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Sartre et le marxisme soviétique

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Les aventures d’une société directoriale : Sartre et le marxisme soviétique

The hazards of a directorial society : Sartre and Soviet Marxism

Par Hervé Oulc’hen. Agrégé et Docteur en philosophie, chercheur associé au MAP-Matérialités de la politique, UR Philosophie politique, Université de Liège.

Résumé

Le bilan critique que Jean-Paul Sartre fait de l’URSS dans le tome II de la Critique de la raison dialectique dans le sillage de la déstalinisation amorcée à la fin des années 1950 constitue en même temps une expérience autoréflexive de la dialectique historique, menée depuis l’intérieur du marxisme. L’analyse formelle du phénomène de lutte, de son sens et de ses possibilités réelles dans l’histoire sert d’arrière-plan aux descriptions concrètes que Sartre propose de la société soviétique et du volontarisme contradictoire de Staline.

Mots-clés

bureaucratie, lutte, praxis, Jean-Paul Sartre, URSS, totalisation.

Introduction

Dans le tome II de la Critique de la raison dialectique[1], resté inachevé, Jean-Paul Sartre propose une critique marxiste du marxisme soviétique. Le marxisme est à la fois l’instrument heuristique et l’objet de sa critique. Jean-Paul Sartre revisite l’idée marxienne de faisabilité de l’histoire selon laquelle ce sont les hommes qui font l’histoire dans des conditions non choisies. Il y voit un fil conducteur fécond, permettant de déjouer les pièges que le marxisme s’est tendus à lui-même dans son devenir-monde au moment de la révolution russe. Armé du fil conducteur de la faisabilité de l’histoire, « il s’agit d’éprouver, de critiquer et de fonder dans l’Histoire et en ce moment du développement des sociétés humaines, les instruments de pensée par lesquels l’Histoire se pense, en tant qu’ils sont aussi les instruments pratiques par lesquels elle se fait »[2].

Photographie: Steve Harvey, on Unsplash

Avec l’URSS, on a affaire à une histoire qui, dans des circonstances précises, s’est pensée et s’est faite à travers cet instrument théorico-pratique qu’est le marxisme. Or, comme le souligne Emmanuel Barot[3], le dispositif théorique de Karl Marx laissait indéterminée la question politique de l’autorité et du pouvoir, ainsi que la question épistémologique du statut des lois de la dialectique (le point faible du marxisme, c’est la théorie de la connaissance, souligne Jean-Paul Sartre dans l’introduction de la Critique). Cette double indétermination politique et épistémologique s’est soldée, dans le devenir-monde du marxisme, par l’autoritarisme stalinien sur le plan de la pratique, et par le dogmatisme du matérialisme dialectique (ou « Diamat ») sur le plan de la théorie. L’enjeu est alors de revivifier le marxisme en reconsidérant la puissance critique de la dialectique, contre toute ambition d’en faire une science, une prophétie ou une pensée de parti. Comme le souligne Bertell Ollman, « la dialectique en tant que telle n’explique rien, ne prouve rien, ne prédit rien et n’est la cause de rien »[4].

I. La lutte comme pierre de touche de l’histoire

La portée épistémologique et politique de l’enquête sartrienne sur l’URSS a été assez peu interrogée pour elle-même par les commentateurs, qui ont souvent fait comme si l’histoire alors en cours de la société soviétique, pourtant omniprésente dans le texte de Jean-Paul Sartre, n’était qu’une toile de fond, ou un prétexte pour un questionnement général, de facture transcendantale, sur les conditions d’intelligibilité de la lutte et de l’histoire, ou plus exactement de l’histoire en tant que lutte. De fait, la lutte constitue pour Jean-Paul Sartre la pierre de touche de l’expérience réflexive que « n’importe qui » peut faire de son historicité : le critère essentiel, pour l’intelligibilité d’une société donnée, c’est « d’établir s’il y a lutte »[5]. Il n’est donc aucunement question de nier l’importance de ce questionnement transcendantal dans la démarche critique de Jean-Paul Sartre, dont le kantisme profondément revisité consiste à sonder les conditions de possibilité d’une histoire, plutôt que de l’Histoire en général[6].

La question demeure bien celle de la faisabilité de l’histoire : l’histoire est faite de luttes qui n’ont de cesse d’en déplacer le sens. En tant que lutte, l’histoire semble s’accomplir sur le mode d’une totalisation sans totalisateur, dont le mode d’être déborde les totalisations partielles, locales, des hommes qui en sont partie prenante. Avec la lutte, s’inaugure un mode de réciprocité bien spécifique – la réciprocité d’antagonisme – qui présuppose sans s’y réduire les autres modes de socialité que Jean-Paul Sartre a analysés dans le premier tome de la Critique. Tant qu’on n’a pas affaire à la lutte, on peut encore aisément épouser en compréhension le point de vue d’un individu, par le truchement duquel le phénomène livrera la clé de son intelligibilité, et ce de façon continue, à l’état pratique, tout le temps que durera l’expérience critique proposée.

