Sexe et genreune

Le genre comme contradiction. Une analyse discursive des analogies entre comportements humain et animal

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Noémie Marignier est MCF à l’Université Sorbonne Nouvelle — Clesthia.

 

Résumé : À partir de l’étude d’un reportage radiophonique, je propose une analyse discursive et rhétorique des analogies rapprochant les comportements amoureux et sexuels des humains et des oiseaux. Il s’agit de montrer que les discours autour de la sexualité se déploient dans l’espace de la contradiction : associer des prémisses et/ou des arguments rentrant en conflit en ce qui concerne la place de la nature constitue un des ressorts des idéologies du genre et de l’hétérosexualité obligatoire.

Mots-clés : naturalisation, discours, rhétorique, contradiction, sexualité

Abstract : Based on the study of a radio broadcast, I propose a discursive and rhetorical analysis of analogies between the romantic and sexual behaviour of humans and birds. I aim to show that discourses around sexuality unfold within a form of contradiction: I argue that associating premises and/or arguments that conflict with each other with regard to the place of nature is one of the devices through which the ideologies of gender and compulsory heterosexuality are produced.

Keywords : naturalization, discourse, rhetoric, contradiction, sexuality

 

 

Les études féministes et de genre ont depuis longtemps abordé la question des processus de naturalisation des rapports sociaux, tout particulièrement des rapports de genre, c’est-à-dire la manière dont on fait passer du social pour du naturel, pour reprendre les termes de Delphy (1991). Dans ce cadre, a par exemple été étudiée la manière dont les rôles endossés par les femmes sont ramenés à une prétendue naturalité (Guillaumin 1978a), notamment par comparaison avec la femellité animale ou encore par le recours à des arguments biologiques. D’autre part, ces mêmes études, tout particulièrement celles qui s’inscrivent dans les champs de l’épistémologie et de la biologie, ont montré depuis les années 1970 que des biais anthropocentrés influencent la production des connaissances sur le vivant, et particulièrement sur le vivant sexué, que ce soit en ce qui concerne le monde animal (Guillaumin 1978b ; Haraway 2009), ou plus généralement le matériel biologique sexué (Kraus 2000 ; Martin 1991).

Si les deux phénomènes mentionnés plus haut sont bien conceptualisés (d’une part le recours à des représentations culturelles pour étudier l’animal, et d’autre part la naturalisation de l’humain), notamment au niveau discursif (Keller 1992), ils sont cependant rarement pensés 1) conjointement et dans leur articulation 2) depuis une perspective linguistique. Tout en me situant dans la continuité théorique des travaux cités, je me propose alors d’étudier les mécanismes idéologico-discursifs d’anthropomorphisation des comportements animaux et de naturalisation des comportements humains comme co-dépendants les uns des autres et se produisant dans des effets de contradiction que l’on peut considérer comme l’un des ressorts puissants des idéologies du genre[1]. Par contradiction je désigne ici les énoncés qui, au fil d’un même discours, présentent des présupposés incompatibles, mobilisent des arguments obéissant à des logiques ou des registres opposés, ou s’inscrivent dans des lignées discursives adverses. Plus précisément, l’enjeu de cet article est de s’intéresser à la manière dont des discours non naturalisants, en coexistant avec des discours naturalisants dans des dynamiques contradictoires, produisent des phénomènes d’essentialisation du genre. Il s’agit en cela de poursuivre des réflexions développées dans ma thèse de doctorat (Marignier 2016) où je montrais comment les discours médicaux sur les sexes atypiques (c’est-à-dire qui ne se conforment pas aux normes du sexe mâle ou femelle) étaient traversés par les contradictions en ce qui concernait leurs concepts de sexe, de genre et de sexualité et leur articulation : j’ai montré dans ce travail que ces contradictions, loin d’affaiblir l’idéologie de la binarité du sexe (et de donner une prise pour un contre-discours) contribuaient bien plutôt à l’asseoir : c’est-à-dire que coexistent un discours qui naturalise le sexe et un discours qui le « culturalise » sans que l’incohérence entre ces discours ne déstabilise le système de genre[2].

Dans cet article, mon analyse, de type rhétorique et discursive, prendra pour objet les discours ordinaires comparant les « amours » animales et humaines dans un épisode de l’émission radiophonique Les Pieds sur Terre, diffusé sur France Culture pour la première fois le 16 juillet 2008 (et rediffusé depuis cette date). Cet épisode, intitulé « Parmi les oiseaux », met au centre, pour le dire en termes savants, les appariements humains et aviaires.

