologie et la psychanalyse. Cette élucidation croisée est doublement féconde. D’une part, elle met en évidence l’absence de prise en considération de la béance fondamentale, du trou qui permet de tourbillonner dans la phénoménologie de Merleau-Ponty ; la topologie lacanienne peut y indiquer une nouvelle voie. D’autre part, la même élucidation croisée donne une chair à la topologie lacanienne, à la spatialité de la psyché ; la mathématisation en psychanalyse ne peut en effet se réduire à une série d’entités désincarnées ; elle implique au contraire un « faire » concret, répondant d’un mouvement de l’esprit. Cet esprit de la topologie est resté très largement oublié dans la psychanalyse. L’auteur ouvre ici une voie cruciale pour la topologie et pour la psychanalyse en général : quel est le pourquoi, quel est le sens, quel est l’esprit, quelle est la pensée inhérente aux constructions topologiques ?

La première partie du livre est centrée sur le tourbillon (« des tourbillons et des nœuds »), la deuxième sur la pensée de la topologie (« des nœuds de l’esprit dans l’histoire contemporaine du symbolique »).

I. « Supposons que l’inconscient concerne le mode d’être du Dasein», du Dasein comme « existence humaine » dans un tourbillon de chair (premier chapitre). L’existant humain est là, « dans l’angoisse, dans le symptôme, dans l’inhibition, voire dans le délire » (EP p. 33). Or, l’existence humaine n’est que le mouvement de se réaliser, dans le mouvement d’actualisation de sa propre puissance (cf. dunamis et energeia d’Aristote), mouvement que Patocka articule en trois mouvements élémentaires : le premier relatif au passé est un mouvement d’enracinement et d’appropriation de ce qui était déjà là, le deuxième relatif au présent est un mouvement de reproduction qui conserve et transforme, le troisième relatif au futur est un mouvement de percée et de projet qui donne sens à tout le reste.

Ce triple mouvement se situe dans le « tourbillon spatialisant-temporalisant »[3] de la chair, qui vaut comme un milieu omni-englobant. « Le tourbillon spatialisant et temporalisant est donc l’actualisation d’une dunamis ou puissance de voir (dénommée chair) qui se réalise dans l’acte (energeia) de la vision ». Mais ce mouvement d’actualisation ne peut jamais réussir pleinement, l’humain ne parvient jamais à être ce qu’il devrait devenir. Le mouvement tournant autour de l’impossibilité de trouver sa pleine réalisation se présente toujours sous le sceau du ratage.

Ce ratage fondamental, trop souvent passé sous silence dans la pensée de l’humain, se retrouve pourtant à tous les niveaux de l’humain : ainsi, le voyant ne parvient pas à s’identifier pleinement au visible et le touchant ne parvient jamais à s’identifier pleinement au touché. C’est dans le corps que l’identité est « toujours manquée »[4]. Cet enracinement du ratage fondamental dans le corps ne va pas sans un nœud de significations, d’images, d’événements. Ce nœud que Duportail appelle « schéma praxique ou implexe » noue « les dimensions du temps à des modalités de l’esprit (imaginaire, symbolique), de même que ces mêmes modalités spirituelles se déploient selon un ordre logico-temporel spontané : l’imaginaire précède le symbolique afin que ce dernier rencontre ensuite le réel. S’ouvre alors la possibilité de chiasmi entre le passé et le présent ou entre le présent et le futur dans la prémonition… » (EP p. 49). La complexité de ce nœud tributaire de la dimension essentielle du ratage implique un mouvement différent des trois mouvements élémentaires relatifs au passé, au présent et au futur.

Guy-Félix Duportail parle ici d’un « quatrième mouvement » dont la fonction serait précisément de répondre en permanence à ce qui se présente comme l’échec fondamental, le « péché originel » de l’humain en tant qu’humain. Ce « quatrième mouvement » qui ne se réduit en aucune façon à la spatialité-temporalité communément donnée doit s’expliciter dans une topologie caractérisée précisément par le fait qu’elle doit tenir compte du ratage, de l’échec. Cette topologie est représentée par les erreurs de nœuds mais aussi par les manipulations qui permettront de repriser, de corriger, de réparer le ratage ou l’échec. La topologie lacanienne n’est donc pas l’exposé de données mathématiques toutes faites, elle implique au contraire les ratages ou fautes de nœuds et leurs corrections possibles. Tout le séminaire du Sinthome de Lacan est construit autour de cette topologie faite de ces « mouvements-nœuds » multiples[5].