Il en va ainsi, par exemple, de l’analyse du groupe-en-fusion : on peut se fondre dans le point de vue du tiers régulateur qui s’efforce ici et maintenant de maintenir l’unité vivante du groupe contre la menace de sa dispersion sérielle : quand bien même cette fonction régulatrice ne cesse de tourner, quand bien même les individus empiriques (les organismes pratiques) qui l’occupent ne cessent de changer, la certitude apodictique de ce que c’est pour un sujet qu’être un tiers régulateur dans un groupe suffit à nous livrer l’intelligibilité du phénomène, dans toute la continuité de son déroulement. Un groupe, en dépit de la complexité structurelle de ses moments génétiques (la fusion, l’assermentation, l’institution, etc.), est plus facile à comprendre, c’est-à-dire à totaliser et à localiser, qu’une lutte, aussi « simple » soit-elle. Mais confrontés à une lutte, nous sommes sommés de nous fondre simultanément dans deux systèmes pratiques incompatibles, qui cherchent à s’anéantir mutuellement.

Le problème sartrien de l’intelligibilité de la lutte comme telle ne se ramène pas au schème marxiste de la lutte des classes. Jean-Paul Sartre semble quitter momentanément le terrain du concret historique pour se focaliser sur des exemples de luttes soumises à des règles formelles : le jeu d’échecs, le combat de catch, le match de boxe. Or dans ces exemples, l’intelligibilité de la lutte ne s’épuise pas dans les règles qui les régissent, mais dans la manière dont chaque lutteur, avec son hexis et sa praxis, réinvente et dépasse à chaque coup porté les règles elles-mêmes[7]. Jean-Paul Sartre dit ainsi du jeu d’échecs qu’il est une mathématique qui reste subordonnée à l’action[8]: la rationalité analytique peut gouverner à un moment le jeu en énonçant son « ossature », ses règles abstraites, mais elle est destinée à être dissoute dans le déroulement pratique du jeu lui-même. Penser que le sens d’une lutte puisse s’épuiser dans ses règles abstraites, c’est se donner la présupposition d’agents rationnels, sans antécédents ni habitus pugilistique, capables par la seule force de leur volonté ou de leur raison de calculer stratégiquement le meilleur coup à porter à l’adversaire, en fonction d’une combinatoire abstraite des coups possibles. Une telle approche passible de la raison analytique aurait pour effet de soustraire la lutte à l’histoire et à ses pesanteurs en l’érigeant en modèle purement formel de l’action, ce que Jean-Paul Sartre ne fait jamais, en dépit du choix à première vue déshistoricisé de ses exemples. Pire encore : un tel modèle d’analyse confine à ce que Pierre Bourdieu appelle, dans Le sens pratique, « l’anthropologie imaginaire du subjectivisme », regroupant d’ailleurs un peu hâtivement, sous ce même chef d’accusation, aussi bien Jean-Paul Sartre que Jon Elster[9]. On ne peut soupçonner Jean-Paul Sartre de céder à un tel subjectivisme consistant en une projection indue du sujet savant dans l’objet. La lutte, si elle existe concrètement (et non pas abstraitement, comme une combinatoire de stratégies possibles), doit être intelligible dialectiquement.

La difficulté à appréhender dialectiquement la lutte tient au fait qu’elle est une totalisation à multiples épicentres (dans les exemples cités, une totalisation bicéphale) où chacune des praxis tente urgemment de se récupérer contre l’autre praxis comme praxis-sujet, en se niant comme praxis-objet. Se fondre dans un seul point de vue dans un système pratique plutôt que dans l’autre, c’est rater son sens de lutte, qui consiste précisément à envelopper les praxis dans une totalisation qui n’a plus de titulaire privilégié. L’exemple du combat de catch est peut-être plus parlant, à cet égard, que celui du match de boxe :

Deux catcheurs qui se roulent sur le plancher du ring apparaissent quelquefois, de loin, comme une seule bête à huit membres, se débattant contre un danger inconnu. Mais c’est la fatigue ou la distance qui nous fait perdre de vue la réalité : en fait, il y a, si l’on veut, un seul mouvement de ces deux corps mais ce mouvement est le résultat de leurs deux entreprises qui se contrarient. Il appartient à deux systèmes pratiques à la fois mais précisément pour cela, il échappe, dans sa réalité concrète – au moins partiellement – à chacun d’eux ; si la pluralité des épicentres est condition réelle des intelligibilités opposées (en tant qu’il y a intelligibilité compréhensive dans chaque système et à partir de chaque praxis), comment pourrait-il y avoir une intelligibilité dialectique du processus en cours ?[10]

Ce qui vaut là pour un combat singulier vaut également à une échelle plus large opposant non plus des individus qui s’affrontent, mais des sous-groupes ennemis composés d’individus communs, unis par une cause commune. L’intelligibilité de la lutte est mise à l’épreuve de la pluralité incompatible de ses épicentres qui, pris à leur niveau local, sont tous intelligibles en tant que foyers d’initiative. L’événement qu’est la lutte n’est rien d’autre que le développement de cet antagonisme entre des systèmes pratiques incompatibles ; en aucun cas, il ne se donne en dehors de l’expérience qui se joue entre les lutteurs eux-mêmes, mais jamais au-dessus d’eux. Et pourtant, si l’événement traverse les lutteurs, il les enveloppe également dans une totalisation d’un nouveau genre, où la relation elle-même (la réciprocité d’antagonisme) prime sur les sujets qui la portent : si l’on veut se rendre intelligible l’événement dans son unité singulière, il faut se hausser à hauteur d’intelligibilité de l’affrontement, en tant qu’il produit ses sujets hétérogènes.