I – Déplacer l’approche par la métaphore

L’enjeu de cet article est donc de se placer au niveau du discours, en faisant l’hypothèse que cette perspective permet d’éclairer à nouveaux frais les dynamiques de naturalisation déjà étudiées par la pensée féministe. La question des discours est bien présente dans les travaux susmentionnés : la manière dont ceux-ci charrient des représentations qui guident les manières de faire de la science, ou plus généralement de construire les inégalités de genre, est plusieurs fois mentionnée, de manière plus ou moins explicite. C’est le cas chez Guillaumin, par exemple, qui note :

La référence animale constitue une forme prégnante, aujourd’hui, dans l’approche des rapports sociaux. Le mélange de puissance affective de l’évocation animale, de simplicité de l’exposition des modèles éthologiques, favorise ce traitement semi-métaphorique de l’explication des phénomènes humains. (Guillaumin 1978b : 168)

La question du langage qui viendrait construire le rapport au réel, voire ce réel même, est effectivement envisagée dans ces travaux le plus souvent sous l’angle de la métaphore. Le travail d’Evelyn Fox Keller, philosophe des sciences féministe, est exemplaire en ce sens. Dans l’entrée « Sexuation du langage scientifique » du Dictionnaire critique du féminisme, on peut par exemple lire :

Les concepts scientifiques s’expriment pour la plupart dans le langage naturel qui ne peut être séparé du contexte social dans lequel il est inscrit. Les métaphores sexuées dans la science en fournissent un bon exemple : celles-ci pénètrent le langage utilisé par les scientifiques et influent leur façon de conceptualiser et de construire les phénomènes naturels. La sexuation, souvent inconsciente, du langage scientifique donne forme à la pensée et aux actions des scientifiques et influe sur leurs analyses et descriptions des phénomènes naturels. (Keller 2000 : 97)

Dans son ouvrage Making Sense of Life, qui ne traite pas spécialement des questions de biologie du sexe mais me semble emblématique de la manière dont est traitée la question du discours comme venant construire les connaissances biologiques, Keller laisse bien entendre que l’usage de la métaphore est à double tranchant : elle est sans doute indispensable pour les connaissances scientifiques, en tout cas elle nous renseigne sur la manière dont celles-ci sont établies :

To make sense of their day-to-day efforts, they[scientists] need to invent words, expressions, forms of speech that can indicate or point to phenomena for which they have no literal descriptors. […] Making sense of what is not yet known is thus necessarily an ongoing and provisional activity, a groping in the dark; and for this, the imprecision and flexibility of figurative language is indispensable. (Keller 2002 : 118)

Si ces travaux sont tout à fait novateurs et importants et que j’en partage les constats, il me semble qu’ils développent une vision parfois trop simple de ce que sont le discours et le langage en se restreignant le plus souvent à l’étude des métaphores. L’approche par la métaphore, comme je la nomme, se place surtout dans une perspective paradoxalement trop référentialiste : se limiter à un travail (critique) sur les métaphores, c’est ignorer la texture même du discours qui se déploie dans de multiples rapports de sens, d’intertextualités, d’énonciations ; c’est en rester finalement à une lecture selon laquelle les représentations et idéologies charriées par le langage ne seraient que de l’ordre du figuratif — sans tenter de travailler les multiples manières dont le discours crée ces représentations. Par exemple, le célèbre article d’Emily Martin « The Egg and The Sperm » se conclut ainsi :

One clear feminist challenge is to wake up sleeping metaphors in science, particularly those involved in descriptions of the egg and the sperm. Although the literaty convention is to call such metaphors “dead”, they are not so much dead as sleeping, hidden within the scientific content of texts — and all the more powerful for it. Waking up such metaphors, by becoming aware of when we are projecting cultural imagery onto what we study, will improve our ability to investigate and understand nature (Martin 1992 : 501)

Martin invite à comprendre ce qui se cache sous les métaphores : cela implique de vouloir formuler la science dans un discours plus adéquat, plus près du réel — c’est ce que j’appelle l’illusion référentialiste. En effet, il n’est pas certain qu’un langage scientifique non métaphorique soit débarrassé des idéologies : celles-ci peuvent se nicher dans d’autres phénomènes discursifs et énonciatifs moins facilement discernables (Ouellet 1984)[3]. Considérer qu’il existe un discours non métaphorique à formuler qui nommerait adéquatement les choses pose alors problème dans la mesure où c’est passer à côté de multiples phénomènes idéologico-discursifs qui structurent le discours de la nature. Finalement, si je partage la démarche et les constats de ces auteures, c’est une approche trop restreinte de ce qu’est le discours que je voudrais ici tenter de dépasser.

II – La crise du genre

Cet article entend dans ce cadre proposer une réflexion sur les processus discursifs de naturalisation et/ou d’essentialisation du genre et de la sexualité. En effet, considérer que la naturalisation de phénomènes sociaux (qui passent pour naturel) s’effectue par des processus discursifs est une idée qui a fait long feu dans les études de genre. Par exemple, Butler explique bien la place du discours dans la production du naturel :

[…] le genre n’est pas à la culture ce que le sexe est à la nature ; le genre, c’est aussi l’ensemble des moyens discursifs/culturels par quoi la « nature sexuée » ou un « sexe naturel » est produit et établi dans un domaine « prédiscursif », qui précède la culture, telle une surface politiquement neutre sur laquelle intervient la culture après coup. (Butler 2005 : 69)

Cette idée, si puissante qu’elle soit, me semble être souvent traitée de manière trop simple. En effet, elle est généralement présentée comme le fait que des processus sociaux sont ramenés à du naturel (les arguments de la différence biologique des sexes, de l’instinct maternel, etc.). Or, si ces processus discursifs sont bien sûr avérés, ils coexistent avec des discours qui essentialisent le genre, le sexe ou la sexualité en tant que structures sociales, sans avoir recours à l’argument de la nature (mariage hétérosexuel comme fondement de la civilisation[4], par exemple), ou alors qui remodèlent de manière paradoxale la place du biologique dans les rapports de genre (autour de l’utilisation des technologies biomédicales, par exemple la contraception hormonale, voir Grino 2014).