Le quatrième mouvement (composé de mouvements-nœuds) n’est possible que parce qu’il y a un tourbillon de mort, que parce qu’il y a le ratage, que parce qu’il y a des trous qui permettent les nœuds. Le trou, tel est l’enjeu véritable de la castration. Merleau-Ponty n’en a pas mesuré la portée. « L’absence de trou véritable dans l’ontologie de la chair prend rétroactivement le sens d’une carence vis-à-vis de la castration » (EP p. 55). Et le deuxième chapitre répond à cette carence par la mise en évidence de la mort, du trou, de la béance. On pourra rapporter cette béance au désir et au phallus et y repérer, avec Freud, la pulsion de mort.

Le trou (la béance ou la mort) est ainsi au centre du mouvement même, autrement dit du « tourbillon ». Sur les « flancs » du « tourbillon de la mort », « la vie se cramponne »[6] pour ne pas tomber dans le trou, dans le ratage complet. Pour l’auteur, le « savoir-faire nodal de l’inconscient » – ou le « quatrième mouvement » – vise à assurer « la dominance de la vie sur la mort » (EP p. 75). La mise en évidence du tourbillon de la mort sert à introduire une « contreforce », une force de vie et « le tourbillon recrache maintenant des œuvres et non plus des faits de destruction » (EP p. 85). Avec la mise en évidence par la psychanalyse de l’antagonisme des pulsions de vie et de mort, le terme de chair doit être redéfini en fonction « d’une dynamique qui enserre une béance néantisante au cœur de l’être » (EP p. 89) pour en faire émerger du positif.

Le trou (la mort) et ce qui en sort comme quatrième mouvement (la vie) constituent le « tourbillon du réel » (troisième chapitre), où c’est la vie qui doit prédominer et c’est la vie dans la vérité. On pensera la vérité dans sa dimension subjective (Kierkegaard), existentiale (Heidegger), dans le mouvement (Patocka). Mais est-elle d’abord subjective ? Ou faut-il penser que la vérité du monde préfigure la vérité subjective ? L’alternative est sans doute dépassée par le « quatrième mouvement » ou la topologie des mouvements-nœud. Le réel et la tuchè ne s’approchent que dans un incessant tourbillon de pensée (« l’appensée » dont parle Lacan à la fin du séminaire Le sinthome…) qui ne se réduit pas à l’existence subjective. Dès que nous pensons à la vérité du monde, nous devons bien admettre que la causalité échoue à tout expliquer, il y a toujours un trou entre la cause et l’effet, ce que Lacan appelait la « clocherie de la cause ». Nous devons bien reconnaître « l’existence d’un “grain de sable” qui fait que cela ne fonctionne pas » (EP p. 104). La causalité ne peut donc se limiter à une causalité déterministe (« le Freud de Lacan n’est pas déterministe » EP p. 105). Et si la vérité elle-même agit en tant que cause – « la vérité comme cause »[7] -, c’est dans tous les sens possibles de la « cause » (formelle, effective, finale, matérielle) et l’on sort par là de la causalité déterministe. La clocherie, inhérente à la cause laisse ouverte la question d’une autre causalité – la causalité par liberté ? – et avec elle la question de l’éthique : « le statut de l’inconscient (…) est éthique »[8]. La causalité qui va du passé au futur est ainsi renversée ; « le mouvement vers le réel » suppose « un mouvement de rétroversion temporelle » (EP p. 108), où se joue la « réalisation du sujet » qui s’enracine dans « la prise en compte de l’enfance et de la répétition dans la vie de l’existant » (EP p. 113).

Comment se débrouiller avec le réel ? Guy-Félix Duportail propose de lire la topologie « comme guide de vie » pour transmuer la mort, la béance, le mal en vie, en chair et en bien. « La mauvaise rencontre (tuchè) peut donc devenir une bonne rencontre, le mal-heur un bon-heur » (EP p. 126). Et cette transmutation pourrait se représenter dans les différentes opérations topologiques de coupure-suture, déliaison-liaison, homotopie (changement de dessus-dessous dans le croisement de deux consistances). Le grand Autre pourrait lui-même se définir, à partir de ces mouvements-nœuds, comme « une force ou une puissance d’emmêlement ou force de nomination qui fait partie de nos possibilités d’être fondamentales » (EP p. 145).