On assiste alors à un point de rebroussement dans l’expérience critique proposée par Jean-Paul Sartre : c’est le moment où l’adoption d’un point de vue situé sur l’événement ne suffit plus à en ressaisir l’intelligibilité plénière. En somme, il faut parvenir à penser l’histoire non pas directement comme une totalisation sans totalisateur (c’est impossible, puisque ce point de vue de survol – qui se nie du coup comme point de vue, ou qui signifie l’effondrement de tous les points de vue – outrepasse le champ de l’expérience), mais comme mouvement vers une totalisation sans totalisateur : non pas directement l’événement lui-même, mais cette indétermination vers laquelle il tend, et qui rétroagit sur les sujets qui le font, altérant leurs formes de subjectivité en profondeur.

Une fois parvenue à ce point de rebroussement, l’expérience critique ne peut plus se contenter du bénéfice de la continuité entre la praxis et son sens historique, aussi exposé soit-il aux contre-finalités de toutes sortes. Dans la lutte, tout est praxis. Mais c’est autrement plus inquiétant que le phénomène d’aliénation ou de vol de la praxis par l’emprise du pratico-inerte[11] : car si le pratico-inerte garde encore la trace de la praxis qui l’a engendré, on ne peut plus rétablir dans la lutte de continuité entre le sens de l’événement et les praxis qui le font. Cela tient certes au scandale de la pluralité incompatible des épicentres, des foyers d’initiative. Mais ce n’est pas l’argument décisif, car nous n’avons pas attendu la lutte historique pour prendre conscience de ce scandale de la pluralité des praxis : le manichéisme éthique, c’est-à-dire la désignation de chaque autre comme excédentaire, comme contre-homme incarnant le mal, dans les réciprocités humaines minées par la rareté, était déjà une prise de conscience de l’existence de l’autre comme scandale.

On peut tirer deux conséquences de ces analyses. 1° Le caractère non résolu de la lutte elle-même, qui persiste bien au-delà de la bipartition vainqueurs/vaincus dont décide son issue – et qui interdit au philosophe-historien rigoureux d’hypostasier l’un ou l’autre point de vue pour s’y fondre. Si Jean-Paul Sartre récuse radicalement toute histoire écrite du point de vue des vainqueurs, on ne saurait non plus lui attribuer l’ambition d’écrire une histoire des vaincus sans procéder au préalable à un examen dialectique de ce terme. 2° Le mode d’être de la lutte comme « totalisation d’enveloppement », notion dont l’analyse va nous amener à présent à examiner l’histoire critique que Jean-Paul Sartre propose de la société directoriale de Joseph Staline.

II. La société soviétique, résidu d’une lutte irrésolue

La société directoriale soviétique est le résultat d’une lutte dont Jean-Paul Sartre retrace le devenir contradictoire. La lutte qui oppose Joseph Staline et Léon Trotsky a tenté de se donner à elle-même ses propres lumières, sous la forme d’un slogan, d’une idée monstrueuse (eu égard à la pensée de Karl Marx) : « la construction du socialisme dans un seul pays ». Loin de renvoyer à une figure tératologique du pouvoir, qui le confinerait à l’irrationnel, ce caractère monstrueux de l’idée – et partant, de la chose à laquelle elle renvoie et dans laquelle elle se dessine[12] – est dialectiquement intelligible par la forme de praxis à laquelle l’idée renvoie : la lutte comme « anti-travail »[13]. Jean-Paul Sartre entend par là une totalisation à multiples épicentres où, au sein d’un même groupe uni par un objectif commun – en l’occurrence, la victoire du communisme contre l’encerclement capitaliste –, chaque sous-groupe cherche stratégiquement à agir sur l’action de l’autre sous-groupe pour lui voler ses fins, pour détruire ses produits. L’anti-travail n’en produit pas moins quelque chose : une sorte de « collaboration mais à l’envers »[14], une nouvelle configuration matérielle, irréductible aux tentatives respectives de destruction par chaque sous-groupe, des produits de l’autre sous-groupe. Quand bien même cette double tentative de destruction (ou réciprocité d’antagonisme) parviendrait à ses fins, « le travail destructeur suppose une dépense d’énergie, une accumulation de moyens, une transformation du champ pratique : bref, la constitution – fût-ce par dégradation ou désintégration – de réalités neuves à l’intérieur du groupe »[15].

Les produits de l’anti-travail sont « indéterminés par surdétermination, inhumains parce que trop humains »[16]. Ils sont investis d’une interpénétration de sens contradictoires : l’universalisme de Léon Trotsky opposé au pragmatisme nationaliste de Joseph Staline. Cet excès de sens scellé dans les résidus matériels de la lutte finit par verser dans le non-sens. C’est ce qui donne au slogan de la révolution russe son caractère monstrueux. La lutte (c’est-à-dire ici le sens de la révolution) est défigurée par ses propres produits.

La société directoriale est un résidu de la lutte ainsi comprise. De loin, dit Jean-Paul Sartre, elle semble tenir toute seule, avoir une consistance propre, sui generis ; mais « de près, elle est criblée de trous »[17]. La société soviétique porte en elle le stigmate des déchirures, des conflits qui l’ont fait naître. L’anti-travail vient dévier comme une vis a tergo les intentions des agents : du coup, il n’est plus possible de l’interpréter simplement, précise Jean-Paul Sartre, comme l’objectivation d’un projet de parti[18]. Nous ne retrouvons plus la continuité, révélée par l’acte intentionnel, entre la praxis et son résultat, aussi réifié soit-il par l’emprise du pratico-inerte. Nous avons affaire à une discontinuité autrement plus problématique entre les visées partielles, locales, des agents, et le sens global de l’aventure commune, dont le caractère contradictoire et foncièrement irrésolu (surdétermination et indétermination) semble à première vue dialectiquement inconvertible pour toute praxis située. N’étant pas véritablement œuvre commune mais résidu, ou déchet de l’histoire, le sens de la totalisation d’enveloppement se dérobe à toute velléité de réappropriation par des sujets auteurs de leur histoire.