C’est-à-dire qu’il me semble plus exact de considérer que l’essentialisation du genre passe par des processus de naturalisation aussi bien que de « culturalisation » (ou encore d’historicisation) : ces processus peuvent s’articuler au niveau idéologico-discursif dans des rapports de contradiction, ou de crise (Dorlin 2005), qui loin de déstabiliser le système de genre contribuent à le renforcer. Ces deux mouvements ne jouent pas l’un contre l’autre mais au contraire se combinent pour maintenir l’ordre du genre établi. Cette idée de crise est reprise de Dorlin qui la pense dans le cadre de la clinique de l’intersexuation, en exposant que les arguments qui justifient les traitements d’assignation binaire des enfants intersexes sont de l’ordre de la justification sur des critères sociaux, et non pas naturels (puisque précisément l’intersexuation met au jour une nature polymorphe). Dorlin explique :

Dans cette perspective, la crise théorique du sexe révèle bien la dimension historique du rapport de genre : comme régime théorique, la crise est l’expression même de l’historicité d’un rapport de domination qui se modifie, mute et doit constamment redéfinir son système catégoriel pour assurer les conditions de sa reproduction. Dans ces conditions, ce système catégoriel est clairement exhibé comme un système catégoriel social et historique et non fondé en nature. (Dorlin 2005 : 134-135)

Dans cette perspective, le genre peut être défini comme un rapport qui assure sa reproduction en partie grâce aux mutations du système catégoriel sur lequel il s’adosse. […] La capacité normative du genre, le fait que ce rapport social puisse parvenir à essentialiser les identités sexuées, en dépit d’une normativité naturelle polymorphe et libérale, tient donc à sa capacité à maintenir un régime théorique en crise. (Dorlin 2005 : 135)

Je souscris à cette idée du genre qui fonctionnerait dans un régime de crise, par mutation de son système catégoriel. Mais il me semble que, de la même manière qu’une approche par la métaphore me semble trop réductrice, il faut élargir la notion de crise aux discours et ne pas se limiter à une simple analyse des catégories. Mon idée est alors que les discours du genre sont en constante mutation — en constante crise pour reprendre les termes de Dorlin — où coexistent des discours qui exhibent un système social non fondé en nature, aussi bien que des discours plus classiquement naturalisants. Cette coexistence assure le maintien d’un système du genre en crise, ce qui me semble être visible dans des discours qui exploitent des arguments ou des lignées contradictoires, tels que définis plus loin.

C’est en suivant cette idée que j’ai montré dans ma thèse (Marignier 2016) comment les discours médicaux concernant les sexes atypiques sont traversés par la contradiction, ce qui, loin de mettre en question la clinique de l’intersexuation et de la binarité du sexe/genre, tend plutôt à la renforcer. Il s’agit ici de poursuivre cette idée et de l’affiner, en l’appliquant de manière plus large : mon hypothèse est que ce régime de crise dépasse la simple question de l’intersexuation, et peut s’appliquer plus largement aux questions de sexe, de genre et de sexualité. Pour cette raison, je souhaiterais ouvrir mes analyses vers la question des appariements humains et animaux. Le choix de cette thématique n’est pas neutre : comme l’ont montré Gowaty (1982), Guillaumin (1978b) ou Touraille (2017, 2019), entre autres, la question de la sexualité — et plus précisément des appariements (les processus de mise en couple, notamment en vue d’une reproduction sexuée) — est un lieu particulier d’essentialisation par le biais de l’animalisation de l’humain ou inversement par le plaquage de catégories humaines sur les comportements animaux. Il s’agit d’un nœud où s’articulent de manière particulièrement sensible critères dits naturels et critère social : la sexualité humaine est expliquée par la sexualité animale ; on explique la sexualité humaine par la sexualité animale. Ces rapprochements entre les sexualités conduit dans ce cadre à légitimer ou au contraire rejeter certains comportements dans une visée normative.

Il s’agit donc de tenter de montrer comment fonctionne dans les discours ce régime de crise du genre avec une double ambition :

  • Proposer une approche linguistique plus attentive aux matérialités langagières (c’est-à-dire analyser les formes idéologico-sémantiques du discours et pas seulement son contenu) que les approches mentionnées plus haut
  • Proposer, en suivant Dorlin, que des discours non naturalisants servent aussi à essentialiser le genre — notamment par les relations de contradictions qu’ils entretiennent avec des discours naturalisants qui leur coexistent.

