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Rossellini logocentriste

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Rossellini logocentriste


Rossellini est un des pionniers de la conquête de la télévision par les cinéastes. Mais si ses successeurs, au premier rang desquels Godard, ont cherché dans cette appropriation un moyen de continuer leur quête cinématographique sous une nouvelle forme, expérimentant des possibles non effectués du petit écran, Rossellini a trouvé en lui la voie d’une rupture. S’il est allé occuper la télévision, médium alors vierge, exempt de l’ambivalence qu’on y voit aujourd’hui, c’était pour fuir le cinéma ; et cette fuite a les atours d’un retour. Le cinéaste pensait pouvoir se soustraire à l’empire de l’artifice et retrouver une clarté originelle : ce qu’il appelle la « vérité ». C’est elle qui commande tant le modèle historique auquel fait appel le cinéaste que sa pratique esthétique. La grande fresque télévisuelle du dernier Rossellini, cette histoire universelle dont il a cherché à montrer, à travers différents épisodes, les étapes essentielles, ne peut se comprendre qu’à la lumière des positions philosophiques définissant cette « vérité ».

En 1962, un an avant d’engager son grand chantier pédagogique, Rossellini en expliquait les motivations : une « crise de la culture » point[1]; l’homme s’est égaré, la vérité a été obscurcie. A la racine de cette crise se trouveraient « l’industrie de masse » et son plus grand avatar, le cinéma, tombé depuis peu, avec Godard et Antonioni, dans un subjectivisme outrancier. Face à ce déclin de l’art, seule la télévision, moyen technique neutre, non-art, semble offrir une échappatoire. Son format de diffusion privilégié, la série, permet de ressaisir en un seul mouvement le cours d’une histoire qui vient de se fourvoyer. Le compendium historique que s’apprête à livrer Rossellini répond à l’injonction socratique : connais ton passé pour te connaître toi-même. Au constat apocalyptique répond un projet encyclopédique. Ainsi seulement pourra être restauré le principe oublié, la « vérité », fond de l’histoire, visage de la pensée et norme esthétique du dessein.

De celui-ci, resté en grande part inachevé, Rossellini a exposé tout le programme, doublé d’un ensemble de livres et d’entretiens explicitant ses raisons et ses visions[2]. Le « Grand Plan » devait comprendre tous les moments glorieux de l’avènement d’une même vérité arborant chaque fois différents visages. Les actes des apôtres, Alberti et la révolution industrielle sont inscrits dans une même lignée. L’abécédaire du savoir que prétend offrir Rossellini n’est pas un catalogue disparate, mais une somme solidarisée par un unique principe lié à deux personnages principaux, l’Homme et la Raison. Leur aventure commune, la « recherche de la vérité », définit le sens de l’histoire. Celle-ci est l’épopée d’une Raison unifiante et lumineuse affrontant l’erreur et la dispersion. Les films politiques et les films philosophiques ont le même sujet : la fabrique de l’Un. La prise du pouvoir par Louis XIV (1966) montre un roi entièrement conscient du sens de ses actions, les surplombant par un discours totalisant qui fait apparaître la monarchie absolue comme unité de la ratio après le chaos de la Fronde. Le Descartes (1974) est traversé par le même souci de fondement principiel. Quant à l’Augustin d’Hippone (1972), il marque une forme de pont entre l’histoire politique et l’histoire philosophique, rassemblant dans l’ecclesia tant la communauté des hommes que celle des idées.

Rossellini est animé par une image classique du Savoir comme totalité unifiée et englobante, image qui postule que la connaissance est la saisie directe d’une vérité immédiatement présente. Cette image de la pensée a un nom : logocentrisme[3]. Le dispositif des films télévisuels est pris dans sa logique. La pédagogie que prétend mettre en œuvre le cinéaste consiste à rétablir par une simple monstration sans artifices l’éclat d’une vérité que les temps ont voilée mais non altérée. Le son et l’image sont soumis à cette exigence de présentification. Ils se soumettent à l’exigence de l’exposé.