On assiste cependant, avec le stalinisme, à un phénomène de dialectisation forcée de cette situation contradictoire : la surdétermination ou indétermination de l’objet et de son idée-slogan (la construction du socialisme dans un seul pays), c’est-à-dire les « traces qu’ont laissé sur lui l’un et l’autre adversaires » (Joseph Staline et Léon Trotsky) devient « détermination pure »[19]. Le passage de la surdétermination indéterminée(ou de l’irrésolution du sens) à la détermination pure incarnée dans la praxis inflexible de Joseph Staline, c’est la transformation des résidus de l’action (anti-travail) en nouvelles conditions de l’action. Il faut donc comprendre la totalisation d’enveloppement à la fois comme une praxis transindividuelle et anonyme (l’action de tous et de chacun[20]), et comme une praxis hyperindividualisée, renvoyant à l’incarnation idiosyncrasique du pouvoir souverain par Vladimir I. Lénine d’abord, par Joseph Staline ensuite.  Chaque individu incarnant la société directoriale – le souverain compris, en dépit de sa surindividualisation et de son surpouvoir – « se perd dans l’acte qui le produit, qui le déroute et qui se dévie à travers lui » : pour chacun, « c’est l’acte débordant l’homme qui se totalise »[21]. On a ainsi affaire à une « société-objet », qui est comme « l’extériorité-intérieure d’une immense entreprise commune »[22].

À travers cette notion de totalisation d’enveloppement, Jean-Paul Sartre revisite de manière originale l’idée marxienne de praxis : en effet, il reprend à Karl Marx l’idée selon laquelle l’action historique produit et altère tout à la fois ses conditions (qu’elle ne se contente pas de subir comme quelque chose de donné, d’immuable), ses objectifs et ses sujets[23]. Le défi est de taille, car il s’agit de s’élever à hauteur d’intelligibilité d’un phénomène qui n’équivaut pas tout à fait à une totalisation sans totalisateur, à un procès sans sujet. Pour deux raisons au moins : 1° Ce serait faire bon marché de la responsabilité historique des dirigeants qui, dès la prise du pouvoir d’Octobre, ont contribué à confisquer les formes d’auto-organisation et de démocratie par en bas en installant le « mythe bolchevik » du parti souverain et du « plus d’État », censé mener à l’extinction de l’État[24]. 2° L’être-en-soi d’une totalisation sans totalisateur, pour des individus historiquement situés, ne pourrait au mieux qu’être visé à vide, ou transposé sur le plan de l’imaginaire – à travers la science-fiction par exemple, exploitant le motif allégorique d’une histoire en extériorité[25].

Mais la totalisation d’enveloppement n’est pas non plus pleinement intelligible à la lumière du projet intentionnel ou de la praxis industrieuse car on a affaire à de l’action qui produit ses propres sujets, plutôt qu’elle ne les présuppose. Ainsi, quand bien même les individus, dans une société directoriale, sont sommés de maintenir l’unité de l’action,

Cela même les transforme et, dans l’unité toujours gardée, sans jamais cesser d’agir ni, peut-être, de réussir, l’ensemble se transforme insensiblement : au bout de quelques tours, ces hommes sont devenus d’autres hommes occupés à atteindre d’autres objectifs par d’autres moyens ; et ils ne le savent même pas.[26]

L’action qui semble maintenir son unité et son objectif à long terme (le plan) transforme perpétuellement les conditions, les fins, les moyens, et jusqu’aux formes de subjectivité elles-mêmes : c’est insensiblement que les dirigeants de la révolution russe ont été amenés à se constituer comme des hommes du plan. La lutte ne se résume pas à un duel entre combattants pleinement conscients d’eux-mêmes et de leurs fins, puisque c’est dans la lutte, dans l’anti-travail, que ne cessent de se produire les termes de l’antagonisme : les sujets, leurs visées, etc.

Les nouvelles conditions que la lutte découvre et produit à la fois renvoient à un triple phénomène de rareté. 1° Rareté des moyens : il s’agit de construire le socialisme dans un pays encore largement rural et féodal, qui n’a pas connu la phase capitaliste. 2° Rareté du savoir,qui concerne à la fois les masses, qu’il faut « éduquer » au marxisme, et les dirigeants stratèges pris dans la lutte. 3° Rareté du temps, qui renvoie à l’urgence perpétuelle dans laquelle se déroule la lutte : ici, Joseph Staline fait valoir contre l’internationalisme de Léon Trotsky l’urgence de construire un État socialiste face aux puissances capitalistes environnantes. En un sens, toute lutte historique peut être abstraitement comprise comme une réextériorisation dialectique de cette triple modalisation de la rareté fondamentale, qui constitue le moteur passif de l’histoire telle qu’on l’a connue jusqu’ici, et qui se caractérise par une impossibilité pour des individus en proie au besoin de coexister. Dans le cas de la société soviétique, vient s’ajouter une quatrième modalisation de la rareté : la rareté des hommes appelés à exercer le pouvoir. Il faut dire tout à la fois qu’« il y a trop d’hommes : la majorité reste sous-alimentée », et qu’« il  n’y a pas assez d’hommes pour faire au jour le jour une histoire rigoureuse »[27].