Pour cela, je me baserai sur un single case, qui n’a pas vocation à la généralisation, mais à inviter à la réflexion sur les deux points précédents. Ce cas, qui n’est pas issu de la littérature scientifique mais de la vulgarisation, a été choisi parce qu’il m’a semblé particulièrement mettre en relief, de manière complexe, la crise discursive du genre en ce qui concerne la question des appariements. Il appelle, bien entendu, des développements sur des corpus plus larges.

III – Présentation du reportage analysé

L’extrait analysé est issu d’un épisode de l’émission de reportages Les Pieds sur Terre, diffusée sur France Culture. Celle-ci se présente ainsi :

Tous les jours, une demi-heure de reportage sans commentaire.
Inspirés par la célébrissime émission de radio américaine This American Life, « Les Pieds sur Terre » s’organisent désormais autour de récits, d’histoires vraies, une, deux ou trois par émission, qui tournent autour d’un même thème. Ces histoires sont racontées à la première personne et nourries d’éléments de reportage.

Le reportage « Parmi les oiseaux » diffère un peu du format habituel de l’émission : tout d’abord, les témoignages des deux protagonistes interviewés sont croisés et ne sont pas présentés successivement ; ensuite, l’intervieweuse intervient plusieurs fois, ce qui est inhabituel dans la mesure où la parole des intervieweureuses est généralement systématiquement coupée au montage. « Parmi les oiseaux » est en fait monté de telle sorte qu’un récit parallèle aux témoignages se mette en place. L’on a deux protagonistes célibataires, Jean et Carine, tous les deux trentenaires, qui partagent une passion commune pour l’ornithologie (leur manière d’observer les oiseaux est le thème du reportage) et qui se trouvent chacun d’un côté de la baie de Somme : le reportage est monté afin de suggérer que Jean et Carine pourraient former un couple si seulement ils se rejoignaient. Ceci est audible à travers plusieurs moments du reportage : la productrice, après avoir introduit Jean et Carine suggère à propos de la baie de Somme :

ce pourrait être une île déserte dont ils font le tour sans jamais se croiser: mais en se cherchant peut-être se parleront-ils oiseaux ou en oiseaux se verront-ils ou s’entendront-ils appeler l’immense volière du mon:de.[5]

Les premiers moments où l’on entend Jean et Carine, ils évoquent de manière poétique l’environnement qu’ils ont devant les yeux, tendant à montrer une sensibilité commune à la nature et plus précisément à l’espace de la baie de Somme. L’intervieweuse les questionne plusieurs fois l’un et l’autre sur leur rapport au couple et aux enfants (ils sont tous les deux célibataires sans enfants), le reportage est monté de telle sorte que les propos de Jean raisonnent ou répondent immédiatement avec ceux de Carine et inversement. Enfin le reportage se clôt sur la marginalité de l’ornithologue solitaire, et sur Jean qui énonce : « jpense qu’on peut s’entendre qu’entre différents ».

IV – L’espace de l’analogie

L’on a donc un reportage où la thématique du « couple » va être abordée deux fois : au niveau des protagonistes, dans le montage du reportage et sa conception ; dans les propos de Jean et Carine qui vont évoquer tous les deux les pratiques d’appariement des oiseaux. Plus précisément, les relations amoureuses humaines vont être mises en relation avec les appariements des oiseaux, à la fois dans la structure du reportage, dans la manière dont l’intervieweuse guide les entretiens et dans les propos des protagonistes eux-mêmes. Ce sont ces derniers qui m’intéressent tout particulièrement, et notamment le discours de Jean, qu’on entend le plus souvent dans l’épisode. Ces rapprochements entre comportements humains et comportements animaux sont effectués dans le reportage de manière analogique — ce qui implique de définir ce qu’est une analogie.

Il existe de très nombreuses conceptions différentes de l’analogie (Koren 2016 ; Monneret 2018 ; Mortureux 1974 ; Plantin 2011) que je ne discuterai pas ici. J’adopterai ici une conception souple de l’analogie, qui peut à l’occasion englober les métaphores et les comparaisons : il s’agit d’un transfert de propriétés ou de relations. L’idée importante pour moi à retenir est qu’une analogie est une mise en correspondance :

On affirme que a est à b comme c est à d. […] Entre le couple a-b (le thème de l’analogie) et le couple c-d (le phore de l’analogie), on n’affirme pas une égalité symétrique par définition, mais une assimilation, ayant pour but d’éclairer, de structurer et d’évaluer le thème grâce à ce qu’on sait du phore, ce qui implique que le phore relève d’un domaine hétérogène, car mieux connu que celui du thème. (Perelman 2002 : 146)