Rossellini se disait homme de l’Antiquité et du Quattrocento. Ce qu’il tire de ces deux époques, c’est un idéal éthique, une image de « l’homme intégral ». Mais une autre affiliation philosophique se dégage à travers les biopics. Les penseurs dont la vie prend place dans cette grande histoire de la ratio représentent le fer de lance de la tradition idéaliste : Socrate, figure inaugurale et tutélaire du projet, mais aussi Augustin, Descartes, Pascal. Un film sur Marx devait clore cette ‘Vie des hommes illustres’, mais ce Marx était lu à travers l’humanisme et les Lumières, et ainsi vu comme le dernier grand rationaliste. Les philosophes dont le cinéaste retrace la vie éclairent les principes philosophiques qui sous-tendent son projet.

Par là, ils permettent de comprendre la logique esthétique de ces films. Il y a une identité de la pratique et de l’objet qu’elle se donne, une affinité entre les modes d’exposition et ce qu’ils exposent, les principes philosophiques. Ces quelques films, petites pièces d’une grande machine, en révèlent le fonctionnement entier, la « méthode », comme l’appelle Rossellini. Celle-ci est dessinée par un fond commun à toutes ces philosophies, malgré leurs différences doctrinales. Dans son souci de présentifier la vérité, elle opère un grand partage entre le discours et l’image, le logos et les sens. La pédagogie consiste en un pur don d’« informations » qu’effectuent ces films si pauvres en affects : à la vérité nue correspond un film dénudé. Mais il ne s’agit plus du « Les choses sont là, pourquoi les manipuler ? » de la période néoréaliste ; désormais, le film ne montre plus des choses, mais des idées. Le discours est le lieu d’une dramatisation purement intellectuelle et l’image est au service d’une vue de l’esprit.

Les biopics rosselliniens obéissent au modèle historiographique du « sa vie et son temps ». L’époque du penseur, parce qu’elle représente le terreau de germination de sa pensée, demande à être exposée. Elle a deux visages : le sol discursif, les problématisations qui lui sont propres ; l’environnement social, technique et politique. Le son prend en charge le premier, l’image le second.

Ces ‘penseurs illustrés’ reprennent les textes philosophiques sous la forme du reader’s digest, qu’il s’agissent de ceux du héros, de ses acolytes ou de ses adversaires. Le film est un abrégé. Rares sont les citations authentiques : même dans le Socrate (1971), alors que les textes initiaux avaient pourtant la forme d’une continuité dialoguée, l’argument est réduit, les grands principes résumés. Quand Descartes expose ses Regulae à la fin du premier épisode qui lui est consacré, c’est en quelques phrases synthétiques. Rossellini n’est pas préoccupé par l’idée de fidélité à l’original. Il sacrifie l’intégrité du texte à la compréhension de son contexte : l’important est de situer les discours par rapport à leurs opposés, de renvoyer le texte à son lieu de naissance, la polémique. Le schème scénaristique dominant n’est pas la simple conversation, mais le pro et contra. Les philosophes ne sont montrés écrivant qu’au terme des films, ramenant enfin, dans leur solitude, la diversité des informations au cours continu d’une pensée.

Seulement, ces discussions ne prennent pas la forme du ‘parler naturel’, et leur lieu d’origine n’est jamais une ‘vie affective’. Les seuls emprunts à la forme orale sont la brièveté des énoncés et l’interlocution. Autrement, il n’y a aucune modulation de l’énonciation, aucune variation tonale dans les discours et discussions. Rossellini exigeait un non-jeu de la part de ses acteurs, ne renvoyant à aucune intériorité psychologique. Toujours forcés de lire le texte défilant sur un prompteur, ils devaient taire toute expressivité. Seuls les rares personnages féminins se voyaient autoriser une attitude pathétique : la Xanthippe de Socrate, la sœur poétesse de Pascal, ou Hélène, la servante puis compagne de Descartes. Le partage est clairement genré : aux femmes la passion, l’affect, aux hommes la calme plénitude de la raison. Chez ces derniers, la parole n’atteint jamais au statut de voix et ne s’affranchit pas du scriptural. Les discoureurs, lisant un texte, parlent comme des livres. Le corps ne représente pas une individualité physico-psychique, mais un corpus d’idées et de textes. La matière, l’homme de chair ne peuvent interférer avec l’énonciation claire et distincte d’une vérité : moduler l’expression, c’est déjà altérer l’idée, faire jouer les sens contre elle. Le régime logocentrique du son veut que la parole résorbe ses variations dans la calme platitude d’un ton monotone et monocorde parce que calqué sur la forme-livre. Cette idée du discours comme présentation d’une vérité abstraite implique un détachement de la parole d’avec les corps, et par là du son d’avec l’image. Mais le son débranché des situations n’en surplombe pas moins l’image ; il en est la norme, et la soumet à son propre régime d’abstraction.