Pour expliciter cette impossibilité pour l’histoire d’être rigoureuse (ce qui ne l’empêche pas pour autant d’être intelligible), Jean-Paul Sartre s’interroge longuement sur le choix de Joseph Staline pour incarner la fonction de souverain au sommet de la société directoriale. Il prolonge ainsi sa réflexion sur le phénomène bureaucratique comme avatar du groupe institutionnalisé dans le tome I de la Critique, à la fin de la section A du livre II (« Du groupe à l’histoire »). La bureaucratie stalinienne s’est développée du fait de l’impossibilité pour le groupe révolutionnaire de réaliser la dictature du prolétariat censée assurer la transition révolutionnaire. La dictature du prolétariat était trop prématurée au départ, car « la dictature réelle était celle d’un groupe se reproduisant lui-même et exerçant son pouvoir – au nom d’une délégation que le prolétariat ne lui avait pas donnée – sur la classe bourgeoise en voie de liquidation, sur la classe ouvrière, et sur la classe paysanne elle-même »[28].  Et Jean-Paul Sartre estime qu’au moment où il entreprend son étude approfondie de l’URSS (en 1958), il est trop tard pour que cette dictature puisse s’exercer, puisque l’heure est plutôt à la déstalinisation. Jean-Paul Sartre juge que cette notion de dictature du prolétariat pèche par excès d’optimisme. Pour qu’elle se réalise, il faudrait que le groupe se fasse hyperorganisme[29], or il ne peut au mieux qu’anticiper, dans un analogon imaginaire de lui-même, son intégration parfaite, en se donnant une « apparence organique », comparable à l’Apparence transcendantale chez Emmanuel Kant, comme l’a montré Jean Bourgault : l’idée de corps politique est l’illusion nécessaire que produit l’action collective quand elle cherche à se réfléchir elle-même[30].

Cette impossibilité du groupe institutionnalisé à se faire hyperorganisme se paie au prix fort : déléguer la souveraineté (qui constitue le schéma de la forme-parti) à un organisme pratique, à un individu défini par son idiosyncrasie, et avant tout, par sa facticité. En effet :

Lorsque le régime tout entier exige un souverain personnel au nom de l’intégration maxima et pour qu’il soit, au nom de la pyramide, la suppression vivante de toute multiplicité, quand l’effort constructif de l’URSS implique que cette société – qui a chassé toute idéologie organiciste – trouve son unité dans l’indissolubilité biologique d’un individu, il n’est pas même concevable que cet individu puisse être, en lui-même et dans sa praxis, éliminé comme idiosyncrasie au profit d’une abstraite objectivité. Certes, il ne se connaît pas dans son particularisme : Staline ne connaissait pas Staline et n’avait souci que des circonstances objectives. Mais c’est précisément lorsqu’il ne se connaît pas que l’individu – qu’il soit ou non souverain – se résume dans sa particularité.[31]

La facticité et la finitude organique d’un individu (avec tout ce que cela comporte d’ignorance, de lenteur, de désadaptation) demeurent l’indépassable limite du groupe bureaucratisé. La société directoriale, du fait de la facticité du souverain qui l’incarne, est incapable de fonder sa propre existence. Revisitant à sa manière le thème cher à Ernst Kantorowicz des deux corps du roi, Jean-Paul Sartre insiste particulièrement sur le sens de la mort de Joseph Staline. La mort, on le sait depuis L’être et le néant, est pour le pour-soi l’une des cinq composantes de la facticité comme envers nécessaire de sa liberté[32]. Le fait brut, injustifiable, de la mort du souverain sanctionne l’impossibilité de fonderla souveraineté elle-même : la praxis totale de la société directoriale « est pénétrée, jusque dans ses couches les plus profondes, de cette contingence »[33].

Cette prise en compte de la facticité empêche tout recours au raisonnement contrefactuel qui consisterait, pour l’historien dé-situé, à envisager un autre scénario possible de l’histoire afin de vérifier si tel événement historique était bien une des causes nécessaires de tel autre événement. Ainsi, qu’est-ce qu’aurait été l’aventure soviétique si un autre que Joseph Staline avait occupé la fonction souveraine ? On ne peut envisager un autre scénario qu’en opposant à l’idiosyncrasie de la praxis stalinienne l’objectivité des faits, laquelle ne peut nous être accessible qu’après coup, selon la logique du mouvement rétrograde du vrai. De plus, l’explication contrefactuelle reviendrait à dissoudre la « surdétermination de l’histoire »[34] au profit d’une histoire analytiquement reconstruite, mais dialectiquement inintelligible. Il y a à la fois surdétermination et indétermination parce qu’à l’issue de la lutte, « la praxis est dans la nécessité de recevoir plus et moins qu’elle n’a demandé ; elle exige de s’intégrer par la médiation d’un individu, mais du coup elle s’individualise »[35].