Considérer les rapprochements entre humains et animaux dans ce reportage comme des analogies au sens de Perelman repose sur deux fondements qu’il me faut justifier. Tout d’abord, cela place ces rapprochements dans l’espace rhétorique ou argumentatif, où Perelman situe le recours à l’analogie telle que définie ci-dessus par rapport à l’espace de la démonstration : « le but de l’argumentation n’est pas, comme celui de la démonstration, de prouver la vérité de la conclusion à partir de celle des prémisses, mais de transférer sur les conclusions l’adhésion accordée aux prémisses » (2002 : 41). Je considère, en suivant Perelman, que les rapprochements effectués par les protagonistes ne visent pas à démontrer que les sexualités humaines et animales sont analogues ou homologues : il s’agit d’arguments qui servent à illustrer des propos sur les comportements sexuels. Et, en effet, « Parmi les oiseaux » n’a pas vocation à être un reportage de vulgarisation scientifique qui viendrait nous renseigner sur les comportements animaux du point de vue de la biologie : elle a plutôt pour ambition de documenter les pratiques d’ornithologie amateur des protagonistes plutôt que les mœurs des oiseaux. En ce sens, les protagonistes ne sont pas censés dire le vrai de la sexualité humaine et animale.

Ensuite, et ce point découle du précédent, adopter la définition de Perelman implique de considérer que les rapprochements effectués le sont entre des domaines hétérogènes, c’est-à-dire qu’il faut considérer que les comportements sexuels humains et animaux sont hétérogènes. Pour le dire dans les termes de Douay-Soublin, on est face à des « domaines nettement distincts » (1987). Il s’agit ici d’un parti-pris de mon analyse : les appariements des oiseaux sont un domaine distinct des relations conjugales et sexuelles des humains. Si l’on peut bien sûr établir des similitudes, voir une homologie entre certains aspects de la reproduction des oiseaux et des humains (matériel sexuel, etc.), je considère que les comportements sexuels humains et animaux ne sont pas homologues — ou pour le dire autrement, que les canards n’épousent pas (littéralement) les canes ! Et, en effet, si certaines recherches en éthologie ou en sociobiologie cherchent précisément à montrer une origine commune (notamment évolutive) entre comportements humains et animaux, elles sont à ce titre fortement critiquées (Hoquet 2009, Weeks 1986) ; par ailleurs, ce n’est pas dans cet espace-là que se situe ce reportage, qui ne se veut pas un discours de vulgarisation biologique, comme indiqué plus haut.

Pour autant, j’adopte une approche très englobante de la sexualité dans les analyses qui vont suivre : j’y inclus les rapports de séduction, les parades, le choix de partenaire, la mise en couple, la vie conjugale, les rapports sexuels et la procréation, que ces pratiques concernent plutôt les animaux ou plutôt les humains. Cela se justifie par le fait que dans les extraits analysés, ces dimensions sont constamment entrecroisées et traitées ensemble, ce qui est précisément l’objet de cet article.

V – Éclairer l’oiseau par l’humain et réciproquement

Il s’agit donc d’analyser tout type de marqueur qui vise à expliquer le thème par le phore, ce qui s’effectue souvent dans le discours des protagonistes dans des métaphores (où s’opère alors « la fusion d’un élément du phore avec un élément du thème » Monneret 2018). C’est-à-dire qu’on ne retrouve pas forcément les éléments b (du thème) ou d (du phore) dans le discours effectivement prononcé[6].

Dans les extraits analysés, le thème et le phore sont constamment l’objet d’une permutation, c’est-à-dire que la sexualité humaine explique la sexualité animale et réciproquement. D’une part, en effet, Jean éclaire les appariements des oiseaux par le recours à l’analogie avec les relations amoureuses humaines. Dans les extraits suivants, cela est particulièrement visible dans la manière dont il évoque les canards, puis les accenteurs mouchets par le biais du lexique des relations amoureuses : les canards sont considérés comme « amoureux » et « galants », ils éprouvent de « l’amour » ; quant aux accenteurs, ils peuvent être « cocus » :

– c’est les canards sont très amoureux et très galants la femelle est toujours devant

– c’est pas de l’amour le mâle qui attend que la femelle s’en aille si la femelle va à droite il va droite si la femelle va à gauche il va à gauche (.)

– mais alors le mâle est purement cocu donc le mâle fait le fait le nid et elle va se: se faire féconder par un autre mâle qui est sur le côté euh donc le: c’est assez rigolo en fait son but à elle c’est d’éviter (.) que: elle perde du temps et que si jamais son mâle est stérile au moins elle assure avec l’autre mâle (.)

Mais d’autre part le mouvement inverse est également présent dans le discours de Jean, où c’est alors l’humain qui est éclairé par l’oiseau :

– bah pas les humains les couples c’est toujours en train: la femelle travaille à droite le mari qui est parti à gauche (.)

– faut nan mais c’est vrai faut faire un nid douillet voilà faut parader donc faut parader/ faut: préparer le nid faut: faut faire un beau jardin faut voilà faut trouver un beau territoire mais ya plein de choses à faire hein (..)