Le logocentrisme détermine la constitution de l’image elle-même. Elle aussi doit mettre en présence, montrer sans aveugler, donner le vrai sans médiation, alors qu’elle est originellement la grande spécieuse, l’outil de toutes les séductions. L’usage adéquat de l’image demande, pour Rossellini, qu’elle disparaisse au moment même où elle sert une révélation. Elle doit être un contenu sans contenant, une somme d’informations in-formées. C’est un magasin de stockage de « messages » mis à la disposition du spectateur, offerts par le simple squelette d’une image dépouillée de sa chair. La télévision rend possible ce rêve d’une immaculée conception de l’image : son langage est innocent et sa grammaire universelle. Elle fait du film un simple tableau, le lieu d’un classement de données obéissant à la logique de l’exposé.

Rossellini dénude l’espace. Tout est organisé pour que seuls quelques éléments significatifs soient décelables et donc immédiatement saisissables par l’esprit. L’image façonnée par le cinéaste trie le visible avant de le donner à voir. C’est dire qu’il n’y a pas de ‘détails’ à proprement parler, puisqu’ils sont d’office en gros-plan, soulignés par le vide qui les entoure. Ils ne sont alors pas ‘choses anecdotiques’, mais informations essentielles. Dans les scènes d’intérieur ne brillent que quelques machines, parfois des œuvres d’art, et de rares meubles rendant la couleur technique de l’époque. Quant aux scènes d’extérieur, elles exposent des traits socio-économiques, sous une forme très stylisée. Lorsque Augustin marche dans les rues de la ville, on peut voir quelques statues, un artisan au travail, ou un groupe se livrant à l’orgie. Ces éléments sont des clés d’accès à l’époque. Une longue séquence du film consacré à Alberti le fait se promener dans les rues de Florence, observant successivement les étalages, commentant le travail de chacun, synthétisant par son discours l’ensemble des pratiques. Rossellini restreint au possible les éléments signifiants, et univocise leur sens. Il ne comprend l’image que comme catalogue de signes clairs, d’indices évidents. D’où un schématisme de cette image : elle n’expose que les fondamentaux d’une époque, son arché, ses conditions transcendantales ; dans sa nudité, elle revient à une structure essentielle par-delà la profusion empirique des éléments concrets, donnant ainsi la vérité de l’époque et non un simple état de fait limité. Le cinéaste opère un découpage cognitif de l’image. Il l’enferme dans des coordonnées intellectuelles et non sensibles.

Les mouvements de caméra ont une même fonction intellective. Ils miment les mouvements de la pensée, leur sont isomorphes. Dans une scène cruciale de la première partie du Descartes, le jeune philosophe raconte ses rêves qui, d’après la doxa biographique, lui auraient révélé son destin de réformateur du savoir. Dans le bureau de Levasseur, espace scénique, plat, presque sans décors et entièrement clos, le héraut de la vérité dessine un cercle en marchant, s’arrêtant par endroits pour énoncer quelque jugement définitif. Son interlocuteur est montré par moments, écoutant en silence, dénotant, dans son sérieux, l’attention qu’appelle ce discours et renvoyant à la figure du spectateur à qui est aussi offert cette vérité. En dehors de cela, la caméra suit sans cesse Descartes, et le plan-séquence ne s’interrompt que pour ces contre-champs sur le récepteur du discours. Deux modes du travelling sont employés, le latéral et l’optique. Le zoom sur le visage est utilisé lorsque le philosophe arrête sa marche et entame un moment clé du récit. En plus de la solennité qu’il confère au discours, il est la figure de l’attention. Sa fonction est d’isoler les observations, il décompose la pensée en ses différents moments. Le zoom correspond à l’analyse, c’est-à-dire au découpage des informations. Le travelling latéral est, quant à lui, lié au mouvement de la pensée comme tableau et catalogue, montrant la continuité de ces moments. Enfin, le plan-séquence est la figure de la synthèse de ces observations multiples, de la saisie instantanée de ce savoir accumulé. Les mouvements de caméra, comme la composition de l’image, obéissent aux règles de la pensée, lui empruntent ses formes abstraites. Dans le régime logocentrique, le visible est l’analogon du logos, de l’intelligible.