Ce qui résulte de la lutte et qui constitue le legs de la politique de Vladimir I. Lénine, c’est la séparation de l’appropriation et de la direction. La pensée bourgeoise héritière de la Révolution française avait identifié les figures du dirigeant et du propriétaire « personnellement intéressé à une sage administration du bien public »[36]. En théorie, le marxisme, précédé par les utopies sociales, confie à l’ensemble des travailleurs la propriété des moyens de production, et dans un même mouvement, la gestion du processus de production. L’exigence socialiste, c’est le fait que les hommes puissent gouverner les choses sans se laisser gouverner par elles, sans subir la médiation de collectifs pratico-inertes tels que le marché et ses mécanismes régulateurs. Or poser cette exigence d’« unité de la production et de la gestion »[37] dès le départ revient à préjuger trop vite d’une économie consciente de soi. Pour que le marxisme devienne « l’esprit objectif » du peuple russe[38], il faudra tenir compte de l’arriération des masses paysannes, de la spécificité de leurs habitus, au regard des exigences de la révolution. Ce qui se traduit par un conflit ouvert (la terreur) vis-à-vis des paysans, koulaks en puissance, et par un conflit larvé envers les concentrations ouvrières, masqué par une décision d’optimisme volontariste des dirigeants. D’où la contradiction majeure qui mine la bureaucratie soviétique en son principe : « la possession par tous des instruments de travail, la direction de tous par un groupe relativement restreint »[39]. Le volontarisme stalinien, « ce directoire à tout faire » qui « apprend à tout exiger de lui-même »[40] cherche à dissoudre le pratico-inerte hérité, poussant même jusqu’à l’absurdité d’un Matyas Rakosi considérant que si le sous-sol de Budapest ne permet pas la construction du métro, c’était qu’il est contre-révolutionnaire[41]. Le pratico-inerte, coefficient d’adversité des choses ouvrées, devient ici synonyme de sabotage et de trahison.

La planification vise à constituer un « autre pratico-inerte »[42],  comme le milieu sériel artificiel construit par l’extéro-conditionnement, qui reconditionne tout : les dirigés, les institutions, et jusqu’à la praxis souveraine elle-même. Par extéro-conditionnement, Jean-Paul Sartre entend la technique par laquelle le groupe dirigeant totalise les masses sérialisées. Totaliser ici ne signifie pas unir les individus en un groupe assermenté, sinon sous une forme mystifiante. La totalisation n’apparaît qu’à l’origine et à la fin du processus de planification : à l’origine, dans le « projet synthétique », et à la fin : « la totalisation de la série dans son produit est effectuée contre elle car elle s’y est objectivée comme série »[43]. L’objectif des appareils d’extéro-conditionnement, c’est de tirer des masses des actions totalisantes et unifiées, tout en les empêchant de s’organiser car cela reviendrait à dissoudre la sérialité. Le groupe souverain gouverne par l’inertie des collectifs (et non en dépit de celle-ci). Mais il subit en retour l’action des séries gouvernées.

La bureaucratie naît de cette double pétrification des séries par les groupes dirigeants et des groupes par les séries. Elle n’est ni un moyen, ni une fin des groupes institués, mais un effet (résiduel) de la gouvernementalité qu’ils mettent en œuvre. La bureaucratie est une pyramide de sous-groupes et d’agents subalternes qui assurent, chacun à leur échelon, l’extéro-conditionnement des séries. La hiérarchie affecte ces agents subalternes d’inertie en les transformant en instruments inorganiques du pouvoir. Le souverain est le seul à échapper, pour partie, à ce processus de réification : « il devient inorganique par en dessous, dans les profondeurs de la hiérarchie, mais nul supérieur ne peut le transformer en chose »[44].

Le volontarisme bureaucratique implique « la minéralisation de l’homme à tous les niveaux, sauf au niveau suprême »[45]. Dans les sociétés directoriales, le souverain « a intégré en lui tous les groupements pratiques », il s’est arrogé « le monopole du groupe », de telle sorte qu’« il ne peut créer de groupe en dehors de lui-même : il a seulement la possibilité, selon les circonstances, de s’accroître plus ou moins et de se différencier (par production de nouveaux sous-groupes) »[46]. À l’instar des sociétés froides de Claude Lévi-Strauss, les sociétés directoriales s’emploient alors à « refroidir » les événements[47] (comprenons, ici, les insurrections, les groupes en fusion, les tentatives de démocratie par en bas[48]) en les intégrant à la structure de souveraineté, feuilletée en sous-groupes. Jean-Paul Sartre montre ainsi que la bureaucratie repose sur la consolidation de tout un « schématisme organisationnel »[49] emprunté aux entreprises privées du monde capitaliste. Dans la planification, précise Jean-Paul Sartre, « l’organisation comme structure d’inertie assermentée » ne fait qu’un avec « la détermination calculée de toutes les possibilités », qui constitue la connaissance que le groupe se donne de lui-même, sur le mode d’une « pensée objective »[50].

La conséquence, c’est un « renversement pratique du marxisme » où « le politique affirme sa prééminence sur l’économique »[51]. Jean-Paul Sartre récuse l’approche qui consisterait à surestimer cette prédominance du politique sur l’économique, en en faisant un critère d’explication suffisant des régimes directoriaux, permettant notamment de les distinguer des régimes libéraux prétendument démocratiques. La prééminence du politique sur l’économique n’est pas un critère explicatif adéquat, elle est une réalité socio-historique qui demande à être expliquée. À ce titre, la démarche historienne de Jean-Paul Sartre recoupe l’histoire sociale de l’URSS qui a été menée notamment par Moshe Lewin dans La formation du système soviétique. L’ambition de Moshe Lewin est de « révéler un tableau plus fouillé d’un État qui ne s’est pas fait lui-même toute son histoire, et dont l’histoire n’est pas entièrement à son goût »[52].