Évoquant les relations amoureuses humaines, il a recours à un lexique qu’il faut relier à la description des appariements animaux. Cela passe par la désignation des femmes en tant que femelles[7] ; et par l’utilisation du lexique dévolu à la description des activités des oiseaux dans le choix de partenaire : faire un nid ; parader ; trouver un territoire, qui servent ici de métaphores pour évoquer l’obligation de séduire et de trouver un lieu de vie commune dans la mise en couple des humains.

L’on voit donc des analogies s’effectuer entre la mise en couple humaine et la mise en couple des oiseaux, l’une servant à expliquer l’autre et réciproquement. Cette mise en relation sert également à l’évaluation de certaines pratiques : le fait d’être tout le temps ensemble est valorisé ; à l’inverse la difficulté de la séduction (ou de la parade) est soulignée. Mais il faut s’intéresser de plus près au fonctionnement de ces rapprochements. En effet, une fois établi cet espace analogique entre les mœurs des oiseaux et les mœurs des humains, si l’on regarde de près, celles-ci se déploient dans des rapports de contradictions problématiques.

VI – Des discours contradictoires

Il me faut dire un mot sur l’emploi effectué du terme de contradiction dans cet article : en effet, on le sait, le mot est très chargé et revêt des acceptions différentes. C’est précisément parce que l’espace de la contradiction est multiforme dans le corpus étudié que je me permets d’avoir recours à différentes manières de modéliser la contradiction, et d’y intégrer des concepts proches comme ceux d’incompatibilité ou encore de m’intéresser aux paradoxes, incohérences, etc. qui structurent ces discours. C’est cette manière diversifiée avec laquelle se déploie en discours la contradiction qui va précisément mettre en place le régime de crise.

VI. 1. Exemples et règles incompatibles

Tout d’abord, une première manière dont se déploient les contradictions dans le discours de Jean s’effectue lorsque celui-ci se base sur des exemples pour énoncer des règles qui sont incompatibles entre elles. Cela se produit lorsque Jean évoque l’amour entre canards, dans le passage déjà cité plus haut :

– c’est pas de l’amour le mâle qui attend que la femelle s’en aille si la femelle va à droite il va droite si la femelle va à gauche il va à gauche (.) c’est c’est trop beau c’est: mieux que chez les humains c’est rare c’est tellement rare ça

Dans un premier temps, l’amour des canards est vu comme supérieur à l’amour humain. Jean poursuit tout de suite après avec une montée en généralité à travers la comparaison entre couple humain et couple oiseau :

– bah pas les humains les couples c’est toujours en train: la femelle travaille à droite le mari qui est parti à gauche (.) l’oiseau est tout le temps en couple (..)

L’exemple du canard sert à établir la règle selon laquelle l’amour aviaire est plus beau (voire « épatant » un peu après) que l’amour humain, que les oiseaux vivent en couple de manière plus stable que les humains.

Mais dans un autre passage du reportage, Jean développe longuement les mœurs de l’accenteur mouchet pour établir une règle fort différente :

– alors ça se trouve chez l’accenteur mouchet (.) des mâles qui ont pas de: qui s’o- qui s’occupent pas qui font pas de nid (.) mais qui vont juste euh: s’accoupler avec la femelle qui a également son mâle mais alors le mâle est purement cocu donc le mâle fait le fait le nid et elle va se: se faire féconder par un autre mâle qui est sur le côté euh donc le: c’est assez rigolo en fait son but à elle c’est d’éviter (.) que: elle perde du temps et que si jamais son mâle est stérile au moins elle assure avec l’autre mâle (.) ouais c’est purement dégueulasse mais de toute façon la stratégie de l’oiseau c’est de se multiplier donc ya pas de: techniques il lui faut un mâle qui surveille le nid qui défende mais la petite femelle elle a bien compris que: elle est sûre d’avoir des œufs fécondés si elle a le plus de mâles possibles (.) et c’est vraiment en fait euh je m’en rends compte que la vie c’est que ça (.) se perpétuer

Là aussi, l’exemple d’un oiseau en particulier (l’accenteur) sert ensuite à énoncer une règle : celle selon laquelle « la stratégie de l’oiseau c’est de se multiplier »[8]. Jean a donc pourtant expliqué quelques secondes avant que l’oiseau était « tout le temps en couple ». Ici, il explique à l’inverse que la femelle accenteur a deux mâles, et que l’un des deux est « purement cocu » : il y a ici incompatibilité avec ce qui a été préalablement énoncé — ce deuxième exemple montre que l’oiseau n’est pas tout le temps en couple. La règle tirée de l’exemple des accenteurs, qui vise à expliquer leur comportement par une stratégie de reproduction opportuniste, rentre en conflit avec la règle précédemment énoncée des mœurs des oiseaux comme plus stables et pérennes au niveau du couple.

Jean ne cesse dans tout le reportage d’effectuer ce type de production de règles contradictoires par l’exemple et l’illustration (Perelman 2002) : un peu plus loin, Jean illustre l’idée que les oiseaux ont des sentiments très forts par la tristesse de l’oie qui perd son petit, ce qui lui sert finalement à établir la règle selon laquelle « la vie c’est en fait uniquement ça c’est se multiplier c’est survivre ». On peut dans ce cas s’étonner que l’attribution d’un sentiment humain désintéressé (la tristesse) à un cas particulier puisse être le socle pour l’établissement d’une règle selon laquelle les individus luttent pour la survie — ce qui semble plutôt convoquer l’idée d’une téléologie évolutive égoïste[9].