De quel « réalisme » s’agit-il alors ? La prétention de Rossellini à ne servir que le vrai oblige à poser cette question. L’idéalisme pose comme seule réalité celle de l’idée : le « réalisme » est ici  purement intellectuel. D’où la neutralisation de l’image qui, devant se garder d’égarer les sens, se voit privée de tout effet proprement visuel : ce qu’elle contient doit être saisi par la pensée plus que par la vision. L’image sert une vue de l’esprit. Rossellini appelle ce mode de monstration la « vision directe ». Mais, platonicien extrémiste, ce qu’il prétend montrer, c’est l’Idée, non les simulacres. La télévision et son rêve de transmission pure entretiennent ce double mythe de l’objectivité et de l’immédiateté. L’image télévisuelle se veut image innocente et évidente, dans laquelle le vrai se donne dans toute sa clarté, tandis que l’image cinématographique serait sous l’emprise des puissances du faux. Si le premier Rossellini s’appuyait déjà sur l’idée d’une nature révélatrice de l’image, dans le sens théologique du mot, le dernier Rossellini est pris dans une conception positiviste de l’image. Le vrai qu’elle expose n’a plus rapport au miracle et à la foi, mais au savoir et à la raison.

Le film se constitue autour d’un paradoxe : objet matériel, il produit une intellection. Pour que se déploie la splendeur du vrai, les variations de la matière, l’aveugle folie des sens sont endiguées, et cela au prix d’une subordination de l’image au son. La première n’a qu’une fonction indicielle, tandis que le second a une fonction d’élucidation. Elle est dispersive et toujours fragmentaire, lui synthétise sous la forme d’une unité cohérente. Le discours met en présence une vérité que le sensible risque toujours de voiler. Dans cette configuration, le spectateur est censé s’élever de l’image vers la parole, du concret vers l’abstrait. Ce partage hiérarchisé des facultés est celui de l’idéalisme concevant l’homme comme être de raison. Le son est l’étalon de l’image comme l’Idée est celui de la copie : l’ordre du visible doit épouser les formes de l’ordre du discours, lui emprunter sa nudité et calquer son organisation des connaissances. Rossellini reprend la notion de caméra-stylo[4], non pour promouvoir comme Astruc la nature artistique du médium cinématographique, mais pour finir de l’anéantir : la caméra-stylo, c’est l’anti-médium, le cinéma épuré de lui-même, la pure donation sans médiation ni interférence. Elle implique le système image = énoncé discursif = Idée. Mais sous cette apparente égalité se cache une hiérarchie identique à celle régissant les rapports de l’Idée et de ses copies dans le platonisme : l’image n’est qu’un ersatz de l’énoncé.

Ce dispositif à fonction pédagogique ne serait pas concevable si le spectateur n’était pas lui aussi conçu comme être rationnel motivé par la connaissance in se. C’est parce que les principes de l’idéalisme façonnent une certaine image du spectateur et programment la façon dont il devrait réagir au film qu’ils commandent aussi la pratique esthétique. Or, le postulat de la théorie idéaliste de la connaissance, c’est la liberté du sujet, sous la double caractérisation du libre-arbitre et de l’autonomie intellectuelle. Le spectateur peut toujours choisir de se détourner du film, comme le sujet cartésien peut se détourner de la vérité. Le film ne l’engage pas, renonce à en exiger une quelconque participation émotionnelle. Tout est fait pour laisser le public en retrait, qu’il réfléchisse seul à ce que le film ne fait que présenter. Rossellini, qui n’a cessé de distinguer sa pratique de l’information de celle, institutionnelle, de la formation, reprend la position socratique du non-enseignant.