Jean-Paul Sartre déjoue une illusion entretenue aussi bien par le volontarisme stalinien que par l’anticommunisme libéral, qui envisage le stalinisme comme pure praxis s’exerçant sur son champ « à la manière de la Cause des Stoïciens, sans subir le contrechoc des changements qu’elle y apporte » : « si elle se modifie, c’est par elle-même : et ce contrôle qu’elle exerce sur soi pour s’adapter aux circonstances représente le plus haut degré de la praxis puisqu’il est prise de conscience pratique et réflexion de l’acte sur lui-même »[53]. Qu’ils idéalisent ou qu’ils diabolisent le système soviétique, les apparatchiks staliniens et les anti-communistes commettent la même erreur qui consiste à couper la praxis directoriale de ses présuppositions réelles, en la fantasmant comme une pure cause motrice immanente à ses effets, où tout est acte, toute distance entre la fin et la réalisation se voyant abolie, comme dans le système stoïcien[54]. On aura beau jeu de confiner la pathologie du pouvoir stalinien à l’égoïsme intéressé des dirigeants, ou l’irrationalité du mal – à la « liberté pour mal faire »[55], à quoi on pourrait opposer une conception indûment hypostasiée du politique et de la démocratie : le système soviétique demeure parfaitement intelligible dès lors qu’on le ressaisit dialectiquement, dans sa dynamique socio-historique.

L’anticommunisme que vise Jean-Paul Sartre se fait fort d’expliquer la bureaucratisation stalinienne par le mécanisme rapace, qu’il affectionne particulièrement, des passions et des intérêts, érigé en loi universelle et infaillible. Or, avec un tel mode d’explication utilitariste, « l’illusion activiste est portée ici à son comble : elle suppose une pérennité de la nature humaine (chacun suit son intérêt) et la praxis devient l’instrument de l’égoïsme individuel ou du particularisme de certains groupes »[56]. En toute rigueur, l’intérêt qu’on érige hâtivement en modèle d’intelligibilité de l’action ne renvoie qu’à « un certain type de rapport de l’homme à la chose dans le champ social »[57] : précisément, dans une société capitaliste, à un rapport dialectique de l’individu à son capital économique ; et dans une société directoriale, à un rapport dialectique de l’individu à son capital symbolique, qui le lie au parti en tant qu’individu commun (et non en tant qu’homo œconomicus). Dans les deux cas, loin de renvoyer à une disposition calculatrice d’emblée donnée, l’intérêt s’incarne dans des habitus spécifiques, historiquement constitués : l’habitus du propriétaire pour les sociétés bourgeoises, renvoyant à ce que Jean-Paul Sartre appelle « l’être tout entier hors de soi dans une chose »[58] ; l’habitus de l’homme bureaucratique ou de l’homme du plan pour les sociétés directoriales, renvoyant à ce qu’on pourrait appeler l’être tout entier hors de soi dans l’action. Jean-Paul Sartre montre ainsi « la position ambiguë de cette Bureaucratie qui s’est donnée des intérêts à partir de son dévouement absolu à la Cause et qui s’est trouvée “intéressée” avant même de comprendre ce qui lui arrivait »[59].

Pas plus que pour les sociétés capitalistes, l’intérêt des dirigeants, dans les sociétés directoriales, ne saurait être envisagé comme concept englobant apte à homogénéiser toutes les conduites, apte à épouser tout le spectre du procès de socialisation des individus ; c’est un concept discriminatoire qui ne concerne que les individus communs bénéficiant d’une place privilégiée au sein du groupe-parti, et dont l’envers est le destin de ceux qui, parmi les couches paysannes notamment, ne font que subir le volontarisme planificateur du système, du fait de leurs habitus et de leur systèmes de croyance propres – de tout ce qui fait le « lien rural » dont parle Moshe Lewin[60]. L’envers de l’intérêt, c’est le destin de ceux qui – les plus nombreux – sont privés des conditions sociales d’accès à la disposition politique, et qui n’ont à ce titre aucun intérêt commun à agir selon les exigences du plan qui leur sont imposées. Reste que ce destin peut, dans des conditions socio-historiques idoines, générer un intérêt général (c’est la transformation de la « matérialité-destin » en « matérialité-intérêt »), qui n’aura rien à voir avec l’intérêt prétendument commun de l’homme du plan, puisqu’il renvoie alors à un habitus collectif né de luttes spontanées.

Conclusion

La bureaucratie que Jean-Paul Sartre analyse pour le cas soviétique est une possibilité historique pour tout groupe institué. À ce titre, elle ne s’applique pas qu’aux sociétés directoriales, prétendument socialistes, mais aussi aux sociétés capitalistes. Dans le tome II de la Critique pourtant, Jean-Paul Sartre semble opposer les sociétés directoriales pour leur moindre complexité aux sociétés bourgeoises hautement différenciées[61], comme s’il reconduisait implicitement le vieux dualisme substantiel du clos et de l’ouvert, de la solidarité mécanique et de la solidarité organique – que l’on retrouve d’ailleurs dans l’idéologie de la Guerre froide (pensons à l’ouvrage de Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis[62]). On pourrait enfin se demander, avec Fredric Jameson, si en étendant – comme il avait prévu de le faire – son approche de la bureaucratie aux sociétés bourgeoises du capitalisme tardif, Jean-Paul Sartre n’aurait pas abandonné cette opposition massive, et provisoire, du fait de l’inachèvement de la Critique, entre sociétés directoriales et non-directoriales. Dans les deux cas, c’est bien un même problème représentationnel qui se pose aux agents de l’histoire : celui de l’impossibilité de produire une cartographie cognitive autre qu’allégorique de la totalisation historique ou « totalisation d’enveloppement », qui fait les hommes en même temps qu’ils la font[63].


[1] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II. L’Intelligibilité de l’Histoire, Paris, Gallimard, 1985.