La production de généralités sur les comportements des oiseaux est extrêmement instable, et soumise à des exemples qui précisément montrent la variabilité des mœurs. Dans tous les cas, ces discours se servent de l’humain comme curseur, soit pour s’en distancier, soit au contraire pour s’en rapprocher.

VI. 2. Diversité des genres de discours

L’exemple de l’accenteur est lui-même traversé de contradictions de nature différente, au niveau discursif. Jean produit un discours qui se veut objectivant et adopte certaines marques du discours biologique. Cela se voit dans certains choix lexicaux : s’accoupler avec la femelle, féconder, etc., mais également dans l’usage de déterminants définis : chez l’accenteur, le mâle/ la femelle où l’emploi générique (Michel 2016 : 140) vise à désigner l’espèce, ou une partie de l’espèce (et pas l’individu) et son comportement. Mais dans ce passage sur l’accenteur, on trouve également des marques beaucoup plus subjectives à travers des subjectivèmes[10] affectifs et axiologiques, c’est-à-dire relevant des valeurs morales (Kerbrat-Orecchioni 1980) : le comportement de l’accenteur est considéré comme assez rigolo, mais aussi purement dégueulasse ; on trouve également la désignation petite femelle, petite ayant ici une valeur affective voire hypocoristique, sans parler de cocu déjà évoqué plus haut.

Se mêlent donc deux genres de discours dans cet extrait qui sont a priori peu compatibles : celui du discours scientifique et celui du discours évaluatif sur la sexualité, voire du discours grivois. Si bien sûr le discours scientifique est marqué par la subjectivité — et qu’il n’existe pas de discours purement objectif (Ouellet 1984), si la frontière entre les genres de discours est souvent difficile à établir, ici les marques de deux manières très différentes voire opposées de parler de sexualité ou de mœurs sont particulièrement visibles et s’entrelacent. Il y a donc coexistence d’un discours qui se veut objectif et proche des réalités naturelles et d’un discours qui au contraire s’appuie largement et explicitement sur des réalités culturelles propres aux sociétés humaines en ce qui concerne les comportements amoureux et sexuels.

VI. 3. Raisonnements a pari et a contrario

Un autre exemple de ces contradictions est purement rhétorique et concerne la nature des conclusions tirées du recours à l’analogie. Comme on l’a vu, l’analogie entre amour humain et amour entre oiseaux sert précisément à discréditer le premier, au motif que « les humains les couples c’est toujours en train: la femelle travaille à droite le mari qui est parti à gauche ». On est ici face à un raisonnement a contrario, c’est-à-dire que l’analogie est refusée et retournée en opposition (Douay-Soublin 1987). La proximité de domaines établie entre les appariements humains et animaux, telle que vue dans la section 5, est précisément rejetée ici dans la mesure où Jean déconsidère le couple humain puisqu’il n’est pas comme le couple aviaire.

Mais un peu plus loin, Jean discrédite le couple humain (pour lui) d’une toute autre manière, suite à une demande de l’intervieweuse sur son désir d’enfants :

– nan j’ai pas j’ai pas: non en fait non c’est pas concevable\en fait ça se fait pas comme ça faut: faut nan mais c’est vrai faut faire un nid douillet voilà faut parader donc faut parader/ faut: préparer le nid faut: faut faire un beau jardin faut voilà faut trouver un beau territoire mais ya plein de choses à faire hein (..) puis faut trouver aussi euh quelque chose qui vaut le coup du combat\

L’argumentation est ici la même : il s’agit de discréditer l’amour humain, en considérant qu’il ne « vaut pas le coup du combat » pour reprendre les termes de Jean. Mais ici, le raisonnement qui sert à attribuer une valeur moindre au couple humain est a pari : c’est parce que l’amour humain est comme l’amour oiseau que ça ne vaut pas la peine de le mener — cela demande trop d’efforts. L’on a donc à deux moments la même analogie (qui rapproche donc les appariements humains et animaux) mais qui est utilisée soit a contrario soit a pari. Ce phénomène de retournement de l’analogie est expliqué ainsi par Douay-Soublin :

la règle d’accord entre couples de termes et types de transfert qui ressort des traités de logique et de rhétorique les plus classiques suppose un univers régulier, où le transfert analogique, directement ou inversement proportionnel (a pari ou a contrario), s’applique, certaines conditions initiales étant fixées, de façon monotone. Ces clauses de régularité et de monotonie instaurent un ordre rationnel qui oublie : très légitimement, le hasard (fonction contre-analogique par excellence) ; légitimement sans doute, la mort (dont il organise la dénégation) ; moins légitimement enfin, s’il prétend s’instaurer ici-bas, la fixation sur une valeur fétichisée qui caractérise les divers micro-systèmes symboliques que se donnent les humains, et qui s’accompagne de retournements en certains seuils qui ne sont pas universellement partagés ; c’est l’ensemble — encore à décrire — de ces fonctions symboliques non-monotones que j’appelle contre-analogie. (Douay-Soublin 1987)