II. Après avoir exposé comment le mouvement (le « quatrième mouvement ») tourne autour du trou, du ratage fondamental inhérent à l’humain, il faut en venir à la « philosophie », à « l’esprit » de ce mouvement-nœud. Celui-ci n’est « pas un mouvement exclusivement individuel, associable à la seule reprise ou répétition du nom propre inconscient, il est également identifiable comme mouvement de l’Autre barré ou tourbillon du symbolique » (EP p. 149). Il se déploie ainsi aujourd’hui comme mouvement de l’esprit dans la dimension historique, notamment à partir d’un trou, d’une mort, d’une faute dont nous n’avons pas fini de subir les effets, à savoir la Shoah.

À la question d’Adorno « comment philosopher après Auschwitz ? », le chapitre quatre répond par deux « mouvements de l’esprit » repérables chez Levinas et chez Lacan.

« La pensée de Levinas est, dans sa forme comme dans son contenu, liée à la puissance du traumatisme, au sens psychanalytique du terme » (EP p. 162). L’exposition au réel du traumatisme et la vulnérabilité extrême du sujet sont bien faites « pour laisser apparaître Dieu à travers Soi, pour laisser Dieu nous offrir un second souffle » (EP p. 164). Tout tourne ainsi autour de la « fixation au trauma » qui, non sans rapport avec le « refoulement originaire » chez Freud, permet d’ouvrir la dynamique du réel.

Du côté de Lacan, l’Éthique de la psychanalyse, selon Duportail, ferait « signe vers une nouvelle érotique, où le surmoi est dégagé de la pulsion de mort et des impératifs de la jouissance » (EP p. 182). Nous aurions ainsi un dépassement du trauma dans le sens d’une heureuse issue : « Après “Auschwitz”, il y eut de l’analyse. Cette conclusion est précieuse et doit nous donner une bonne raison d’espérer pour l’avenir et par là même une dose d’optimisme face à la maladie de la mort… Poussons même l’avantage un peu plus loin : les bases d’un renouage d’un nouveau nom de l’esprit n’y sont-elles pas présentes entre les lignes » (EP p. 183) ? Dans quelle mesure, ce « nouveau nom de l’esprit » peut-il être égalé à la topologie des nœuds de Lacan ?

La psychanalyse dans le tourbillon du réel ne peut avoir ses effets heureux que si l’on tient compte de la différence entre l’idéalisation mathématique et la dimension « spirituelle » de la psychanalyse. « Topologiser le nom du père est une chose, relancer son efficace intellectuel en est une autre » (EP p. 186). Comme mathématisation, comme branche des mathématiques, la psychanalyse lacanienne « risque d’oublier la dimension de la Geistigkeit du symbolique ». Toute l’œuvre de Duportail vise à redonner à la topologie lacanienne la puissance de la pensée, de l’esprit, du symbolique. C’est bien un apport très précieux pour la psychanalyse. Où trouver la source de cette puissance ? Où trouver « l’esprit du nœud » sinon dans le trou et ce qu’il peut produire, ce qu’il peut recracher ?

Après Auschwitz le Réel, Levinas proposait une nouvelle intellectualité sous la forme d’une répétition de la parole prophétique et d’une emphase morale. L’esprit de la psychanalyse lacanienne est tout autre. « Le psychanalyste lacanien est le symptôme d’’Auschwitz’ » (EP p. 189), ce n’est pas qu’il soit le réel, il tient la place de semblant de l’objet a ; il ne propose pas une nouvelle intellectualité comme le proposait Levinas ; son éthique et sa pratique se contentent de montrer « en silence la topologie du réel dans l’histoire » (EP p. 189), mais aussi et avant tout dans la cure.

Le cinquième et dernier chapitre est consacré à l’esprit des nœuds. Le réel comme indicible entraîne la tentative de montrer ce que l’on ne peut dire. Le nouage des dimensions du symbolique, du réel et de l’imaginaire n’est pas un performatif où le dire serait un faire, mais une performance où un faire (faire d’écriture topologique) vient à la place d’un dire impossible et « compte après coup pour un dire ». L’esprit des nœuds ou l’esprit du borroméen ne peut donc apparaître que dans la performance, que dans le faire, que dans et par la pratique de la lettre. Quand Lacan présente la topologie comme la relève de l’esthétique de Kant[9], il faut l’entendre au sens où l’esprit (Geist) donne l’élan à toutes les facultés de l’esprit et les « incite à un jeu, qui se maintient de lui-même et qui même augmente les forces qui y conviennent »[10]. C’est donc une incitation au déploiement de la pensée dans toutes ses dimensions.