[2] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I. Théorie des ensembles pratiques (1960), Paris, Gallimard, 1985, p. 158.

[3] Emmanuel Barot, « Entre Marx et l’URSS », in Emmanuel Barot (dir.), Sartre et le marxisme, Paris, La Dispute, 2011, p. 127-155.

[4] Bertell Ollman, La dialectique mise en œuvre. Le processus d’abstraction dans la méthode de Marx, tr. fr. Paule Ollman, Paris, Syllepses, 2005, p. 23.

[5] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I, op. cit., p. 791.

[6] Ibid., p. 158.

[7] Pour une lecture détaillée de l’exemple du match de boxe, cf. Hervé Oulc’hen, L’Intelligibilité de la pratique. Althusser, Foucault, Sartre, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2017, p. 359-374.

[8] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I , p. 890.

[9] Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980, p. 71-86.

[10] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 13.

[11]  Le concept de pratico-inerte désigne les conditions sociales, matérielles et historiques constituées, qui précèdent et encadrent toute praxis individuelle ou collective, tout en étant elles-mêmes le produit de praxis constituantes antérieures. Ce faisant, quelle que soit sa force d’inertie, le pratico-inerte s’expose à être perpétuellement reconfiguré et transformé par la dynamique constituante des praxis.

[12]  Jean-Paul Sartre précise ainsi, dans la préface au Portrait du colonisé de Albert Memmi : « J’ai toujours pensé que les idées se dessinaient dans les choses et qu’elles sont déjà dans l’homme quand il les réveille et les expriment pour s’expliquer sa situation » (Jean-Paul Sartre, Situations, V. Colonialisme et néo-colonialisme, Paris, Gallimard, 1965, p. 52).

[13]  Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 105-106.

[14]  Ibid., p. 106.

[15]  Ibid., p. 106.

[16]  Ibid., p. 20.

[17] Ibid., p. 22.

[18] Ibid., p. 107.

[19] Ibid., p. 122.

[20] Pour reprendre l’énoncé de Georg Wilhelm Friedrich Hegel dans la Phénoménologie de l’Esprit que Jean-Paul Sartre n’a de cesse de méditer.

[21] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 249.

[22] Ibid., p. 252.

[23] Voir à ce sujet l’analyse quePierre Dardot et Christian Laval proposent du concept de praxis chez Karl Marx dans Marx, prénom : Karl, Paris, Gallimard, 2012, p. 202-216 notamment.

[24] Voir Pierre Dardot, Christian Laval, L’ombre d’octobre, Montréal, Lux, 2017.

[25] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit.,p. 330-333.

[26] Ibid., p. 248.

[27] Ibid., p. 238.

[28] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I, op. cit., p. 745. Je souligne.

[29] Ibid., p. 745.

[30] Jean Bourgault, « Repenser le corps politique. “L’apparence organique” du groupe dans la Critique de la raison dialectique », Les Temps modernes, no 632-634, 2005, p. 477-504.

[31] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 219.

[32] Voir Jean-Paul Sartre, L’être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologique (1943), Paris, Gallimard, « TEL », 1976, p. 576-598.

[33] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 214-215.

[34] Ibid., p. 220.

[35] Ibid., p. 220.

[36] Ibid., p. 136.

[37] Ibid., p. 136.

[38] Ibid., p. 120.

[39] Ibid., p. 137.

[40] Ibid., p. 139.

[41] Ibid., p. 186.

[42] Ibid., p. 288.

[43] Ibid., p. 161.

[44] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I, op. cit., p. 741.

[45] Ibid., p. 742.

[46] Ibid., p. 744.

[47] Voir Georges Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss, Paris, Plon,1961, rééd. 10-18, 1969, p. 37-48.

[48] Rappelons que c’est la répression de l’insurrection hongroise de 1956 par les chars soviétiques qui a conduit Jean-Paul Sartre à rompre son compagnonnage de route avec le PCF, et à opérer une mise au point sur son rapport au stalinisme dans deux textes majeurs précédant la Critique : d’une part, « Le fantôme de Staline », Les Temps Modernes, no 129-130-131, novembre-décembre 1956-janvier 1957, repris dans Situations, VII. Problèmes du marxisme, 2, Paris, Gallimard, 1965, p. 144-307 ; d’autre part, « Questions de méthode », Les Temps Modernes, no 139, septembre 1957, no 140, octobre 1957, repris dans Critique de la raison dialectique, t. I, op. cit., p. 19-132.

[49] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 140.

[50] Ibid., p. 139-140.

[51] Ibid., p. 138.

[52] Moshe Lewin, La formation du système soviétique (1985), trad. fr. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Gallimard, 1987, p. 14.

[53] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 251.

[54] Cf. Victor Goldschmidt, Le système stoïcien et l’idée de temps, Paris, Vrin, 1953, rééd. 1979, p. 93.

[55] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 250.

[56] Ibid., p. 252. Italiques de Sartre.

[57] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. I, op. cit., p. 307.

[58] Ibid., p. 307.

[59] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 252. Italiques de Sartre.

[60] Moshe Lewin, La formation du système soviétique, op. cit., p. 19 et suiv.

[61] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, t. II, op. cit., p. 198. 

[62] Karl Popper, Le société ouverte et ses ennemis, t. I. L’ascendant de Platon. t. II. Hegel et Marx (1945), trad. fr. Jacqueline Bernard et Philippe Monod, Paris, Seuil, 1979, rééd. 2018.

[63] Fredric Jameson, Valences of the Dialectic, London, Verso, 2009, p. 241-253.

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