Dans les propos de Jean, l’analogie est donc utilisée soit a pari soit a contrario c’est-à-dire de manière non monotone. Comme l’explique Douay-Soublin, ces retournements sont le lieu de fonctions symboliques dans des domaines de sens soumis à l’instabilité, comme le sont les représentations de la sexualité. Il me semble alors que la fonction symbolique assurée par ces analogies utilisées à la fois a pari et a contrario est d’inscrire un principe de contradiction dans la manière dont les sexualités humaine et animale sont corrélées.

Conclusion

Cette liste de contradictions que j’ai exhibée est non exhaustive, mais le.a lecteur.e aura compris le principe. Les propos tenus dans le reportage sont apparemment simples : ils semblent à première vue rapprocher les mœurs des oiseaux et celles des humains, dans un processus de naturalisation bien connu. Pourtant, quand on s’intéresse de près à ces discours et à leur fonctionnement argumentatif et rhétorique, on observe qu’ils sont traversés d’incohérences et de paradoxes. Notamment, la proximité établie entre sexualité humaine et animale est toujours en tension : elle est parfois rejetée en même temps qu’elle est établie (VI.1 et VI.3), elle est donnée sur le mode de l’objectivité en même temps qu’elle est prise dans un genre discursif de la plaisanterie grivoise (VI.2), etc.. Il me semble donc que tout ceci fait partie d’un dispositif de crise du genre : les propos tenus ici ne sont pas exclusivement naturalisants, ou, en tout cas ils mélangent perpétuellement critères sociaux et critères naturels dans des rapports de contradiction. On peut considérer, en suivant Dorlin (2005) que ces incohérences donnent des prises pour une déstabilisation du système de genre (c’est ce que tente modestement de faire cet article). Mais il me semble plutôt que cette crise assure habituellement un maintien de l’ordre établi, dans la mesure où cette mutation perpétuelle des discours permet précisément au système de genre de faire feu de tout bois argumentatif et de se retourner sur lui-même pour maintenir l’idée de la bicatégorisation du sexe et d’une hétérosexualité naturelle, et plus généralement les injonctions normatives en ce qui concerne la sexualité.

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[1]             C’est-à-dire les idéologies qui produisent et maintiennent la binarité et la hiérarchie entre les sexes.

[2]             Il s’agit ici de faire écho à la définition de Bereni et al. (2012 : 10) selon laquelle « le genre désigne le système qui produit une bipartition hiérarchisée entre hommes et femmes, et les sexes renvoient aux groupes et catégories produites par ce système. » C’est-à-dire que le genre n’est pas entendu ici comme désignant les identités de genre (ou les sexes).

[3]             Ouellet donne l’exemple de la désénonciation dans le discours scientifique, « qui consiste à substituer, dans l’énoncé, l’objet dont on parle au sujet qui en parle » (1984 : 50), et qui se manifeste par des effacements de l’agent dans les tournures passives, des nominalisations, des adjectifs véridicteurs, entre autres.

[4]             On peut évoquer la Manif pour tous qui explique que « L’État a institué le mariage parce que, comme cadre le plus protecteur et le plus stable, il favorise le renouvellement des générations. […] Le mariage c’est le couple, les enfants et la société : il la stabilise et assure son avenir », argumentant donc par le social le maintien de l’ordre du genre établi. https://www.lamanifpourtous.fr/nos-combats/mariage [consulté le 6 juillet 2020]

[5]             Je choisis d’utiliser les conventions de transcription ICOR extrêmement simplifiées. Les : correspondent à des allongements de syllabes, les (.) aux pauses, les / et \ aux intonations montantes et descendantes, respectivement.

[6]             Ce que l’on peut expliquer en suivant Douay-Soublin 1987 : « Dans la forme et l’efficacité d’une abfc [analogie bien formée cognitivement], l’importance de la catégorisation et celle de la relation prédicative sont en quelque sorte inversement proportionnelles : si les séries et leurs hiérarchies sont bien en place, le prédicat peut être élidé. » L’analogie entre humains et animaux semble particulièrement bien en place, et ce depuis Aristote comme le note l’auteure.

[7]             On note au passage non sans ironie l’exemplification des thèses de Michard (1999): les femmes sont bien des femelles (même si les hommes sont ici désignés par un terme relationnel).

[8]             Qui elle-même se retrouve au statut d’exemple servant à fonder une règle de niveau supérieur, le fait que « la vie c’est que ça (.) se perpétuer ».

[9]             La question de l’altruisme n’est pas du tout présente, explicitement ou implicitement, dans le passage.

[10]           Par subjectivème, on désigne les unités linguistiques, quel que soit leur type, qui portent des marques de la subjectivité de l’énonciateur·ice.

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