Au niveau de la pensée s’appuyant sur le nœud, on ne pourra plus opposer l’esprit et la lettre (du nœud). « L’unité de la lettre et de l’esprit n’est pas sans évoquer, dans un autre registre, le Geist de l’esthétique kantienne. L’intellectualité du borroméen est ici spiritualisation de la lettre par un mouvement-nœud, elle est de fait en rupture avec la métaphysique pneumatico-spirituelle qui présuppose le dualisme de la lettre et de l’esprit » (EP p. 220).

 

En s’appuyant sur la phénoménologie de Merleau-Ponty (la chair) et sur celle de Patocka (le mouvement), Existence et Psychanalyse est entièrement tourné vers la dynamique des tourbillons. La question de l’Être y est relativement repoussée à l’arrière-plan. C’est un choix de l’auteur que nous ne saurions contester, mais il vaudrait la peine de le mettre en perspective avec l’ontologie. Car la béance de l’inconscient proprement dit implique nécessairement la question de l’être. « C’est bien d’une fonction ontologique qu’il s’agit dans cette béance, par quoi j’ai cru devoir introduire, comme lui étant la plus essentielle, la fonction de l’inconscient »[11]. Cette citation de Lacan s’inscrit dans la ligne de Heidegger, plus précisément du dernier Heidegger. À l’opposé de cette perspective de l’Être, l’ouvrage de Duportail se tourne principalement vers le Dasein comme existence humaine. L’humanisme qui en dépend va de pair avec un optimisme général de l’ouvrage : le « mal-heur » peut devenir « bon-heur » (EP p. 126) et la « nouvelle érotique » proposée par Lacan est interprétée dans le sens de nous dégager des pulsions de mort (EP p. 182).

Comment poursuivre la question du trou qui est au centre du tourbillon de la chair, de la mort, du réel et au centre de l’ouvrage Existence et psychanalyse ? Par la béance, le défaut, le rien, le manque à être. Mais comment le(s) penser ? Le déblaiement de ce qui encombre le trou est fondamental. La question de l’Autre barré ne pourrait-elle pas être reprise à partir de l’Être barré, tel qu’il apparaît dans Zur Seinsfrage chez Heidegger et à partir de ses Beiträgre zur Philosophie ? Toujours pour déblayer le trou, « l’objet a » de Lacan ne devrait-il pas fondamentalement s’expliciter par sa dernière forme, l’objet vocal, le rien en tant qu’il vaut comme la contradiction des conditions mêmes de la phénoménalité comme telle ? Cet objet vocal remet en question la perspective phénoménologique elle-même ; l’on pourrait ainsi comprendre pourquoi Merleau-Ponty ne pouvait pas saisir la présence du trou, du rien, de la béance dans sa phénoménologie. Mais en même temps, on peut aussi comprendre comment il a pu donner chair spirituelle à une topologie désincarnée et déspiritualisée ; c’est l’apport essentiel d’Existence et psychanalyse.

 

 

[1] Guy-Félix Duportail, Existence et psychanalyse, Paris, Hermann, 2016. Nous citerons l’ouvrage par ses initiales, EP.

[2] Citons L’a priori littéral, une approche phénoménologique de Lacan (Paris, Cerf, 2003), Intentionnalité et trauma, Levinas et Lacan (Paris, L’Harmattan, 2005), Les institutions du monde de la vie, Merleau-Ponty et Lacan (Grenoble, Million, 2008), Analytique de la chair (Paris, Cerf, 2011), L’origine de la psychanalyse, introduction à une phénoménologie de l’inconscient (Milan, Mémésis, 2013).

[3] Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 298, cité dans EP p. 40.

[4] Ibid., p. 181, cité EP p. 45.

[5] Voir Christian Fierens, Lecture du sinthome, Toulouse, Erès, 2018.

[6] L’identification (inédit), séance du 23 mai 1962, cité dans EP, p. 67.

[7] Voir Lacan, « La science et la vérité », dans Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 870 et suivantes.

[8] Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 34.

[9] Lacan, « L’Étourdit », dans Autres Écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 472.

[10] Kant, Critique de la faculté de juger, cité dans EP, p. 195.

[11] Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 31.

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