C’est l’ultime paradoxe de la pédagogie rossellinienne : l’enseignement n’est lié à aucune action sur l’enseigné, le film doit être l’objet d’une pure contemplation sans pour autant sidérer le regard. L’effet du film se veut non-effet. Et, en même temps, sa vocation est de faire accoucher l’esprit du spectateur. La maïeutique est toujours restée la principale référence méthodique du cinéaste. Le film ne persuade pas, ne commande aucun sens, mais montre au spectateur un chemin. A celui-ci de se nourrir des informations cueillies lorsqu’elles tombent des images et des sons. La vérité peut alors mûrir en lui. Rossellini est encore soumis à une image classique de la vérité comme fruit d’une longue maturation intérieure et trophée d’une guerre contre les sens. Aussi le film n’a-t-il de fonction que propédeutique. Première impulsion, il ne trace que l’esquisse d’une voie. Sa vocation est de disparaître, de s’annuler lui-même : il s’achève lorsque le spectateur peut penser sans lui. Les rapports entre eux deux se pensent en deux temps : le spectateur dialogue d’abord avec le film, s’en informe et le critique. Mais cette conversation fictive a pour destination un monologue intérieur comme parade autonome de la vérité, de laquelle le film est évacué. Cette dialectique de l’œuvre entre présence et absence, entre présentification du logos et disparition dans l’intellection tient à sa double détermination : le film est à la fois chose matérielle et cosa mentale. Support d’une Idée, il doit finalement s’effacer sous sa lumière. Le paradoxe d’une « esthétique idéaliste » est d’aller sans cesse contre elle-même. Telle est la définition de l’esthétique rossellinienne : grandeur du vrai, misère du cinéma.

Gabriel Bortzmeyer (ENS LYON)


[1] Roberto Rossellini, « Du bon usage de l’audiovisuel. Programme pour la FIDEC », in La télévision comme utopie, textes rassemblés et présentés par Adriano Aprà, trad. Diane Bodart, Paris, Cahiers du cinéma, 2001.

[2] Rossellini a consacré un livre à l’explicitation de ses principes pédagogiques, historiques et philosophiques : Un esprit libre ne doit rien apprendre en esclave, trad. Paul Alexandre, Paris, Fayard, 1977. La compilation d’articles et d’entretiens réalisée par Adriano Aprà est indispensable : La télévision comme utopie, op. cit.. Certains des derniers textes réunis par Alain Bergala dans Rossellini, le cinéma révélé touchent aussi au « Grand Plan », même si souvent de manière tangentielle. Rossellini, le cinéma révélé, Paris, Cahiers du cinéma, 1984.

[3] C’est à Jacques Derrida que nous devons cette caractérisation du logocentrisme comme philosophie de la présence, comme pensée de l’épiphanie du vrai se donnant tel quel, intouché, in-formé. Voir Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967.

[4] « L’homme dans l’histoire », in La télévision comme utopie, op. cit., p. 84. L’idée que la caméra est un stylo est reprise dans les commandements que Rossellini avait adressés à ses élèves du Centro Sperimentale de Rome.

1 Comment

  1. J’ai lu ton article avec intérêt. Je n’ai aucun souvenir des Descartes et autres à la télé. Les a-t-on seulement vus ? Je ne me souviens que de la stupéfaction provoquée par la sortie en salle de « la prise du pouvoir par Louis XIV ». Moi-même, j’avais été sidérée qu’on fasse un film politique sur des évènements si anciens. Louis XIV comme les autres personnages historiques français n’étaient traités dans les livres d’histoire d’après-guerre que comme symboles immaculés de la grandeur de la France face à la barbarie teutonne et à la cruauté britannique. Montrer un personnage sans aucune séduction comme étant le sublime (on ne parlait pas à l’époque des massacres de protestants et autres) Louis XIV était stupéfiant. Le montrer développer un plan pour une réussite politique, tout à fait inédit.
    Le choc est comparable à celui créé par les séries de Mordillat et Prieur sur l’invention du christianisme. Un grand coup dans les idées reçues. Ceux-ci avaient renoncé au docu-fiction, ouf, et là le dialogue était captivant, même sans reconstitution historique. La BBC, dans un souci pédagogique, a développé de nombreux docu-fictions : c’est bien plus réussi et convainquant quand on joue à bloc la subjectivité et la dramaturgie, le jeu, les trucs de scénario, et le charme de l’outrance, comme dans « Rome », que dans les pieux « mystères » où l’acteur doit jouer neutre pour transfigurer le texte que le pédagogue veut transmettre aux masses ignorantes.

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